Ainsi Ie veut Ie projet de la commission. Rassurez-
vous cependantIe projet ne veut pas l'impunité du
ininistre-assassin, son fétichisme pour le pouvoir ne
va pas jusque-la. M. le Procureur-général de Ia Cour
de Cassation sera prévenu du méfait et aura mission
de demander èi la Cbambre des représeniants la li-
berté grande de poursuivre Son Excellence. La Cham-
bre en délibérera, corame il convient, c'est-a-dire
qu'elle nommera une commission, laquelle sera char-
gée de lui présenter un prompt rapport sur la de-
mande d'autorisation. Après quoi, si elle accorde
l'autorisation demandée, M. le Procureur-général aura
le droit de faire arréter M. le ministre et de le reu-
voyer devant... la Cour de Cassation.
Bon, dites vousmais si la Chambre est ajournée
ou dissoute? On attendra. Et si l'assassin,
comme il est probable, s'il est laissé libre, profite de
sa liberté pour passer l'élranger? On le laissera
partir.
Est-il possible, je vous le demande, qu'un projet
de Ioi aussi scandaleusement contraire aux notions
les plus élémentaires de justice ait pu germer dans
la tête de six hommes de bon sens et ne croirait on
pas rêver quand on entend discuter sérieusement de
pareilles stupidités?
M'objectera-t-on que je choisis la un exemple de
pure fantaisie et qu'un semblable cas ne se présentera
jamais? Soit, prenons en un autre Un ministre
chasse sur mon terrain sans ma permission. C'est un
délit. II a détruit une partie de ma récolte. C'est un
tort qu'il m'a causè. Vais-je pouvoir adresser ma
plainte au Procureur du Roi et réclarner des dom-
mages-intérêts, soit devant Ie tribunal correctionnel
soit devant le tribunal civil? Non. Ma plainte devra
être adressée au Procureur-général de la Cour de
Cassationcelui-ci demandera l'autorisation la
Chambre de poursuivre le ministre délinquant. Bref,
ce sera toute une affaire d'Etat et, pour couronner le
tout, c'est devant la Cour de Cassation, toutes Cham-
bres réunies, que le ministre aura h comparaitre
pour répondre de son méfait.
Entre mes deux exenjples, il y a cette difference
que, dans l'un, on arrive des conclusions qui in-
dignent et dans l'autre, a des conclusions qui font
mourir de rire.
Dans la séance de ce jour, M. Orts a proposé de
passer a l'ordre du jour ce mirifique projetmais la
commission est toute émerveillée de son oeuvre et ne
l'abandonnera pas facilement. Quant aux ministres,
iis ne soufflent mot et rient dans leur barbe.
Me voila, monsieur, dégoüté pour longtemps de
l'initiative parlementaire.
VEurope, de Francfort, nous apporte une grave
nouvelle, laquelle il ne manque que d'être vraie
pour mettre la Belgique sens dessus dessous.
Depuis quelque temps, les fabriques de Liége ont
fourni au Brésil des approvisionnements d'armes très-
considérables. Au dire de VEuropele Paraguay, qui
est en guerre avec le Brésil, a adressé, a ce sujet, des
représentations a notre gouvernement, soutenant que
les devoirs' de la neutralité s'opposent ce que des
fournitures de cette nature soient faites a l'un ou
l'autre des belligérants. Le gouvernement beige
souriant a sa défaite, il songeait prendre une écla
tante revanche. La guerre devenait inévitable et,
quelque. désastreuse pour la France, que dut être
cette lutte a main armée, l'élection de 1510 fut une
grace pour ce pays et Ie sauva d'un immense dan
ger. Les véritables sujets de Francois Ier n'avaient
plus h redouler, que, pour le rétablissement intégral
du romanesque empire de Charlemagne, ce roi vani-
teux prodiguèt des trésors immenses et un sang
précieux.
Les prétextes de déclaration de guerre ne man-
quent jamais aux souveraios, an rival de Charles-
Quint ils manquaient moins qu'a tout autre, mais
avant de comtnencer les hostilités Francois I6r jugea
prudent de s'assurer quelques allies. Les Yénitiens
lui restaient fidèles, les Suisses, convaincus par la
bataille de Marignan, avaient conclu avec la France
un traité qu'ils respectèrent chose unique dans
l'histoire, jusqu'en 1789 les autres pays de ['Eu
rope occidentale, l'Angleterre excepté, étaient soumis
a l'empereur ou lui étaient dévoués.
