Nous avioris dit au Propagateur L'Etat n'est ni catholique, ni luthérien.ni calviniste, ni juif, ni même libre-penseur. L'Etat est laïque. S'il est laïque, vous devez reconnaitre qu'il n'a pas qualilé pour donner luiméme I'enseignement religieux dans ses écoles. Vous êtes si bien de notre avis sur ce point, que vous ne nous avez aide a faire !a révolution, en 1830, que précisément paree que le roi Guillaume prétendait s'ingérer dans I'enseignement religieux de la jeunesse. L'Etat est done incompétent, pour vous comme pour nous, en matière d'enseignernenl dogmatique. Mais si l'Etat doit s'interdire de donner lui-meme cet ensei- gnetnent, ne viole-t-il pas la liber té de conscience et la liberie de I'enseignement, en defendant l'accès de ses écoles aux prêtres catholiques, aux pasteurs pro- lestanls, aux rabbins juifs, aux disciples de Fourier ou d'Owen et aux libres-penseurs? Les libéraux afïir- ment que non ils soutiennent que la liberté est plei- nement garantie par I'interdiction que l'Etat s'impose de s'occuper d'enseignement dogmatique dans ses écoles et par le droit qu'ont les parents de faire don ner cet enseignement a leurs enfanls, hors de ces écoles, par qui bon leur semble, par le curé ou par M. Jules Simon. Supposons, disions-nous au Propagateur, que les libéraux aient tort sur ce point. Admettons que la liberté comporte le droit, pour les représentants des differentes opinions religieuses, de pénétrer dans les écoles de l'Etat; vous allez devoir accorder ce droit a toules les opinions indistinctementsinon, il y en aura qui jouiront de la liberté et d'autres qui en se- ront privés, e'est-a-dire que la liberté ne sera plus que Ie privilége. Est-ce le systéme de liberté pour tous que vous voulez défendre ou bien Ie systéme du privilége A notre question ainsi posée, le Propagateur répond qu'en matière d'éducation, comme en matière de commerce et d'industrie, ce sont les intéréts du plus grand nombre qu'il faut consulter, plutöt que les intéréts d'une minorité a peine perceptible que la très-grande majorité des Beiges étant catho- lique et attachée a ses croyances, il est juste et j) rationel que Ia plupart des écoles soient catho- liques. En d'autres termes, les catholiques étant en majorité dans le pays, il ne doit y avoir de liberté que pour eux et les non-catholiques n'ont qu'a s'ar- ranger comme ils pourront. Voiia done ces hommes qui ont sans cesse a la bouche le mot de liberté ces hommes qui nous re- prochent de ne vouloir de la liberté que pour nous- mêmes et de la refuser aux autres 1 Pour peu qu'on les force a juslifier leurs griefs, on en arrive a leur faire avouer que e'est eux-mêmes qui veulent confis- quer la liberté a leur profit et en interdire la jouis- sance a ceux qui ne pensent pas comme eux. Qu'en matière de commerce et d'industrie, l'Etat ait a tenir compte de l'intérêt du plus grand nombre, cela se comprend. S'agit-il de décider si telle marchandise sera ou non frappée d'un droit d'enlrée a la fron- tière; si tel projet de chemin de fer aura la préférence sur tel autre; si les dépenses militaires seront aug- mentées ou diminuées, il est clair que des questions de celle nature doivent être résolues en se placant au point de vue de l'intérêt de la majorité. Mais* en matière de liberté, que le Propagateur nous permette de le lui faire observer, les choses ne peuvent pas se passer de la même facon. La Constitution beige ne s'est pas bornée a donner la liberté aux catholiques seulemenl; elle l'a proclamée en faveur de b>us les citoyens indistinctement, sans avoir égard a leur nombre ou a leurs opinions en vertu de la Constitu tion, les pères de familie protestants, israëliles ou libres-penseurs jouissent des mêmes droits dans l'e- cole que les pères de familie catholiques et nous ne pouvons en reconnaitre a ceux-ci, si nombreux qu'ils soient, que nous ne sovons obligés d'accorder egale- ment aux autres. 