JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Dimanche.
Troisième année. ]\0 47
19 Novembre 1865.
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POUR LA BELGIQUE
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Un Numéro 35 Centimes.
l opinion
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ET DES RÉCLAMES
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YI'RES.
19 novembre, 1865.
La nomination du nouveau Ministre de la justice est
accueillie par les organes de l'épiscopat avec des cris
de rage dont ceux de nos lecteurs qui n'on't pas a sui-
vre journellement, comme nous,la clinique de la presse
cléricale se feraientdiHicilement une idée. Ce n'est pas
seulernent dans sa vie publique, dans les opinions qu'il
a défendues a la tribune et dans la presse, que M. Bara
se voit attaqué et dilTamé il faut encore qu'au mépris
des rigles les plus élémentairesde l'honnêteté,ces dégou
tants mercenaires, ces ignobles valets de plume aux
gages d'ün épiscopat élionté essaient de maculer sa vie
privée et de tacher la droiture, le désintéressement de
son caracte're de la bave immonde qui découle de leurs
lèvres.
Si quelque cliose pouvait ajouter au mépris que ces
ignominies inspirent a tous les honnêtes gens, c'est le
sentiment que la rage qui les inspire est toute faclice
et que ces colères, qui affectent le ton d'une indigna
tion réelle, sont purement de commande. Car, enfin, a
moins de supposer l'épiscopat beige frappé d'aliénation
mentale, il ne pouvait pas espérer que, M. Tescli quit-
tant le ministère, ses collègues songeraient a le rem-
placer par un homme qui ne serait pas avec eux en
parfaite communion d'idées et d'opinion. Le sens com
mon, dont nous aimons a croire que nos évêques ne
sont pas entièrement dépourvus, disait assez que
le ministère ne pouvait chercher un remplacant au mi
nistre démissionnaire que dansles rangs de l'opimon libé
rale et que, dans les rangs de cette opinion, sa préfé-
rence s'arrêterait nécessairement sur un de ceux qui
s'étaieut le plus étroitement associés a sa politique. Cela
étant, quoi de plus naturel que le choix de M. Bara'?
Fallait-il, par hasard,que le Ministère s'adressat a M.
Alplionse Notliomb ou a M. deGerlache? M.Bara afait
une guerre acharnée auparti clerical,il adéployé, acom-
battre les prétentions de notre épiscopat en matière de
fondalions, une ardeur extréme dans toutes les cir-
constances oü le gouvernement a fait appel au dévoue-
ment de ses amis politiques, on a vu le jeune représen
tant de Tournai se jeter dans la mêlée et concourir, par
la puissance de sa parole, a sauver le gouvernement des
embarras que lui suscitait l'opposition. N'est-ceqras une
cliose toute simple que celui-ci ait résolu d'associer a
ses destinées le jeune athlete qui l'avait si vaillamment
défendu
Mais nos évêques ne veulent rien comprendre. Con-
vaincus de leur impuissance a émouvoir l'opinion pu
blique, s'ils se maintiennent dans les bornes d'unefroide
et calme discussion, ils n'ont plus d'espoir que dans les
haines qu'ils attisent et dans la superstition dont ils
essaient d'aiguiser les fureurs. Yain espoir, du reste
les populations restent sourdes a leurs appels furibonds;
le fameux cri de Dieu le veutqui fit couler tant de
sang jadis, est incapable aujourd'bui de soulever le plus
petit village de nos catholiques contrées.
Ce n'est pas que nous partagions l'enthousiasme que
certains journaux libéraux ont l'aitéclater a la nouvelle
de la nomination de M. Bara. Si le jeune député de
Tournai s'est constamment montré l'adversaire éner-
gique des prétentions cléricales, nous ne pouvons pas
oublier non plus que, dans mainte circonslance, la li-
berté, telle que nous la comprenons, a rencontré en lui
un défenseur ardent des priviléges du pouvoir fort.
M. Bara a défendu la loi sur l'expulsion des e'trangers.
M. Bara s'est déclaré ouvertement hostile a toute exten
sion du droit de suffrage. M. Bara conteste aux com
munes la capacilé de recevoir des dons et des legs en
faveur de l'enseignement supérieur. M. Bara est pour la
centralisation et contre Emancipation des communes.
C'cn est assez pour que nous ayons le droit de nous
tenir, vis-a-vis de lui, dans l'attitude de la réserve et
de l'expectative.
La nomination de M. Bara emprunte toulcfoisaux
circonstances du moment une signification qu'il est im
possible de méconnaïtre; d'une part, elle témoigné de
la confiance absolue de laroyauté dans la politique pra-
tiquée par ses ministres et, en ce sens, elle donne
un démenti formel aux allegations, cent fois répétées
de la presse cléricale, dont c'était le thème favori de
représenter la royauté comme subissant a contre-cosur
la politique anti-religieuse de son cabinet. Elle prouve,
d'autre part, que le ministère est fermement décidéa ne
pas se laisser intimider par les clameurs de l'épiscopat
et qu'il poursuivra son oeuvre a travers les obstacles que
l'opposition accumule sous ses pas. Si nous ne craignions
pas de nous aventurer trop loin dans nos appréciations,
nous dirions même que le choix de M. Bara, pour rem-
placerM. Tesch, peut ètre considéré comme un gage
donné par le ministère a cette fraction, de plus en plus
importante du libéralisme, qui demande au pouvoir de
ne pas s'attarder plus longtemps dans les questions clé-
rico-libe'rales et d'en finir, une fois pour toutes et re'so-
lument, avec la politique de transaction et de modé-
rantisme qui a pré val u jusqu'aujourd'hui. Dieu veuille
que cette appreciation,- que nous n'émettons qu'avec
une timidité extréme,se vérifie bientót dans la pratique.