Candidat, évincé comme lui du tróne des Césars,
Henri VIII parüt a Francois I" son allié naturel contre
le roi d'Espagne. Leurs relations, du reste, avaient
ioujours eu un cachet de courtoisie et de bonne grace
n'ayant pas obtempéré a ces réclamations, VEurope
afïirine que les cinq grandes puissances garantes de
notre nationalité viennent d'adresser a notre ministre
des affaires étrangères une notre collective dans le
sens des observations présentées par la république du
Paraguay. Je n'en crois rien et par une raison bien
simple, c'est qu'enlre la date assignée par VEurope
aux réclamations du Paraguay et celle de Ia prétendue
note collective des cinq puissances, il n'y a qu'un in
tervals d'un petit nombre de jours tout-a-fait insuffi-
sant pour arrêter en commun los lermes d'une pro
testation de ceme nature.
La nouvelle n'en a pas moins produit ici une cer-
taine impression et je ne serais pas surpris si elle
donnait lieu une interpellation parlementaire, ne
füt-ce que pour fouruir au cabiuet l'occasion de la
démentir.
Eaeore une palinodie.
Nous lisons dans le Journal de Bruges du 13 mai
Ladéputation permanente de la Flandre occiden
tale, dans sa séance de jeudi, a procédé la nomina
tion des membres composant la commission provin
ciale administrative des fondations des bourses d'étu-
des, conformément a l'art. 18 de la loi du 19 décembre
dernier.
Les membres nommés sonl MM. De Ridder Dujardin
et Kesteloot pour l'arrondissement de Bruges; MM.
Vandevenne, l'avocat Ghesquière et Mahier-Carpen-
tier pour l'arrondissement de GourtraiMM. Beke et
Malou-d'Assonville pour l'arrondissement d'Ypres,
et MM. De Keuwer et De Blauwe pour l'arrondissement
de Furnes.
La plupart de ces nominationsferont naitre d'amères
réflexions chez nos amis politiques. Les renseigne-
ments nous manquent pour pouvoir nous prononcer
avec connaissancé de cause mais, nous le deman-
dons dés l'abord Est-ce le principe de la Ioi qui est
vicieux ou bien y a-t-il quelque triste palinodie a en-
registrer
Nous reviendrons sur cette affaire.
En attendant que la feuille brugeoise nous trans-
mette des renseignements plus complets, les lignes
qui précédent prouvent dèja a n'en pas douter que
les libéraux de notre députation permanente, tout au
moins quelques-uns d'entr'eux, ont élaborê un dé-
plorable tripotage. De nouvelles révéiations nous per-
mettront bientöt de lever tous les masques, car il y
va de la dicnité de nos députés eux-mêmes de s'ex-
pliquer sur a part de chacun d'eux dans le déplorable
vote du onze.
Tout le monde sait ce qu'il en a coüté d'efforts pour
arracher aux mains des évêques lesnombreuses bour
ses d'étude, dont ils se sont emparés au profit de
l'Université de Louvain et des Séminaires. Sortie
d'une discussion laborieuse, la loi dite sur les bourses
faillit êtreétouffée par les fureurs cléricales jusques
dansle cabinet du Roi. Députés, sénateurs, ministres
qui avaient conlribué a la confection de la loi la plus
juste qui fut jamais, furent taxés de vol et de spolia
tion. Voleur M. Alph. Vandenpeereboom, voleur
M. de Florisone, voleur aussi M. le sénateurMazeman I
Cependant il incombait aux députations perma-
qui faisaient présager un avenir de paix el d'amitié.
Depuis deux ans les ambassadeurs francais et anglais
se croisaient dans la Manche, apportant a leurs voi-
sins des paroles d'affection et des contrats de mariage
entre les enfants des deux souver'ains, innocentes
créatures qui s'endormaient dans des berceaux dorés,
après avoir pris le sein de leur nourrice.
Dans les circonstances actuelles, Francois Iot jugea
que pour cimenter l'affection qui l'unissait au rei
d'Angleterre une entrevue devenait indispensableij
en fit part son voisin d'Outre-Manche qui fut
moult rcjoui de cette proposition. On prit aus-
sitöt toutes les dispositions nécessaires a cette entre
vue. La plaine qui s'étend entre Glines, possession
anglaise, et Ardres, en Artois, fut choisie pour cette
solennité oü les deux souverains délibérèrent de faire
la plus grande chère qu'il leur serail possible,
A cette époque le cardinal Wolsey, premier ministre
de Henri VIII et plus roi d'Angleterre que le roi lui-
lui-même. n'avait aucune préférence. L'alliance avec
Charles-Quint offrait de grands avantages, mais celle
de la France n'était pas a dédaigner. Le souverain
anglais risquait, il est vrai, en s'alliant ft Francois l",
de perdre ses dernières possessions sur le sol fran
cais; mais la reine d'Angleterre était la tante de
nentes de nommer la commission administrative pro
vinciale des bourses d'étude. On le comprend aisé-
ment, nos cléricaux évincés directement de par la loi,
ont tout mis en oeuvre pour rentrer indirectement
dans leur injuste monopole. A Bruges, ils ont réussi
au-dela sans doute de leurs espérances, puisqu'ils ont
fait nommer par des députés libéraux, une commis
sion composée de MM. Kesteloot, Ghesquière, Mahieu-
Carpentier et consorts.
