vingt ans, doit ëtré fkcheuse k l'oeuvre nouvelle, dans la-
qutlle tout est encore k juger. La musique de Meyerbeer
no peut frapperle public,k une première audition,que dans
ses grauds s'ujets d'ensemble. Ses autres beautés exigent
['analyse, et chacun sait cotnbien t;!les deviennent plus
ra vis santos k l'oreille du musicien patient qui les découvre
une k une, tüiohassées com me des diamnnts dans Ie mer-
veilleux travail du mattre.
C'est k l'Africaine surtout que l'on peut appliquer cette
appreciation.
La mélodie yest semée k-toutes les pages, mais elleest
courtejelle éehüppe k l'esprit paree qu'elle se perd immé-
diatement dans un déda'e d'harmonie indéchiffrable au
'grand norr.bre.Des accents passionnés,des scènes pleines
de grandeur viennent vous saisir, inais Ie tout est enve-
veloppé d'un voile que ï'étude settle peut déeh'rer.
C'est pour cette raison peut-étre quel'oo accuse Meyer
beer de manquer d'inspirmion.
II y a loin, sans doute, de son inspiration k lui, k ceile
des rnaitres italiens.
Mais lequel des deux est !e vrai génie, de ce'ui qui ne
deiiqüirie k l'art qu'ttn moyen de charmer l'oreille, ou de
celui qui.hroyant sur sa palette toutes les couleurs,depuis
Ie gtis de l'aube jusqu'aux teintes empourprées du soleil
eouchant, déroulc k vos yeux Ie tableau complet et vivarq
de son dramë?
Analysez une partition de Meyerbeer, disséquez note k
note la phrase qui vous a semblée froide on d'une compli
cation inutile; si vous parvenez k pénétrer la pensée du
compositeur, nón-seulement vous trouverez que chaque
note a sa raison d'etre,mais il vous sera impossibled'ima-
gfffcr d'atrtnts sons pour rendre les mêtnes choses! C'est
la véritë qui ,-e riHèle k votre esprit, et la musique vous
apparait'alors comme un divin langage commun k tous les
hommes. Ainsi qilé les autres, Cette langue universelle
est susceptible ne raffineraents, de délicatesses qui se-
ront, compris selon le dégró de perfection qu'aura acquis
not'-e sens musical.
Ou en sont les motifs italiens tant recherchés autrefois,
du second acte de Robert et des Huguenots?
Noes ne vou'ons plus déjk de ces fioritures, trop vite
comprises, plaisir facile oft l'intelligenee n'a aucune part.
Mais ces autres pages, cedes qu'il a fallu étudier et qui
constituent la beauté sérieusede cesoeuvres grandioses,
s'en lassera t-on jamais? Si Meyerbeer est aussi profond
phdosophe qu'on nous l'assure, n'aurait-il pas avec quel-
que intention et comme élément secondaire de succès,
mis en jeu notre amour-propre? L'amoue-propre ou la va-
nité (c'est tont un), ce champignon du cceur dout parle
Toppfer, trouve ici une satisfaction délieieuse k chaque
découverte que nous faisons dans ce champ musical. C'est
la joie tlii naturalise qui apei'Qoit.cachée dans l'ombre de
la prairie, 1'impereeptible plante rare cehappée k tous les
yeux.
A qui done aocorderons-nous le véritable génie, si ce
n'e.-tk i'hoinoie qiii.s'adressant k toutes les fibres do notre
knie, a su vei lier en nous tant de sensations diverses et
nous donner pourainsi diro quelqne chose de sonimmor-
lalité, en perpëtuant nés plaisirs?
