JOURNAL D'YPRES k DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Dimanche
Troisième année. JM° 6.
5 Février 1805.
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Correspondence particnlière de I'OPINION.
Bruxelles, 5 Février 1865.
Le budget de Ia guerre est voté. Disons-le sans dé-
tour lv'titude du parti libéral, dans cette discus
sion, a été 'es plus inisérables.
On peut différer d'avis sur la nécessité d'unearnnée
en Belgique. Pour ma part, sans prétendre exprimer
le sentiment de 1 'Opinion sur ce point, je dois avouer
que la foi des traités, sur laquelle les adversaires du
budget se reposent avec tant d'abandon, ne m'ins-
pire qu'une très-médiocre confiance el que la crainte
de voir Ie pays se ruiner en d,:,penses militaires ex-
cessives, ne m'effraie nullement. Aussi longtemps que
le loup restera loup, les moutons feront bien, je
pense, de garder leurs bergers et leurs chiens, düt-il
leur en coüter un peu de leur toison C'est assez dire que
je ne m'associe pas aux recriminations de ceux de
mes confrères de la presse libérale qui font un crime
a la majorité de la gauche de son vote favorable au
budget de Ia guerre mais ee que je considère avec
eux comme une chose profondément triste et misé-
rable, c'est qu'il ne se soit pas trouvé,dans les rangs
de cette majorité, une seule voix pour protester con-
tre les théories ultra-militaristes de M. le général
Chazal. Quoi, un ministre de notre libre Belgique a
osé dire, en plein Parlement, que les armées perraa-
nentes sont aussi nécessaires a la société que le pain
a l'individu, que Ia liberté n'a jamais eu de sauve-
garde plus süre, que nous leur devons toutes nos
conquêtes morales et poliliques,et parmi les soixante
représentants libéraux qui écoutaient eet étrange
discours, pas un, non, pas un ne s'esl senti insulté et
n'a demandé la parole pour répondre a eet insolent
panégyrique de la force? Dans quel pays vivons-nous
done et quel est ce régime oü des hommes qui se di
sent les représentants de Ia liberté ne trouvent pas
une parole pour la venger de ceux qui l'outragent en
face
II a beaucoup été question de la neutralité beige
dans la discussion du budget de la guerre. La neutra
lité est, sans doute, une excellente chose, mais a une
condition, c'est qu'elle ne soit pas purement nomi
nale et qu'on la respecte dans la pratique. Nous au-
rons beau proclamer que nous voulons rester neutres
dans les débats qui peuvent surgir entre les nations
étrangères, si notre conduite dement notre langage,
il est olair que nous perdons tous les bènéfices de la
neutralité. Avons-nous respecté la neutralité vis-a-
vis du Mexique? Le fait d'avoir autorisé sur Ie sol
beige la formation d'un corps militaire destiné a pren
dre part a l'expédition de Maximilien d'Autriche ne
constitue-t-i! pas une atteinte aux devoirs qui nous
incombent en notre qualité de pays neutre? Telle est
la question que M. Vandekerckhove, avocat a Ia Cour
d'appel de Bruxelles, examine dans une pétitien im-
primée qu'il vient d'adresser a la Chambre des repré
sentants et qui a produit une très-vive impression.
Nous n'en avons malheureusement pas fini avec
cette malencontreuse expédition mexicaine et ce qui
vient de se passer au sénat des Etats-Unis nous dit
assez quelles sont les dispositions du peuple améri-
cain k l'égard de Maximilien et de sa dynastie. Lors
de la discussion du dernier budget des affaires étran
gères, le Sénat avait a voter un crédit ainsi libellé
Frais d'ambassade au Mexique A une immense ma
jorité, le libellé a été modifié comme suit Frais d'am
bassade a la République du Mexique. II n'est, d'ail-
leurs, douteux pour personne que la première chose
que feront les Etats-Unis, anssitót la paix conclue,
c'est de chasser du Mexique S. M. l'empereur Maxi
milien. Que deviendra alors notre fameuse légion
beige? Sans doute que le ministère lui fera voter une
pension civique, sauf a déclarer, comme toujours,
qu'il n'entend intervenir en rien de ce qui concerne
l'expédition.
A propos de la légion mexicaine. on me cite un fait
qui mérite d'étre noté a cóté de tous les faits édifiants
que l'on connalt déja. Un jeune homme s'était enrolé,
avec le consentement de son père, dans un de nos ré-
giments d'infanterie. Les embaucheurs mexicains qui
infestent l'armée l'ont engage, a l'insu de son pere,
dans Ia légion commandée par M. Vandersmissen. Le
père, que le depart de son enfant a réduit au déses-
doir, est en instance auprès du ministre de la guerre
pour obtenir que son enfant lui soit restitué. Ah! s'il
s'agissait d'une petite sotte, attiree dans un couvent,
comme vous verriez l'indignation des journaux libé
raux éclater sur tous les tons Mais i! s'agit du Mexi
que et pas un n'ose lever la langue. C'est édifiant.
