cession opulente depuis longtemps promise a ses es-
pérances, et que, dans une situation aussi éminem-
ment tragique, ses convictions ne se sont pas trou-
vées assez robustes pour résister a un semblable
assaul. Je n'enlends pas me poser en censeur de
M. Harou; M. Harou est de ceux qui pensent que
Paris vaut bien une messe, c'est une opinion comme
une autre; mais l'honorable sénateur ne peul pas
s'imaginer de bonne foi que les électeurs de Charleroi
l'ontenvoye au Sénat pour y faire les volontés de sa
parente richissime et clericale, et comme il ne se sent
pas l'independance suffisante pour y résister, il ne
lui reste, me semble-t-il, qu'a donner sa démission.
Au surplus, M. Harou est un liberal de fabrication
foute récente. Clérical déterminé il y a deux ans a
peine, le depit l'avait jeté dans nos rangs et, en bon
nes gens qu'ils sont, les électeurs de Charleroi n'a-
vaient pas cru pouvoir mieux faire, pour fêter son
heureuse conversion, que de l'envoyer au Sénat.
Mais cette fois encore, le proverbequi dit que la caque
sent toujours le hareng, devait avoir raison Aujour-
d'hui les iibéraux de Charleroi crient harou sur leur
sénateur; n'out-ils pas un peu mérité ce qui leur ar
rive
Quoiqu'il en soit. la crise a laquelle nous avons si
miraculeusement èchappé pourrait très-bien n'être
qu'ajournée, et jene serais pas, pour ma part, le moins
du monde élonné si le Sénat rejetait la loi sur le tem
pore! des cultes, qui suscite, au sein du parti clérical
proprement dit, des colères bien autrement terribles
que la loi des bourses. Or, le rejet de la loi, c'est la
dissolution du Sénat certaine, inévitable. Et puis
après Supposez que les élections renvoient tous
les anciens sénateurs dans leurs fauteuils capiton-
nés. Voila, entre les deux Chambres, un antagonisme
des mieux marqués. Comment y mettre fin t Par une
nouvelle dissolution? Et oü toutes ces dissolutions
nous conduiront-elles Ces questions sont redouta-
bleset notre Chainbre haute fera bien d'y regarder a
deux fois avant de les soulever.
La présentation du projet de loi sur les étrangers
a cause ici une très-fêcheuse impression. On n'allait
pas jusqu'a espérer que le ministère consentirait a
laisser les étrangers vivre en Belgique du droit com-
inun; mais on croyait généralement que la loi de
1835 subirait de profondes modifications, surtout en
ce qui concerne les pouvoirs exorbitants confiés au
gouvernement. 11 n'en est rien. La loi de <835 est re-
présentée purement et simplement, sans aucune mo
dification. On parle ici de pétitions a adresser
la Chambre, de meetings a organiser pour obte-
nir, du moins, que l'étranger soit mis a l'abri
de l'arbitraire de la police et placé sous la protec
tion du pouvoir judiciaire mais il n'y a pas a espé
rer que ce mouvement généreux aboutisse et j'ai,
quant a moi, la conviction que Ie ministère empor-
tera la loi, tout d'une pièce et sans amendement.
M. Chazal est de retour a Bruxelles depuis quel-
ques jours et s'apprête a defendre vigoureusement
son budget, qui sera non moins vigoureusement atta
qué par la droite tout entière et une certaine par tie
de la gauche. L'issue de la lutle n'est pas douteuse
le budget de la guerre, a part, peut être, quelques re
ductions insignifianles, passera tout entier. II y a, a
cela, une raison bien simple la rnajorilé de la Cham
bre veut une armée puissamment organisée; elle con-
sidère les destinées du pays comme inlimement
liées a un solide établissement militaire. Je ne discule
pas l'opinion,je la constate. Or, ètantdonné que la
Belgique doit possèder une armée de premier ordre,
bien entendu toutes proportions gardées, il est très-
certain qu'il n'y a aucune reduction serieuse a opérer
sur le budget de la guerre et qu'il faut l'accepler tel
<ju'il est. sous peine d'ébranler jusque dans ses bases
notre organisation militaire.
Desjournaux ont annoncé que M. H. de Brouekère
allait être chargé de représenter la Belgique a Mexico,
comme ambassadeur extraordinaire. II ne faut consi-
dérer cette nouvelle que comme une plaisanterie.
M. de Brouekère est toujours très-souffranl des suites
de son ophtalmie et il n'y a pas a penser que, dans
l'état de santé oü il se trouve, il songe a accepter un
posie d'ambassadeur dans la capilale de la fièvro
jaune.