On le voit, les trois cléricaux de la députation,
parmi lesquels se distingue i'incroyable M. Van El-
slande, ont su triompher de Ia majorité, composée de
trois députés libéraux et d'un gouverneur libéral.
Voila bien un tour de force qui fera grandir de cent
coudées Ie successeur de M. Ernest Merghelynck.
L'important sera de savoir quels sont ceux que l'élo-
quence persuasive de M. Van Elslande a su entrainer
Mais ce qui excitera au plus haut point la curiosité
des libéraux d'Ypres et de Messines, c'est la question
de savoirsi M. Carpentier, Jacques,élu Ie 6 mai 1865,
membre du Comité de l'Association libérale d'Ypres,
a donné oui ou non son vote a M. Ghesquière, chef de
l'administratiou cléricale de Courtrai L'affirmative
aurait quelque chose de prodigieux Ne préjugeons
rien. M. Carpentier tiendra a honneur de s'expliquer
dans le Progrèsoü M. le Président de l'Association
libérale lui fera les honneurs d'une cordiale hospita-
lité.
Une seule observation pourtant. Si, contre toute
probabilité, M. Carpentier avait préféré les cléricaux
a ses amis politiques, nous prendrions cette fois la li
berté grande de demander a M. Carton, fils, s'il per-
siste dans l'idée que les sociétés libérales n'ont pas le
droit de discuter les actes politiques de leurs manda-
taires?.... Hein?
M. Carpentier est-il libéral
L'art. 18 de la loi sur les bourses donne a la
députation permanente du Conseil provincial mis
sion de nommer un conseil administratif des bourses
de la province.
La semaine dernière la députation de la Flandre-
Occidentale s'est occupée de cette nomination,
Le membre nomnaé pour l'arrondissement de Cour
trai est l'homme le plus intolérant du parti intolé
rant. C'est M. l'avocat Ghesquière, celui qui estd'avis
de fermer les théatres en lomps de carême.
Nous avons appris de bonne source que M. Ghes
quière a réuni tous les suffrages des députés perma
nents et que M. Jacques Carpentier a par conséquent
voté pour un catholique, candidat de la Patrie
Mais nous oublions que M. Carpentier a éte lui-même
candidat de la Patrie en 1862, ce qui ne l'a pas em-
pêché de passer pour bon liberal aux yeux de Mes
sieurs Carton et C° et d'être réélu dernièrement du
comité de l'Association libérale.
M. Carpentier, d'ailleurs, n'avail-il pas des motifs
d'ancienne, si pas d'actuelle confraternité a faire va-
loir a l'égard de M. Ghesquière?
Têtez du catholique, Messieurs d'Ypres; cela de-
•viendra de mode. Et d'ailleurs on ne s'en trouve
pas mal quand on peut, comme M. Carpentier, man
ger le fruit de l'arbre catholique et brouter l'herbe
du champ libéral.
Charles-Quint et menacait la fortune du premier mi
nistre, si l'empereur sigriait un traité d'alliance avec
Henri VIII.
L'ambitieux cardinal devait songer a conserver sa
puissance d'un cöté, de l'autre aspirant a 'a tiare il
réservait son amitié pour celui des deux souverains
qui s'engagerait a la lui faire obtenir.
II n'épargna done aucun soin,pour qu'a cette fête
chevaleresque, Ilenri VIII apparut plus brillant
qu'Henri V au Louvre, et pour éblouir la France par
le déployement d'un luxe inconnu jusqu'alors.
Mais en agissant ainsi Wolsey ne tenait aucun
compte de l'esprit des chevaliers francais. Lorsqu'ils
apprirent les préparatifs auxquels les baronnets se
livraient sous la surveillance du premier ministre,
ils senlirent que l'orgueil national était en jeu et qu'il
faliait a tout prix empêcher la France de palir devant
la vaniteuse Angleterre.
Ce fut un duel de dépensesles pierreries, les
étoffes de velours, les chevaux de prix, les tentes les
plus somptueuses, rien ne fut épargné; l'entrevue
recut même le nom du Camp du drap d'or, tant
ce riche tissu fut prodigué de part et d'autre.
Ad. C.
{La suite au prochain n°