JOURNAL
D'YPRES ET DE L'ARRONDiSSEMENT
YPRES, Dimanche
üeuxième année. N° 23.
5 Juin 1864.
PARAISSAET LE DIMANCHE DE CHAÜÜE SEMAINE.
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Le programme «Ie SS. Do champs.
Si nous parlions un peu du programme de M. De-
champs?
Un fort beau programme, sur ma foi, et tout farci,
de Ia têtea la queue, des choses les plus appetissantes
du monde.
Père de familie, vous haïssez Ia conscription mili
taire? Réjouissez-vous, père de familie, le fameus
programme vous promet la révision de la loi sur la
milice désormais votre enfant vous apparliendra
tout enlier. M. Coomans vous en doune sa parole
d'honneur.
Mais vous n'avez pas d'enfants. Jeune encore, vous
vous êies épris d'un fol amour pour nos vieilles li
beries communales; vous regrettez le temps oü les
bons bourgeois de la cilé élisaient librement leur
bourgmestre et leurs échevins. M. Dechamps et ses
auiis partagent vos regrets Jeunes gens, soyez heu-
reux on vous rendra du passé beaucoup plus que
vous n'eu désirez vous élirez vos bourgmestres, vos
échevins vous èlirez mêmo vos gardes-champétres,
si cela peut vous êire agréablevous élirez tout ce
qu'il vous plaira, sauf voire cure, bien entendu, qui
ne relève que de Mgr l'évêque de votre diocèse.
Yous voulez plus encore, jeunes gens vous récla-
nioz le suffrage universe!? Très-bien. Vous avez eu
la une excellente idée. II est plus que temps d'enrayer
le gouvernement de l'intelligence, qui n'est, après
lout, qu'une oligarchie. Vive la démocratie 1 Seule-
ment, il y a un obstacle dans la Constitution, qui fait
du paiemenl d'un certain eens la condition de l'élec-
torat. Comment faire? Bah, nous commencerons par
abaisser aulant que possible le eens exigé pour la
commune et la province. L'avenir fera le reste.
Êtes-vous contents, démocrates?
Moi, dit eet autre, je ne suis pas démocrale, je suis
économiste. Que m'importent le clérical et Ie liberal?
Le salut de la sociélé,pour moi, git tout entier dans Ia
liberté commerciale et industrielle je me moque du
reste comme d'une noix sèehe. Bravo, s'écrient en
chceur MM. Dechamps, Royer de Behr et Thonissen
c'est tout-a-fait notre sentimentIisez done notre pro-
gramme, cher économiste nous y proclamons lout
au long le principe de la liberté des échanges.
La liberté des échanges, hurlent les Gantoisl Vous
voulez done nous ruiner? Chut, dit le programme, et
parions bas Je proclame, il est vrai, le principe de
la liberté commerciale, mais j'ai soin de dire tout en
haut que je ne l'appliquerai que dans de cerlaines
limites a délerminer ultérieurementVous voyez
bien, Gantois de mon cceur, qu'il n'y a pas Ia de quoi
vous alarmer.
La liberté des échanges, Ie suffrage universel, la
loi de milice, le libéral, le clérical, le bourgmestre et
le curé, tout cela nous est parfaitement égal, disent
les Anversois. II n'y a qu'une question au monde,
celle de savoir si l'on nous débarrassera de nos cita-
delles, qui nous effraient beaucoup plus qu'elles n'ef-
fraieront l'ennemi. Si je vous débarrasserai de
vos ciladelles, répond le programme, pouvez-vous
en douter, Anversois bien-aimésl oui, certes, que
je vous eu débarrasserai. Lisez-moi done, mes bons
amis, et voyez s'il est possible de donner plus ample
satisfaction a vos griefs legitimes
Vient enfin la foule des coutribuables qui se plaint,
comme loujours, de i'excèsdes impels etdes dépenses
publiques. Tous demandent des chemins de for, des
canaux, des routes, des subsides pour leurs écoles,
pour la reparation des monuments publics, des em-
plois bien rétribués pour leurs enfants, etc., le tout,
bien entendu, combine avec un système d'impóts qui
permelte de satisfaire a leurs exigences sans qu'ils
soient obliges de dégainer un sou. Rien de plus sim
ple, dil le programme. Je suis inventeur d'un pro
cédé qui vous donnera lout ce que vous me deman-
derez, sans qu'il vous en coute un liard de plus que
du temps des libéraux. Non-seulement je n'augmen-
terai pas les impóts, mais je les dégréverai en peu de
temps d'une manière élonnante. J'espère, contri-
buables, que vous voila satisfaits, lout comme les
Anversois, les Gantois, les économistes, les démo
crates, les chevaliers de la liberté communale et
les ennemis de Ia conscription militaire.
