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JOURNAL D'ÏPRES DE L'ARRONDISSEMENI
YPRES, i>imanche
Troisième anuéc. J\" 18.
80 Ayril 1865.
Paraissant le dinianche de ehaque semaine.
PHIX D'AUOlXEHEiVT
POUR LA BELG1QUE
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Un Numéro 23 Centimes.
L'OPINION
PKiX l)ES ilKSOSCES
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-lib., On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites.Toutes lettres
1 ou envois d'argent doivent être adressés franco aw bureau du journal.
AVIS,
L1 Opinion, qui a toujours pris a coeur de réaliser
toutes les amèliorations possibles, tant au point de
vue materiel qu'ii celui de la redaction, commencera
sous peu la publication d'un travail historique tiès-
intéressant sur i'Election de Charles-Quint a Franc-
fort Peu après suivra une appréciation du nouveau
livre de M.Pierre Tempels sur I' Instruction du Peuple.
Dans l'examen des questions politiques ou admi-
nistratives, soit générales, soit locales, dans les dis
cussions, dans les polémiques, elle continuera de se
renfermer dans les limites du calme el de la modera
tion, sans sacrifier en rien l'indépendunce de ses ap-
préciations.
Après plusieurs arinées d'existence, elle croit pou-
voir affirmer qu'elle n'a jainais abandonnè un seul
instant la voie qu'elle s'est tracée dès le premier jour.
C'est ce qui lui a valu et lui vaudra encore, nous en
avons la conviction, I'appui encourageant du public.
Les personnes dont ['abonnement expire a la fin de
ce mois sent priées de le renouveler au plus tót, afin
d'eviter une interruption dans I'envoi du journal.
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parvenir Ie montant de leur abonnement, soit par oc
casion, soit par les messagers ou en un mandat sur
la Poste, sinon les frais de recouvreinent seront a la
charge de l'abonné.
L,es articles et <34 de la Constitution.
La Chambre des Représentants a chargé une com
mission de lui faire rapport sur les difficultés que
soulève la poursuite du duel qui a eu lieu, le 6 avril
dernier, entre MM. Chazal et Delaet. Ces diffiru'tés
sont graves et nombreuses, des solutions en sens di
vers ont été proposées et tont fait prévoir que la
question fera très-prochainement l'ojijet d'un débat
parlementaire exlrêmement confus et animé.Nos lec-
teurs nous sauront done quelque gré, pensons-nous,
de leur exposer suCcinctement i'état de cette question
si ardemmeut debattue et les principales difficultes
dont elle est entourée.
En théorie pure et en laissant de Cóté, pour un in
stant, le texte, assez obscur, des articles 90 et 134
de la Constitution, il est clair qu'il ne s'agit pas ici
d'un cas de responsabilité ministérielle proprement
dite. Tous les auteurs sont d'accord sur ce point
que la responsabilité ministérielle ne s'applique
qu'aux actes posés par les ministres dans l'exer-
cice ou a l'occasion de l'exercice de leurs fonc-
tions, et qu'en ce qui concerne les délits privés dont
ils pourraient se rendre coupables, il n'y a lieu de
faire aucune distinction entre eux et les autres ci-
toyens. S'ilen était autrement, dit Benjamin Constant,
il s'ensuivrait que tous les délits privés des ministres
rentreraient dans la sphere de la responsabilité. II
faudrait une accusation intentée par les assemblées
représentalives pour punir l'homicide, le rapt ou tel
autre crime, bien que ce crime n'ait aucun rapport
avec les fonctions ministèrielles. Cette hypothese,
ajoute l'illustre publiciste, est trop absurde pour nous
y arrèter.
Le même auteur revient plus loin, avec une insis-
tance nouvelle, sur cette importante distinction entre
les délits politiques et les délits privés. Si je confie
a un homme, écrit-il, la gestion de ma fortune et
qu'il abuse de ma confiance pour faire des opera-
tions évidemment contraires a ma volonté ou a mes
intéréts, il est responsable mais si ce même homme
a force moil coffre-fort pour m'erilever une somme
que je ne lui aurais pas confiée, on ne dira pas qu'il
est responsable comme mon agent, mais il sera
punissable pour atteinie portée a ma proprièté.
a Dans le premier cas, il aurait abuse d'une autori-
sation légale que je lui aurais donnée-, et la respon-
a sabilité s'en suivrait. Dans la seconde hypothèse, il
o aurait agi sans aulorisation, et son délit n'aurait
rien de commun avec la responsabilité.
Mais si cette distinction est juste, et qui pourrait
en contester la justesse? si les ministres restent sou
mis au droit commun par rapport aux délits privés
dont ils se rendent coupables, serait-il sans inconve
nient d'autoriser le pouvoir judiciaire a procéder a
leur égard de même qu'il procédé contre les simples
particuliere? L'intérêt de l'Etat peut-il permettre.par
exemple, qu'un ministre soit arrêté préventivement
et mis en prison sur l'ordre d'un simple juge de
struction? On admet généralement qu'aucune pour
suite ne peut être entamée sans l'autorisation de la
Chambre mais aussi, c'est la seule derogation au
droit commun que les publicistes acceptent; cette
concession faite aux necessités politiques, ils re-
clament l'égalité compléte, absolue, de tous les ci-
toyens, ministres ou non, sous une loi commune a
tous.
