puisse exercer son mandat d'une manière indé-
pendante.
II nous serait facile d'opposer a ces assertions
toules gratuites l'exemple de l'Angleterre, le modèle
des pays constitutionnels, oil les membres de la
Chambre des Communes ne dédaignent pas de con-
voquer annuellement leurs commettants et d'y venir
rendre compte de leur conduite parlementaire. Mais
ne sortons pas du pays. On l'a déja dit, toutes les
associations libérales, a peu d'exceptions prés, s'oc-
cupent des questions a 1'ordre du jour. Soutiendra-t-
on que dans ces villes les mandataires acceptent un
mandat impératif? Mais s'il en est ainsi, s'il n'est pas
permis aux mandants de faire connaitre leurs vceux
leurs mandataires, l'exercice du droit de pétition-
nemenl lui-mêtne impose un mandat impératif et
le raisonnement de M. Carton n'arrive a rien moins
qu'a contester une de nos plus précieuses prérogati-
ves constitutionnelles.
Bien au contraire, nous crovons, nous, que les
mandataires et les mandants devraient avoir des
rapports plus fréquentsles uns et les autres y trou-
veraient la satisfaction de leurs intéréts légitimes, les
premiers en s'éclairant aux désirs, aux vceux du
corps électoral, les seconds en exercant une surveil
lance active sur leurs élus, surveillance dont le pre
mier effet serait de rendre impossible ces odieux tri-
potagesqui ont tant scandalisé les honnêtes gens.
Aux yeux de M. Carton, rien de tout cela n'est sé-
rieux, ni ce que l'on peut proposer pour acliver la
marche du libéralisme dans notre arrondissement, ni
ce qui se pratique avec tant de succès ailleurs, dans
les grands comme dans les petits centres. II n'y a de
sérieux que M. le commissaire et ses amis, comme il
n'y a d'indépendauce réelle que parmi les élus yprois.
Cette conclusion fera certainement beaucoup sou-
rire.
Au surplus, tout n'est-il pas pour le mieux dans la
meilleure des politiques possibles?
Conservons, s'écrie M. Carton, conservons le rè-
glement qui est notre bannière et doit faire toujours
triompher le parti libéral. Pauvre bannière, hé-
las 1 vous lui avez donné bien des coups de canif, mais
passons sur ces peccadilles. Vous vantez nos triom-
phes 1 Avez-vou* oublié que l'Association a vainement
essayé, depuis dix-neuf ans qu'elle existe, d'évincer
M. Vanrenvnghe et même qu'a deux differentes re
prises, en 1848 et en 1859, e!le a été obligee de trai
ler avec lui Ne savez-vous done plus qu'aux der-
nières elections, un de nos candidats a été élu avec
une seule voix de majorilé et que le ministre de l'in-
térieur, malgré les services rendus, a perdu plus de
40 voix d'une élection a l'autre, de 1863 1864 Vous
souvenez-vous que le 11 aoüt la ville d'Ypres elle-
même a donné moins de voix que d'habitude aux can
didats libéraux Oui Alors que parlez-vous de vic-
toire? L'influence de l'Association décline. Eneore une
vietoire comme la dernière et nous sommes coulés, s
M. Carton, pour nous servir de votre expression.
Puisque les faits se présentent a nous avee toute la
brutalité d'un chiffre, e'est done que Ie parti libéral
perd du terrain ici, et s'il en perd, il y a done quelque
chose a faire en présence du travail latent mais con -
tinu de nos adversaires 1
Les mesures prónées par nous sont-elies mauvaises?
Scit. Proposez-en de meilleures. Nous les examine-
rons et, si elles nous paraissent efficaces et surtout
pratiques, notre concours vous est acquis, car nous
dit aux envoyés d'Espagne o Nous sommes rivaux,
votre maiire et moi, mais nous ne sommes pas en-
nemis. Amants généreux d'une même maitresse,
e'est par des soins jaloux, mais tendres et respec-
tueux, non par d'odieux combats que nous nous
disputons sa possession. Francois 1", après cette
dèclaration plus chevaleresque que sincere, annonca
son intention de consacrer trois millions d'éeus a se
faire élire.
Du moment oü le roi de France trailait ses mal-
tresses comme Jupiter traita Danae, et se changeait en
pluie d'or, la balance devait nécessairement pencher
en sa faveur. Son rival, homme reflechi et conside-
rant en touteschoses la fin, était avareet regardanlè
a ses écus.
