l'age, remplacera un vieillard muet et sans in fluence 1 Electeursnous attendons votre verdict avec confiance Letlrc de frère Ilasile, a frère Iguace a üamnr. Ypres, 30 Juillet. Très-cher frère Ignace, Vous nie demandez ce que je pense de nos elec tions prochaines. Francheraent, je n'en pense rien de bon. 11 y a six mois, vous le savez, tout se présentait le mieux du monde. Le parti liberal affaibli, décou- ragé, en était arrivé a désirer lui-même notre pré- sence aux affaires; d'un bout du pays a l'autre, il n'y avail qu'un cri pour proclatner notre droit d'oc- cuper le pouvoir. Dieu me pardonne, nous étions de- venus presque populaires. Mais, depuis, frère Ignace, les choses ont bien changé de face et, je vous le dis en toute vérilé, a moins d'un revirement dout, pour ma part, je désespère, nous devons nous attendre a une debacle compléte. Soit dit entre nous, frère Ignace, nous méritons d'être battus, car, depuis six mois, nous n'avons fait qu'accumuler anerie sur anerie. Pourquoi, je vous le demande, quand on nous offrait le pouvoir sans con dition, sans restriction aucune, pourquoi l'avons- nous refuse Frère Adolpbe a beau dire aujourd'hui que nous n'aurions pas lenu six moiscela füt-il vrai, je soutiens que six mois sont quelque chose, quand on sait les mettre a profit. Mais non il fallait faire de Vesbrouffe, déployer un grand drapeau, attirer sur nous l'attention du monde entier. G'est ce qui nous a perdus. Dans notre parlie, frère Ignace, il n'est permis de parlerdela libertóque pour la maudire. GrégoireXVI, de regrettable mémoire, le savait bien quand il écrivit sa fameuse Encyclique; il n'eutgarde, le saint homme, d'admettre aucune distinction entre les libertés poli— tiques et les libertés dogmaliques; il les proscrivit toutes indistinctementet lit bi'en. Nous, au contraire, nous nous posons en défenseurs de la liberté. Liberté, liberté, nous n'avons que ce mot funeste a la bouche. Je sais bien, frère Ignace, que ce que nous en fesons n'est que pour dorer la pilule aux niais, mais ceux qui pratiquent ce système ne réfléchissent pas assez que ce mot de liberté, qu'ils prononcent a tout propos, est souverainement dangereux et qu'a force de l'en- lendre résonnera leurs oreilles, les populations fini- ront par l'aimer pour tout de bon. Qu'avions-rious besoin, je vous le demande, d'aller inventer la liberie des fondations? En aurions-nous été moins maltraités si nous avions dit lout simplement que nous voulions rétablir les couvents? Les couvents sont d'excelleutes institutions dont toutes les ómes pieuses doivent dé sirer le développement et la splendeur. Pourquoi les abriier sous la protection de la liberté, d'origine dia- bolique, quand ils en trouvent une, bien autrement puissanle, dans les volontés immuables de l'Eglise, qui représente Dieu sur la terre? Pourquoi, quand nous voulons détruire l'enseignement de I'Etat, dis- simuler cette prétention, si naturelle, derrière la li berté de l'enseignement, que tout bon catholique doit délester? Pourquoi, a propos de la question des eime- tières, invoquer la liberté des cultes, une invention infernale que nous condamnons partout oü nous sommes les maitres? Que doivent penser les bonnes gens, qui nous voient invoquer toutes ces libertés damnables, si ce n'est que le pape Grégoire XVI, qui les»,a coodamnées, n'a pas su ce qu'il fesaitf Voyez, frère Ignace, voyez les premiers fruils de ce déplorable système. Nous avons tarnt pariéde liberté, depuis quelque temps, que Ie peuple y a pris goüt et s'est demandé ce que c'était que cette excellente li berté que lui vantions sur tous les tons. Or, comme il n'a vu dans le programme de frère Adolphe qu'un simulacre de liberté, il s'est mis a chercher la vraie, qu'il n'a pas eu de peine a trouver et qu'arrive-t-il aujourd'hui'? G'est que le peuple nous rit au nez et demande une réforme electorale qui nous apla- tira comme des figues, si, comme tout porte a le croire, elle est votée dans la session prochaine. Avais- je raison de vous dire que nous ne sommes que des maladroits Ce n'est pas lout. Frère Adolphe, qui se donne pour un fin compère, a si bien arrangè les choses que nous ne savons plus quel prétexte prendre pour intervenir dans les èlections. Avant son fameux pro- gramme, que Beizébuth confonde, j'avais cent moyens pour un d'agir sur l'esprit de l'électeur. Je lui inon- irais la religion menacée, les temples