Alors, mais alors seulernent, nous pourrons applaudir,
avec la presse ministérielle, a la nomination du nouveau
ministre de la justice
IiW inilicc ct les prêtres.
Sous ce titre, la Revue trimestrielle, dans le volume
du Ier novembre courant,publieun article signé, P.Tem
pels, que nous engageons tout wn chacun a lire (1). On
sait, ou plutót beaucoup ne savent pas, que notre legis
lation sur le recrutement de l'armée renferme certaines
exemptions qui ne sont rien moins que d'injustes privi
léges, et marquent, de la part de la société civile vis-a
vis de l'autorité religieuse, si pas un état de subordina
tion, du moins une complaisance qui n'est plus en
rapport avec les idéés, les tendances et les besoins de
compléte emancipation qui caractérisent notre époque.
Ainsi, il y a dans cette législation qui devrait, plus que
(1) La Revue se trouve d la bihliotkèque de la ville
et aussi au cabinet de lecture de la Concorde.
toute autre encore, ètre egalitaire, non-seulement des
exemptions au profit des ministres des divers eultes pro-
fessés dans le pays, mais même au profit des aspirants-
ministres, c'est-a-dire de ceux qui n'en sont encore
qu'aux études théólogiquesL Et ce n'est pas toutil y a
plus lllya que ceux même qui n'étudient pas encore
la théologie, mais qui, dans les petits séminaires, font
leurs humanités avec 1'intention d'ëmbrasser l'êtat ecclé-
siastique, peuvent, cliaque année, être portés comme
détachés sur les controles du corps et continuer ainsi
paisibleinent leurs études. II n'est besoin pour ceci que
d'une autorisation de M. le ministre de 1'intérieur déli-
vrée sur une double declaration, l'une de l'évêqtie,l'au
tre de l'étudiant. 11 suffit a tout esprit sensé d'un instant
de reflexion pour apercevoir combien ces dispositions,
qui ne profitent en définitive qu'au clergé catholique
seul, heurtént les principes constitutionnels delégalité
de tous devant la loi et de la separation de l'Etat et de
l'Eglise. Pourquoi, si tous les Beiges sont égaux devant
la loi et si ie pouvoir civil est indépendant de l'autorité
religieuse, pourquoi ces exemptions au bénéfice, non-
seulement des prêtres, mais des élèves fréquentant les
grands et les petits séminaires du clergé Est-ce que
tous ceux qui, dans les colléges- et les universitcs, se
destinent a embrasser une carrière libérale,les étudiants
en droit, en médecine, en philologie, et même ceux qui
font leurs humanités avec l'intention de devenir avocats,
médecins, professeurs, etc., ne devraient pas être privi
légiés au même titre? Ou,pour mieux dire,ne faudrait-il
pas, abolissant tout privilége, mettre tous les jeunes
gens sur la même ligne et les assujettir tous a la
commune loi II y a done dans notre législation sur
la milice un abus évident, une contradiction choquante
qu'il importe de faire disparaitre. Le moment opportun
semblait venu, puisqu'on s'occupe de la réorganisation
de la matière, et qu'un nouveau projet de loi sur la mi
lice, déj ii, élaboré, va être prochainement présenté aux
deliberations de la Legislature. Mais voiei que ce projet,
loin d'éliminer les priviléges donts'agit, les maintient, au
contraire, en lesétendant, c'est-a-dire avec un caractère
marqué d'aggravation. Ainsi, l'exemption légale s'cten-
drait jusqu'aux élèves des petits séminaires qui, dans les
classes latines, étudient avec l'intention d'entrer plus
tard dans lesordres. Au lieu d'une. faveur qui, sous le
régime actuel, depend du bon vouloir du ministre de
1'intérieur, on créerait pour eux un droit a l'égal de ce
lui des étudiants en théologie. C'est l'abus dont s'agit
et, plus encore, l'étrange aberration qui tend a l'aggra-
ver, que M. Tempels dénonce et combat dans 1'article
susdésigné. Non moins que les précédents e'erits du
même auteur, cette nouvelle étude est marquée au coin
de cette droite raison, de cette vigoureuse logiqtie et de
cette remarquable lucidité de style qui ont, quasi d'em-
blée, placé M. Tempels parmi les écrivains les plus
distingués du pays... Allant droit au fait, sans s'occuper
du qu'en dira-t-on? et posant avec franchise la ques
tion dans ses véritables termes, M. Tempels démontre
nettement quel a été le veritable motif du privilége oc-
troyé aux séminaristes de tout grade efde toute couleur
en matière de milice; quel, aussi, est le motif reel pom