JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEJIEN
YPRëS, üimanche
Troisième aimée. ft0 1.
ler Janvier. 1865.
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1
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1/Eneyclique.
Rome a parlé. Du haut du Vatican, séjour de l'in-
faillibilité humaine et surmontant la profonde dou-
leur de son ame, le Procureur-General Antonelli
entendu dans son avis conforme, Pie IX vient de si-
gnifier a la societé moderne l'arrêt qui la condamne a
faire amende honorable et a rentrer au plus tót dans
le bercail de l'Eglise latine, qui tient de Dieu lui -
inême,comme chacun sail, la mission de faire paitre
o les agneaux et Ies brebis.
11 y a un siècle ou deux, la publication d'un sem-
blable document eut été le signal d'un profond dechi-
rement dans le tnonde. A la voix du Souverain Pon-
life jetant l'anathême a ces doctrines perverses et
impies b qui consacrenl la liberie de conscience et le
droit, pour chacun, de servir le Dieu de sa croyance,
vous eussiez vu, les peuples se précipiter les uns
sur les autres, les royaumes soulevés, les bCichers
dressés partout, une série épouvantable de massa
cres, de combats fabuleux et d'embrasemenls.
Oh, combien la Papauté a raison de détester
le xix" siècle et les conquêtes de l'Esprit moderne!
Oü sont les temps oü Rome tenait le monde entier
courbé sous son sceptre? oü le Pape Hildebrandt pou-
vait dire avec vérité II n'y a que le Pape qui ail le
droit de se nommer ici-bas, quod unicum est nomen
in mundo? oü Henri IV d'Allemagne, dépouillé de ses
vêtements de Roi, couvert d'un silice, se prosternait,
suppliant et les yeux en larmes, aux genoux d'un
moine irritéQu'est devenue ceite toute puissance
quasi-divine et qui, semblable a celle que la Fable
prête a Jupiter olympien, fesait trembler l'univers
au moindre froncement de sourcil du Chef de l'Eglise
catholique romaine ITélas, le soufile empoisonnó
d'une détestable philosophie a corrompu les esprits et
les coears sous prétexte de liberie et de tolerance,
l'humanité en est arrivée a ce délire de croire que
la liberté de conscience et des cultes est le droit
i) propre de chaque homrne, droit qui doit être pro-
clamé etafiirmé par la loi dans tout état bien con-
stitué, et qu'il existe pour les citoyens un droit de
manifester et de déclarer, avec une liberté que ne
b peuvent limiter ni l'autorité ecclésiastique ni l'au-
b torité civile, leurs convictions, quelles qu'eiles
soient, ou par la parole, ou par la presse ou par
d'autres moyens. t Et voyez l'efïet de ces abomi-
nables doctrines La nouvelle encyclique, cette im-
périeuse et nouvelle sornmation adressèe au xix" siè
cle fourvoyé, la nouvelle encyclique, qui menace les
récalcitrants de damnation éternelle, n'a excité qu'un
sentiment de surprise mêlée de joyeuse humeur. On
se fót entretué, il y a deux siècles; on s'ébahit,
on plaisante aujourd'hui. Faut-il s'étonner,
après cela, si l'Eglise a voué une haine mortelle a
:ette philosophie infame qui l'a livrée au ridicule et
lont les scandaleux sophismes ont sapé sa puis
sance
L'Encyclique de Pie IX n'apprendra rien aux iibé-
aux lis ont inesuré l'ablme qui sépare l'Eglise ro-
-taine des invincibles aspirations de la societé mo
derne et ils savent depuis longtemps que eet abime
est infranchissable. Elle n'apprendra rien non plus a
ces vieux cléricaux qui, sous le masque de la liberté,
travaillent sourdementa la reconstruction du passé;
mais il est, dans notre pays, toute une phalange de
jeunes et nobles coeurs, sincèrement, profondément
attachés a nos libres institutions et qui poursuivent
encore, dans l'inexpérience de leur Sge, la décevante
chimère d'une alliance possible entre l'Eglise et la Li
berté. Sèduils,entrainés par les protestations des réac-
tionnaires ultramontains.ils se sont associés jusqu'ici
a lous leurs desseins,ils ont servi toutes l;urs entre-
prises, si folies, si audacieuses qu'eiles fussent, con-
vaincus qu'ils hataient par cette communauté de
vues et d'efibrts, la réalisation de l'ideal promis a
leurs chères illusions. L'Encyclique, il faut l'espérer,
du moins, ouvrira les yeux de cette jeunesse active et
intelligente, qui a sa place toute marquée parmi les
amis de la vraie liberté et dont l'union avec les réac-
tionuaires cléricaux n'a pas cessé d'être pour eux ua
sujet d'étonnement et d'afiliction. Et comment, après
le scandale d'un semblable document, pourrait-elle
hèsiter, un seul instant, a rompre avec ses anciens
amis Elle avait inscrit sur sa bannière la liberté
de conscience et l'Encyclique réclame l'appui du
bras séculier pour exterminer l'herésie. Elle avait
proclamè la liberté absolue de la presse, et cette
liberté, Pie IX l'appelle un délire, la liberté de la
perdition. Elle s'était groupèe autour de la formule
imaginèe par M. de Montalembert, l'Eglise libre dans
l'Etat libre et voila qu'a cette formule, Rome en op-
pose une autre L'Eglise souveraine el l'Etat esclave.
