JOURNAL D'ÏPEES DE L'ARRONDISSEMENT
l'PRES, Dimanche
Troisième anncc. j\° 29.
16 JuiUct 1863
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POUR LA BELGIQUE
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Les repas électoraux.
La Chambre des Représentants aura s'occuper,
la semaine prochaine, d'une question capitale en
matière d'élections, savoir, celle du maintien ou
de la suppression des repas électoraux. Cette ques
tion est tellement importante nos yeux que vo-
lontiers nous dirions que de Ia solution qu'elle va
recevoir dépendra l'efficacité de la loi elle-même.
Deux systèmes sont en présence celui du gou
vernement, celui de la section centrale.
Dans le système du gouvernement, les repas
electoraux sont interdits d'une manière absolue.
L'article 10 du projet présenté par le gouverne
ment commine une peine de 26 200 francs
contre celui qui, dans le but d'influencer des
électenrs, leur aura donné, offert ou promis
une somme d'argent, des comestibles, des bois-
sons ou une indemnité de quelque nature
qu elle soit et la même peine est appliquée
1 électeur qui aura accepté les offres et pro
messes.
La section centrale s'est montrée moins radi
cale eMe a condamné les repas donnés avant ou
après le jour des élections, en maintenant, en fa
veur des électeurs étrangers au chef-lieu d'arron-
dissement, les repas électoraux proprement dits,
c'est-a-dire ceux qui sont donnés le jour même
du vote. Dans ce dernier système, il ne serait
plus permis
1° De distribuer des comestibles ou des bois-
sons aux électeurs résidant dans la commune oü
siége le collége électoral
2° De faire les mêmes distributions, avant ou
après le jour des élections, aux électeurs ne rési
dant pas au chef-lieu.
Mais les repas donnés ceux-ci, le jour des
élections, devraient continuer a être to'.érés.
C'est entre ces deux systèmes que Ia Chambre
aura se prononcer.
On a dit, en faveur du maintien des régals
électoraux, qu'ils laissent a l'électeur sa liberté
pleine et entière; que, malgré le diner qu'il a
accepté de tel ou tel parti, il reste maitre de
voter pour qui il voudra.
Ce langage, si peu sincère qu'il soit, peut être
admis de la part de ceux qui, d'une manière ab
solue, combattent la prohibition des repas élec
toraux et demandent que l'état de choses soit
maintenu sans aucun changement. Mais tel n'est
pas, sans doute, le sentiment de la section cen
trale, puisqu'elle interdit les repas offerts la veille
ou le lendemain des élections et ceux donnés, le
jour même du vote, aux électeurs habitant le
chef lieu. La section centrale doit, au contraire,
avoir l'opinion que ces repas organisés sont de
nature a exercer sur l'électeur une influence fè-
cheuse et compromettre l'indépendance de son
vote; sinon, on ne comprendrait pas, nous le rè-
pétons, pourquoi elle aurait interdit les repas of
ferts aux électeurs du chef-lieu.
La section centrale est done d'avis, que les re
pas électoraux gênent, diminuent, altèrent la li
berté de l'électeur. Dès lors, par quelle contra
diction arrive-t-elle les déclarer licites?
C'est, dit-elle, une sorte d'indemnité accordée
l'électeur.
Une indemnité, soit; mais est-on bien sur que
ce n'est que cela Quoi, ces diners somptueux,
ces vins qui couleut grands flots, ces orgies, dé-
goutantes toujours et parfois furieuses, qui font
aujourd'hui le cortége habituel de nos élections
générales, tout cela ne serait que de l'indemnité?
Dans ce vil troupeau d'hommes regagnant, cahin-
caha leur village, gorgés de nourriture, abrutis
par les spiritueux, il ne faadrs't voir que des
citoyens indemnisés? La vérité, l'expérience pro
testent contre de pareilles fictions et donnent a
cette prétendue indemnité son véritable nom en
['appelant corruption.
Abstraction faite des considérations morales qui
condamnent ces pratiques, il y a un motif décisif
pour les supprimer. Les luttes électorales de-
viennent, en effet, tellement couteuses qu'elies ne
sont plus a la portée des fortunes modestes. La
richesse seule ouvre aujourd'hui la porte du Par
lement. Nous pourrions citer telle élection qui a
couté plus de soixante mille francs aux deux can-
didatsles choses en sont venues ce point que si
de nouvelles élections devaient avoir lieu demairi,
bien des représentants se retireraient de la lutte
plutót que de se soumettre h une dépense aussi
considérable que celle qu'entralnerait Ie renouvel-
lement, toujours problématique, de leur mandat.