11 n'y a done nullemenl ici a tenir compte du nombre plus ou moins grand de pères de familie qui peuvent desirer que I'enseignement catho lique soit donne dans l'école ou bien l'Etat réfusera d'accéder a ce désir et inlerdii'a l'entrée de ses écoles aux ministres des cultes, a quelque secte qu'ils ap- partiennent, même aux prêtres.eatholiques, ou bien il se croira tenu de respecter la volonté des pères de familie et, dans ce cas, ses écoles devront être ouvertes a tous les cuites, même aux libres-penseurs. Nous defions bien le Propagateur de sortir de ce dilemme. Le parli tibéral considère comme impraticable et contraire au principe qui proclame l'incompétence de l'Etat en .matière d'enseignement, le systéme qui permeürait l'accès des écoles publiques a toutes les sectes, a toutes les opinions religieusesce systéme rejeté, il ne lui reste plus de choix a faire entre plu- sieurs autres et la logique de ses principes le conduit a bannir enlièrement I'enseignement religieux des écoles de l'Etat. Les libéraux disent done aux pères de familie Donnez vous-même ou faites donner par les ministres du culte auquel vous nppartenez, l'édu- cation religieuse a vos enfants l'Etat ne peut se charger de ce soin, qui ne rentre pas dans ses attri butions; il n'a d'autre obligation en vers vous que celle de leur fournir l'inslruction proprement dite et. de les préparer a la vie civile. Le reste vous re- garde. Le Propagateur trouve ce systéme abominable De ce que nous demandons que le caléchistne soit ensei- gnó dans l'Eglise et pas dans l'école, il conclut avec un aplomb superbe, que nous ne voulons plus de catéchisme du tout et que nous sommes des ennemis implacables de Ia religion catholique. Voici un maitre ébéniste qui occupe vingt, trente apprenlis. II leur apprend a tailler, a scier des pièces de bois, a les ajuster et a en faire des meubles. Sj quelqu'un s'avisait de traiter cet ébéniste d'athée et d'impie, paree qu'il n'enseigne pas le catéchisme a ses apprenlis, nous sommes convaincus que le Pro pagateur prendrait la defense de l'accusé et ferait ob server avec justice que ce n'est pas affaire d'ébéniste que de donner le catéchisme aux enfants qu'il emploie dans ses ateliers et que tout ce qu'on peut raisonna- blement exiger de lui, c'est qu'il permette a ces en fants d'assister au catéchisme donné par le curé dans son église et empêche I'enseignement des mauvaises doctrines dans ses ateliers. D'oü vient done que le Propagateur raisonne differemment quand il s'agit de l'Etat? L'Etat dit au Propagateur absolumenl ce que dirait le Propagateur pour la défense de l'ébéniste. L'Etat declare que ce n'est pas son affaire d'enseigner le catéchisme aux enfants, mais qu'il leur donnera toute la latitude possible pour que cet enseignement leur soit convenablement donné dans l'Eglise; de plus, il proscrit de ses écoles tout enseignement qui serait de nature a contrarier celui du prêtre catho lique. Que peut-on lui demander de plus et n'est-ce pas une injustice qui révolte de le voir accuser d'a- théïsme et d'irréligion quand il prend, au contraire, toutes les precautions imaginables pour calmer les Scrupules de conscience des pères de familie? Mais nous l'avons dit et l'aveu du Propagateur con- firme notre assertion d'une manière éclatante le parti clérical ne veut de la liberté que pour iui-même ou, plutót, il n'entend rien a la pratique de la liberté vraie, de la liberté constitulionnelle. Convaincu qu'en lui et en lui seul réside le depót de la vèrité absolue en toutes choses, il envisage la liberté comme une des plus grandes calamités dont l'humanité puisse être affligée et s'emploie de son mieux a l'accaparer tout entière afin d'empêcher les autres d'cn faire un mau- vais usage. Pour ne parler que de la liberie de I'en seignement, le parti clérical est fermement persuadé qu'a lui seul apparlient le droit d'enseigner et que I'enseignement de ceux qui ne pensent pas comme lui est une pesle pour la jeunesse. Comment veut-on, qu'ayant cette persuasion, il reconnaisse a des mé- créants, a des hèrétiques, a des solidaires, le droit qu'il revendique pour Iui-même au norn de la tradi tion et d'une dólégation divines? Si la Constitution le leur donne, tant pis pour elle et Grégoire XVI a eu mille fois raison de la condamner comme oeuvre d'en- fer. Ainsi pensent nos clericaux mais ce qui est bon a penser n'est pas toujours bon a dire L'espril de liberie est toul-puissant aujourd'hui l'attaquer en face, ledenoncer ouvertement comme un péril serait s'exposer a un autre péril, plus grave encore peut- êlre. En attendant qu'ils soient en mesure d'abattre cette liberté funeste, ils ia caressent et s'en proclament les plus chauds défenseurs, quitte a en faire a leurs contradieteurs la plus petite part possible. Malheu- reusement pour eux, ces grands éclats d'amour ne trompent plus que quelques simples, pour lesquels les cléricaux ont tort vraiment de se donner tant de peine. Le pays voit clair dans leur jeu et ce n'est pas le Propagateuravec ses aveux compromettants, qui rétablira leurs affaires. Nous lisons dans un compte-rendu de Exposition des