déserts, le clergé dépouillé et proscrit, la damnation éternelle, que sais-je encore? Je Ie tenais par sa femme, par ses enfants, par ses croyances et par ses craintes et je vous assure que je le tenais bien. Mais aujourd'hui, frère Ignace, que voulez-vous que je lui dise? Me voyez-vous prêchant en chaire la liberté communale et menacant de l'enfer les électeurs qui ne voteront pas pour l'abaissement du eens électoral? Et cepen- dant, quel autre langage puis-je leur tenir a moins de renier le programme de frère Adolphe et de nous exposer a passer pour de mauvais farceurs? On ne le dit déja que trop. Faudra-t-il que nous en donnions une preuve de plus? Frère Ignace, frère Ignace, nous n'aurons, le onze aoüt prochain, que ce que nous aurons mérité. II faut convenir aussi que nous jouons de malheur. Cette satanée affaire De Buck, nous avait fait déja un tort considérablene voila-t-il pis qu'une autre sur- git, presque a nos portes, et comme il point nommé pour nous donner le coup de gr&ce? G'est une très- mauvaise affaire pour nous, fi'èrè Ignace, que ce pro cés De Ryckere, et je ne sais vraiment que dire pour l'expliquer honnêtement. Mes électeurs sont de singu- lièresgens: ils airaent les couvents, comme tout ce que je leur commande d'aimer, mais les captations les jettent dans une fureur inconcevable. G'est pourtant une chose qui se comprend de soi qu'il n'y a pas de couvents possibles, s'il leur est défendu de mettre la main, de temps a autre, sur l'une ou l'autre bonne succession. Siuon, de quoi veut-on qu'ils vivenl Nous avons actuellement en Belgique quelque chose camtne douze cents couvents, représentant, rien qu'en bètiments, une valeur d'environ cent cinquante mil lions. Est-ce qu'un homme de bon sens peut s'imagi- ner que ce capital assez rondelet est le fruit du tra vail et de ('économie? Nous l'affirmons, nous le jurons, c'est vraiseulement, je me demande qui peut nous croire. lis le croyent, cependant, en temps ordi naire ou plutót, ils ne se donnent pas la peine d'y ré- fléchir. Mais le bruit de l'une ou de l'autre captation arrive-t-il a leurs oreilles lis se fèchent tout rouge et font le diable a quatre. Ah, frère Ignace, combien nous avons raison d'interdire la lecture des mauvais journaux I Si nos électeurs connaissaient les détails de cette malheureuse affaire De Ryckere, tels que les a publiés le Journal de Gand, iils seraient capables de nous chasser dechez eux a coups de pieds, sans res pect pour notre robe. Encore si nous avions a défendre ou proposer des candidats considérables par leurs mérites personnels le désir d'être dignement représentés dans les Cham- bres rendrait peut-être les électeurs indulgents sur le reste. Mais, bone deusqu'est-ce que c'est que des Soenens, des Declercq, des Visart, des Sartel, des du Pare, des Van Renynghe, pour faire oublier nos mé - fails el nos maladresses? Le plus connu des six, Soe nens, a trouvé moven de se rendre si ridicule, pen dant les trois ou quatre mois qu'il a siégé, que son nom seul fait rire mes paysans a gorge déployée, chaque fois que je suis oblige de le prononcer. A Oostcamp, ou j'étais il y a trois jours pour affaires d'élections, j'ai rencontré, dans une ferme, un petit gardeur de vaches qui le contrefesait si habilement que vous auriez juré entendre un perroquet. Et le fermier et Ia fermière de rire comme des crevés. Je vous demande si c'est encourageant. J'en aurais pour longtemps encore, frère Ignace, si je devais vous tracer ici Ie chapilre complet de nos déboires électoraux mais il se fait tard et je ne puis me dispenser de rendre visite, ce soir même, a une bonne vieille devote de mes amies, dont le neveu, un liberal acharné, m'inspire quelques inquiétudes; il y a la une assez bonne petite succession a surveiller et vous êtes trop zèlé serviteur de notre Compagnie pour vous offenser si je vous quitte pour veiller au soin de cette importante affaire. Nous nous reverrons d'ailleurs, bientót, et plaise a Dieu que j'aie alors de ineilleures nouvelles a vous annoncer. Frère Basile. Chronique judiciaire Tribunal courectionnel d'Ypres.Séance du ''1% juillet. Au mois de mai dernier, quelques jours avant les èlections provinciales, un libelle sans nom d'auteur, ni d'imprimeur, avait été distribuó a profusion dans le canton de Passchetjdaele. Ge pamphlet écrit avec une perlidie onctueuse, avait pour but de servir la candidature des deux conseillers