C'est le 16 de ce moins que nous inaugurons le
monument élevé sur notre Grand'Place a la mémoire
des comtes d'Egmontet de Horne. Ce monument a
donné lieu a des critiques fort vives, fort acerbes et
vraiment, quelle que soit mon incompétence en ma-
tière de pierres de taille, j'ai peine a m'imaginer que
ce gros pèté flanqué tout contre la Maison du Roi
constitue un chef-d'oeuvre du genre. Mais on me
dit que, pour juger de l'effet, il faut attendre que le
groupe soit placé. J'attends done et je suspends mon
jugement. Mais, c'est égal, en attendant, ce n'est pas
beau du tout.
Au moment du saere de l'évêque de Bruges, nous
avons eu l'occasion de nous occuper de cette cérémo
nie, et cela nous donna occasion de dire que, a sup-
poser qu'il ne fallüt voir qu'une simple politesse dans
la part prise par Ie libéralisme, officiel ou non, a cette
fête exclusivement religieuse, c'élait une politesse ex
cessive. Nous ajoulêmes que nos adversaires ne
nous rendent pas ces politesses-la et que c'est
pousser loin la courtoisie que de saluer toujours
des gens qui enfoncent obstinément leur chapeau
sur la tête, qui ont des oublis ealculés el qui
mettent de I'affectalion dans leur facon de ne pas voir
les gens.
Cet article nous est revenu a la mémoire lorsque
nous avons lu dans les journaux catholiques le man-
dement du nouvel èvêque de Bruges, M. Faict. De ce
mandement, en soi, peu de chose a dire; il est long,
et dans le style accoulumé il contient des remerci-
ments pour tout Ie monde, l'expression d'une satis
faction béate, une énumération compiaisantede loutes
les splendeurs de la fête, et, pas un mot pour I'auto-
rité civile, qui y était aussi.
Voici un échantillon du style descriptif de Mgr Faict,
qui s'entend au compte-reudu et qui y met une sua-
vité, une onclion et une pompe dont les coryphees du
genre seraient jaloux. Dans la phrase qui precède les
énumérations qu'on va lire, Mgr Faict traite de la
grace du Seigneur, qui vient a son secourset le pré
dispose a I'apostolal. De cette grêce, de cet apostolat,
il passe par une ingénieuseet prompte transition au
compte-rendu de la fête.
Instruit a vous chérir, dit-il, a l'école d'un si
bon maitre, Nous étions destiné, N. T. C. F., a Nous
instruire tout autant a votre école.
Ce a tout autant a votre éccle est la transition
dont il s'agit.
a Au jour de Notre Première entree (ces mots sont
en italique dans le texte), le plus beau jour de Notre
vie, vous avez cent fois conquis tout Ie dévoue-
ment, tout I'amour dont un homme est capable.
Nous avons vu, non sans une émotion profonde, et
votre pieux empressement autour de notre per
il sonne, et ces sourires encourageants qui nous arri-
vaient de toutes parts, et ces decorations nobles et
élégantes de vos demeures et de vos rues, dont le
a secret appartienl a notre religieuse cité (le secret
des rues) le tout rehaussé par I'appareil imposant
n des armes et la splendeur des uniform es; Nous avons
entendu vos acclamations, vos chants de bienvenue
mêlès aux voix joyeusesde mille cloches, aux males
accords de vos fanfares; Nous avons ètó témoin
i> (monseigneur est bien bon) de l'allégresse générale
n et des féux de joie allumés sur tous les points et,
veuillez Nous en croire, vous Nous avez conquis
tout entier; et comme si, dans cette memorable
journée, notre cöeur avait battu sur vos eueurs,
Nous sentons que Nous ne vivrons plus dèsormais
que pour Nous dévouer a votre bonheur.
Ce n'est qu'une phrase, mais quelle plmase Le
triomphedu compte-rendu, ni plusni moins; disons-
Ie a vee une brusque franchise l'art ne va pas plus
loin. Pendez-vous, misérables journalistes, ou rou-
gissez au moins de vos festons et de vos astra-
gales. Monseigneur d'un coup vous distance pour
la première fois de sa vie il fait du compte-rendu, et
voici qu'il y excel e. Ce que c'est que la grace I Et
voyez pourtant la difficulte I Rendre compte de la fête
mémedontil fut le héros! Parler, soi-même, du pieux
empressement de la foule, des sourires encourageants
qui arrivaient de toule part, des rues et des maisons
ornées, de l'appareil imposant des armes (nous ai-
mons surtout cet appareil dans une fête apostolique),
de l'éclat des uniformeset faire tout cela sans y
mettre trop de coquetterie, et sans rien redouter du
ridicule Oui, c'est bien la de la grace, et, qui plus
est, de la grêce d'étai. Un apötre ne parierail pas au
trement, et l'on voit bien dans ce récit de monseigneur
l'effet de ces persecutions de l'Eglise dont parlait son
prédécesseur; il est clair qu'il n'aura pas trop de lout
son dévouement pour soutenir une lutle qui com
mence d'une facon si effrayante, et qu'avec cette fête
commence pour lui le long marlyre de l'épiscopat
beige.
