En effet, les cléricaux ne lolèrent la liberté de la
presse, ce déiirecette liberté de la perdition, que
comme un malheur du temps. lis ont pour mission
de la restreindre dans les lirnites du possible, en at
tendant des temps meilleurs oü il sera permis de
l'étouffer..Or 1 le ihéêtre est un des puissants organes
de la presse. S'il est libre, il est un produit du délire,
et, semblable a un fou furieus., il a besoin de ce gilet
de force que ('orthodoxie offre a l'amour des peuples
et qui s'appelle la censure. Quand le pauvre fou sera
lié, tout danger disparaitra et les temps sepont meil
leurs. Mais comme il refuse de se rendre, il importe
d'avoir pour lui des ménagements, des égards et
méme des cólineries afin d'óviter de plus grapds mal
heurs.
Les cléricaux de Courtrai, qui boivent a la source
pure de l'orthodoxie, comprennent leur mission. Gra-
cieux comtne la plus jolie femme du monde, M. Ghes-
quière s'écria en plein Conseil communal Le théótre
a toutes mes sympathies, M. Steiner toute mon es-
time, et les représentations données toute mon admi
ration. Quel langage plein d'enthousiasine pour l'art,
de tolerance pour la scène et d'encouragements pour
les artistes. Autant de mots, autant de caresses 1
Mais l'orthodoxie ne pouvail donner au théatre
libre que des baisers de Judas chacune de ses cajo
leries devait être un mensonge.
Aussi, malgré ses sympathies, son estime et son
admiration, M. I'éc.hevin ne füt-il présent a aucune
représentation. A peine eüt-il trouvé un prétexte,
qu'il ferma le théatre. Et sommé par M. Danneel de
mettre ses actes d'accord avec ses paroles, il répon-
ditpar un dèlicieux sourire fort en honneur chez
les jésuites.
Cela g'appelle avoir la franchise de ses opinions.
Pourtant cette conduite est dans la logique du clé-
ricalisme beige. Ecoutez ses organes. Goinme M.Ghes-
quière, ils exaltent la liberté et lui tressent des cou-
ronnes, Malgré le Pape et le syllabus, noire Constitu
tion est leur catéchisme politique, chacune de ses
libertés un article de leur foi. Ne contestez pas leur
amour pour la liberté de conscience, ce serait les
outrager. Et si vous mettiez en doute leur inaltérable
dévouement a la liberté de la presse, ils se croiraient
calomniés
ïout ce mystère de langage s'explique par une
simple définition. A leur sens, qu'est-ce que la li
berté? G'est le droit pour les cléricaux de dis
poser souverainement de la conscience publique, de
la presse, de l'enseignement et de toutes les forces de
la nation. Au-dela, il n'y a que despotisme et persé-
cution.
Cette définition concilie toutes leurs paroles avec
leurs actes.
Ainsi le théatre, tant de fois maudit, serait recom-
mandé du haul de la chaire, s'il voula.it seulement
demander les bénédictions de l'évèque. En eile-même
l'institution est excellente pourvu qu'elle soit libre
ce qui en argot clérical veut dire soumise a la censure
du cure. A Rome, par exemple, paree que le théatre
est libre il est tenu en honneur par Ie haut clergé.
Pour des gens dont la toute-puissance repose sur un
orgueilleux étalage de luxe et de splendeurs, ie théètre
est plus qu'une distraction et un enseignement, il est
une condition d'existence. Aussi, a l'exemple de Ri
chelieu, tout Monsignor, dandy séduisant et fin con
noisseur des belles choses, se montre-t-il dans ces
splendides soirées oü les actrices luttent de beauté et
de grace avec les dames romaines. Toutefois, il y est
de convenance, comme dirait M. Ghesquière, que l'ac-
trice et le monsignor observent les saintes prescrip
tions du Carême.
A ce prix M. Nolf et ses collègues voudraient bien
donner a leurs administrés la liberté de théêtre. Ils
sont pour elle pleins de tendresse. Alors on les ver-
rait honorer de leur présence toutes les représenta
tions. Les sermons du soir seraient déserts, et les jé
suites feraient faillite. Ahc'est grand dommage
vraiment que le théatre beige, conseiilé par les libé-
raux, ne veuille pas être librel
Sous le régime actuel, a défaut de liberté, on ren
contre parfois sur la scène ('immortelle figure de
Tartuffe ou bien celle d'un abbé galant, contempo
rains d'Adrienne Lecouvreur, et trop initié aux petits
secrets des coulisses. Pareilles exibitions sont trop
saisissantes. Elles arrachent trop cruellement a la
vertu cléricale le voile qui la couvre, tout en prou-
vant que la lecture des abbés, grands ou petits, ne
doit pas être recommandée trop chaudement aux
dames et aux demoiselles de bonne familie.
