nous pas l'honneur de posséder une traduction de
Shakespeare, a nous? Et combien la tache serait faci-
lilée a celui qui fentreprendreit par les travaux de
ses devanciers allemands et francais! el combien par
la langue un simple calque suffirait souvent.
Pour Ie traducteur francais la tache était énorme
comme Is dit Victor Hugo, une langue dans laquelle
on transvase de la sorte un idióme fail ce qu'eile
peut pour refuseria langue francaise fut long-
temps rétive, mais elle est enfin domptée et Ie fils du
poëte.M. Francois-Victor Hugo, vient,après un labeur
de douze années, d'offrir a sa patrie et au monde la
traduction la plus compléte el Ia plus fidéle qui ait étó
faite de Sbakespeahé de telle sorte que, présente a la
France par Voltaire revenant de l'exil, Shakespeare
n'aura conquis sa place definitive dans le pays de
Corneille, que grace a un autre exilé I
M. Madier-Montjau a fait une juste appreciation de
Shakespeare il n'en est point fanatique tous les fa-
natismes sont mauvais il vent qu'on le mesure a
sa valeur et proteste contre ceux qui voient en lui une
sorte d'être miraculeux devant son génie a l'absence
de toute étude comme de toute méthode. II prouve
facilement que Shakespeare, loin d'être aussi ignorant
qu'on i'a prétendu, fut plus qu'aucun curieux de
science et ardent au travail et il s'indigne contre cenx
qui 1'ont appelé un barbare ivre le génie ne s'im-
provise point, en effet, et ne se trouve pas plus dans
l'ale que dans l'absintbé.
Shakespeare a opéré une revolution dans le drame
son theêtre est celui de l'humanité entière; jamais
homme ne fouilla la nature humaine comme lui, ja
mais homme ne sentit a pared degré ce qu'il y a dans
l'ame d'énergie, de grace, de faiblesse, de grandeur,
de colère, de crainte, de bossesse et de sublimité.
Comme le dit M. Taine ilavait 1 'imagmation com-
plète; lout son génie est dans ce seul mot.
Et comme il sait associer la nature physique a tous
ces drames humains le cadre oü s'agitent ses per-
sonnages est admirable et prête au drame un relief
singulier. Mais c?est assez de ces généralités qui nous
entraineraieut au-delü des bornes que nous nous som
mes tracéessuivons M. Madier-Montjau dans la bril-
lante analyse qu'il a faite de Macbeth.
Parmi les trente- six pieces de Shakespeare, i'ora-
t.eur a choisi Macbethparee qu'il offre le type de la
manière shakesparienne. Macbeth est, en effet, con-
sidéré géuéralement comme Ie chef-d'oeuvre du poëte.
L'amour y est absent, et cela n'est point rare dans les
drames dn grand Willl'amour n'est point son prin
cipal ressort; souvent il vient se grefïer sur faction
comme une fleur sur une autre fleur.
On pourrait donner a Macbeth cette épigraphe qui
lui est empruntée Les entreprises commencées par
le crime ne s'achèvent que par le crime.
Une chronique raconte qu'un roi d'Ecosse, nommé
Duncan, fut tué et détröné par un sien cousin,
nommé Macbeth, qui, a diverses reprises, avait
vaincu des rebelles qui avaient mis en péril la cou-
ronne de Duncan.
Shakespeare lit cette chronique et se demnnde
comment ce Macbeth est arrivé a eoncevoirce crime,
a l'accomplir et comment il en a profité. Sa tragédie
est la réponse a cette question.
Le poëfe nous montre Macbeth, immédiolement
après sa dernière victoire, soilicité par l'ivresse
du triomphe a rêver les plus hautes destinées il
est thane de Glamis, pourquoi ne serait-il pas ihane
de Cawdor, et qui sait? roi d'Ecosse? Pour rendre
plus sensibles les rêves ambitieux qui occupent
le cerveau de Macbeth, le p< ëte fait apparaitre
trois hideuses sorcières qui altendent Macbeth et
Banquo, son collègue, sur una lande déserte et prc-
disenta Macbeth qu'il sera than de Cawdor et roi, et
a Banquo qu'il aura une postérité de rois sans ètre
roi lui-méme.
Macbeth n'est point encore arrivé auprès de sou
souverain que déja on vient Ie saluer thane de Caw
dor. Première partie de la prediction réalisée
Mais it pourrait ètre roi 1 Cette pensèe ne le quitte
plus; il écrit a sa femme la rencontre des sorcières et
leurs revélations étranges; au momentoü ceile-ci lit
la léttre de son époux, on lui annonce que le roi Dun
can arrivera le soir même dans le chêtean de Mac
beth. Son époux doit ètre roi il le seral'idée du
crime surgit dans son esprit.