II voulail la pourpre impériale, mais il trouvait
inuiile de la payer en beaux deniers comptant. Des
promesses qu'il se réservait de tenir ou d'oublier selon
son bon plaisir, lui seuiblaient tout aussi concluantes
pour gagner les suffrages des électeurs. Ceux-ci pré-
feraient aux belles paroles les espèces sonnantes que
tes agents de Francois I" ne se faisaient faute de ré-
ne sommes pas suffisamment convaincus de notre in-
faillibilité pour nous permettre de rejeter ce que nous
n'avons pas inventé. En attendant, nous tenons nos
propositions pour bonnesles combattre, voire même
les faire rejeter, ne nous parait pas suffisamment
concluant, il faut avoir mieux a metlre a leur place.
Mais veut-on savoir quelle est la principale cause
de tout Ie mal C'est que l'Association,ou pour mieux
dire le Comité, est une oligarchie d'élus. Chargé de la
présentation des candidats, composé pour la très-
grande partie desénateurs, de représentants, de cori-
seillers provinciaux et communaux, toutes personnes
soumisesa réélection, ces messieurs se rendent natu-
rellemenl a tour de róle le service de se présenter
aux suffrages des électeurs.
II y a bien quelque part dans le règlement la fa-
culté accordée a chaque membre de l'Association de
presenter de nouveaux candidats, mais nous vou-
drions savoir comment les membres de l'Association
s'y prendraient pour user de cette faculté. D'abord
ils De connaissent les choix du Comité que le même
jour, dans la même séance oü ils sont appelés a voter.
Comment veut on qu'ils puissent. a la dernière mi
nute se concertersur le choix de nouveaux candidats
II y a bien plus. Ces nouveaux candidats, si quelqu'un
se basarde a les présenter, seront soumis a un vote
par assis et lever pour savoir s'il y a lieu de les
porter ou non sur la liste des candidats provisoi-
o res. Eh bien 1 nous le demandons a lout homme
impartial, est - il possible d'imposer des conditions
plus draconiennes
Ainsi done, ignorance du nom des candidats pré-
sentes par le Comitéimpossibilité, pour les membres
de l'assemblée, de se concerter pour proposer d'au-
tres choixvote public, par assis el lever, sur les
candidatures assez audacieuses pour se produire en
dehors du patronage offieielpression exercée sur le
scrutin par un Comité composé de toutes les influences
et qui emporte souvent a lui seul la majorite nume-
rique, tout y est arrangé, combine de manière a ne
laisser l'assemblée qu'un seul droit, celui de ratifier
les choix du Comité et de consacrer son usurpation en
lui donnant iesapparenees d'une délibération sérieuse
et libre.
Cette situation, M. Carton veut la maintenir. 11 ne
conteste pas que le Comité n'absorbe l'Association;
bien au contraire. Le Comité, dit-il, a eté composé
de 27 membres pour avoir une plus grande action
s dans l'arrondissement. Le Comité est revêtu du
mandat des autresc'esl pourquoi les autres res-
tent chez eux, paree qu'ils peuvent se baser sur
leurs mandataires. Nous en demandons bien par
don, nous croyions, nous, qu'en temps d'élection l'As
sociation dans son ensembleet chacun de ses membres
en particulier exereaient leur influence, et nous ne
comprenons pas comment tel ou tel exercerait,comme
membre du Comité, une influence plus grande que
comme simple membre de l'Association. Nous croyions
encore que l'Association avait donné au Comité un
mandat précis, pour l'aceomplissement de certains
actes déterminés par le règlement. II n'en est pas
ainsi, s'il faut en eroire M. le commissaire, car les
autres restent chez eux paree qu'ils peuvent se
baser sur leurs mandataires. Eh 1 que devien-
drait done l'Association si chacun restait chez soi
Mais si voire raisonnement est juste, il y a moyen de
simplifier encore. Si les membi es du Comité tieDnent
de l'Association le mandat de désigner, de présenter
pandre. Les ambassadeurs francais, dit un contem-
porain, voyageaient avec une suite de muiets char-
gés d'or, ils n'y allaient pas de paroles, mais d'ef-
fet et a mains pleines qui faisait avoir le prêcheur
bon crédit. Notre maitre, disaient-ils, se fera
élire soit par amour, soit par argent, soit par
force. Ce qui voulait dire que les trois milhons
d'éeus épuisés, 40,000 hommes bien armés et équi-
pés, viendraient achever avec le fer ce que l'or avait
si bien commencé. Cette armée faisaR partie des soins
tendres et respectueux que le roi de France comptait
rendre a la maitresse que lui disputait Charles-Quint.
Ce demier, fortement influencé par sa tante, Mar
guerite de Parme, ouvrit enfin les yeux. 11 vit les
progrès de son rival et le peu de chance que la cupi-
dité des princes électeurs lui laisserait, s'il ne renché-
rissail pas sur les dons si facilement prodigués par le
roi de France.
