bourgeois, qui, détournés par les études latines de
l'avenir qui les attendait, se sentent cloués sans force
au seuil d'une brillante carrière commerciale, dont
les études professionnelles leur eussent préparé la
voie.
Dans l'arrondissement d'Ypres, oü il est tanl be-
soin, pour conjurer l'état d'infériorité ou de ruine
qui nous menace, de pousser la jeunesse dans le
mouvement immense qui dévore Ie monde, qu'a-t-on
fait pour l'enseignement professionnel dans le sens
large du mot?
Nous possédons deux colléges latins dirigès par des
prêtres, qui, par leurs études littéraires et théolo-
giques, par leur caractère, leur état, toute leur vie
en un mot, restent parfaitement étrangers aux con-
naissances spéciales qui forment les négociants et les
industriels. lis ont pour mission comme pour but
suprème de faconner les enfants pour le séminaire ou
le cloitre, en leur donnant une éducation basée sur Ie
mysticisme religieux. N'est-il pas a la connaissance
de tout le monde que les élèves, après avoir fréquente
ces colléges pendant 5 ou 6 ans, c'est-a-dire pendant
le temps nécessaire pour parcourir toute l'écbelle des
études professionnelles, en sortenl connaissant du
latin assez pour l'oublier au bout de deux ans, du grec
un peu plus que l'alphabet, des langues étrangères
rien, des mathématiques peu de chose, de l'histoire
moderne, de la géographie et de toutes les connais-
sances indispensables au commerce autant qu'un
clerc d'église. Et ne leur parlez pas de littéralure. Ils
ontentendu prononcer parfois, mais avec une sainte
horreur ou avec un profond mépris, le nom des plus
grands esprits des temps modernes. Ils parient et ils
écrivent cette langue sul generis, qui n'est d'aucun
pays, qui échappe a toute analyse exacte, et qu'on
peut appeler le frangais de collëgien.
Que ne faudra-t-il pas d'efforts a ces jeunes gens,
rendus a leurs parents désolés, non pas pour se
mettre a la hauteur des grandes opérations commer-
ciales, financières ou industrielies qui ébranlent le
monde, mais pour s'élever seulement au-dessus de
cette innombrablé classe d'hommes, sans idéés, sans
gout, sans ame, sans ressources, et qu'on qualifie du
nom d'épiciers ou de crétins?
Dépourvus de tout amour pour les beaux-arts et
pour les belles-lettres, indifférents aux grandes ques
tions soeiales qui servent de fondement a l'existence
des peuples fibres etqui font l'objet de tant de remar-
quables publications, trop peu initiés rnêtne pour se
livreraux études économiques qui ont tant d'affinitès
avec les affaires commerciales, ces jeunes gens ne
perpétueront-ils pas I'insipide et trop nombreuse
collection de fainéants, qui, s'échappant de la ville
après l'heure du diner, s'en vont peupler les cabarets
de campagne, essayant de tromper jusqu'au soir leur
mortel ennui, par le jeu, les bouffees du tabac et les
vapeurs de la bière
Non, tel n'est pas le (lis rêvé par Ie père de familie,
lorsqu'il le confie aux mains du professeur. Et cepen-
dant lei on Ie voit, trop souvent, hélas, poser ses pre
miers pas dans la société des hommes. II faut bien le
reconnaltre, un collége Iqtin comme celui de Pope-
ringhe, qui dans une période de sept années, produit
23 séminaristes ou religieux sur 33 élèves de rhéto-
rique, et qui d'autre part peuple Ia ville et les envi
rons de jeunes illustrations comme celles dont nous
venons de parler, peul bien satisfaire les voeux de
l'épiscopat, mais il ne répond nullement ni a l'atlente
despères de familie, ni aux besoins de la société.
Aussi verrions-nous avec bonheur étendre le cercle
■des études professionnelles, instituées dans de trop
étroites limites a l'Ecole moyenne communale d'Ypres.
En augmentant le nombre des professeurs, en atlirant
quelques hommes spéciaux, en organisant méme un
établissement exclusivement consacré a l'enseigne
ment professionnel ou moderne, a cóté des colléges
latins institués pour repeupler les séminaires, ne fe-
rait-on pas oeuvre éminemment utile a la grande gé-
néralité des populations?
Cette idéé nous nous bornons a la soumette aujour-
d'hui au sérieux examen des hommes, chargés d'orga-
niser l'enseignement officiel dans notre arrondisse
ment. Elle fera prochainement, de notre part, l'objet
d'une étude spéciale.
En terminant nous engageons tous les amis de la
jeunesse a bien se pénétrer des idéés éaiises par les
auteurs du Projet de reorganisation de la section
professionnelle a l'Athénée royal de Bruxelles.
Chronique judiciaire.