Cartons, organisée par le Cercle artistique de Bruxelles, publiè dans le Monde musical Pour ne pas nous salisfaire beaucoup, le carton de M. G. De Groux nous plait toutefois infiniment plus que le-précédent. Dans Les 'Yprois sejoignant d l'armée de Robert-le-Frison, sur Ie Mont-Casselil y a, sinon une grande science de dessin, du moins du cachet. M. De Groux sait individualiser, ce qui est une grande qualité, mais ce qui ne suffit pas pour réussir dans la fresque. Sa composition est embrouil- lée et n'a rien de monumental. Ornée de la couleur réaliste du peintre, elle aurait pu faire un assez bon tableau; tenue dans la gamme plusou moins terne et entière que Ia peinture murale comporte, elle ne sera jamais que médiocre. Le sujet traité par M. De Groux est destine a figu- rer dans les peintures murales des Halles d'Ypres. On sqitque ce peintre a été choisi par le gouvernement pour exécuter le travail d'embellissement de l'inté- rieur des Halles, qui doit commencer sous peu de temps. L'administration communale ferait bien, suivant nous, d'examiner Ie carton exposé pour s'assurer si lejugemenldu critique du Monde musical est juste et de soumettre a temps les observations qu'elle croi- rait avoir faire. Le fera-t-elle? On écrit de Poperinghe Au milieu de la cité de Poperinghe s'élève majes- tueux un .couvent de Bénédictines. Les hótes de ce couvent y passent une vie de contemplation et, dit-on, de pénitence. Dormant peu, priant beaucoup, ils n'é- pargnent aucune niacération pour gagner le ciel et mènent une vie tranquille, exempte des tribulations du dehors. Au milieu de la nuit, les dévotes religieuses chan- tent les louanges du Seigneur et avant que le cri du coq ne se soit fait entendre, elles éveillent tout le voi- sinage par leur chant sévère et monotone et troublent le repos des paisibles habitants de la rue de Boes- chepe. Jamais l'auiorité communale n'a engage les religieuses a cesser leur tapage nocturne. A cótó du couvent susdit, existe le cabaret le Violon. Le maitre de cel établissement, chorégraphe de pre mière force, injtie a l'art de Terpsichore ses coropa- triotes assez audacieux pour enfreindre les comman- dementsde M. leur curé. Tous les dimanches il donne des lecons a dix centimes le cachet et jusqu'a l'heure de fermeture des cabarets une joyeuse jeunesse s'ébat dans les sa'lles du Violon. Les religieuses vont coucher tót afin de faire d'au- tant plus tót leur pieux tapage. Parfois le bruit impie de la danse transperce les rideaux de leur lit et éveille chez elles le regret d'avoir abandonné toute joie et tout plaisir. Leur solitude est troublée et leur som- meil empêché- La police de Poperinghe, police méticuleuse, a der- nièrementtachèd'empêcher le sieur Vandendriessche, cabaretier et maitre de danse, de continuer l'exercice de sa profession, sans la permission de M. le bourg- mestre. Elle a voulu iui interdire de donner des le cons de danse. Le maiheureux professeur de chorégraphie a été attrait en justice pour avoir, sans la permission du bourgmeslre, joué du violon devant des jounes gens qui dansaient dans son cabaret. La justice, en bonne déesse, a acquitté Vanden driessche. Elle lui a donné raison contre les preten tions de la police poperinghoise. Voici le jugement prononcé a la Justice de Paix de Poperinghe Jugement nu 27 Septembre 1864. Le Ministère public contre C. Vandendriessche. Altendu, en fait, qu'il résulte d'un procés-verbal régulier et de la déposition de l'agent de police Valcke que, le 4 septembre 1864, il s'est transporté vers 7 heures et 9 heures du soir, a l'estaminet tenu par le prévenu, oü il entendait jouer du violon; qu'il y a vu quatre couples occupés a danser et que sur sa dé- claration qu'il dresserait procés-verbal a sa charge du chef de contravention a l'art. 9 du règlement de police de Poperinghe du 20 mai 1806, le prévenu lui a ré- pondu qu'il cesserait de danser a l'heure fixée pour la clóture des cabarets. Attendu, d'autre part, que le prévenu prouve par sa quittance qu'il est patenté pour l'année courante comme maitre de danse et qu'il résulte de la déposi tion des témoins qu'au jour indiqué, ils profitaient de la liberté que leur laissait leur travail habiluel pour prendre des lecons de danse a 10 centimes par élève. Attendu dès lors qu'il y a lieu d'examiner si le pré venu est passible de l'application des peines commi- nées par l'art. susvisé du règlement. Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'art.

HISTORISCHE KRANTEN

L’Opinion (1863-1873) | 1864 | | pagina 2