JOURNAL D'YPRES ET DE I/ARRONDISSEMENT YPRES, I)imanche 25 Décembre 1864. PARAISSANT LE MM ME DE CHAQUE SEMAINE» PKix POUR LA BELGIQUE 8 francs par an 4 fr. 50 par semestre. Pour 1'Etrauger, le port en sus. Un Numéro 25 Centimes. 1'ltlA WIJS iKXOICEü ET DES RECLAMES 10 centimes la petite ligue. Corps du journal, 3© centimes. Le tout payable d'ayance. ■ly taissez dire,laissez-vous blèmer, mais pübliez votre pensée. On s'abonne a Ypres, au bureau du journal, chez Félix Lambin, imp. lib., On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres rue de Dixmude, 55. ou envois d'argent doivent étre adressés franco au bureau du journal. Correspondence particuliere de 1'ÖPISIOS. Bruxelles. 23 Décembre IS64. Les journaux annoncent que M. de Conway, remis de son indisposition, a repris ses fonctions au Palais. Pour quiconque sait ce que parler veut dire, cela si- gnifie que M. I'inlendant de la liste civile ne sera pas dèsavoué et qu'il continue a jouir de toute la faveur de Sa Maiesté. Au surplus, cette nouvelle n'a surpris personne ici, sauf peut-être quelques habitués de la Aouvelle Carpe et des Trois Pigeons qui, sur la foi des assurances réitérées de ces inêmes journaux, s'atten- daient d'un jour a l'auire a voir paraltre au Monileur le désaveu de Ia inalencontreuse épitre, voire même la destitution de M. de Conway. Les bonnes gens 1 Que le ministère eut étè bien aise de donner cette satisfaction a l'opiniori publique, il n'en faut pas dou- ter mais ce qui est certain, c'est qu'il n'a fait aucune démarche pour l'obtenir. Le ministère avait deux voies devant lui réclamer le désaveu de M. Conway et, en cas de refus, offrlr sa demission, provoquer une crise politique; ou bien, ne pas s'occuper du tout de la lettre, soit pour la defendre, S-it pour la con- damner. C'est a ce dernier parti qu'il s'est arrêté et je crois, a vrai dire, que c'etail le parti le plus sage. Rendons justice, même a nos adversaires. On a es- sayé de rèpandre le bruit que la lettre adressée a M. le Doven de Sainte-Gudule n'etait pas destinée a la public"te et qu'elle avait étè eommuniquée aux journaux a l'insu de M. I'intendanl de la liste civile. Or, je sais de très-bonne source qu'avant de publier la lettre, la Societé a depèchè un de ses membres a M. de Conway pour ótre êclairée sur son veritable caractére et que la reponse de ce personnage a été que la Sooiótè pouvait faire de cette lettre l'usage qu'elle jugerait convenable. Ce que je sais encore, c'est que dans une conversation toute récente en- tre M. de Conway ct un autre membre de la même Société, M.rintendautdela lisle civile a relevé, dans la copie transmise aux journaux, une inexacti tude qu'il considérait comiue tres-fócheuse, en ce sens qu'elle justified jusqu'a un certain point l'opinion de ceux qui ne voulaieut voir dans celte lettre qu'un écrit purement confidentiel. On me fait écrire, disait M de Conway Recevez, Monsieur le Doyen, la nou velle assurance de mes sentiments dêvoués, ce qui im- pliquerait, en effet, quelque chose de confidentielor, ma lettre porie Itecevez, Monsieur le Doyen, la nou velle assurauce de mes sentiments distisgbés, ce qui est tout differententre ces deux adjectifs,iI y a toute a distance qui sépare une lettre inlime d'une lettre destinée a la pub'icité et il est vraiment facheux qu'une erreur aussi grossière alt p issé inapercue. Peut-être trouvera-l on que M. de Conway porte un peu loin l'observation des nuances épistolaires mais l'excès même de son scrupule ne fait que prou- ver mieux son désir de donner a la Société de Sainte-Barbe un témoignage public de la satisfaction royale. Le parti clerical tiendra l-il grand compte a la Cou- ronne de la lettre de M. de Conway? Je ne le pense pas Parmi les jeunes de ce parti, beaucoup regrettent même qu'elle ait été publiée. Cette lettre, disent-ils, n'est après tout qu'une fiche de consolation pour les déboires que l'on nous prépare en sanctionnant la loi des bourses; d'un cöté, on nous enlève 25,000 francs de rente et de l'autre,on nous fait un méchant cadeau de mille francs. En publiant la lettre, nous avons l'air d'accepter le marché, c'est a-dire d'être des dupes. Certes, nous ne pouvions pas, sans injure, refuser le royal cadeau, mais rien ne nous obligeait a publier la missive de M. I'inlendant et peut étre en voyant le peu de cas que nous en faisions, y aurait-on regardé a deux fois avant de meltre le sceau a l'oeuvre de spoliation forgée par le ministère. Voila ce que disent les jeunes et bien des vieux pensent de même, sans rien dire. La Société la LibrcPensde s'est réunie, jeudi der nier, en assemblée genérale. L'assistance était nom- breuse; il y avait la des delegués de toutes les Sociétés de libres-penseursdu pays. 11 s'agissait, comme vous savez deja, de protester contre la fameuse lettre. A la grande surprise de i'assemblée, M. Berend, un correspondant de la Gazette de Cologne, s'est mis d'abord a développer une fort singuliere proposition, dont voici l'incroyable teneur. La libre-pensée, n'at- tachant aucune importance a l'opinion de