provinciaux actuels du caDton et de combattre celles de MM. Verlez et lweins, candidats libéraux. Aux deruières elections legislatives, le parti ca tholique avait abusé de la propagande déloyale d'é- crils clandestins, etc., des factums insensés et in- fames, entre autres le Hoe kult men Frederick dont la paternité est attribuée a un vicaire romuant de ['arrondissement, avaient été distribués nuilam- ment sous les portes des maisons. II fallait arrêter les coupables de ces lachetés qui sèmeni le mensonge et la calomnie et contrevienncnt a Ia loi pour trouver l'impuiiité. Une instruction fut ordonnee sur la distribution de libelles dans le canton de Passchendaele. Commencee au mois de juin, elle fut terminee il y a une dizaine de jours et jeudi dernier neuf prévenus comparais- saient devant le tribunal correctionnel d'Ypres. Ges prévenus étaient .- 1° Joseph Opsomer, suisse de I'église de Moors lede. 2° Bruno Brunier, tisserand a Moorslede. 3° Demeulenaere, Charles, propriétaire a Moors lede. 4° Demeulenaere, Albert, propriétaire, a Mors- lede. (Ges deux derniers frères d'un candidat ca tholique.) o° Vandeputte, Désiré, clerc a Oostnieuwkerke. 6° Basyn, Bruno, meunier a id. 7» Vanderghote, Guillaume, vicaire a Passchen daele. 8° Vameste, Charles, clerc a Westroozebeke. 9° Debeyer,'Louis, cure a Westroozebeke. Comme on le voit, les gens d'église étaient en nombre sur la sellette correctionnelle. Une grande quantité de témoins ont été cités. Ils viennenl tous affirmer les faits a la charge des pré venus. Pendant l'audition des témoins et les debals, la tenue des ecclésiastiques et de MM. Demeulenaere n'a pas été des plus respectueuses. Le rire qu'ils alïi- chaient, chaque fois qu'on parlait de leurs actions, montre leur peu de vénération pour la Justice et tout ce qui est sacré. II faht probablement attribuer cette conduite a l'abaissement du sens moral. A l'interrogatoire des prévenus, tous avouent Ie délit. Cependant M. Albert Demeulenaere qui décla- rait n'avoir remisqu'wn exemplaire du libelle et ce k un nommé Vandeputte, a fini, sur les instances du ministère public, par reconnaitre qu'il en avait dis- tribué un certain nombre. M. le curé de Roozebeke, s'il a donné un libelle, c'est sans le savoir, dit-il, en allant dire la messe. II en a recu teut un paquet; il ne dit pas, pas plus que ses co-prévenus, ce qu'il a fait du restant du paquet. Tous les prévenus ont recu un paquet de pamphlets, mais ils ne connaissent pas l'auteur, ni l'imprimeur, ni ne savent qui le leur a apporté. Seulement ce pa quet contenait un billet non signé demandant la dis tribution au nom et aux frais du Comité catholique. Ge Comité catholique, ils ignorent ce que c'est, comme l'a déclaré M. le vicaire de Roozebeke. M. Tempels, procureur du Roi, soutient l'accusa- tion. Après avoir examiné la question de droit quant a la non-abrogation des art. 283 et 284 du Code pe nal par l'arrêté du 23 septèmbre 1814, l'honorable organe du Ministère public dit qu'il ne peut être question de bonne foi chez les prévenus; ils ont connu le but de la brochure, l'effet qu'on en attendait. Le tribunal devra surtout peser la part de culpabilité chez chacun d'eux; certaines personnes, par leur instruction, leur éducation, la position qu'elles oc- cupent dans la sociétó sont bien moins excusables que d'autres. M. Mempels conclut a l'application de l'art. 283. M" Vanackere, secrétaire de l'Association cléricale, devait nécessairement ètre choisi défenseur de la plu part des prévenus. Après avoir declaré que les per sonnes venus a l'audience pour se repaitre de scan- dales, s'en retourneront desillusionnees, l'honorable ayocat parle de l'affaire Debuck et fait i'eloge des JésuitesLes personnes assises sur ces siégos(pour quoi ne pas dire sellettes), dit-ii devraient ètre ren- voyées des poursuites. II soutient qu'il n'y a pas eu distribution. Un prèoepte remain duo non faciunt collegium, lui serl d'arme pour prouver au tribunal que celui qui n'a pas distribué au moins trois bro chures est innocent. D'ailleurs l'intention fait l'oeu- vre; comment les prévenus auraient-ils eu intention, c'est a peine s'ils savent écrire et ils n'ont jamais su lire. Ainsi le sieur Opsomer ne sail pas lire, (II sait cependaut ecrirel) il n'a pu propager le libelle avec intention de léser, surtout que ce libelle ne contieut

HISTORISCHE KRANTEN

L’Opinion (1863-1873) | 1864 | | pagina 3