Je l'ai deja dit, il lui fallait l'empire; il avait
essayé de l'obtenir par des promesses il avait
échoue et il avait acquis la certitude qu'a moins de le
payer en bonnes espèces, il n'élail point vendre. Dès
les candidatures, au besoin de les discuter et de les
adopter, qu'ils donnent a leur tour semblable mandat
a M. le commissaire d'arrondissement et que celui-ci
désigne, présente, discute, adopte les candidatures de
son propre chef, ce sera plus commode.
Résultat absurde I Absurde sans doute, mais
conséquence logique de notre raisonnement.
Beaucoup d'associalions avaient été signalées oü,
après avoir vu le danger des comités trop nombreux,
on avail réduit ie nombre de leurs membres. M. Car
ton n'a admis aucun de ces points de comparaison.
Non-seulement nous ne pouvons êire comparés ni
Bruxelles, ni a Bruges, ni a Charleroi, mais pas même
a Ath ou a Namur. M. Carton a bien voulu néanmoins
nous indiquer ses termes de comparaison de meil
leure composition que lui, nous les adopterons puis-
qu'il rejette les nótres. C'est Gand et Alost.
Eh bien 1 nous affirmons des présent que les as
sociations de Gand et d'Alost, quoique beaucoup plus
nombreuses que la nötre, n'ont cependant pas un
Comité plus nombreux, si tant est qu'il se compose
de 27 membres, ce dont nous doutons fort. M. Carton
dispose d'un journal et nous lui offrons même nos co
lonnes, si nous nous trompons, qu'il le déclare, mais
dès a présent nous lui portons le défi de contester
notre affirmation.
En résumé, voila qui est clair. La ligne de démar-
cation est neltement tracée. D'un cóté, accroitre au-
tant que possible l'influence et par conséquent les
prerogatives du Comité, coneentrer en lui tous les
droits et tous les pouvoirs, sacrifier, s'il Ie faut, dans
ce but, l'Association au Comité, afin d'assurer la reé-
lection de ceux qui le composent, telleest la volonté
de M. Carton et de ceux qui le soutiennentde l'autre,
augmenter par la propaganda et dans l'intérêt des
principes libéraux, l'influence de l'Association en gé-
néral, assurer 1'indépeDdance, la liberté de chacun de
ses membres en particulier, provoquer, encourager
l'initiative personnelle, róduire le Comité a des pro
portions équitables, en un mot, en faire le mandataire
sérieux de l'Association, et non pas un corps de pri
vilégiés qui l'absorbe, tels sont les voeux de la mino-
rité. Entre ces deux tendances, il y a un abtme.
II nous resterait bien des choses a dire si déja nous
n'étions fort long. La réplique n'aurait pas manqué
d'ailleurs a M. Carton, séance tenarite, si ses amis
n'avaient jugé prudent de demander la clóture et si
en faisant voter sur cette clóture par assis et lever ils
n'avaient de fait enlevé la parole a la minorité. C'est
ainsi que quelques personnes comprennent la liberté
de discussion.
Avantde terminer son discours, M. Carton a pro-
testé de son impartialité et de celle de ses amis. II
déclare que dans l'examen d'une proposition, lui et
les siens voient toujours la proposition elle-même,
jamais celui qui l'a fait. La fin de la séance a donné
un bien cruel démenti a ses paroles.
Nos lecteurs se rappellent quel orage fit naitre, il y
a quelques rnois, une demande d'appel nominal. Mal
gré des précédents on refusa d'y faire droit sans autre
motif plausible que celui qu'on avoua cyniquemenl
Pas de concessions a la minorité! Cette fois, même
demande, même resistance d'abord, même résultat
probable. Déja l'on s'apprêtait a faire trancher la
question, toujours par assis el lever, et apparemment
afin de témoigner de Douveau du plus profond res
pect pour l'indépendaucede chacun, lorsqne M. Boedt,
se séparant courageuseinent de ses amis en cette cir-
lors il ne marchanda plus les largesses qui devaient
lui rapporter cette couronne si vivement convoitée
et les ambassadeurs rachetèrent au poids de l'or les
consciences qui s'étaient inconsidérément vendues au
roi de France, pour un prix fort au-dessous de leur
valeur.
En apprenant cette nouvelle, Bonnivet, l'agent de
Francois 1" en Allemagne, surenchérit sur les oflfres
du roi d'Espagne. A partir de ce moment, le trafic
des suffrages prit une proportion dont on n'avait en
core eu aucune idéé les électeurs vendaient ouver-
tement leur voix, tantót a celui-ci, tantót a celui-lè,
acceptant des deux mains et ne rendant jamais.
Ces marchés honteux furent même poussés si
loin que, dans un siècle oü ces petites infamies
n'étaient pas jugées avec une rigueur bien sévère,
l'élection de 1619 fut un scandale peur les contem
porains.
Ad. C.
{La suite auprochain n0.}