Macbeth est la. Duncan arrive ce soir, dit-il,
«Et quand repart-il? répond-elle. De-
uiain e'est son intention. Oh I jamais le soleil ne
verra ce demain 1
Macbeth hésitece crime, il est affreux; et puis
Duncan est son bienfaileur, son parentil est son
hóte 1 Lady Macbeth n'hésite point. Son mari quitte
la table du roi, elle vieut le trouver. II a presque
soupé, dit-elle. Tout le meurtre est combiné dans
sa téte.
Macbeth hésite encore, mais elle lui reproche sa
faiblesse, elle le presse et le décide enfin, après lui
avoir lan'cé cette apostrophe suprème, qui a prècédé
tant de crimes .- Désormais, je sais a quoi m en te-
nir sur ton amour 1
Lady Macbeth a cependant été une charmante hó-
tesse, si charmante que le roi enchanté lui offre un
diamant avant.de se retirar.
L'heure du crime a sonné Gette scène est admi
rable M Madier-Montjau l'a dépeinte en traits éner-
giques et a trouvé un magnifique mouvement ora-
toire quand il a montré Macbeth, l'assassin, le voleur
de couronne', aussi lêehe, aussi bas, aussi vil que
celui qui tue pour forcer une caisse.
II faudrait la citer lout entière, cette scène; Mac
beth assailli par le remords et Lady Macbeth conser-
vant jusqu'au bout son horrible sangfroid, disant
d'abord S'il n'avait pas ressemblé dans soa som-
meil a mon père, faurais fait la choseet,le meurtre
accompli par son mari, harbouillant de sang les
cbambellans endormis etenivrés par elle, pour qu'ils
sembienl eoupables. Le roi est mort, vive Macbeth
roi I
Va-t-il jouir en paix de son crime?
Banqno est la, l'honnète tfanquo; cette verlu gêne
Macbeth; n'a-t-on pas dit, du reste, que Banquo se
rait père de roisl Qu'il meure, lui et son fils I
Ce second meurtre est consomméce soir-la même,
il y a fête au palaisla cour est réunie dans la salie
du feslin Macbeth va se meltre a table et porter un
toast h Banquomais il croit voir assise a sa place
l'ombre de Banquo qu'il vient d'assassineret voilé
que l'épouvante le gagne et qu'il répand sa frayeur
en paroles dèsordonnées. Lady Macbeth vient a son
aide, tente d'écarter les soupcons et éloigne les con
vives. Mais il n'est plus de repos pour Macbeth les
entreprises cotnmencées par le crime ne s'achèvent
que par le crime; il tue encore pour garder le prix de
son premier meurtre.
Le chötiment s'avancele remords a enfin bnsé
cette effrayante Lady Macbeth, l'oiseau couveur du
crime, comme l'appelle M. Madier-Montjau elle est
au lit, une lumière veille prés d'elle, car maintenant
cette femme a peur des tènèbres; la voyez-vous se
lever, elle est en proie a un accès de somnambulisme,
elle se frotte les mains
n Va-t-en, tache damnée! Va-t-en, dis-je... Une!
i> Deux 1 Alörs il est temps d'agir! L'enfer est som-
brei... Fi I Monseigneur, fi! un soldat avoir peur!..
A quoi bon redouter qu'on le sache, quand nul ne
pourra demander de comptes a notre toute-puis-
sance? Pourtant qui aurait cru que le vieux
homme avait en lui tant de sang
Tous les parfums d'Arabie ne rendraient
pas suave cette petite main I
Elle meurt bïehtót et Macbeth, assiégé dans son
chateau par le fils de Duncan, ne trouvera dans son
coeur, pour cette femme qu'il a aimée et pour laquelle
il s'est fait assassin, que cette oraison funèbre
Elle aurait dü mourir plus lard. On aurait eu
alors un moment pour cette nouvelle I
Macbeth croit encore a sa destinée, mais il en est
toutefois arrivé a ce point que tout lui est égal, la vie
comme la mort; Macduff lui porte le coup mortel et
rèlablit l'équilibre moral détruit par tant de forfaits.
Voila la tragédie presqu'entière qu'on ne se laisse
pas arrêter par ces hécatombes humaines, qu'on
écarté ces images sanglantes qui ne rappellent quo
trop les temps oil le drame est ne, la saint Barlhé-
lemy, Ie supplice de Servet et de Marie Stuart, et
qu'on se pénètre de la pensee cachée dans les replis
de cette oeuvre; comment se perd une ame? tel était
le problème l'Ameest perdue et voyez le chemin qu'a
suivi Macbeth I Le sang versé l'a fait glisser dans une
mare de sang; et cependant Macbeth n'ét'ait point
mauvais; il etait plein du lait de la tendresse hu
maine, dit le poëte; mais il était ambitieux, mais il
était faible devant sa femme, et voila le germe de ses
crimes 1
Lady Macbeth, au contraire, est sous l'empire d'une
effrayante maladie morale, elle ne connait que sa pas
sion elle est soeur de la Clytemneslre d'E.schyle et
de la Clèopêtre de Corneillec'est un monstre dont la
conscience humaine révoltée demande justice. Lady
Macbeth est punie et la conscience est satisfaite.
