JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISS YPllESj Bimanche Deuxième année. N° 44. 30 Octobre 1864. Le tout payable d'avance. PARAISSANT LE DIMANCHE DE CHAQUE SEMAINE. PRIX D'ABONNEXIENT POUR LA BELGIQUE 8 francs par an 4 fr. 50 par semestre. Pour l'Elranger, le port en sus. Un Numéro 25 Centimes. PRIX l)ES ANNONCES ET DES RECLAMES 10 centimes la petite ligne. Corps du journal, 30 centimes. Laissez dire, laissez-vous blamer, mais publiez voire pensée. On s'abonne a Ypresau bureau du journalchez Félix Lambin, imp. lib., rue de Dixmude, 55. On traite a, forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres ou envois d'argent doivent ëtre adressés franco au bureau du journal. Eos personnes ilont {'abonnement expire a la iisa fie ce uiois sont prices de le renotiveler sans retard afin d'éviter toute interruption dans I'cnvoi du journal. Itévlsion du iScglemcnt de l'Assoeiation electorale d'X'pres. V. C'est un fait malheureusement trop reel que les campagnes sont complètement dèpourvues d'ensei- gneinent libéral. GrAce ii eet état de choses, M. le curé peut dire de nous ce que bon lui semble et sa parole, souveraine et incontestée, est accueillie comme evan- gile. Etonnons-nous, après cola, si none passons, aux yeux d'une foule de braves campagnards, pour des irnpies et des athées. A la veille des elections, nous inondons les campa gnes de nos journaux. Peine inutile, sterile depense, nosjournaux sont condamnés d'avance el si quelque campagnard, plus audacieux que lesaulres, se hasarde a les lire, il court s'en confesser le lendemain. Lasim- plic'té de cet homrne vous fail sourire? .Mais, vous qui souriez, qu'avez-vous fait pour éclairer cette in telligence, pour l'arracher aux prejugés séculaires dontelleest infectée? Voila un bomrne que vous avez laissé grandir dans le mépris de Ia liberté et de sa propre raison, un homme que vous avez abandonné, lui, son coeur et son esprit, au laconnement de son curé qui est votre ennemi, et quand ce malhoureux aveugle court se jeter aux genonx du prêtre et lui demande pardon, comme d'un péché mortel, d'avoir cédé un instant a la tentaiion de votre enseignement, vous souriez et vous le trouvez souverainement ridi cule? Riez tant qu'il vous plaira, mais vous êtes mille fois plus ridicule que lui. Nos journaux élecloraux sont done parfaitement inutiles. Ecrits dans la fièvre du combat, sous l'em- pire de passions fortement surexcitées, dépassant, le plus souvent, la mesure du langage qu'il convient de faire entendre a des consciences facilement alarmées, peut-êlre serait-il plus vrai de dire qu'ils nuisent a la cause libérale beaucoup plus qu'ils ne Ia servent. Supposons, au contraire, un journal libéral, écril avec beaucoup de modération et de prudence, s'atla- chant a restiluer a nos luttes politiques leur veritable caractèreeta justiüer l'opinion libéraledesaccusalions qui pesent sur elle, signalant les tendances de l'opi nion contraire, montrant aux campagnards le libéra- 1 sme tel qu'il est, étranger a toute religion positive, dófenseur de la liberté religieuse, mais aussi adver- saire déclaré des prétenlions ultramontaines et résolu a maintenir contre ces prétentions les droits de ia société civile évitant avec soin les discussions irri- tantes qui pourraient alarmer les esprits trop timo- rés, sachant même faire au besoin quelques conces sions a des prejugés trop enracinés pour être facile ment anéantissupposons un semblable journal distribué gratuitement aux électeurs des campagnes, non pas depuis un an, mais depuis trois, quatre ans, ayant eu, par conséquent, tout le temps nécessaire pour faire son chemin dans les esprits. N'esl-il pas certain que ce journal, en peu de teraps, aurait ra- mené a nous la plupart de ses lecteurs et que uous n'aurions plus a souffrir des calomnies dont l'opinion libérale est accablée aujourd'hui dans les campagnes Votre journal, nous dira-t-on, sera mis a Vindex par le curé, personne ne le lira. Que le curé le voie d'un bon ceil, nous n'avons garde de le croirenous admettrons même sans trop de peine qu'il lui fera Ia guerre, si anodin, si pacifique que notre journal se montre a son début. II n'en fera pas moins son chemin si nons avons le courage de persé- vérer dans la voie de la modération et de la prudence, si nous ne nous laissons pas emporter par un désir irrólléchi d'user de représailles. Le paysan commen- cera peut-être par repousser notre journalmais, au bout d'un mois ou deux, l'envie lui prendra bieu certainement un jour d'en lire quelques lignes et s'il n'y apercoit rien de contraire a la religion, nous aurons fait un grand pas dans son esprit, cardece jour, il aura appris a douter de la parole de M. le curé et il commencera a se tenir en défiance de lui. Ne nous effi'ayons done pas outre mesure, de la cen sure du curé cette censure est redoutable, sans doute, mais la gratuité du journal offrira au paysan un appat auquel il ne résistera pas longtemps, surlout si nous avons le bon esprit de ne pas inquiéter sa conscience par des polémiques irritantes ou trop avancées pour