TRIBUNAL CORRECTtONNEL DE GAND.
Audience du 24 Septembre.
PROCÉS KT CONDAMNATION DU FRÈRE BERNARD, POUR COR
RUPTION DE I.A JEUNKSSE.
L'on ne saurait ni garder le silence, ni tout dire sur
le procés quia été jugé par le tribunal correctionnel
de cette ville.
Jamais le danger de confier a des religieux ('in
struction et l'éducation de la jeunesse, sans garanties
de moralité, d'instruction, d'éducation aucune, et par
le seul effet d'une confiance insensée en 1'babit, n'est
apparu d'une manière plus éclatante pour tous. Pour
nierce danger, il faut pousser ou 1'aveuglement ou la
mauvaise foi au-dela de toute limite. Que vaut un
habit religieux Les plus grossiers,les plus corrompus,
les plus méprisables le prennent le plus aisément,
pour se faire dans la paresse et l'oisiveté, une suffi-
sante dosed'hypocrisie aidant, une position qui, dans
'■a vie laique, ne se conquiertet ne se mainlient que
par le travail, l'activité, la moralité. II faut de temps
a autre une procédure bien scandaleuse pour mettre
cette vérité a I'abri de toute contestation. Ces procé
dures ne font, hélas! pas défaut en Belgique depuis
1857. Qui fera encore Ie dénombrement des religieux
poursuivis et punis correctionnellement ou criminel-
lement depuis peu d'années Les congregations reli-
gieuses se sont tant condamnées par leurs propres
turpitudes qu'on dirait, en réalité, que les évêques
ont abandonee leur défense. Plus le moindre men-
dement ne parait pour próner leurs mérites et rabais-
ser les maltres laics. Elies en sont ti peu prés en cette
situatiou du frère Bernard comparaissant en justice
il y a huit jours, sans défenseur et devant piteuse-
ment demander une remise, après s'être inutilement
adressé a M* Van Biervliet, a M* De Paepe.a d'autres,
et n'avoir pas trouvè un avocat pour accepter sa dé
fense. MM. DelebecqueetSterckx font comme MM. Van
Biervliet et De Paepe même silence, même abandon
d'une défense impossible. Mais aussi, comment dé-
fendre les frères entrant dans cette éeole, grace aux
efforts de M. Ie chanoine Triest, leur directeur spiri-
tuel, en même temps membre des hospices. Leur
personnel, ils le recrutent comme bon leur semble
Ie noviciat desfrères, l'autorilé ecclésiastique le règle;
l'acceptalion des membres nouveaux dépend de la
même autoritél'enseignement se donne par les frè
res, la maison s'administre presque sans contróle
autre que des supérieurs de l'ordre et d'un régent ec
clésiastique. Sans doute tous ces fruits tant vantés
de ['instruction donnée par les religieux, cette per
fection a laquelle d'après les mandements jamais mai-
tre laïque ne put alteindre, doit s'admirer dans eet
établissement oü l'élément laïc est nul, l'éléinerit pc-
clesiastique tout. Ce que eet établissement est de-
venu, chactin peut Ie mesurer le premier jour que
l'ceil de la justice y pénètre. Le fruit dü aux efforts de
M. Triest est tombé de l'arbre par sa propre pourri-
ture. La justice entra un jour a l'école des sourds-
muets a Schaerbetk, tenu par les frères de charité,
et en emmena frère Edmond pour lerenvoyer en cour
d'assises du chef d'attentats a la pudeur sur les en
fants qui lui étaient confiés la mort vint le sous-
traire aux débats publics. La justice fit unedescente
l'école des sourds-muets de Gand,et AlphonseStaes,
autre frère de charité, fut condamné d'abord a quel
ques années d'emprisonnement correctionnel pour
abus de confiance; puis aux travaux forces a perpé-
tuité pour attentats a la pudeur commis pendant dix
ans de suite sur un grand nombre d'élèves, vis-a-vis
desquels ils'aidait, pour mieuxcommettre ses crimes,
de son caractère ecclésiastique. La justice, sur de va-
gues rumeurs, fait une descente l'hospice des Kul-
ders, desservi encore par les frères de charité,et qu'y
constate-t-elle? Nous ne dirons rien de l'instruction au
sujet de l'un des frères, Mais les lignes qui suivent
apprendront au lecteur ce que la justice recueillit
de charges contre Ferdinand De Pover, en religion
frère Bernard.
Celui-ci comparaissait en habits laïcs, devant le
tribunal correctionnel de Gand, présidé par M. Joos.
Le prévenu dit avoir 53 ans, être né a Moerkerke,
appartenir a la congregation des frères de charité II
est assisté de M. Gustave Van Hoorebeke, du barreau
de cette ville
Sur leréquisitoire de M. Lefèvre, substitut qui siége
au banc du ministère public, le tribunal dans l'in-
térêt des moeurs, prononce le huis-clos.