On sait toutes les ressources et toutes les invraisem-
blanees du poëiae de l'Africaine; il est pauvre en situa
tions dramatiques, et c'est merveillede voir le parli qu'en
a su tirer le compositeur. Voyez au premier acte ia grande
scène du Conseil. Quelle magnificence! quelle admirable
gradation, depuis la majestuense et tranquille rilournelle
qni precede le choeur des évéques jusqu'k l'anathème de
la fin! Ces pages peuvent lutter de grandeur avec la Bé-
nédietion des poignards des Huguenots, oft la situation
est autrem'ent féconde en inspiration. Lk, les passions re-
ligieuses animent tous les personnages de la scène; la
haine des partis, le fanatisme dans toute son exaltation,
que d'clémonts réunis! Ici que trouvons-nous? Un pauvre
officier isrnoré, qui se beree de rêves d'immorlalité,amant
d Inès, il est vrai, mais rival si obscur, qu'il peut k peine
porter ombrage k don Pedro; un tribunal envieux et ja-
loux, tel est l'intérêt général de la scène. C'est dans les
détails seuls que Meyerbeerdoit trouverla souree de ses
inspirations, et c'est avee ces détails quo sa puissante
main a construit 1'édificé dont les proportions éerasent
notre imagination.
Le second acne nous montre Sefiea, berqant le sommeil
de son mattre d'une de ses chansons, souille poélique des
pays lointains, dont le rythme plein de mélaneolie est in-
terrompu par des éclats de passion qui vont bien k cette
nature ardente oü l'amour opère ses premières transfor
mations. Sa fsQon de (lire Je t'aime est ia seule qui con-
vienne k cette femme orgueilleuse et pass'ionnée.
L'entrée de Nélusko captive immédialement l'attention.
Plus sauvage encore que. sa compagne, il l'aime d'un
amour qui n'a dm et aucun partage, et sa haine pour Vasco
ne recnle devant aucun crime. Eselave soumis attx pieds
de sa mattresse, il. rebond.it terrible quand la jalousie le
mord au coeurPas uu trait ne dépare ce type, le plus in
téressant dn poeme. Meyerbeer l'a couié en bronze dans
!e mouló imraortel de Marcel et de Bertram. Quelle obéis-
sence passive, quel primitif respect dans cette phrase
Fille desRois et comme les passions se réveiilent tu-
multueuscs dans les notes saccadées qui suivent ce beau
chant, pour s'éteiiidre enfin dans ce cri sublime de dou-
leurBrahma.Dien Puissant, vous souffrez quit soit
servi par elle
II est conventt que ie duo (celui de la géograp'nie) est
une défaillanee du mattre. Le principal motif Combien tu
mes chère, est en effet d'une coupe assez vulgaire.
Ces légères imperfections sont, du reste, rachetées par
les mconiestables beautés du septuor oü la phrase finale,
si elegante et si bien ramenée, peut être comptée parmi
les plus belles de la partition.
La scène du vaisseau.ott tout est combine pour parler
aux yeux,nu luisse pas que de faire valoir lc chant des ma
telots, la Ballade de Nélusko oü je cherehe vainemerit la
recherche exbeptionnelle qu'on lui reproche, et enfin l'en-
vahtssement du vaisseau par les Indiens.chceurd'utie har
monie bizarre,rappelant assez celui des Anabaptistes dans
le Prophéte.
Que dire du quatrième acte oit tant de beautés réunies
nous laissent k peine la liberie de nous rendre compte
do nos sensations? Tout entiers sous l'empire de l'admi-
ration, pendant la tnarohe indienne qui nous rend Meyer
beer nans toute sa splendeur, éblouis par la mise en
scène, on croit sortir d'un rêve quand to serment do
Sétika nous rappeilotout k coup k des beautés d'un ordre
plus élevé encore.Lair do Vaseo, tout empreint d'extase
d.tns se.s delicates intonations, le mensongo inspiré k Se-
likaponr sauverla vie de ceiui qu'elle aime, la cavatine
de Nélusko oü l'amour et le désespoir se confondent
ion financière une bréche considérable. Elle rte eomptait
pas moins, au bas mot, de cinq mille abonnés en France,
ee qui fait une première perte de 300 mille francs aintuel-
lement. Ajoutez le prix des annonces et des réclames x-
clusivement destinées au public francais,et vous arrivcret
bien prés d'un demi-million. Or, un demi-million dans
tous les pays du monde, estquelque chose de fort impor
tant que l'on ne se résigne pas aisément k perdrc..
