JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Dimanche
Deuxième année. N° 39.
25 Septembre 1864.
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C'expédilion mexicaine
el M. le general Chapelié.
La question mexicaine vient de prendre nu nouvel
aspect. Jusqu'a présent cette question n'avait occupé
les esprits qu'au point de vue en quelque sorte inter
national. On n'avait pas eu de peine a établir que
l'intervention du gouvernement dans la formation de
la légion destinée a aller combattre au Mexique con-
stituait une violation flagrante des devoirs de la neu-
tralité el pouvait nous' exposer, dans l'avenir, a de
graves dangers. Mais nul n'avait songé a s'enquérir
de Ia lègalité des enrólements èux-niêmes. Chose cu-
rieuse, a peine croyable et vraie cependant, ia Cham-
bre des Représentants elle-même, quand elle a eu a
s'occuper de la question mexicaine, n'avait émis aucun
doute sur la légalité de ces enrólements; bien plus,
d'honorablesdéputés étaientallés jusqu'a regretter que
lle pays futdésarmé en présence de fails de ce genre,
qn'ils n'hésitaient pas a condamner. Si j'avais trouvé,
disait M. Bara dans la séance du 2 septembre dernier,
une disposition de loi qui me permit d'empêcher ce
recrutement, je serais monté a la tribune etj'aurais
demandé au gouvernement de l'empêcher. Or, voici
qu'un avocat de Bruxelles, M. Vandok'erkhove, écrit
une brochure pour démontrer que la loi pénale punit
l'enröiement militaire et qu'elle le punit DE MORT.
Et qu'on ne se récrie pas la loi est claire, impera
tive. Seront punis de rnorldit Partiele 92 du Code
pénal,fousceux qui aurontlevéou fait lever des trou-
pesarmées,engagé ou enrólé. fait engager ouenróler
des soldats ou leur auront fourni ou procuré des
arnaes ou des munitions sans ordre ou autorisa-
b lion du pouvoir legitime.
M, Chapelié a-t-il, oui ou non, engagé et enrólé des
soldats? M. Chapelié a-t-il enrólé ces soldats avec ou
sans ordre du gouvernement? Sur ces deux ques
tions, la réponse ne peut êlre douteuse le fait de
l'enrólement est patent quant l'autorisation du gou
vernement celui-ci nie, de la manière la plus for-
melle, être intervenu direetement ou indirectement
dans 1'organisntion du corps mexicain. Dès lors, les
deux éléments constitutifs du crime prévu par l'art.
92 du Code penal se rencontrent dans le fait posé par
M. Chapelié et la justice doit suivre son cours.
Car, qu'on le remarque bien, l'art. 92 du Code pé-
nal n'exige pas, pour considérer le fait de l'enrólement
illicite comme punissable, qu'il ait eu pour but de
fomenter la guerre civile et d'armer les citoyens les
uns contre les autres l'enrólement, dans ce dernier
cas, devienl un dèlit particulier, prévu et puni par
d'autres articles du même code. Ce que le législateur
a voulu réprimer dans Partiele 92, c'est un délit spé
cial, le fait d'enróler des soldats, n'importe dans quel
but, sans ordre ou autorisation du gouvernement.
Ainsi que le fait observer avec infiniment de raison
l'auteur de la brochure dont nous venons de parler,
le droit et le fait de lever des troupes armées, d'enró
ler des soldats, de les pourvoir d'armes et de muni
tions, rentrent dans les prérogatives sociales de la
souveraineté. lis ne sont rien moins qu'un droit indi-
viduel, qu'un attribut de la qualité de citoyen. Dans
un pays civilisé, le souverain, le gouvernement, ce
que le Code pénal appelle le pouvoir legitime peut
accidentellement, par exception, courté échéance,
consentir que des particuliers enrólent, inais jamais a
son insu, en dehors de son contróle, abstraction faile
ou au mépris de son droit de commander ou de dé-
fendre. Le droit d'enróler réside éminemment. pour
le plus grand intérêt de la société, dans le chef du
pouvoir. En souffrir Ie partage avec le premier venu,
régnicole ou étranger, c'est abdiquer en frayant les
voies l'anarcliie.