M. de s Conway sur la liberie de conscience, passe a l'ordre du jour. Voyez-vous des gens qui arrivent des quatre coins du pays et qui se réunissent avec grand fracas pour declarer qu'ils n'atlachent aucune im portance a ce qui fait l'objet même de leur reunion? Comment M. Berend n'a-t-il pas compris qu'en adop- tant une semblable proposition, I'assemblée se serait exposée a un ridicule achevé? II va sans dire que cette proposition a eu le sort qu'elle méritait et que l'auteur en a été pour ses frais d'eloquence enfari- née. Deux aulres projets, entr'aulres celui d'uue peti tion au Roi et aux Chambres ont été tour-a-tour écar- tés par I'assemblée qui s'est ralliée, sous certaines réserves toutefois, a une proposition formulée par M. Arnould, rédacteur du Precurseur d'Anvers, ayaut pour objet la reunion a Bruxelles d'un Congrès de li- bres-penseurs. Ce Congrès aurait pour mission de discuter toutes les questions relatives a la separation de l'Eglise et de l'Etat, telles que la question de l'en- seignement, celle des traitements des minislres des cuUes, etc. M. Arnould veut répondre a M. de Con way 5 la manière du philosophe qui prouva le mou vement en marchant. Je crois que c'est la bonüe et que cette protestation en vaudra bien une autre. Tandis que les libres-penseurs se réunissaient a YHótel du Grand Miroir, une autre assemblee, une assemblee de saints hommes, celle-ci, avait lieu A VUötel de Suède oü dtnait, en compagnie de M. De- champs el d'autres notabilités clerioo-libérales, M. Al- bert de Broglie.académicien et philosophe après boire. C'est uu terrible homme que ce M. Albert de Broglie et il ne fait pas bon lui conceder quoi que ce soit, si- nou on est perdu. Sa facon de prouver la réalité des miracles par raison demonstrative mérite d'être citée cêté de l'inimitable scène oü le maHre de phi los jphie apprend a M. Jourdain les mystères de la lettre u. Ecoutez bien ceci M. de Broslie prend dans I'assem blée un bon jeune homme, je suppose M. I'avocat Lé ger. Bon jeune homme, lui dit le prince, vous n'êtes pas sans sa voir qu'il v a parmi le monde de soi disant philosopbes qui necroient ni a Dieu, ni au Diable, ni a saint Cupertin, et qui pretendent que le monde s'est fait lout seal. Ces soi-disant philosophes, bon jeune homme, on les appelle des matérialistes et l'on en compte jusqu'a cinq dans l'univers, qui sont Re- nan, Taine, Comte, Littré, mon confrère de l'Acadé- inie francaise et Vacherot, qui n'est pas même acadé- micien. Maintenanl, bon jeune homme, je vous parie ce que vous voulez qu'en cinq propositions, je fais de vous, qui êtes un agneau sans lêche, un animal tout setn- blable a Renan. Tenez-vous Ie pari?Mouvement d'admiration dans i'assemblée,le bon jeunehommede- vieüt pale comme un mortRassurez-vous.reprend le bon priuce, ce que j'en dis n'est que pour rire, mais du diable si j'ai menti pour un liard. Vous ailez voir comment je procédé, Et d'abord, première pro position Croyez-vous, bon jeune homme, au miracle de St-Cupertin, dansant Ia farandole entre ciel et lerre? Vous me direz que la chose est absurde, im possible, contraire aux lois immuables de la gravita tion. Très-bien répondu. Eh bien, mon ami, je ne vous en demande pas davantage et vous allez voir oü je vais vous conduire Si St-Cupertin n'a pas pu danser entre ciel et terre, inutile de prier pour votre mère malade, car il est impossible qu'elle guérisse si les lois de sa maladie veuleut qu'elle meure. Done la prière est inutile. Ceci est ma deuxième proposi tion. Troisième proposition Si Dieu n'a pas la puis sance de modifier les lois de la création, il n'y a plus de providence ni de justice au monde. Dieu n'est plus qu'urj Roi faineant et découronné. J'espère, bon jeune homme, qu'en voila une a laquelle ni vous ni per sonne de l'aimable société, vous n'étiez préparés. De plus fort en plus lort. Du moment oü Dieu ne gouverne plus le monde, il n'y a plus de raison de supposer qu'il existe. Done, pas de Dien Ceci, mes sieurs, fait l'objet de ma quatrième proposition qui m'a valu les suffrages de plusieurs têtes couron- nées. J'arrivea ma cinquième et dernière proposition si Dieu n'existe pas, il n'y a plus, pour l'homme, ni liberté, ni conscience et vous, bon jeune homme qui avez eu l'imprudence de me concéderque St-Cuper tin n'a pu valser qu'en touehant terre, vous n'êtes qu'une sorle de brute a l'image de mon confrère Lit tré de I'Académie francaise. M. de Caston, qui assistait a la séance, en est sorti émerveillé. La statislique des expulsions proDoncées depui.s 1835 a profondement ému l'opinion publique. Prés de 42 mille étrangers expulsés du pays en moins de trente annees! Le chilfre est formidable et accuse une situation que tout homme de cteur et fier de son pays doit profondèment dépiorer. Pour attènrier l'effct pro duit pir ces chiffres accusateurs, le Journal de Liége avance que les individu» aiusi repous.'ses du lerritoire sont pour la plupart des mondianty,, des vagabonds,

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L’Opinion (1863-1873) | 1864 | | pagina 1