II n'est pas jusqu'au théótre Qatnand de notre pe
tite ville d'Ypres qui ne se soit permis d'évoquer
l'ombre sanglante de de Horn et de faire voir au pu
blic De duivel op het dorp. D'un cóté, la sainte
Inquisition sous la forme hideuse d'un d'Albe, les-
bras jusqu'au coude dans le sang des Beiges. De
l'autre, le vautour clérical planant sur le chevet des
malades, pour arracher, a l'ombre de la mort, quel-
que lambeau de leur fortune, au nom du Christ né
dans i'ètable et mort sur la croix Voila ce que peut
le théêtre sous un régime de despotisme et de perse
cution.
Mais s'il jouissait de la liberté romaine, ces pièces
seraient retirées du répertoire. Au besoin l'oeuvre et
I'auteur seraient brülessur la place publique. Et pu-
rifiée par la eeusure, la scène serait recommandée
aux êmes pieuses.
Voila le progrès révé par tous les Nolf de Ia Bel-
gique. Voila la liberté dont ils veulent nous .gratifier,
et dont nous les remercions de grand coeur.
JLcttre a UI. Ie bourgmestre de Warnêton.
Monsieur,
II y a deux ans, alors que vous ne siégiez pas en
core a I'Hótel-de-Ville de Warnêton, nos édiles, mus
par l'intérêt public et en partisans de choses bonnes
et utiles, jugèrent nécessaire de construire une route
en gravier reliant le pavé de Messines a Armentières
a Warnêton. Ils votèrent des fonds pour cette con
struction.
Ge gravier était destiné a desservir la vallée de la
Douve. Suivant le projet alors émis et développé
au Conseil communal, il ne devait former qu'une
seule route depuis les Caves de la Potterie jusqu'a sa
jonction au pavé susnommé. Mais a partir des Caves
il se bifurquait en deux artères dont l'une aboutissait
a votre établissement et l'autre au cabaret le Rooster.
Le troncon du chemin du Rooster était Ie plus utile
la population de Warnêton-villel'autre l'était a
voire établissemenl industriel et a quelques particu-
liers. Mais comme Warnêton-ville formait la majo-
rité, et qu'en des choses de cette espèce, il faut con
sulter les intéréts de la majorité et leur obéir, les
conseillers communaux d'alors décrétèrent que Ie
troncon du Rooster se ferait en premier lieu. G'é-
tait naturel.
Voila, Monsieur, de l'Histoire ancienne que nous
tenons vous narrer.
Depuis lors une majorité d'une voix vous a intro
duit au Conseil communal et vous êtes devenu bourg-
mestre.
G'est depuis votre nomination qu'a eu lieu l'adju-
dication du gravier de Warnêton au pavé de Messines
a Armentières.
Voici maintenant de l'Histoire moderne que nous
avons a coeur de vous remémorer.
La séance d'adjudication des travaux du gravier
était présidée par M. le commissaire d'arrondisse-
ment; vous étiez assis a sa droite, comme Dieu le fils
cóté du Père. Nous ignorons ce qui s'est passé entre
vous et ce fonctionnairenous savons seulement que
c'est lui qui rédigea le procés-verbal d'adjudication.
Dans ce procés-verbal nous voyons figurer comme
une obligation pour l'adjudicataire des travaux d'em-
pierrer en premier lieu le chemin n" 7, dit de la
Truie, et par conséquent de ne construire le gra
vier du chemin du Rooster qu'en tout dernier lieu.
Comment se fait-il, M. le bourgmestre, qu'on ait
oublié le vceu formulé, il y a deux ans, au Conseil
communal? Pourquoi a-t-on ordonné a l'entrepre-
neur de mettre la main a l'oeuvre en premier lieu
dans le chemin de la Truie, en second lieu dans celui
du Rooster?
Voila des questions que nous nous posons et quo
toute notre population s'est posé, questions toutes
simples et toutes naturelles! L'agglomération de War
nêton, c'est-a-dire la majorité, avait intérêt a voir
commencer les travaux de la route par le chemin du
Rooster. Un voeu, auquel on avait promis d'accéder,
avait été formulé en ce sens.
Mais tout cela a été méprisé; les autorités assistant
a l'adjudication ont décidé qu'on empierrerait d'abord
le chemin vis-a-vis de votre établissement.
Pourquoi ce changement? Comment se fait-il que
la majorité doive subir la loi de la minoritè?
Nous voudrions le savoir.