On croit assez généralement que la mesure ne sera que
temporaire, mais toute temporaire qu'elle soit, venant k
l'époque du renouvellement des abonnements, elle n'en
est pas moins denature k causer k la vietime urtdornmage
qu'une longue suite d'années suffira k peine k réparer.
Nous avons eu, ces jours derniers, la visite d'un agent
de Fempereur Maximiiien. M. de Iltrtzfeld est venu s'en-
quérir des chances que pourrait présenter un nouveau re-
crutement de volontaires beiges en faveur de la sainte
cause k laquelle son mattre a voué la vie et les trésors de
la France. C'est M. Rogier qui l'a retju et, sans avoir été
présent k l'entrevue, je ne crains pas de m'aventurei'trop
loin en vous assurant que l'ambassadeur n'en a emporté
aucun espoir. Les souvenirs de ['expedition du Mcxique
pèsent trop lourdement sur le ministère pour qu'il soit,
tenté de recommencer d'ici k longtemps la coupable folie
k laquelle il s'est laissé entrainer une première fois. Ex-
eeptons cependant M. Alphonse Vandenpeereboom, qui
était k cette époque ministre de la guerre ad interim et
qui a donné, un jour, sa parole d'honneur k la Chambre
qu'il n'avait cru aceorder de congés que pour la moisson
et pas le moins du monde pour aller au Mexiqiie. Lui, du
moins, est sorti blanc comme neigo de cette lamentable
affaire.
Le personnel de l'administration centrale des rhemios
de fer de l'JEtat est dans un étet d'qgkation extréme et,
vraiment, le danger dont on le menace est bien fut pour
l'émouvoir.Imaginez-vous qu'il n'estni plus ni moins ques
tion que d'imposer l'uniforme k tous les employés de ['ad
ministration, depuis les plus infiraes jusqu'aux plus gros
bonnets, non pas un uniforme pour les grandes solen ni-
tés, mais un uniforme de tous les jours, et que cette che
mise de Nessus sera irnposée, nou pas settlement aux
employés que leur service met en rapport avec le public,
mais k tous indistinctement. Je ne plaisante pas J'ai
parmi mes amis un cotnmis-chef au burean du contró'e
il m'a décrit sa tenue tunique k boutons de métal, garni,e
de broderies aux poignetq et au col, pantalon gris de
fer et casquette en forme do képi. Pour les jours do solen-
nit.é, une épée.Voilk ce qu'il m'a dit et, bien ce soit lusin-
cérité méme, je veux croire qu'il m'en aimposé, car sinon,
il n'y aurait plus qu'k envoyer aux petites maisorts le mi
nistre capable de signer un pareil arrêté.
AUTRE CORRESPOtVOAA'CE
Briixelles, 29 décembre.
Nous voici, depuis un mois, en possession de VAfri-
caine.
Je ne vous dirai pas ce qu'elle a cause de disillusions
k ceux qui croyaiént trouver ert elle la soeur des Hugue-
nots et de Robert. Toute comparaison avec ces ehefs-
d'eeuvre, étudiós et compris par tout le monde depuis
chezmoi d'une fagon encore plus rrystérieuse,je rte
savais qu'en faire auparavant et, certes, je n'y eusie plus
fait attention, ahle voici.
Et Joseph tira des profondeurs d'une poche k l'intérieur
de son frac le billet authemique d'AlexanJre Trott.
Est-ce lk l'écrilure du noble lord
Sans nul doute, répondit la dame; coeur tendro et ai-
mant, homtne de parole.'Je n'ai encore rttfu de lui que
trois ou quatre lettres, mais je sais qu'il écrit assez trial
et qu'il a un faible pour les majuscules et les lar'gescarac-
tères. Ces chers jeunes nob1 es, vous savez, Overton, no
s'occupent pas trop ti'étüue pour...