Qu'aujourd'hui, continue M. Vandekerckhove, il
soit'donné aux a^énts du Mexique, M. Chapelié en
tète, d'enróler impunément, de leur autorité privée,
des soldats par toutes les communes du roy'aume et
jusque sous les fanons de nös régiments, a domain,
enhardis par l'heureux exemple, surgiront dé nou-
veaux racoleurs pour d'autres causes, avouéesou te
nues secrêtes, d'une origine moins recorrimandable
encore, pour des causes plus périlleuses peut-être
pour la patrie beige que i'intrusion du regime impé-
ria 1 dans une répnblique americainé 1
Et demain, des banues arhaées, Ia solde de l'étran-
ger commé aux temps néfastes oü nos provinces ne
s'appartenaient pas, inonderont a leur guise les villes
ou les villages de notré libre territoire et, lè, les édi-
fices, publics ou non, qu'il aura plu a leur maitre ou
a ses recruteurs d'envahirEt faudra-t-il s'étónnér
que. quelque beau matin, un mouvement fomenlè
sourdemént, préparé de longue main sous des cou-
leurs inoifensives, mais armé ciel ouvert pour en
mieux garantir le triomphe par l'excès mème de
l'audace, éclate soudain comme une mine dévasta-
trice, d'autant plus formidable que l'ennemi en aura
pu dissimuler plus facilement le travail et les appro-
chesl Et alors, oil iraient, grand Dieu, les destinées
de la Belgique, follement livrées la discrétion de
quelques milliers de ses enfants, transformés en une
soldatesque mercenaire dont le drapeau véritable
n'aurait été déployé qu'a la dernière heure, trop tard
peut-être pour le salut commun I
Ne recutons pas bien loin dans le passé. Rappelons-
nous l'année 1884 a cette époque, la Belgique était
inquiétée par des complots orangistes auxquels l'ima-
gination populaire prêtait une importance considé-
rable. Supposons qu'au plus fort de l'inquiétude
générale, un individu, régnicole ou étranger, mais
appartenant notoirement au parti de la restauration,
se fut mis en devoir de recruter, sur tous les points
du pays, une armée de vingt ou de trente mille
hommes aririés, disciplinés dans un but inconnu a
eux-mêmes et a tous. Quelqu'un osera-t-il prétendre
que la justice eut dü laisser faire et attendre, pour
sévir, que le drapeau orangiste füt déployé en tête des
troupes ainsi recrutées et prêtes agir? Eh bien,
c'est précisément aussi ce que la loi pénale a voulu
prévenir en prohibant les enrólements d'une manière
absolue, et sans rechercher quel pouvait en être le
bat. Elle soumet l'individa qui veut enröler a la uó-
cessité préalable de l'autorisation du gouvernement
et considère comme une usurpation de la puissance
publique, comme un peril pour le pays, tout enróle-
ment tenté ou accompli en dehors des conditions de
garantie qu'elle stipule.
De quelle si pressante urgence était d'ailleurs, se
demande-t-on, l'enrólement de la légion mexicaine
pour qu'on l'entreprit sans permission préalable? Et
parmi ses fauteurs, ses próneurs, ses avocats ofïiciels
ou officieux, en est-il qui sérieusement proclameront
que nos mercenaires impériaux ont bien mérité de la
patrie beige? II faut done admettre, avec M. Van-
denkerekhove, non pas que M. Chapelié n'a rien fait
qui ne füt permis, mais que les enrólements auxquels
il a présidé depuis sept mois et qui se poursuivent
en ce moment encore sous son impulsion réfractaire,
sont contraires au voeu de la loi.
Nous avons peine besoin de dire qu'en nous asso-
ciant aux conclusions du remarquable travail de
M. Vandekercxhove, pas plus que lui nous ne deman-
dons que la justice s'arme de toute sa rigueur et dé-
ploie toutes ses sévérités contre M. Chapelié; les lois
nouvelles permettent de correctionnaliser le crime
prévu par l'art. 92 du Code pénal. Nous ne souhai-
tons rien tant que de voir les tribuuaux faire, en cette
circonstance, une large application de leur droit de
mitiger les peines. Mais il n'en est pas moins établi
que la loi a été audacieusement violée et qu'aucune
considération au monde ne peut et ne doit arrêter la
justice dans l'accomplissement de son devoir.
Le clergé catholique aime a poser en victime et en
persécuté. C'est son incurable manie. Mais hêtons-
nous de le dire, il ne se croit si malheureux que
lorsqu'il est grisé par les vapeurs de la lutte électö-
rale. Rendu lui-même, il ne tarde pas reconnaitre
les bienfaits dont il est accablé.
De quoi vous plaignez-vous? lui disait le cardinal
Wiseman au Congrès de Malines. Vous avez tout ce
qu'il est possible de désirer. Restez tranquille. Cou-
seil d'amitié que Ie clergé beige ferait bien de suivre
et qui venge le gouvernement libéral de toutes les
calomnies dont ou l'a abreuvé.
Un nouvel et éclatant hommage vient d'ètre rendu
a la politique bien veillante et impartiale du ministère,
par la bouche d'un dignitaire de l'Église.
C'était lors de l'inauguration du monument, érigé
a Maesyck, a Ia mémoire des frères Van Eyck, les
inventeurs de la peinture l'huile. a
Le Roi s'adressant au curé-doyen de la ville, sut,
avec une rare délicatesse, lui rappeler le bien que le
ministère libéral, si attaqué, avail rendu a la religion
catholique
J'ai été heureux de voir, dit-il, sur la longue
route que je viens de parcouNr, qu'il y a beaucoup
d'égüses en ce pays, et surtout beaucoup d'églises
neuves parmi lesquelles de trés-belles. Cela m'ëtonne,
car ce pays est très-ancien.
N'est-ce pas charmant? Peut-on refuter, avec plus
de finesse et plus de piquant, les tirades enüammées
que le clergé et la presse qu'il soudoie, ont l'habitude
de servir au public, en temps électoral II y a beau
coup d'églises, et parliculièrement d'églises neuves.
Cela m'étonne. Sans doute. Quoi de plus étonnant
que ces preuves de la munificence gouvernementale
envers le culte catholique, rapprochèes des doléances
sans fin de la presse ciéricalel
Quoi 1 des églises neuves partout et le clergé pré-
tend que Ie culte est persécuté I Quoi 1 il regretle le