des gens sans aveu et, dans Ie zèle ministeriel qui Ie
pousse, il va jusqu'ii prélendre que Ie nombre des ex
pulsions poliliques ne s'élève pas, pour toute la pé
riode compriseentre 1835 et I86i,au-dela de soixante-
quatorze. De sembiabies affirmations, avec quelque
assurance qu'on les produise. ne sent plus faites pour
donner le change a l'opinion. La statislique est la et
ce n'est ni M. le ministre de la justice ni son avocat
officieux qui parvieudront a en altérer la significa
tion.
Eile indique.cetleslatistiqnefournie par le ministre
lui-méme, qu'en 1852 et 1853, les deux années né-
fastes pour les réfugiés poliliques, cinq mille six cent
trenle-et un étrangersc'est-a dire plus du double de
la moyenne des autres années, out dü quuter le sol
beige, frappes d'ostracisme par une simple décision
administrative. M. Picard a eu mille fois raison de
dire que c'est une honte.
La section centrale chargée de l'exarnen du budget
de la guerre vierii de déposer son rapportqui coriclut,
par 4 voix contre une el 2 abstentions, a l'adoption de
ce budget. La seclion centrale a pris acte de l'offre
l'aite par le ministre de la guerre de soumettre a la
Cbambre un rapport spécial accompagné de tous les
documents nécessaires, qui permellrait de se former
une opinion raisonnée sur l'organisation de l'armée.
Elle a demande, en outre, que ce rapport fut déposé
avant la discussion du budget de1866.
La crise ministérielle n'a pas fait un pas depuis 15
jours. Quand je dis crise, il est bien entendu qu'i! ne
s'agit que de M. Tesch, car tous les autres ministres
sont attachés plus imperlurbablement que jamais a
leurs portefeuilles. Mais par qui remplacer le ministre
de la justice actuel? On a parle pendant tout un
temps de M. Pinner, puis de M. Vanhumbeek, puis
encore de M. Lelièvre et enfin, en dernier lieu, de
M. Frère-Orban qui aurait réuni dans ses mains le
département des Finances et celui de la Justice. II
faul croire, ou bien que ces combinaisons sont tout
simplement l'oeuvredequelque nouvelliste aux abois,
ou bien que l'un ou l'autre obstacle les a fait avorter,
car le statu quo se prolonge et rien n'indique qu'i!
doive cesser de sitöt.
On avail parlé aussi d'un autre projetM. Frère,
disait-on, allait abandonner la département des Fi
nances qui serail occupé par M. Sabatier et lui-même,
M. Frère entrerait a la Justice. Ce bruit n'avaitévi-
demment rien de sérieux M. Frère se fait un juste
titre de gloire de l'étal prospère de nos finances, et
c'est bien mal le connaitre que de supposer qu'il
quitte jamais le département auquel il doit d'occuper
une des premières places parmi les hommes éminents
dont s'honore notre jeune Belgique.
Notre Conseil communal a dortné raison M. Le-
tellier, du Thèatre de la Monnaie, contre les plainles
de ses abonnés et du public. Nous allons done con-
tinuer a payer M. Letellier quelque chose comme
300 mille francs par an pour être régalés, trois ou
quatre fois la semaine, d'un sempiternel et invaria
ble répertoire composé des Huguenotsde Robertde
Guiüaume Teil, de la Juive et autres nouveautés d'il
y a vingt ans. Quant aux nouveautés nouvelles, telles
qne Mireille et Roland a Ronceveaux, c'est une autre
affaire M. Letellier est d'avis qu'il sera toujours
temps pour lui de dépenser 50 mille francs en frais
de décors et de costumes. II n'est pas pressé, M. Le
tellier; et le Conseil communal, qui ne sait rien lui
refuser, trouve apparemment qu'il a parfailement
raison et qu'en attendant son bon vouloir, nous de-
vons déja nous estimer bien heureux qu'il daigne ne
pas fermer le thèatre. Dieu me pardoune, je crois
que si l'idee en venait a M. Leieliier, il trouverait
dans noti e Administration communale des gens pour
dire que c'est son droit.
Conférences dc HI. BAHCEL.
(Suite et fin.)
La doctrine stoïcienne de Zenon, trop rude pour
les ames atheniennes, s'exile de l'Atlique et trouve
un asile dans l'óme de bronze de Caton atrocem
animum Catoniset dans l'ême des Grecques, deux
fois assassinès, par les nobles et par l'nistoire. Plus
tard, elle a^preud a Tnraseas a tnourir et se fait un
discipie d'ub empereur, du stoïeien mystique Marc-
Aurele.
1 a parole ainsi alliée a une philosophic austère est
grande, mais v.-ici qu'eclate sa souveraiuete dans
toute sa splendetr Sous le règne hypocrite et san»
glant de Tibère, la parole engendrela plus grande des
revolutions religieuses.