Aimant a bien penser des actes de notre prochain,
nous ne sommes pas de ceux qui se basent sur des
on dit pour mal augurer des intentions des autres.
Oh non, M. Ie bourgmestre, nous ne portons jamais
dejugements térnéraires!
Ennemis de la caloinnie, nous avons toujours pensó
que ce seraient de mauvaises langues celles qui di-
raient que vous aviez grand intérêt a la construction
de cette route arrivant en face de votre usine 1 II n'y
a que des esprits mal tournés et de mauvais cceurs
qui oseraient présumer de pareilles choses.
Nous ne sommes pas de ceux qui disent qu'en fait
de ces routes, comme en bien d'autres choses, on vous
a conseiilé d'agir ainsi. Car on n'y avait aucun in
térêt.
Croyez-nous, M. le bourgmestre, nous répudions
toutes les conjeotures.
Cepeudant,.pardoonez-nous notre liberté l
nous vous prions de nous dire pourquoi, en votre
présence, M. Ie commissaire d'arrondissement a in-
scrit dans le procés-verbal d'adjudication de ia route
vers le pavé de Messines, que les travaux d'empier-
rement commenceront dans le chemin n° 7, (chemin
de la Truie) qui se trouve en face de votre usihe?
II valait mieux, croyons-nous, pour la généralité
des habitants, commencer par le chemin du Roos
ter.
Qu'en pensez-vous?
Agréez, etc. A. et O.
Warnêton, le 7 Mars 186b.
Nous emprunlons au livre de M. Tempels, Vln-
slruction du Peuple, qui yjentde paraitre a Bruxelles,
le passage suivant sur l'instruction obligatoire.
L'art. 203 du Code civil porte Les époux con-
tractent ensemble, par le seul fait du mariagej
('obligation de nourrir, entretenir et élever leurs
enfants.
Si cette disposition ne s'entend que des soins phy
siques, alors la loi avertit les hommes d'un devoir
dont les animaux s'acquittent sans code. S'il y a plus,
c'est l'instruction obligatoire. Veut-on l'inscrire plus
explicitement dans la loi? Pourquoi pas, puisqu'il y
a des gens qui nient que cela y soit? On y a bien
inscrit que les époux se doivent la fidélité.
L'obligation morale des parents n'est contestée par
personne.
Quelle est son étendue
Le pérs doit toute l'instruction possible; or, l'école
est possible pour tous. Done tous doivent l'école.
On fait deux objections,
4° L'école n'est pas toujours possible, paree qu'il
y a des pères qui ont besoin du salaire immédiat de
leurs enfants,
2° Elle n'est pas toujours possible, paree qu'il y a
des localités oü il n'y en a pas.
La première est un mensonge; la seconde est vraie
ensemble, deux crimes.
II existait anciennement une opération consistaut
a transfuser Ie sang artériel d'un enfant dans les
veiues d'un vieillard.
Aujourd'hui on admet done le père a dire les 15
ou 25 centimes de salaire de eet enfant me sont néces
saires.
G'est le même fait; a moins qu'on ne distingue
entre assassiner fort et assassiner un peu.
Gar le vieillard aussi pensait que Ie sang de l'en-
fant lui était nécessaire.
Le vieillard ne se trompait peut-être pas sur ce
pointmais il est certain que le père d'aujourd'hui se
trompe. En ne considéranl l'enfant que comme une
tête de bétail, si on l'attache a un troupeau ou au pis
ton d'uue machine a vapeur depuis sept jusqu'a douze
ans, au lieu de le laisser au paturage de l'école, il don-
nera plus tard un rendement tellement faible, qu'on
aura fait, en l'elevant, une mauvaise opération.
Cependant, pour ces cinq ans de salaire 15 cen
times, on aura sacrifié sa vie entière exactement
comme si on lui avait mutilé un membre.
Pour la conservation des biens des mineurs, le
Code civil, la loi du 12 juin 1816, la nouvelle loi hy
pothécaire et les autres prescrivent des mesures mi-
nutieuses. Les tribunaux interviennent, les procu
reurs du roi surveillent, le juge-de-paix assiste a tous
les comptes, les notaires ont des obligations étroites,
les acquéreurs sont tenus de veilleril y a des con-
seils de familie; un tuteur, un subrogé-tuteur sont
responsables.
Mais ce pauvre enfant, paree qu'il n'a point d'ar-
gent du tout, paree que son père est un misérable ou
malheureux ignorant comme lui, on laisse fiétrir son
óme et son corps et personne ne s'en souciel S'il
avait seulement une part de 30 francs dans un im-
meuble, dix fonctionnaires publics seraient chargés