Ainsi, dit M. Madier-Montjau, Shakespeare demeure
le champion de la morale et, magistrat inflexible, sau-
vegarde les principes éternels du droit.
II ne faut done point aimer seulement ce grand gé
nie, paree que, comme dit M. Taine, en empruntant
le langage de Desdemona, il a beaucoup senti et
beaucoup souffert, il faut l'aimer aussi paree que
sa voix retentit dans nos arnes comme 1'éclatant clai-
ron de Injustice.
Une conférence sur Shakespeare est une tache
pleine de périls; elle n'a point été trop lourde pour
M. Madier-Montjeau, qui a su donner a son sujet les
larges proportions qu'il réclamait et provpquer, a
diverses reprises, les applaudissements de son audi-
toirenous sommos heur eux de nous associer a des
manifestations sympathiques si bien mèritèes et nous
ne terminerons point sans dire que nous souhaitons
que M. Madier-Montjau emprunte bientót a Shake
speare le sujet d'un nouvel entretien et nous fasse
entrevoir, après Lady Macbeth, cet horrible fantóme,
Ophelia, Cordelia, ou Juliette, ces creations ado-
rabies.
Conseil communal. v
Séance publique du Samedi 6 Janvier 1866.
Suite et fin.)
D'nprès I'honorable rapporteur, M. Becuwe, les
eaux de la ville n'onl rien de délélère, sont bonnes
aux differents usagesdomestiques, elles se distinguent
seulement par leur saveur vaseuse. C'est cette saveur
qu'il s'agirait de leur enlever et, quant aux animal
cules qu'on y découvre, ils sont propres a toutes les
eaux stagnantes.
Se placant plus spécialement au point de vue indus
trie!, M. Becuwe a fait prendre des échantillons en
quantité suffisante pour les analyser en tant qu'elles
devront servir aux usines et aux moteurs industrials
il leur trouve des propriétés favorables pour l'usage
des chaudières a vapeur.
Bref, il conclut a la bonne qualité des eaux de nos
réservoirs, susceptibles, d'après lui, d'être appro-
priées a tous les usages domestiques et industriels. II
ajoute qu'il a toujours eu cette conviction, que de
nouvelles recherches n'apprendrout rien et ne donne-
ront pas de résultats plus positifs.
li vadesoi que nous ne sommes ici que l'écho abrégè
des paroles de M. Becuwe et nous lui laissons natu-
rellement toute la responsabilité de ses conclusions.
M. Becuwe avait cité a l'appui de son opinion Sande-
rus, qui relate l'avis des médecins de son temps et rap-
pelé que nos eaux servent a la fabrication de la bière.
Mais, d'autre part, les brasseurs soutiennent que si
la bière d'Ypres est si peu potable, la principale
cause en est a la mauvaise qualité des eaux 1
Qui a raison Hippocrate ou Galien?
M. Boedl propose de voter des remerciemenls a
M. Becuwe.
M. Brunfaut demande si MM. Garez et Becuwe sont
d'accord dans leurs appreciations.
M. Becuwe répond qu'il n'a pas étó mis en rap-
perd avec M. Garez et que son but a été, en faisant
sou rapport, de ne plus perdre de temps.
M. Brunfaut rappelle le système d'alimentation pri-
mitivement exposé au Conseil par M. Becnwe.
M. Vanheule croit qu'une commission a été nom
inee pour examiner les divers systèmes, il pense que
le Conseil a pris une décision dans ce sens.
Le Collége semble nl plus s'en souvenir et M. le
bourgmestre dit que M. Becuwe s'était chargé d'ana-
lyser les eaux des sources trouvées par M. Carey. II
ajoute que Ie système de M. Becuwe a été soumis
M.Carez et qu'il rentre dans celui que M. Carez va
suivre maintenant.
M. Brunfaut demaude que MM. Becuwe et Carez
soient mis en presence.
M. Becuwe dit qu'il considère sa mission comme
terminée, au moins quant a l'analyse chimique des
eaux. A son avis, la question présente trois phases
differentes la première, celle qui consistait a ame-
ner en ville les sources des montagnes s'est éclipsée;
la seconde qui se résumé en cette question les eaux
de la ville sont-elles bonnes, susceptibles d'être utili-
sées aux divers usages domestiques et industriels
II répondoui. La troisième phase commence en ce
moment ce sont les recherches de M. Carez pour
atteindre le but, e'est-a-dire l'enlèvement du goüt va-
seuxet la bonne distribution des eaux.
Fort bien; mais les pourparlers que nous venonsde
rapporter, les recherches de M. Becuwe, les essais de
M. Carez, tous ces travaux, excellents en eux-mèrnes,
mais sans direction, sans coordination,ne viennenl-ils