Tout ce qu'elle rejette, l'Encyclique l'afiirme el ['im
pose; tout ce qu'elle afiïrme, l'Encyclique le rejette et
le condamne. L'illusion est desormais impossible et
le divorce nécessaire ou ces jeunes catholiques,
comme ils s'appellent eux-mêmes, rompront ouver-
tement avec les vieux serviteurs du monde ancien et
se joiudront aux defenseurs des libertes modernes ou,
s'ils persévèrent dans leur alliance avec ceux-la, il
n'y aura plus a voir en euxque des Tartufes de liberté
ou des Orgons incurables et, dans l'un comme dans
l'autre cas, le liberalisme aura de bonnes raisons pour
ne pas les regretter.
Qu'ils ne s'y trompent pas, d'ailleurs c'est moins
contre les liberaux, les naturalistes, lespositivistes et
les panthéisles que contre eux-mêmes que l'Ency
clique fulmine ses plus terribles anathêmes. A quoi
bon damner les libéraux? C'ótait peine perdue ils
savent, depuis des siècles, depuis Luther, depuis
Jean Huss, que tous ceux qui veulent user libre-
ment de leur intelligence u'ont a attendre ni grace
ni merci de ia Cour romaine. Mais ceux qu'il im-
portait d'avertir et de menacer, ce sont ces catho-
liques importuns et facheux qui, dans ces dernières
annees, n'ont pas discontinuè de presser le Saint-
Siége, a de se réconcilier et de transiger avec le pro-
b grès, le libéralisme et la civilisation moderne; b
ce sont des imprudeuts qui, a s'ecartant de la saine
b doctrine, prétendent qu'oa peut sans péché, et
b sans perdre sa qualité de catholiques, refuser as-
b sentiment et obeissance aux jugements et decrêts
b de l'Eglise, pourvu qu'ils ne touchent pas le dogme
de la foi et des moeurs. b Ceux-la, et ceux-la seuls
devaienl être avertis, menacés, réduits au silence.
Oh, quant aux chefs, quant aux Montalembert, aux
Dupanloup, aux Dechamps, nous ne doutons pas,
qu'en fiIs soumis de l'Eglise, ils ne s'empressent de
courber l'échine sous la verge du cardinal Antonelli;
mais les jeunes, mais ceux eri qui palpite encore Ie
sentiment de la dignilé humaine, ceux-la, il faut le
croire pour leur honneur, saurorit se placer au-des-
sus des intimidations forcénées d'une puissance aux
abois et affirmeront avec nous le Dieu de la liberté
en face du Dieu de l'inquisition.
Les tarifs.
La question de l'uniformité de tarifs des lignes con-
cédées, en inatière de transport de marchandises, a
été abordée de nouveau au Sénat, dans sa séance
du 26.
On se rappelle qu'au commencement de décembre
une petition, signée d'un grand nombre de commer-
cants et d'industriels des arrondissements d'Ypres et
de Roulers, avait été soumise a la Chambre des re-
présentanls.
II n'est pas sans intérêt de mettre en regard les
explications données dans cette double circonslance
par M le ministre des travaux publics Celui-ci se
bornait a faire connaltre qu'il avait demandé aux
sociétés concessionnaires de chemins de fer, de se
rallier au dernier tarif réduit de l'Etat, b l'insuc-
cès de cette démarche auprès de la compagnie de la
b Flandre Occidentale, comme, du resle, auprès de
8 toutes les autres compagnies el il constatait
qu'en maintenant ses tarifs, la Compagnie de la
b Flandre Occidentale usait d'un droit incontes-
table, b Bref, le gouvernement ne pouvait rien
faire et les pétitionnaires conservaient peu d'espoir
de voir accueillir leurs justes réclamations.
On aurait cependant pu répondre a M, ie ministre
des (ravaux publics que la Compagnie de la Flandre
Occidentale ne s'était pas contentée de maintenir ses
tarifs, mais qu'elle avait profilé de la réduction des
tarifs sur les chemins de fer de l'Etat pour augmenter
les siens, ainsi que l'èlablissait d'ailleurs par chifi'res
la pélition des industrials yprois.
Nous prèférons mettre aujourd'hui sous les yeux
de nos lecteurs les paroles prononcées par le ministre
dans la séance de lundi dernier.
Après avoir dit que Ie groupement des exploita
tions, la fusion des lignes concèdées amènera les com
pagnies a accepter finalement le tarif réduit, il ajoute
Le gouvernement, en ce moment-ci, est en nègo-
b ciation avec les compagnies pour arrêter un tarif
b uniforme sur des bases réduites, avec une legére
b modification quant aux plus longues distances par
rapport au dernier tarif de l'Etat J'ai tout lieu de
a croire que le tarif auquel je fais allusion sera ac-
b ccpté par les compagnies et peut-être que, d'ici a
b peu de temps, nous aurons, a eet égar I, une situa-
8 tion que je n'hésilerai pas a qualifier de salisfai-
b santé, b
Cette declaration, comparée h celle du 2 décembre,
dénote un grand progres dans la marche des négocia-
tions elle fait espérer que les réclamations des péti
tionnaires ne seront pas sans résultat. Nous avons foi
dans la soilicilude du gouvernement pour l'industriö