A ce point de vue, il est manifeste que les rectric-
tions établies par la section centrale n'apporte-
raient aucun changement sensible l'état de
choses existant, car ce ne sont pas, d'habitude,
les électeurs habitant le chef-lieu que Ton se
trouve obligé de régaler, mais les électeurs des
campagnes. La diminution de dépenses qu'amè-
nerait ['adoption du système de la section centrale
serait done insignifiante.
Que n'a-t-on pas imaginé pour excuser ces ré-
galades électorales On a été jusqu'è prétendre
que, sans elles, les électeurs des campagnes s'ab-
stiendraient de veuir au scrutin.
Le grand mal, en vérité, s'ils n'y apportent
qu'un suffrage justement suspecté! En quoi un
semblable vote peut-il intéresser la chose pu-
blique Ne vaut-il pas mieux mille fois que ces
hommes restent chez eux que de venir jeter dans
la balance électorale le poids d'uri vote inspire par
les plus grossiers appétits
Nous ne sommes pas, d'aillcurs, du tout con-
vaincus que la suppression de cette détestable pra
tique éloigne les campagnards de l'urne. Si tel
devait être le résultat immédiat de la mesure, le
soin de leurs propres intéréts ne tarderait pas
leur faire comprendre Ia nêcessité de prendre part
au scrutin et dès lors, vous les verriez revenir la
vil le avec la même ardeur qu'aujourd'hui. non plus
comme une sorte de bétail alléché par l'appêt
d'une abondante pitance, mais comme des citoyens
fiers de leurs droits et heureux de les exercer.
Chimères que tout cela, nous dira-t-on peut-
être Depuis 1854, l'Angleterre a supprimé les
repas électoraux et la loi qui a prononcé cette
suppression n'a apporté aucun reraède efficace au
mal que vous signalez.
II est vrai malgré des pénalités d'une extréme
sévérité, les régalades électorales se sont main-
tenues en Angleterre. Mais cette impuissance
de Ia loi tient des causes tout - - fait
locales. En Angleterre le pouvoir judiciaire
n'intervient pas d'office dans la poursuite de
ces délits il faut une requête des par
ties intéressêes adressée la Chambre sinon
ils restent impunis, sauf le droit accordé tout
citoyen de poursuivre les coupables ses risques et
périls. En réservant ainsi Taction populaire l'ini-
tiative de cette poursuite, en laissant aux candi-
dats évincés, comme consolation de leur échec, le
droit d'adresser la Chambre des pétitions contre
l'élection viciée, en leur accordant même des dom-
mages-intérêts, si les accusés sont reconnus cou
pables, la loi, dit Ie rapport de la section centrale,
a paru faire une large part Ia répression mais
il ne faut oublier, continue-t-il, qu'en Angleterre
les cautionneraents énormes, Ie risque de frais im-
menses, sont des correctifs très-durs cette li
berté si grande en apparent-
I! n'y a done aucun enseignement tirer de ce
qui se passe dans ce pays si Ia loi y est mépri-
sée, nous en connaissons la raison c'est que les
moyens d'en assurer Texécution sont mal organi
sés. Mais fesons en Belgique une loi qui interdise,
sous des peines sévères, de régaler les électeurs et
l'on verra si les hideux spectacles dont nos yeux
ont été trop souvent affligés se reproduiront en
core. Nous osons affirmer que non.
Nous disions tantót que, de la solution que la
Chambre allait donner cette question des repas
électoraux, dépendrait l'efficacité de la loi tout
entière. Notre conviction, sur ce point, est entière
et inébranlable. Que !a Chambre adopte le sys
tème de la section centrale, qu'elle admette la
légalité des repas électoraux offerts aux geus de la
campagne, et toutes les précautions que le projet
de loi a accumulées pour assurer la sincérité des
élections, deviennent inutiles chassée de tous les
repaires que lui offraient les lacunes de la législa-
tion actuelle, la corruption se réfugiera dans le
seul alri qui lui reste et deviendra d'autant plus
redoutable que ce sera sa suprème ressource.
Quand la corruption se verra désarmée des engins
multiples dont elle dispose aujourd'huiquand elle