Eh bien, non. II se trouve que ce programme,
rédigé avec un soin minutieux dans le but d'associer
aux efforts du parli clérical les intéréts les plus di
vers, les plus discordants, il se trouve que ce pro-
gramme ne salisfail personne. Pourquoi? Paree qu'il
est l'oeuvre du mensonge et de l'astuce, paree que les
mots de démocratie, de progrès, de liberté, dans la
bouehe des hommes de l'épiscopat, sonnent faux ot
font mal aux oreilles. Us out cru, ces pieux disciples
de Loyola, qu'il leur suflirait de se dcpouiller pour un
instant de leurs vieilles défroques du moyen-age et
de revêtir les idéés et Ie langage du siècle,pour que le
pays, qui les connait depuis trenle ans, fit leur dupe.
lis ont considéré comme une chose possible, de faire
oublier, a force de protestations libérales, leur passé
lout frais encore dans la mémoire de tous et de don
ner le change a ['opinion publique. Lis doivent s'aper-
cevoir aujourd'hui qu'ils se sont cruellemenl trompés.
Le parti clérical n'a qu'une chance de revenir au
pouvoir, c'est de maintenir Ia lutte sur le terrain ex-
clusivement religieux. Aussi longtemps qu'il criera
a la perséculion, il trouvera des imbéciles pour le
croiraet, comme le nombre en est grand, il viendra
peut-être un moment ou ils seront assez forts pour
porter les cléricaux aux affaires mais que MM. de la
sacristie y reviennent jamais, sous les auspices de la
liberté démocratique, c'est un espoir auquel ils feront
bien de renoncer. Sous le bonnet phrygien dont ils
s'affublent aujourd'hui, la démocratie apercoit leur
tonsure et rit a plein gosier de ces bons pelits Pères
déguisés cn soldats de la liberté.
L'Eglise ct la morale.
M. Soenens, Ie député-instrument que feu Mgr Ma-
lou a envoyé a la Chambre remplacer l'honorable
M. Devaux, a fait, dans son discours de débul, un
aveu prècieux dont il importe de prendre acte. Les
interpositions de personnes, a dit le jeune espoir de la
vieille église calholique, sont devenues nécessaires
depuis que la législation a interdit aux corporations
religieuses la faculté de recevoir directement les libé—
ralités dont la piélé des fidèles veut les gratifier.
L'oraleur n'a pas oséajouter, maisceci était évidem-
ment dans sa pensée, que les interpositions de per
sonnes sont on ne pout plus légitimes.
Bien que toute fraude a la loi, quelque but que I'on
poursuive d'ailleurs, nous paraisse inconciliable avec
les devoirs de la probité, fesons a M. Soenens cette
concession que le röle de personne inlerposée peut,
dans certaines circonstaaces, être honorablement ac-
cepté. Mais il arrive fréquemment que ces person
nes interposées sont appelées devant la justice, et que
la, le serment leur est déferó sur la sincérité de la li-
béralité nominalement faite a leur profit. Placées enlre
I'allernative, ou bien de trahir la confiance de l'auteur
de la libéralité ou bien de faire un faux serment, a
quelchoix doivent-elles s'arrêter? Pour nous, la ques
tion n'est pas douteuse rien ne peut les dispenser
de dire la vérité, au risque même de compromettre,
par leur aveu, les intéréts les plus graves, les plus
légitimes.
Nous croyons volontiers que telle est également
I'opinion du jeune instrument, mais il conviendra
sans doute avec nous que, dans la pratique, les choses
se passent tout différemment. Les personnes inter
posées ne se font en général aucun scrupule de prêter
le serment qu'on leur demande et nous ne croyons
même pas qu'il y ait d'exemple d'une conduite diffé
rente.
Si l'on considère cependantque ces libéralités dégui-
sées sont toutes ou presque toutes faites au profit des
congrégations religieuses; si l'on rélléchit que les in-
aividus inveslis de la confiance des donateurs sont
Ie plus souvent des membres du clergé ou lout au
moins des personnes notoirement connues pour leur
piété, on ne peut s'empêcher de faire de trisles réy
flexions sur la singuliere morale qui gouverne la
conscience de nos dévots et l'on se demande sérieuse-
menl si la voix de la conscience n'est pas, en matière
de probité, un guide plus sfir et plus infaillible, que
celle d'un clergé chez qui une avidité proverbiale
semble avoir étouff; toutes les notions du devoir.
Un mot au VOLKXVRIEXD.
Dans le comple-rendu des élections provinciates
publié par le Volksvriend dans son numéro du 29
mai, ce journal déplorc amèrement la chute de
M. Floor. Cela ne nous étonne pas. Chacun connait
les liaisons intimes et I'étroite solidarity qui existent
entre les serviteurs, grands et petits, d'une coterie
ambilieuse et tous les polichinelles politiques de notre
arrondissement.
II appartenait au Volksvriend de dire son mot dans
l'affaire, Toutefois il se garde bien cette fois de nous
vanter le libéralisme de son protégé ou même d'ex-
pliquer le vérilable sens de l'élection d'Haringhe
mais, exploitant sa position et espérant, grêce a son
obscurité, faire passer inapercues les plus grosses
bourdes, il procédé par insinuations. A quoi bon
d'ailleurs raisouner? II est des gens que nous con-
naissous tous el qui ne raisonnent jamais. Lorsqu'on
prend la liberté grande de les eonlredire, ils se fêchent
et vous injurient; s'ils ne réussissent pas a vous faire
peur, ils ont recours a la calomnie. Le Volksvriend
est de cette école. A quoi lui servirait d'ailleurs le