Un verbe inconnu sa fait entendre, c'est Jésus
Jésus, dont la parole a des accents d'une tendresse
infinie quand elle s'adresse aux petits enfants et aux
Samaritains; Jesus, qui parte le langage des Grecs et
de Spartacus, dans le discours sur la montagne 1
Jésus arme ses apótres du Verbe Aliez et évangé-
lisez les Nations! Alors une voix s'écrie les Grands
Dieux s'en vont et le choeur des Divinités de l'O-
lympe s'èvanouil.
Le Christianisme est fondè par le Verbe de Jésus;
il doit vi.re de cette parole, jusqu'au jour ou l'E-
glise mettra l'Evangile sous les scelles et la Bible a
l'lndex.
Après Cicéron, l'éloquence politique se réfugié dans
Titelive et dans Tacite ïacite a ete un grand ora-
teur. Pline nous apprend qu'il parlait avec une force
singulière et une gravité (hajestueuse, Tacite mort,
l'éloquence politique est morte l'éloquence religieuse
grandit sans cesse; les Pères de l'Eglise l'èlèvent jus-
qu'aux plus hauts sommets. C'est l'heure des Basile
et des Athanase c'est alors que les Conciles donnent
au monde le plus grand spectacle qui fut jamais.
Les barbares ces ótrangers régénérateurs des
peuplesviennent parquer dans le Forum el l'agora
Campos ubi Troyafuitl On n'y entend plus les ac
cents dss tribuns, mais l'éloquence religieuse con
serve son empire Attila s'arrêle aux pieds de l'évê-
quedeRome; les chefs barbares cedent aux prières
d'un pontile intrépide et se plaignent ensuite d'avoir
etó enchantés par des paroles magiques.
L'éloquence politique se rèveillera on entendra,
en Italië, Rienzi et Savonaroleen France, Etienne
Marcel et Robert Lecoq en Flandre, Van Artevelde,
qui tombera assassiné, après avoir jeté les bases
des Elats-Unis de l'Europe.
Les triomphes de la parole ne s'arrétenl point. Le
verbe éelale comme un clairon, c'est la Reformec'est
Jean Huss, Jéróme de Prague, Ulric de Hutten, Franz
de Sickingen; ici c'est la parole ardente de Luther;
lè-bas celle de Zwingle, plus loin celle de Calvin ils
proclament les droits du chrétien. Dans deux siècles,
la Revolution francaise proclamera les droits de
l'homme.
Les droits du chrétien 1 les droits de l'hommeQuel
chemin 1
Comme autrefois les Conciles discutaient' les prin
cipes éternels, l'Assemblée Nationale élève la voix au
nom de la fraternité. 89 passé; la voix tonnante de
Mirabeau s'éteinl; Vergnaud se taitc'est 93! La
parole assassiné Socrate, mais elle ressuscite Lazare
93 tue ses grands hommes, mais elle les immorta
lise.
M. Bancel a prêté a ce Ihème la magie de sa pa
role, qui se ploie tous les accidents de son sujet;
tantöt gracieuse et tantöt ardente, toujour* pleine de
charme. M. Bancel reprendra une a une les diverses
époques qu'il a rapidement effleurées et nous fera
connaitre plus intimemenl le róle que l'éloquence y a
successivemenl jouè il nous entretiendra, dans sa
prochaine Conférence, fixée au jeudi 5 janvier, de la
Parole a Alhènes.
Après cette démonstration de l'importance de la
parole, nous n'insisterons point sur ce que nous di-
sions en commencant .- la nécessité d'introduire l'é-
tude de la parole dans I'enseignement moyen et supé
rieur. Comme l'a dit M. Bancel, de nos jours c'est
plus que jamais par la parole que l'humanitè doit pro-
gresserc'est par elle qu'il faut triompher du fana
tisme et de l'intolèrance c'est par la force de la pa
role, prclamant la véritè et la justice, qu'il faut
assurer la victoire dèfinitive de la Charité et de la
Raison.
Que le catholicisme politique répande, du haul de
la chaire, la terreur dans les ames naïves et timorées;
ne laissons, nous, tomber de nos lèvres que des pa
roles de tolerance et de paix. Multiplions les confé
rences, encourageons'les orateurs; le verbe, c'est la
lumière; ainsi nous arriverons a inspirer a tousle
respect des convictions sincères, nous détruirons les
vaines frayeurs el les préjuges, qui arrêtent l'essor
de l'humanitè; ainsi nous amenerons le règne tant
souhaile de la fralernite.
En attendant eet événement, saehons reconnaitre
que, si l'eloquence est la plus grande jouissance des
hommes assemblés el le plus puissant outil du pro-
grès, M. Bancel est un de ses plus séduisanls mi
nistres.
Une rltournelle de GmSmbarde a Ia Chambre.