Bah.iüterrompitlemaire.jesais: Leschevauxjlesclliens,
le jeu et le vin, les grooms, les actrices, Tes cigares, le
sport., la taverne, l'Assembïée Legislative en dertuèr lieu:
voilk ce que ces messieurs aiment; voitk les lieux qu'ils
hantent.
Voici done la lettre qu'il m'ëcrit, pousuivit le maire
«Monsieur.Un jeune gentilhomme logé au n° 19 du
Lion d'Or, est sur le point de poser un acte téméraire de-
main matin de bonne. Voilk qui est bien dit(il en
tend parler de son mariage). Si vous avez k cceur la paix
et la tranquillité de cette viile, si vos sentiments d'hu-
manitó et de justice vous font un devoir de sauver la vie
k un et peut-étre méme k deux infortunés qu'est-
ce que eels sigeifie, ma fuije n'y suis plus
Cela signifte qu'il a des inquietudes sur la cérémonie
de deinain et qu'il mourrait, si elle était differéo; il craint
que, dans ce ea-s, je n'atteiite, inoi-même, antes jours,
observa la dauie, venant eu aide a son interiocuteur.
Aii je coinitrends n'ayons pas peur Bien...
de sauver la vie a un ou mêute deux infortunés, vous
vous eutpresserez de prendre les mesuren que vousjuge-
rez eonvenabh-s, pour faire quitter immédiatemeut la ville
k ce g> niillwunne du n° 19. (II taut qu'il parte k l'ios-
(aot)i Ne e'o'ncevez aucune crainte sur FespCce de respoti-
sabilité dont vuus vous hargeriez:L'absolue tiécessitó de
voire procédé sera pleirietnent reeoniiue de tont le tnoude.
Rappelez-vous N° 19. Le tiom de la personne eu ques
tion ést Trott. Point de retard! La vie d'un homme est
en jeu. Tout .dópeud de votre promptitude. Quel lan
gage passionne Quelle lievrtuse anxiétéDésirez-vous
quelj'tulle le trouver?
Depèchcz-vous, répliqua Miss Julie, et engagez-le k
bien jotter son t e. Je craitis presque pour lui. Reeom-
maifdtz-iui d'êire eirconspect.
Je n'y manquerai pas, dit le maire.
Je vous charge des dispositions a prendre.
Je n'y manquerai pus, fit de recheflu maire.
Dites-lui que je pense qu'il vaut mieux que la voiture
soit prête k une heure du matin.
Bien, bien, je n'y manquerai pas,répondit le maire en
prenant congé de lu dame.
Et tout en réfléchissaal sur la position bizarre dans la
quelle le destin et unevieiüe connaissance l'avaient placé,
il descendit au bullet, ou il demanda un domestique qui
devaitle conduire et l'annöncer au loeataire temporaire
du n° 19.
La phrase stéréotypée du gnrpon Un gentilhomme
désire vons parler», produisit sur M. Trott un effetsur-
prenant. II cléposasurla table lc verre de Porto qu'il al-
lait porter u ses lèvres, se leva de sa chaise et s'appro-
cha de laerwsee, dans lehut évident de se ménagcr une
retraite, pour ie casoftle visiteur annoncé seprésentèiaith
lui sous la forme et sous los traits de Horace Hunter. Un
regard, loutefois, qu'il jeta sur Joseph Overton dissipa ses
appréhensiens. II l'invila avec courtoisie a prendre [ilace.
Le garyou, aprés avoir déplacó et replace la carafe et fes
verres, consenlit k quitter la chambre. Joseph Overton
déposa son chapeau k larges bords sur une chaise,s'assit,
puis, le buste penehé légèrement en avant, eogagea la
conversation d'un ton trés-bas et avec inflniment de° pré-
cautions. conlmuer.)
II est question d'une souscription nationale k ouvrir
dans tout le pays pour 1'érection k Laéken, d'un monu
ment en t'honneur du Roi défunt. Cette idee, accueillie
avec beaucoup de faveur par tous les habitants de la eu-
pitale, sera acclamée par tout le pays.