Ceci avertit nos lecteurs de l'impossibilité oü nous
allons nous trouver, par Ia nature des faits que les
témoins ont a raconter, de donner un compte-rendu
complet.
On fait I'appel des témoins. Vingt-trois sont cités
a la requête du ministère public; le prévenu en a
cité a peu prés autant pour déposer a sa décharge.
Me Gustave Van Hoorebeke présente la défense du
prévenu. M. Lefèvresoutient la prevention avec force
et requiert le maximum de l'emprisonnement com-
miné par l'art. 330 du Code pénal, contre l'outrage
public a la pudeur, soit un an de prison, tout en ex-
primant le regret que la loi pénale ne rnelte pas a la
disposition du tribunal de peine mienx proportionnée
aux faits ignobles et dégoutants constates a charge du
frère Bernard.
Le tribunal déclare les faits de la prevention établis
a suffisance de droit, condamne en consequence Ie
prévenu a un an de prison, 50 fr. d'amende et aux
frais. Le jugement üétrit les faits autant qu'ils le mé-
ritent et relève a charge du prévenu cette circonstance
qu'il a été pendant des années un agent de corrup
tion sur les enfants raêmes qu'on confiait ii sessoins.
Les gendarmes emmènent le frère Bernard a tra
vers une foule compacte qui se presse aux portes du
Palais de Justice et l'accueille avec des huées et des
sifflets. Journal de Gand.)
ACTES OFFICIELS.
Par arrêté royal du 19 septembre 1864, le médecin
de bataillon de deuxième classe Barella, L., du 3° ré
giment d'artillerie, est nommé médecin de bataillon
de première classe.
Lys. Modification du règlement de police et de
navigation. Les 3 a 10 de l'art. 10 du règlement
de police et de navigation de la Lys porté par arrêté
du 9 octobre 1849, sont rapportés et remplacés par
les dispositions suivantes
En tant que l'abondance des eaux le permettra,
les bateaux seront admis a passer l'écluse a sas de
Vive-Saint-Eloi chaque jour de Ia semaine, au fur et
mesure qu'ils se présenteront, et it sera fait port
chaque jour aux écluses d'Harlebeke, de Menin et de
Comines.
Les manoeuvres a ces trois dernières écluses com-
menceront a huit heures du matin.
FAITS UIVE1IS.
Lundi dernier Ie général-major Berten a passé en
revue l'Ecole de cavalerie de notre ville. Favorisées
par un temps superbe, les manoeuvres avaient attiré
a la Plaine d'Amour une foule considerable. Les esca-
drous ont exécuté leurs différentes evolutions avec
une admirable précision. Le défilé a eu lieu au ga
lop.
L'annexe du n" 268 du Moniteur du 24 septembre
publie la liste des personnes récompensées pour acles
de courage et de dévouement. Sur cette liste figure
Parmentier, Charles, résident a Ypres, qui a obtenu
une médaille en argent pour un acte de dévouement
accompli en cette ville. Voici Ia manière dont se
trouvent libellés dans Ie Moniteur les motifs de cette
distinction Le 26 juillet 1863, il a sauvé au péril
de sa vie, un domestique en état d'ivresse qui dans
un accès d'aliénatiori mentale s'étalt jeté dans \'un
des bassins de Bruges. Voila done un aliéné ivre
qui Bruges se jette dans l'un des bassins et est
sauvé par un Yprois qui se trouvait neuflieues de
la au moment de I'accident.
Cette littéralure ofïicielle donne une assez piètre
idéé desconnaissances de certains scribes du Ministère
de l'Intérieur.
Avez-vous vu Nadar?
Avez-vous vu Lambert?
Mardi dernier, ces deux interrogations avaient la
méme valeur, aux yeux de certains incrédules yprois.
Ces espèces de saints Thomas qui n'ont jamais con
fiance aux dires de leurs semblables, ont dü cepen-
dant convenir que Nadar, le vrai Nadar, Nadar pho-
tographe, aéronaute, etc., était bel et bien visible a
Ypres. Le ciel nous l'atait envoyé avec son ballon le
Géant et par une galanterie, dont M. le vicaire De-
haene doit connattre la valeur, il avait mis pied
terre hors nos murs et respecté nos cheminées.
C'est sur le territoire de la commune deZonnebeke
que Nadar et ses compagnons de voyage ont gagnó
terre, lundi dernier, vers les 10 heures du soir. Le
lendemain matin a 9 heures, le ballon était encore
aux trois quarts gonflé. Grace a l'aide de militaires
envoyés sur les lieux par leurs chefs, le dégonflernent