Les lecteurs de YOpinion ne sont pas sans se sou
venir de certain discours a des électeurs prononcé
par M. Reynaert, alors candidat-aspirant, aujourd'hui
dépüté-instrument de l'arrondissement de Courtrai.
Ils se rappellent encore les bêtises pyramidales débi-
tées par ce jeune cléricnl éprouvant le besoin, comme
il le dïsait dans un acces de jésuitique convoitise, de
révéler a ses futurs commettants le secret de lui-
méme, et de trahir devant eux les voix intérieures et
mystérieuses de son exur répercutëes par tous les échos
généreux de sondme! (Textuel.) Nouveau David,
il se disait appelé depuis longlemps combattre Ie
Goliath du libéralisme; Samson ressuscité, il se disait
prêt a se jeter dans la mélée (c'est-a-dire dans la
Chambre) et a frapper, avec la fameuse móchoire que
l'on sait, d'estoc et de taille sur tous ces Philistins de
la gauche parlementaire
En bien! il a voulu tenir parole, et, la séance du
46 courant, a propos de bottes, il s'est levé de son
banc jusque la décemment muet, et, armé comme
nous avons dit, s'est jeté têle baissée dans la mélée.
Hélasl quelle déconvenue il a essuyée, le pauvre
orateur, et quelle magnifique occasion de se taire il a
ainsi perdue! N'était ['impertinence de la comparai-
son, je dirais: Figurez-vous un chien s'aventurant
dans uujeude quilles. Jugez-en plutót.
Prenant pour texte de son petit discours un sujet
introduit par M. Lelièvre, repris en sous-oeuvre et
épuisé par M. Delcour, c'est-a-dire les réformes
apporter dans le contentieux devant les députations
permanentes, la publicité et la contradiction dans les
débats, notre jeune instrument, après avoir répété
mot a mot ce qui déja avait été dit et redit, (spécialité
dléchos intérieurss'est tout-a-coup rué sur la depu
tation de la Flandre occidentale qu'il a accusétd'arbi-
traire et d'illègalité, lui reprochant, cormne un scau-
dale administratif sans exemple, l'annulation des
elections communales de Courtrai, oü la fraude clé-
ricale, comme tout le monde sait, avait joué un si
pieux róle.
Cette sortie inconvenanle et extra-parlementaire,
effet sensible d'un prurit intempestif do voix inté
rieures, a fait, comme on le pense bien, hausser les
épaules a la plupart des représentants. Quelques-
uns, a ce qui parait, ont regardé l'oraleur a deux fois,
s'étant im iginé d'abord que M. Soenens, d'imparfaite
mèmoire, ètail sournoisement revenu, et s'altendant
a être abasourdis de quelque facheux el retentissant
subjonctif.
Cette pilié chez les uns, cetle stupéfaclion chez les
autres, se comprennent aisement.
Qu'un pauvre diable ile plaideur, qui vient de per-
dre sa cause, prenne vingt-quatre heures pour uiati-
diresesjuges et son avocat p.ir-dessus le marché,
passe une vieille indulgence pour la faiblesse hu-
maine a consacré cette licence. Mais qu'un honirne
dont l'élection a fait un lègislateuraille, oubliant toute
retenue, du haul de la tribune oü Ie couvre son invio-
labilité parlementaire, méconnaitre cette règle fomla-
mentale de la justice e\ de l'ordre dans la socièté,
res judicata pro veritate habetur qu'il se per-
mette d'incriminer lóchement les intentions de toute
une catégorie de juridiolions, accusant les juges d'ar-
bitraire el d'illègalité I Voilé certes qui dèpasse loutes
limiles de dignitè, de respect de soi-même, et consti-
tue aux yeux de tous le véritable scandale sans
exemple
Aussi, l'hnnorable ministre de l'intérieur, mü par
un sentiment de dignité parlementaire froissêe bien
plus que par un besoin de prolestation, n'a-t-il pas
manque de relever cette grossière attaque et de don
ner a l'insulteur une lecon de tact et de conve-
nance.
Sur un ton tout empreint cependant de modéra-
tion, et avec la calme autorité d'un régent sermo-
nant un gamin révolté, M. Vandenpeerebooin a rap-
pelè d'abord a son jeune et irréflèchi collègue qu'il
n'était point l'inventeur de la question par lui soule-
vée que les idéés par lui émises, après MM. Lelièvre
j et Delcour, étaient des idéés libèrales; que déja en
4838, le Conseil provincial de Liège avait demandè la
publicité des séances des députations que cette de-
mande avait été renouvelee en 4844 et que, a l'une
comme a l'autre date, elle avait éte rèpudiee par les
amis politiques de M Reynaert, alors au pouvoir.
Après avoir ainsi convaincu le dèpule de Courtrai
de plagiat, (effet irrèsislible de ces diables d'échos in
térieurs) M. le ministre lui a spirituellement laissé