Monseigneur tout d'abord y a mis de la grandeur
d'ème. Les tyrans étaient a la fête, en uniforme, ou
tout au moins en costume officiel. II n'en parle point
et cela est tout simplement sublime. Pas uu mot
dans le mandement pour Ie farouche Gessier, ce re
présentant d'un gouvernement deteslé. Pas une in
jure pour cette autorité civile, qui était la, au grand
complet et qui, étant Ia, ne doit point trouver extra
ordinaire qu'on n'ait rien dit d'elle rien que du dé
dain, un dédain tranquille. Elle a rendu l'hommage
voulu, c'est bien pour aujourd'hui on sera clément,
on lui pardonne. On a remarqué l'appareil imposaDi
des armes, l'éclat des uniformes elle, on ne l'a point
remarqué, et, naturellement, on ne Ia salue pas.
Peut-être Ie décret, parlant d'honneurs, supposait-il
des obligations réciproques; mais on prend des dé-
crels ce que l'on veut, et on laisse les sous-entendus.
L'autorité civile va au sacre des évêques et n'en
rapporte que des dédains elle peut encore s'estimer
heureuse.
Pour que rien n'y manque dans l'expression, on
y joint l'oubli officie!, que marque bien le mande
ment De par la loi la Première Entrée et le sacre
sont fètes religieuses et civiles; de par le mandement,
elles ne sont que religieuses si l'appareil des armes
et l'éclat des uniformes sont signalés, c'est pour qu'il
soit plus visible que l'autorité civile ne mérile pas
un salut. Avons-nous tort de demander que nos lois
et nos institutions soient mises d'accord?
[Echo des Flandres.)
Nous lisons dans la Vérité du 25
Interpellé par nous au sujet du repris de justice,
que l'évéché vient de placer a la tête de Ia cure d'une
commune de nos environs, le Courrier laisse en
tendre que nous sommes tombés dans une grossière
erreur el que i'évêché, éclairé d'une grêce spéciale,
n'a pas commis Facte que nous lui reprochons.
Peu désireux de faire du scandale, nous ne lève-
rons le voile qui couvre cette affaire que fur et a me
sure des besoins de noire cause.
Pour aujourd'hui, et dans le but de montrer Ia
süreté de nos informationsnous annoncons au
Courrier que du jugement que nous avons sous les
yeux, il rèsulteque le 22 avril 1850, X..., vicaire a
Paturages, domicilie a St-Sauveur, a èté condamné
par défaut, par le tribunal de Mons, a cinq ans d'em-
prisonnement et a l'interdiction de toutes tuteüe et
curatelle el de toute participation aux conseils de
familie, pour avoir, a Paturages, dans le courant de
1849, commis sans violence d-s attentats a la pudeur
sur des jeunes filles, êgees de mains de quatotze
ans.
Ce prêtre n'a jamais subi sa peine.
Nous consentons provisoiremeut a taire son nom.
Comment se fait-il qu'un tel homme, frappé d'in-
terdiction par la justice, ait été relevé par l'autorité
ecclésiastique et qu'au lieu de l'envoyer faire sa peine
dans une prison de l'Etat, elle lui ait confié la direc
tion d'une importante paroisse?
C'est en vain que le Courrier prétend qu'une presse
qui se respecte, a autre chose a faire qu'a se con-
stituer juge d'acles purement spirituels. Si la presse
peut blêmer un Conseil communal qui confierait la
jeunesse des écoles aux soins d'un homme taré, pour-
quoi lui serait-il interdit de juger sévèremeni Facte
d'un évêché qui placerait un repris de justice a la
tête d'une cure Nous sommes en droit de le faire,
paree que nous voyons dans cet acte un soufilet, nous
répétons le mot, a la morale publique, et une preuve
que la soutane n'est pas toujours, ainsi qu'on Ie pré
tend,la plus forte garantie de moralité; paree que c'est
un démenti donné a cette assertion dela presse cléricale
que les brebis galeuses sont repoussées par l'église, et
que celle-ci ne leur accorde pas l'impunitó et le par
don; parce qu'enfin cet homme,atteint d'unecondam-
nation infêmante,peut en vertu de sa nomination,s'in-
troduire en maitre dans l'école de la commune. Nous
ne voulons pas que les enfants soient mis en contact
avec des condamnés de cette espèce. Oui, il serait
utile et même nécessaire que la presse fit pénetrer
l'oeil de la publicité dans les actes de l'autorité spi-
rituelle, et s'en arrogeat au besoin la censure.
De bons résultats seraient obtenus de cette investi
gation.
Et maintenant comment expliquer que,cet homme
n'ait jamais subi sa peine A quelle influence occulte
doit-il d'avoir échappé a l'expiation? Y a-t-il pour
les gens d'un certain monde des graces toutes parti-
culières? Pourquoi 1'affaire Retsin, qui a produit tant
de scandale, a-t-elle eu son pendant
Nous espérons que le Courrier nous dira franche-