JOURNAL D'YPRES ET ÜE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Dimanche
Deuxième année. J\° 27.
Le tout payable d avance.
PARAISSANT LE DIMANCHE DE CHAQUE SEMAINE.
Eélix Lambin, imp.-lib.,
P1&1X U'A1Ï«XSEME«T
POUR LA BELG1QUE
8 francs par an 4 fr. 50 par semestre.
Pour l'Etranger, le port en sus.
Un Numéro 25 Centimes.
PltlA DES AWKOMCES
ET DES RECLAMES
10 centimes la petite ligne.
Corps du journal, 30 centimes.
Laissez dire, laissez-vous bl&mer, mais publiez voire pensée.
On saboime a Ypresau bureau du journal, che:
rue de Dixmude, 55.
On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres
ou envois d'argent doivent être adressés franco au bureau du journal.
Uésultat de l'élection dm s® Juin.
L'élection s'est accomplie au milieu d'nne grande
indifférence. Sur 1,069 electeurs inscrits, 590 onl pris
part au vote. M. Titeca a obtenu
Dans le bureau, 287 voix.
Ie 2me bureau, 26i
II y avait en outre 31 billets blancs et 8 voix
perdues.
En million pour l'enseignement.
La Chambre des représentants vient de voter un
nouveau crédit d'un million de francs en faveur de
l'enseignement primaire. Tout en applaudissant a
l'initiative prise par le gouvernement en cette cir-
constance et a I'assentiment qu'elle a rencontrée
parmi nos amis de la gauc'ne, nous ne pouvons nous
empêcher de faire remarquer, non sans amertume,
que, dans la discussion a laquelle ce crédit a donné
lieu, pas une parole n'a été prononcée en faveur de la
revision de la loi de 1842. Nous n'ignorons pas les
difficultés sérieuses qui s'opposent a la révision iin-
inèdiate de cette loi. Nous savons lenir compte des
répugnances des uns, de la frayeur des autres mais
s'il est des libéraux qui reculent a l'idée de séculariser
l'enseignement, il en est d'autres el en grand nombre
pour qui cette idéé est la base même sur laquelle Ie
liberalisme doit fonder tous ses projets d'avenir. C'é-
tait le moment, pour eux, quand le gouvernement
venait leur demander de l'argent pour son enseigne-
ment, de faire entendre au moins une protestation
contr'e le regime absurde et rétrograde qui, sous pre-
texte de donner aux écoles une atmosphere religieuse,
livre les inslituteurs de l'Etat au despotisme étroit et
intolérant du prêtre. C'était le moment de moptrer
que tous ces millions que le pays consacre annuelle-
ment a l'enseignement primaire, au lieu d'affranchir
les générations a venir du joug clérical qui pèse si du-
rement sur les générations présentes, ne sont desti-
nées, en réalité, qu'a assurer de plus en plus la dé-
testable domination d'un parti, moins puissant par
lui-même que par les forces que ses adversaires lui
abandonnent sans oser les lui disputer.
Nous l'avons dit souvent, nous le répéterons sou
vent encore Tout ce qui nous arrive, nous le devons
a notre insigne couardise vis-a-vis du clergé. Nous
lui avons livré nos écoles; chose monstrueuse, nous
avons dèoiaré que lui seul aurait le droit d'y ensei-
gner la morale. Devons-nous nous ètonner, après
cela, si tout empire sur les jeunes générations nous
échappe et si nous sommes considérés, par elles,
comme des suppóts de l'enfer? Qu'avons-nous a leur
répondre? Que leurs professeurs de morale en ont
inenti Elles ne nous croiront pas et elles auront rai-
son de ne pas nous croire, car elles ne pourront ja
mais admettre, a moins d'etre complétement crélini-
sées ou de nous prendre pour des imbeciles, que nous
pay ions des professeurs de morale pour leur enseigner
i'imposture el le mensonge. Rien n'est plus vrai pour-
tant.
Aveux et contradictions.
IIest évident pour tout observateur impartial qu'en
prenant la parole dans la dernière rèunion de ['Asso
ciation libérale, M. Carton père n'avait qu'un but
produire contre ses adversaires toutes les accusations,
toutes les calomnies qui avaient trainé parlout, dans
les journaux et ailleurs, en faire un amalgame aussi
complet que ses souvenirs Ie lui permettent et en
accab'er ses contradicteurs. Le calciil ne tnanquait
pas d'adresse, surtout si l'on considère que tant de
gens se laissent volontiers enlrainer par les déclama-
tions de quelques hommes privilégiés, sans se donner
même la peine d'examiner si elles sont étayées de
quelque semblant de preuve.
Malheureusement le mieux est ennemi du bien.
En voulant trop marquer le but, l'orateur l'a dépassé
et, sans s'en douter, au lieu d'accuser nettement ses
adversaires et de les convaincre de machinations cou-
pables, il s'est chargé de les disculper de bien des
calemnies répandues contre eux. Ainsi, combien de
fois n'a-t-on pas dit et écrit que 1'opposition n'avait
d'autre mobile que des rancunes provenant d'une
ambition non satisfaite Que répond M. Carton?
Qu'une candidature a été offerte et qu'elle a été re-
fusée. Mais comment faire accorder ce refus avec cette
prétendue ambition? Ce serait, en effet, une singu-
lière conduite de la part de celui que dévorerait un
impatient désir d'arriver que de commencer par re
fuser les candidatures qu'on lui propose.
