JOURNAL D'ÏPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Wimanclie
Troisième année. ]\0 28.
9 Juillet 1865.
Paraissant le dimanche de eliaque semaine.
PHIX IVABOIREiilEYT
POUR LA BELGIQUE
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Vae victls
Ave/.-vous vu dans Shakespeare le valeureux Fal-
staff s'escrimer l'épée la main contre Ie cadavre
d'un ennemi qu'il n'a pas tué et se venger, a grands
coups d'estoc, de la peur qu'il a eue pendant la ba-
taille? Telle est I'atlitude que prend le Progrès. dans
son numéro du 1er juillet, vis-a-vis des étrangers
réduits a l'état de parias par la restauration de la loi
de 1835 et contre les représentants, libéraux et ca-
tholiques, qui onl pris leur defense.
Pour le Progrèsc'est déclamer et faire preuve d'un
sentimentalisme ridicule que protester, Ia Constitu
tion a la main, contre une loi qui met le faible a la
discretion du fort, qui fait de l'accusateur le juge et
l'exécuteur des hautes-oeuvres, qui permet a un mi-
nistre de chasser le plus honnète homme et de briser
toute son existence, sous prétexte de trouble apporté
a la paix publique, sans que rien dans la loi détermine
dans quel cas il y aura trouble et sans que son excel
lence soit seulement obligèe d'indiquer, par son ar-
rêté d'expulsion, quel fait de l'étranger a, selon lui,
troublè cetle paix sacrée.
La loyauté du Progrès vaut sa logique. Tous les
pays qui nous entourent ont une iégislation plus dure
que la nótre, dit-il, et il cite la Suisse, la France, la
Hollande, en évitant soigneusement, bien entendu,
de prononcer le nom de l'Anglelerre. Or, des débats
aux Chambres, il est résultè, et le Progrès Ie sait
bien, que la Iégislation de la Suisse sur les étrangers,
prise pour type par le ministère, ne contient pas une
disposition cruelie qui ne soit reproduite par la loi
de 1835;qu'on peut chez nous, aussi bien qu'en
France, condamner a la prison, comme vagabond,
tout étranger qui n obéit pas respectueusement a la
première injonctiou du visir bslge qu'en Hollande,
a la difference de ce qui se passe chez nous, un mi-
nistre est tenu de produire immédiatement devant la
législature I'acte par lequel il expulse, el de provo-
quer ainsi I'examen et la discussion de ses rigueurs.
En revanche, Ie Progrès oublie ce que M. Frère a
eu le triste courage de dire bien haut, en évoquant
la peur au secours du ministère, que la Suisse n'a
fait, en 1844, sa loi déplorable que sous la pression
immédiate et incessante des menaces précises de
l'étranger; il oublie que la France est en ce moment
un pays oü pas un honnête homme politique ne de-
vrait aller chercher des modèles de iégislation et de
gouvernement. II se garde bien de dire que, pendant
que chez tous les peuples qu'il nomme, on a corrigé
au mieux le vice de la loi, en en fesant le plus discret
usage, nos hommes d'Etatontscandaleusernent abusé,
surtout depuis 1851, des pouvoirs discrétionnaires
qui leur étaient remis, au point d'expulser jusqu'a des
femmes, par suite de calomnies d'alcove, jusqu'a des
Beiges, sans prendre le temps de véritier leur natio-
nalité.
Tout cela est pain béni pour le Progrès, qui trouve
que ses pairons ont été encore trop indulgents; caril
huit en denoncant comme agitateurs, perturbateurs
de la paix publique dans ces derniers temps les
étrangers qui out été abrités par l'hospitalité beige.
lis ont fait les meetings, ilsont fait (que nos repré
sentants saluent et remercient le ProgrèsI) ils ont fait
les discours des membres de la gauche et de la droile
qui ont parlé contre la loi. Conclusion forcée Qu'on
les expulse, qu'on les empoigne, qu'on les jette, eux
et leurs pénatespar delè nos frontières I ca vil ne fuut
cependant pas, dit magrstralement le Progrès, qui eut
certainement mis la porte de chez lui Bayle, Vol
taire, Descartes, Calvin et, au besoin, Christophe
Colomb, que Vétranger se pose a notre égard en civi.
lisateur et se mde de nos affaires. C'est ce que le Pro
grès appelle éloquemment, avec M. Tesch, jeler le
trouble dans le ménage. Cela ne se doit point souffrir.
Comme l'a dit non moins éloquemment M. le ministre
de la justice au Sénat, c'est bien assez qu'on permette
aux étrangers des'occuper de leurs plaisirs et de leurs
affaires, a la condition, bien entendu, que ce ne sera
pas même leur affaire..,, de se préoccuper des lois
qu'on prépare contre eux, de causer des événements
qui s'accomplissent autour d'eux d'avoir, sur quoi
que ce soit et sur qui que ce soit, une opinion autre
que celle du ministère. On leur permet de boire, de
manger, de dormir surtout et on leur laisse la liberté
si bien déterminée par Figaro. Les dröles sont assu-
rément bien ambitieux et bien impertinents de ne' pas
se trouver très-satisfaits I
Comment le Progrès, si véhément dans sa brillante
philippique contre les étrangers et leurs défenseurs de
1865, n'a-t-il pas un peu songé, avant de taper si
fort, que le bout de son baton tombaitsur lesépaules
de trois ou quatre de ses plus illustres amis qui, avant
d'avoir voté la loi aujourd'hui, ont lancé contre elle,
autrefois, les flêches les plus acérées de leur carquois.