lui. Nous ne demandons pas, d'ailleurs, la créalion d'un journal exclusivement politique le moindre tort d'un pari-il journal serait de n'offrir qu'un intèrêt fort mé diocre aux yeux des habitants des campagnes, peu soucieux, en général, de discussions poliiiques. Ge qu'il nous faut, c'est uu journal attrayant, que les campagnards trouvent du plaisir a lire, qui soil pour eux comme une récréation après le travail de chaque jour; un journal qui, dans la maison, circule de main en main et soit lu par toute la familie, depuis le père jusqu'aux enfants qui vont a l'école. Un journal qui ne traiterait que de politique n'atteindrait évidem- ment pas ce but. Done, aussi peu de politique que possible; mais, en revanche, beaucoup de fails di vers, dont nos paysans sont t'riands par-ci par-ia quelques renseignements intéressant l'agriculture, la cbronique des marchés, le résumé des travaux légis- latifs, un feuilleton bien choisi, des notions élémen- taires de physique, de chimie et des sciences natu relles en général, la relation d'un voyage lointain, des nouvelles de la guerre, etc., etc. Dans cet ordre de matières, on n'a que l'embarras du choixelles se présentent d'elles-mêmes a l'esprit de quicooque veut y réfléchir un instant. Reste la question des frais. Nous avons dit et nous avons a établir qu'ils seraient relativement peu con- sidérables. El d'abord, il est clair que notre journal, n'ayant pas d'aulre but que de populariser dans les campa gnes les doctrines libérales et d'y défendre les inté réts généraux du libéralisme, pourrait el devrait être accepté comme un bienfait, non pas seulement par les libéraux de l'arrondissement d'Ypres, mais par tous nos amis politiques de la Flandre-Occidentale. A supposer que l'association d'Ypres prit l'initiative de notre projet, il ne lui serait pas difficile d'y rallier toutes les autres associations de la province, qui ont a lutter comme nous-mêmes contre ('influence cléri- cale et que l'on trouverait sans doute entièrement disposées a seconder nos efforts. Ges diverses asso ciations ainsi fédérées pour la realisation de l'oeuvre commune, a quel chiffre s'élèverait la dépense? Nous avons demandé ce calcul a un homme parfaitement compétent en pareille matière tout compte fait, le journal, tiré a dix mille exemplaires, ne reviendrait pas a plus de 300 francs par numéro, distribution comprise, e'est-a-dire que, a supposer le journal mensuel, ce qui serait très-suffisant, tous les libéraux de la province auraient a pourvoir ensemble, par voie de souscription, une dépense d'environ trois mille six cents francs par année. On peut diffórer d'opinion avec nous sur l'utilité d'un journal tel que nous l'avons défiuimais si, après en avoir reconnu les avantages, quelques-uns trouvent que 3,600 francs c'est trop d'argent, nous plaignons sincèrement l'opinion libérale de compter dans son sein des hommes si peu dignes du nom qu'ils s'arrogent. Mais la grande difficulté ne sera pas, nous en sommes convaincus d'avance, dans la question d'ar gent; ce qui pourra faire hésiter quelques-uns de nos amis, c'est la crainte que des coteries ne cher- chent a s'emparer du journal pour Ie faire servir au triomphe de leurs pelites ambitions personnelles. Sans nous dissimuler ce danger, nous croyons qu'un système de surveillance bien organisé suffira pour le conjurer. Que l'on n'oublie pas, d'ailleurs, que ce journal serait placé sous la direction de toutes les associations de la province que, devenant en quel que sorte l'organe officiel du libéralisme de notre province, il ne pourrait rien insérer qui n'eht été, au préalable, approuvé par un comité de rédaction choisi parmi les membres de ces diverses associations et soumis a une réélection périodique. Avec des pre cautions de cette nature et d'autres que ia discussion pourrait suggérer, l'ambition des coteries locales se rail peu redoutable et facilement arrètée dans ses projets. Comment le PltOPAGrATECR entend la liberté pour tous. Si nous avions pu caresser un seul instant l'espoir de ramener le Propagaleur a une appreciation plus équitable des doctrines libérales en matière d'ensei- gnement, l'article qu'il nous consacre, dans son nu méro de samedi dernier, nous aurait grandement décus. Mais en provoquant notre contradicleur a la discussion publique des accusations qu'il ne cesse de diriger contre des doctrines qui nous sont chères, c'est a peine si nous avons besoin de dire que nous n'avons pas compté sur le miracle d'une conversion aussi impossible et que notre seul but a été d'appeler le jugement des hommes éclairés et impartiaux sur une question qui a fourni et qui fournit encore tous les jours tant de prétextes a des recriminations violen- tesconlre le parti libéral. A ce point de vue.la discus sion que nous avons soulevée n'aura pas été inutile, car, dés son début, eile vient d'amener notre contra- dicteur a nous faire un aveu qui jelte un jour écla tant sur les théories du parti clerical en matière de liberté.

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L’Opinion (1863-1873) | 1864 | | pagina 1