La Constitution beige a-t-eUe dérogé aux principes
proclamés par la science? A-t-eile voulu soustraire
a l'enipire de la loi commune les ministres poursuivis
du chef de delits commis hors l'exercice de leurs fonc
tions et si telle a éte sa volonté, sur quels points a-
t-elle entendu leur faire, dans l'Etat, une position
exceptionnelle 1
En matière de délits politiques, le texte est formel
A la Chambre des representants seule appartient le
droit de meltre les ministres en accusation et de les
traduire devant la Cour de Cassation qui, seule, a le
droit de lesjuger-. Matis en matière de délits privés?
Une loi statuera, repond Partiele 90 de la Consti
tution. Très-bieu, mais cette loi n'est pas faite, et
en attendant, est-ce l'impunité pour les ministres?
Et si ce n'esl pas l'impunité, quelle est la Joi qu'on
leur appliquera? Quelle autorite sera chargèe de les
poursuivre et de les juger?
II y a bien un article 134, qui dit qu'en attendant
qu'il y soit pourvu par une loi, la Chambre des re
présentants et la Cour de Cassation jouiront d'un pou
voir discrétionnaire, celle-la pour accuser le ministre,
celle-ci, pour oaractériser le délit et déterminer la
peine mais c'est un sentiment assez gènéral que cel
article concerne exclusiveiqent les délits politiques et
qu'il n'esl pas entre dans la pensèe du Congres na
tional de l'appliquer aux délits purement prives,
commis par les ministres hors l'exercice de leurs
fonctions. Comment, en effet, expiiquer, dans i'opi-
nion contraire, que Ie droit de poursuite ait été ré
servé a la Chambre seule? Que, lorsqu'il s'agit d'un
fait politique, l'appréciation de ce fait soit du domaine
exclusif de la Chambre, cela se comprend sans peines
quand un acte ministeriel attaque la Constitution, la
nation tout entière se trouve blessée dans ses droits
ét c'est, dès lors, én son nom, et par l'organe de ses
mandataires, que la repression doit être demandée.
Mais lorsqu'un ministre s'est rendu coupable d'un
meurtre, d'un rapt ou de tout autre raèfait qui n'a
nul rapport avee ses fonctions, On cherclie en vain Ia
raison d'une disposition de loi qui enchalnerait Fac
tion de la justice au point de lui intsrdire jusqu'au
droit de demander a la Chambre l'autorisation de
poursuivre le coupable et, de la, on conclut assez
naturellement que l'article 134 ne s'applique qu'aux
actes, aux délits exclusivement politiques des mi
nistres.
Que si l'on adopte cette ihterprétation de l'article
134 de Ia Constitution, on est forcé de chercher, dans
l'article 90 seul, la solution des nombreuses dilïicul
tés qui nous occupent.
Une loi statuera, dit l'article 90. En l'absence de
cette loi, que faire? II n'y a pas de milieu ou bien,
c'est l'impunité ou bien c'est ia loi commune.
L'impunité Elle a ses partisans. Si l'impunité
blesse vos sentiments les plus intimes, ne vous en
prenez pas, vous diront-ils, aux auteurs de la Cons
titution. Le Congres national avail hate de constituer
le pays; le temps lui manquait pour mèdiler l'ceuvre
difficile d'une loi sur la responsabilité ministérielle;
mais il en comprenait l'urgente, l'indispensabte ne-
cessité et, a la veille de se séparer, il avait inscrit,
parmi ses voèux les plus ardents, celui d'une loi con-
cernant la responsabilité des ministres. Les ditïórentes
legislatures qui se sont succédées depuis 1831 n'ont
tenu aucun compte des voeux du Congrès, elles ont
difïeré, d'année ert année, de s'ocDuper du vceu pa-
triotique qu'il leur avait légué. Faut-il vous étonnerj
après cela, si nous en sommes arrives un jour a cette
monstrueuse iniquité qui vous révolte et dont nous
sommes révoltés tout autant que vous? Avez-vous
une loi, oui ou non? Et si vous n'en avez pas, com
ment voulez-vous punir?
Nous n'avons pas de loi spéciale, il est vrai, répon-
dent les advereaires de l'impunité, mais, a defaut de
loi spéciale, la loi générale, le droit commun conserve
tout son empire. Le droit commun Et cependant
l'article 90 dit clairemenl qu'aussi tongtemps qu'une
loi nouvelle n'aura pas statue sur eet objet.la Cour de
cassation aura seule le droit de juger les ministres et
qu'a la Chambre seule appartiendra celui de les ac
cuser. Deux dérogalions aux principesdu droitcom-
mun! Et si I'on admet que ('accusation par la Cham
bre est de rigueur même quand il s'agit de délits
commis par les ministres hors l'exercice de leurs
fonctions, que devient 1'objection que I'on oppose a
ceux qui soutiennent l'applicabilitè de l'article 134,
lequel confere a la Cour de cassation des attributions
tout arbitrages
II nous serait difficile, nous l'avouons sincèrement,
deformuler une opinion raisonnóe sur les differentes
questions que nous venons d'effLiurer. Espérons
que la commission que la Chambre a chargé de les
élucider ne tardera pas a nous présenter son rapport
et que lejour se fera pour tout le monde sur ee point
épineux de notre droit constilutionnel.