M. Henri de Rrouckere, M. Orts et M. Ernest Van-
denpeereboom notamment, dont nous lui citerons,
quand il voudra, les discours et les écrits indignés,
lui diraient volontiers, sans doule
Avocat,
De voire ton, de gr&ce, adoucissez l'éclat.
Comment le Progrès ne s'est-il pas même rappelé,
qu'avant que la victoire fut acquise au ministère, il
tombait nobleinenl sur la loi, reproduisant avec en
thousiasme, faute sans doute de savoir les trouver
lui-même, les arguments les plus solides du Journal
de Bruges contre la loi de 1835?
Que voulez-vous le Progrès a, depuis, étudié a
fond les difficultés de cette matière. II n'en est pas
que des courtisans se refusent a brasser et a vanter h
la prière d'un ministre. On est encore inventer
un service assez vil, une action assez lache, écrivait
en 1821, Paul-Louis Courier, pour qu'un courtisan,
je ne dis pas s'y refuse, chose inouïe, impossible,
mais n'en fasse point gloire et preuve de dévoue-
ment.
Ee traité de commerce avec la Prusse.
Le nouveau traité de commerce conclu entre Ia
Belgique et la Prusse vient de modifier complètement
Ia situation des industries houblonnière et huilière,
si importantes dans notre arrondissement.
Les modifications apportées a notre régime doua
nier, par suite de ce traité, favoriseront-elfes, oui ou
non, les cotnmercants, industriels et agriculleurs de
notre conlrée? Diminueront-elles le courant des af
faires? Gêneront - elles, après les avoir diminuées,
nos relations commerciales? Ces questions et une
fouled'autres semblables ont été piséees par nos po
pulations, depuis le vote de la nouvelle convention.
Des craintes sérieuses ont surgi, des plaintes nom-
breuses se sont fait jour; le traité a été sévèrement
jugé, disons-le, vertement critique.
Ces appréciations, entièrement défavorables la
convention internationale, répandent Demotion dans
nos contrées, en raontrant de graves intéréts sacri-
fiés; elles produisent le découragement chez nos cul-
tivateurs de houblon, deja assez éprouvés par la sé
cheresse exceptionnelle de cette annéeenfin elles
accablent tous les fabricants d'huile, si nombreux,
qui peuplent la Flandre.
En cette occasion, il convient que nous disions ce
qu'il peut y avoir de vrai dans les craintes manifes*
tées au sujet du nouveau traité avec la Prusse et les
autres Etats allemands du Zollverein, Nous nous sou-
meltons avec plaisir a cette convenance, qui est pour
nous un devoir.
Et d'abord voyons k quel régime étaient soumis,
avant le traité nouveau, c'est-a-dire avant le 1er juil
let 1865, d'une part, les houblons et les huiles de
provenance étrangère, leur entrée en Belgique,
d'autre part, les huiles et les houblons de Belgique
l'entrée des pays limilrophes
A. A leur entrée en Belgique
Les houblons étaient soumis a un droit de 1 fr. 50 c.
les cent kilos.
Le droit sur les huiles de graines était de 6 francs
par 100 kil. brut, soit 7 fr. 50 par lOOkilog. net.
B. Dans les pays limitrophes
Les houblons payaieut un droit d'entrée .- 1° En
Prusse, de 18 fr. 75 c. par 100 kilog., non compris
les frais, soit 20 fr. les 100 kilog. 2° Eu France
un droit de 20 fr. par 100 kilog.
Les huiles beiges payaient un droit d'entrée 1° Eh
Prusse, de 10 fr. par cent kil. brut,2° En France
de 6 fr. pour Ie même poids brut3° en Hollande, de
4 fr. 45 c. pour le même poids.
Aujourd'hui. par le nouveau traité, le houblon du
Zollverein entre libre de droits en Belgique il en est
de même des huiles. Mais cette. libre entrée n'est pas
réciproque, car les houblons et les huiles beiges con-
tinuent d'être assujettis, a leur entrée en Allemagne,
respectivemeut d'un droit de 18 fr. 75 c. el 3 fr. 75 c.
II y a p|,us par le fait même de l'existence d'une
pareille clause dans le traité prussien, la Belgique
s'élant angagée dans ses traités avec la Hollande et la
France faire profiler ces deux nations de toute fa
veur, de tout privilege ou abaissement dans les tarifs
des droits ('importation qu'elle concèderait a une
tierce puissance, accorde par la même aux houblons
et aux huiles de France et de Hollande la libre entrée
en Belgique. En retour cependant la Hollande main-
tienl son droit d'entrée de 4 fr. 45 par cent kil. sur
les huiles et la France son droit de 6 francs sur eet ar
ticle et celui de 20 fr. sur les houblons.
La Belgique ouvre done aujourd'hui ses barrières a
tous les pays, par l'abolition des droits sur les hou
blons et les huiles. Mais cette liberté accordée si gé-
néreusement aux nations limitrophes n'est pas rééi-