JOURNAL D'YPRES ET
YPRES, Dimauche
Troisième année. N° 52
24 Décembre 1865.
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PRI\ ABOWEMKIÏT
POUR LA BELGIQUE
8 francs par an; 4 fr. SO,par scniestre.
Pour l'étranger, le port en sus.
Un Numéro 25 Centimes.
L'OPiniOH
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ET DES RÉCLAMES
«O centimes la petite ligne.
Corps du journal, SO centimes,
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Laissez dire, laissez-voiis blamer, mais publiez votrc pensée.
ON S'A BONNE
A Ypres, au bureau du journal, ches Felix Lahbin, imp.-lib. rue de Dixmude, 55,
ou au bureau de la Publicité Commerciale, 9, rue Fossés-aux-Loupsa Bruxelles.
On traite a forfait pour les annonces souvent reproduces. Toutes lettres ou envois
d'anjent doivent être adresse's franco au bureau du journal.
La Latte.
Au moment oü s'ouvre un règne nouveau, inauguré par
des promesses que le pays a acutillies avec uue juie si
maguifiquement expansive, il est du devoir de tous les
bons citoyens, k quelque parti qu'ils appartiennent, de
se recueillir dans l'étu ie de la situation et de dire fran
chement, loyaiement, sans detours, ce que cette situa
tion leur parait commander dans fintérêt général.
Eu proclamant comme règle inaltérable de sa conduite
politique le respect de la volonté nationale, en declarant
qu'il voulait rester élranger aux lulies des partis pour ne
suivre en toutes ehoses que ia seule loi de l'opinion pu-
blique, notre jeune et libéral souverain a fait plus que de
reconnaltre noire droit nous gouverner nous-mêmes, il
nous a prescrit, comme une obligation étro'te, rigou-
euse, de lui eommuuiquer ineessaminent nos voeux et
nos aspirations, seul moyen de maintenir entre lui et son
peuple ce courant continu d'idées et de sympathies saus
lequel nul gouvernement constitutional n'est durable.
Depuis quelquej temps et surtout depuis la mort de
notre regretté monarque, nous averts vu se manifester
en Belgique, des tendances fAcbeuses et d'autant plus
difïiciles a combatire qu'elles se couvrent de sentiments
infiiument respectables etchers A tous lescoeurs qu'anime
le patriotisuie. Le soin de notre sécurité, la situation de
de la Belgique vis-k-vis des gouvernoinents étrangers,
tout nous commande, dit-on, oe faire trève A nos discus
sions irritantes et de bannir pour longtemps de nos dé-
bats des questions qui sont de nature A affaiblir Ie
sentiment national A l'intérieur et a nous exposer aux
aggressions de l'étranger.
Dans la bouche de M. Dechamps et de ses amis, ce
angage s'expliquait ai.sément. Battu dans les dernières
élections, A la veille de subir un éclatant échec dans la
discussion de la loi sur le temport 1 des eultes, eonvaincu
que sa puissanCt: electorale était tneuacóe d'un coup mor
tel si la loi sur les fraudes venait k èlnt votée par le Sé-
nal, on comprend sans peine, patrioiisme A part, que le
parti clérical att cberebé, en évoquant le spectre de
l'invasiori élrangère, il enraycr le mouvement libéral qui
le poussait vers l'abïme. Mais depuis qu'eile füt imaginée,
en un beau jour de verve, par l'ex-représentant tie Char
leroi, eetlu thèse a fait des proselytes eti dehors de eeux
qui avaient intérét A la tléfendre et nous voyons, A notre
grand regret, qiielques-uns du nos amis poliiiques s'y
rallier comme A une inesure, en quelque sorte d'intérêt
national.
El cependant, pour demontier la puérilité des craintes
que le parti clérieat agite auteur de la Belgique, nous
avonssous les yeux un admirable spectacle. Ou'on veuitle
se rappeler la situation du pays au moment de la mort du
Hoi nous sortions k peine tt'uiie discussion parlementaire
des plus irritanteslans la presse, les journaux des deux
opinions se renvoyaient les accusations lesplur a< erbes,
les plus violeutes; le elerg venait de lancer, sous forme
do mandements, de véritabies appels k la révolte; t nies
les passions politiques semblaientsurexeitées au dernier
tlégré. Si la thèse tie M. Dechamps est vraie, les ehoses
en étaient arrivées a ce poiut suprème oü notre liberté et
notre indépendance allaient inévitablement s'engloutir
daus le goulfre de l'annexion.
Mais voilii que, tout k coup, une nouvelle sinistre cir-
eule Le Roi est mort! Et soudain, les divisions cessent,
les eulères s'apaisent et la nation tout entière, gouver-
nants et gouvernés, libéraux et catholiques, s'unit dans
un tel sentiment de patriotisme que les nations les moins
sympathiiques k la Belgique sont obligées de reconnaltre
que nous sommes vraiment dignes de la liberté.
Que faut-it de plus pour prouver que les inquiétudes
qu'on cberche k éveiller parmi nous sont de purs fantó-
uics it que nous n'avons k redouter aucun danger de
nos luttes intérieures?