Le projetde loi surles fraudes électorales préoccupe
toujours très-vivement l'opinion publique. M. Rolin
Jacquemyns, avocat a Gand, vient de faire paraltre
sur cette question, un travail intitule De la réforme
électorale. Examen des moyens d employer dans les
gouvernemenls représentatifs pour assurer la liberté
des elections el la sincérité des voles. A part quel-
ques critiques de détail, l'auteur approuve de tous
points le projet de loi présenté par Ie gouvernement et
se prononce ouvertement contre toute tentative de ré
forme dans le sens d'une plus grande extension du
droit de suffrage. J'extrais de son travail quelques
lignes dont plus d'un, chez vous, pourra faire son
profit. Les particuliers éclairés, dil-il, devraient,
comme l'Etat, participer a l'éducation politique du
i) peuple. C'est ce qu'ils feraient aisément en organi-
sant des conférences publiques,oü l'onexpliquerait,
avec plus d'ètendue que dans les écoles, a l'aide de
dèveloppementshistoriqueset de commentaires rai-
i> sonués, le mécanisme du gouvernement représen-
tatif et parlementaire. II est évident qu'un certain
nombre de conferences de ce genre suffirait pour
a que les èlecteurs qui y auraient assisté, se presen-
d tassent au scrutiu avec un tout autre sentiment de
leurs devoirs, par conséquent avec une aversion
a plus grande pour la corruption et la fraude.
J'ai a vous signaler également une brochure de
M. Splingard père traitant le même sujet. M. Splin-
gard se proclame sans detour partisan du suffrage
universel dans le sens le plus large du mot. L'idéal du
régime représentatif, selon lui, serait dans une com-
binaison électorale oü chaque électeur voterait pour
les 116 représentants a la fois mais eet idéal étant,
d'après lui-même, purement chimérique, il émet une
combinaison qu'il trouve plus pratique et qui consis-
terait a permeltre a chaque électeur de concentrer
tous ses votes sur un seul candidat. Ainsi, supposons,
par exemple, un électeur ayant a nommer 3 représen
tants, comme a Ypres, M, Splingard entend que eet
électeur puisse donner ses trois voix a un seul can
didat. C'est, si je ne me trompe, le système défendu,
il y a quelques années, par John Russell.
Au milieu de toutes les nouvelles idéés qui fer
mentent, que devient le vote par ordre alphabétique
1! y a trois ou quatre ans, il semblait que ce füt une
sorte de panacée qui devait assurer a jamais la sincé
rité des elections. Aujourd'hui, c'est a peine si quel-
quesassociations libérales songent encore a en recom-
mander l'emploi. Qu'est-ce que cela signifie, sice n'est
que l'opinion publique a fait d'immenses progrès dans
ces dernières années et que les satisfactions qu'elle
réclamait naguère ne sauraient plus lui suffire, de-
puis qu'elle a creusé plus profondément le problème
électoral
MM. Debaets, Coomans, Royer de Behr et autres
députés de la droite viennent de déposer une propo
sition de loi ayant pour objet l'attribution au jury de
la connaissance des délits et quasi-délits de presse»
Vous vous rappellerez qu'il y a quelques mois une
proposition analogue, prósentée par les inêmes mem
bres, avait été écartée par la section centrale comme
incomplète. Aura-t-elle,' cette fois, plus de chance?
Je le souhaite, car si elle n'est pas encore toute la
justice, elle n'en réalisera pas moins un progrès très-
sensibie sur l'état des choses actuel. M. Guillery a
très-bien fait sentir, en peu de mots, le vice du sys
tème proposé par MM, Debaets et consorts. Ce sys
tème admet, en effet, le quasi-délit en matière de
presse, e'est-a-dire ['obligation pour l'écrivain, de ré-
parer le mal commis par sa plume dans le cas même
oü le fait dommageable ne réunirait pas les carac-
tères constitutifs de l'injure ou de la calomnie. La est
le mal, mais, a tout prendre, il est infinimenl préfé-
rable a celui que Ia presse subit aujourd'hui, avec
une jurisprudence qui livre l'écrivain a l'arbitraire
illimité des tribunaux civils.
On m'assure qu'il y aura, le 5 février, Bruges,
une réunion importante dans laquelle serout mis en
relief les vices de la législation actuelle sur la milice.
La discussion impatiemment attendue du projet de loi
sur la révision de cette législation donne une grande
opportunité a cette réunion. C'est la société de Klau-
waerts qui l'a provoquée et qui y invite tous ceux qui
s'intéressent a l'amélioration de cette partie de notre
législation. Un grand nombre de délégués de sociétés
ouvrièreset démocratiques du pays y prendront part.
Une réunion analogue aura lieu très-prochainement
a Gand, puis ensuite a Verviers.
Ypres, 50 Janvier 1865.
A Monsieur l'Editeur du journal I'Opinion.
Monsieur,
Vous avez consacré differents articles a notre Bi-
bliothèque populaire; il n'y a pas longtemps, parlant
du Catalogue qui avait vu enfin le jour, vous faisiez
ressortir avec une grande force de logique combien il
était étrange et irrationnel d'en refuser des exem-
plaires ceux qui pourraient conseiller les ouvriers