Lorsqu'on s'entend si bien pour accuser, on devrait
du moins prendre la precaution de se mettre d'ac-
coi d sur les chefs d'accusation et la déclaration que la
vérilé a arraché, dans cette circonstance, aux lèvres
de M. Carton est, quoiqu'on en dise, un dèsaveu
formel des assertions mensongères si souvent repro
duites et une lecon sanglante infligée a tous ceux qui
s en sont fait les colporteurs complaisants et inté
ressés.
Mais ce n'est pas le seul aveu précieux qui ait été
recueilli dans la séance du 20 juin, car ce jour-la
M. Carton était en veine de franchise.
Rappelant qu'il avait abandonné le fauteuil de la
présidence a ['Association et ailleurs, il a expliqué le
motif de cette délermination par la persuasion ou il
était que 1'opposition était personnellement dirigée
contre lui et il a eté forcé de convenir que, malgré sa
retraite, 1'opposition a continué. Que deviennent alors
les reproches qu'on lui adresse de ne s'appuyer sur
aucun principe, de n'avoir en vue que les individua-
lites et de n'entreprendre que des luttes personneiles?
Encore une accusation qui s'écroule!
Done, d'après les propres déclarations de M. Car
ton, i'opposition n'est pas une opposition de per-
sonnes, elle se maintient après elles; e'est une oppo
sition de principes, ayant pour but la réforme des
abus qui sont un danger sérieux pour le libéralisme
dans notre arrondissement et qui pourraient tót ou
lard être cause de sa chute, poursuivant par-dessus
tout la liberte d'appréciation et I'independance d'ac-
tion de chacun, du petit comme du grand, en dehors
de toute pression ou de toute influence illégitime.
Au surplus y a-t-il un moyen efffcace, et le seul,
pour mettre fin a toute opposition. Ce moyen a été
offert a M. Carton et nous le lui offrons de nouveau,
Que M. Carton se joigne a nous pour faire donner
satisfaction a nos griefs. Pas de doute que sa puissante
influence ne soit pour nous un précieux concours.
Quand les réformes auront été introduites, I'opposi
tion n'ayant plus de raison d'étre tombera d'elle-
même. Nous sommes d'ailleurs fort modestes dans
nos pretentions. Nous ne demandons pas un état de
choses parfait, nous savons que e'est impossible,
mais seuleraent que le parti libéral soit mis ici sur le
même pied que dans la plupart des autres arrondis-
sements du pays.
M. Carton acceptera-t-il nos propositions conci-
liantes? Nous voudrions pouvoir l'espérer. Une pre
mière occasion nous sera prochainement fournie de
nous fixer a eet égard, lorsque nous discuterons la
révision du Règlement de l'Association libérale.
Et puisque nous parlons de ^Association libérale,
disons encore que M. Carton a été amené, dans le
cours de ses reflexions, a nous dire ce que doit être
une Association. Qu'est-ce qu'une Association, s'est-
il demandé. A notre tour nous nous posons la même
question et nous n'hésitons pas a déclarer que, si une
Association doit s'occuper du choix des candidals et
assurer leur triomphe par tous les moyens dont elle
dispose, ce but, quelque important qu'il soit, n'est
que secondaire. Sa première et sa principale mission
est de s'intéresser aux questions a l'ordre dujour, de
les discuter, de les commenter, de les expliquer, soit
dans des brochures simples et élémentaires, en un
mot, de faire par le moyen d'une propagande active,
l'éducation des petits électeurs, de ceux qu'il est si
urgent d'éclairer si l'on veut qu'appréciant ['impor
tance de leurs droits, ils les exercent d'une manière
digne pour eux-mêmes et profitable pour le pays.
Toute Association qui ne sera pas basée sur ces
principes, qui ne se donnera pas cette mission toute
Association qui, ne se rèunissant qu'aux rares inter-
valles des élections, n'aura d'autre souci que le triom
phe de ses candidats, laissera volontairement dans
l'ombre son róle le plus beau et le plus utile. Malgré
elle et par la pente naturelle des choses, elle courra
risque de devenir tót ou tard un instrument dans les
mains de quelques-unset alors nous assisterons peut-
être au triste spectacle d'une coterie se passant le
mot d'ordre dans l'intérêt de son ambition el subju-
guant par tous les moyens, par l'intrigue, par les
menaces, par l'appat des faveurs et la satisfaction des
appétits matériels, l'Association d'abord et, par elle,
le corps électoral.
Nous venons de dire ce que doit être, a notre avis,
une Association libérale véritablement digne de ce
nom. Quoique la definition donnèe par M. Carton père
ait été beaucoup moins explicite que la nótre, nous ne
doutons pas qu'il n'approuve nos idéés sur ce point.
Ne pas le faire serait avouer que l'on a un but caché
et M. Carton ne commet jamais cette maladresse. II
approuvera done, selon toute probabilitè, nos prin
cipes sur la constitution des Associations, sauf, a la
première occasion, a laisser a ses actes le soin de
ne pas confirmer ses paroles.
Après avoir parlé idees et principes, disons en ter-
minaot quelques mots des hommes el de leurs pas
sions qui ont été, sont el seront probablement long-
temps encore les obstacles les plus sérieux a la saine
application de ces principes. Pas n'est besoin de nous
lancer dans de longues considérations philosophiques,