Le danger? Mais il serait préeisément dans l'armistice
qu'un patriotisms ini i.telligent solliciteen ce moment de*
deux pariis en présenee. Supprimez la lutteet. du même
coup, vous avez enlevé au gouvernement eonstitutionriel
le principe essentiel de sa vitalité, ledoigt de la mort l'a
touché. CVsl qu'eu effet, les gouvernement», tout comtne
les individu», sont soumis k des conditions d'existence
en dctinrs desquelles la vie leur est impossible De même
qu'on ne saurait eoneevoir un régime despotique dans
lequel fonetionneraint saus entravesles libertés inhérente®
aux gouvernements eonstitutionnels, de mêtne, l'esprit se
refuse k at)melire l'hypothèsed'unétatlibredans lequel les
eitoyens auraient le même avis sur toutes ehoses qui les
intéresse rit. Le nom pourrait subsister, mais la réalilé
disparaitrait.
II ne s'agitque d'une trève toute provisoire, nous dira-
t-on. Dans un mois, dans deux, mois, nous reprendrons
la lutte.
A otux de uos amis qui tiennent ce langage, nous di-
rons prenez garde au piège tendu k votre patrioiisme.
on vous demande la trève paree qu'on se sent trop faibles
pour vous résister; mais que, mettant k profit le temps
que vous leur aurez donné pour réparer leurs forces, nos
tuation,son premier soin eüt etc de faire jeter l'effronté
gueux a la porte et de lit au bas de l'escalier, la tête la
première ou, en d'autres termes, il eüt sonné le land
lord et l'aurait engagé a le débarrasser de ses Boots.
Mais dans la situation oü il était, M. Trott se con
tents de doubler le pourboire du commisslonnaire, au-
quel il tit entendre que la lettre dont il le chargeait avait
uniquement rapport a un guet-apens. Le Boots se re-
tira, promettant d'agir avec la plus grande discretion.
Af. Trott se mit a table, mangea une sole frite, deux
cötclettes de mouton qu'il arrosa de quelqurs verres de
vieux Aladère sa bonne humeur lui revint et il se sen-
tit a l'heure aussi heureux qu'avant la reception du fa-
tal cartel de Hunter.
Quant a la dame que la diligence de Londres avait
amené au;Lion-d'Or de Grand-Winglebury, elle fut,
comme nous l'avon» dit.installce au numéro vingt-ciuq.
Après avoir apporté quelques soins a sa toilette de
voyage, elle fit porter, par le second Boot, un billet a
l'adresse de Joseph Overton, Esquire, procureur du roi
et maire de l'endroit, billet dans lequel elle priait ins-
tamment ce noble fonctionnaire de se rendre immédiate-
ment au prés d'elle, no 29, Lion-d'Or, lui faisaut sa-
voir qu'eiledésirait lui parler d'affaires privies de la plu»
haute importance. Le digne maire lut et relut ce billet
qui ne portnit pour toute suscription que les initiales
E. Af.; l'écriture était celle d'une dame. Cela était évi-
W!H DL'EL A WWGLEBl'RY. (1)
(Voir le n° 51.)
Entrez dit M. Trott.
Une tête couverte de cheveux roux, avec un seul mil
de l'autreöté d'un nez rub icond, parüt dans l'entre-
baillement de la porte. Sur l'injonctiou réitérée de
Af. Trott, cette tête s'avunga dans la chambre, portée
sur un buste colossal juché sur des jambes d'une lon
gueur démesurée.
Vous êtes Boots en chef, je crois, fit Af. Trott.
A votre service, je suis le Boots en chef, répondit
une voix caverneuse.sortant d'une boite osseuse revêtue
d'une jacquette en velours de eoton garnie de boutons
en nacre.C *est-a-dire que je suis le Boots titulaire de
l'hötel. L'autre Boots est sous mes ordres il est ici
pour faire les commissions et les gros ouvrages. Boots
en chef et Boots en second, qu'ils nous nomment.
Vous êtes de Londres? demanda M. Trott.
J'y ai été conducteur de fiacre, fut la réponse la-
conique du Boots.
Pourquoin'êtes-vous plus cocher de vigilante eom-
tinua M. Trott.
Pour avoir mis mes chevaux au galop et passé sur
le corps d'une vieille femme, répliqua brièvement le
Boots en chef.
(I) Reproduction iuterdite.
Connaissez-vous la demeure du maire?
Un peu, répondit le Boots d'un ton gros de conjec
tures, comme s'il avait des raisons spécialos de se rap
peler cette demeure.
Vous senlez-vous le courage et l'adresse d'y porter
une lettre? demanda Af. Trott.
Si ce n'est que cela..., répondit Boots.
Mais cette lettre, reprit Trott, tenant d'une
main un papier plissé et de l'autre un penny-couronne,
cette lettre est anonyme
Qu'est-ce que cela fait? interrompit Boots.
Anonyme c'est-a-dire que le maire ne doit- pas sa-
voir de qui ni d'oü elle vient.
Ah ah j'entends, répondit le dróle avecun clin-
d'oeil signifleatifje sais ce qu'il vous faut, eb
Et il promenait son unique oeil par toute la chambre
en quête d'une lanterne sourde et d'une boite d'allu-
mettes.
Af ais je vous dirai, observa-t-11 en reportant son
ceil sur Af. Trott, je vous dirai qu'il est jurisconsulte,
notre maire, et que sa maison est assurée même. Si vous
lui en voulez, vous feriez cependant mieux de ne pas y
meltre le feu, car, vrai comme je m'appelle Boots, si ce
n'est ia le plus grand service que vous puissiez lui ren
dre. Je le pensedu moin* ainsi.
Et le coquin sa mit a rire d'un rire étouffé.
Si Af. Alex. Trott se füt trouvé dans toute autre si-