JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEÏENT
YPIVES, Dimanche
Quatrième année. ft0 14.
8 Ayril 1866.
Paraissant le dimanche.
P«1X U'ABUlMEilIERT
POUR LA BELGIQUE
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Ypres, avril is««.
En dépit des allégations contraires de eert uns or-
ganes de la presse clericale, nous croyons fermemenl
que la question de la réforme électorele sera portee
devant la Cliambre dans le courant de cette session.
Cela a pu être douteux aussi iongtemps que la propo
sition de M. Guillery a conserve des chances de succes
mais aujourd'hui que la resolution bien connue du
parti clerical de ne pas appuyer cette proposition lui
enlève un appoint considerable, le ministère, qu'on
n'en doute pas, va se héter d'en tïnir avec una ques
tion qui l'embarrasse beaucoup plus que la presse
oflieieuse ne veut en convenir. Le ministère se dit,
non sans une certaine apparence de raison, qu'une
fois sou projet de réforme a lui, votè par les Chambres
et passé en force de loi, il en aura fini pour Iongtemps
avec le mouvement réfonniste, tandis que, s'il en
ajourne la discussion, ce mouvement ne fera que
grandir de jour en jour et Dieu sait alors s'il se trou-
vera encore assez puissant pour le maitriser.
Le projet sera done discute. Mais sera-t-il adoptó
Ceci est plus probiématique. D'après des renseigne-
ments que nous avons lieu de croire exacts, une dou-
zaine de représentants appartenant a la gauche au-
raient ex primé leur resolution de combattre carrément
la reforme présentée par le gouvernement. S'il en est
ainsi, il n'est pas douteux que le projet ministériel
ne resle sur le carreau, car bien certainement les
cléricaux, qui n'y trouvent pas leurcompte, s'uniront
comme un seul homme pour le rejeter.
Quant a nous, nous applaudirons de tout coeur a
ce résultat. Mieux vaut le maintien du régime actuel,
avec ses abus flagrants et ses dénis de justice qui
révoltent, a une reforme sans principe, sans gónero-
sité, sans grandeur, qui nous plongerait bientöt plus
avant que jamais dans les abimes du doctrinarisme
ministeriel. L'ceuvre du gouvernement écartee, le
mouvement suivra son cours et l'heure de son triom-
phe ne tardera pas a sonner.
Ee droit de réponse.
La question du droit de réponse est a l'ordre du
jour dans la presse. On dit beaucoup, depuis quelque
temps, que l'abus de ce droit de réponse peut aller
jusqu'a l'anéantissemenl du journalisme. 11 est vrai.
L'article 13 du decret de 1831, en donnant toute
personne dont le nom est cité dans un journal le droit
d'y faire insérer une reponse d'une ólendue double de
l'article qui lui est cor.sacré, a ouvert la porte a un
abus réel, dont la presse s'inquiète a juste litre. Sup-
posé que cbacun use de ce droit dans toute la latitude
qu'entoure le décret, voila le journalisme rendu im
possible, la chose est claire. Mais de la a conclure,
comme certains journaux, a la suppression du droit
de réponse, il y a loin.
Qui dit liberté dit responsabilité. La presse est fi
bre, mais elle est responsable. L'inviolabilité n'ap-
pariientqu'a la couronne et encore n'est-elle, le plus
souvent, qu'une pure fiction Louis XVI, Charles X
et Louis-Philippe sontla pour en lémoigner. L'idée de
l'ir responsabi li té rêpugne au sentiment inné de la
justice. Decrétez l'irresponsabilité absolue du journal
et; avant dix ans, la presse sera couvertede chaines.
La presse est done responsable et, comme telle, tenue
de réparer le dommage qu'elle a cause par son fait.
Que les limites de cette responsabilité soient plus ou
moins étendues, il imporle peu. La seule reconnais
sance du principe nous suflit.
Le régime actuel ouvre deux voies de réparation
destinctes a l'individu qui croit avoir a se plaindre
d'un article de journal. II a le choix, ou bien de s'a-
dresser directement au journal et de rectifier 1'assertion
dommageable e'est 1'exercicedu droit de réponse
oubien de recourir aux tribunaux et de réclamer des
dommages-intérêts.
De ces deux voies, quelle est a la fois la plus libérale
et la plus conforme aux véritables intéréts du jour
nalisme"? Evidemment la première. Pourquoi done
vouloir la supprimer Sans doute, Paction en justice
est soumise a des conditions beaucoup plus rigoureuses
que le droit de réponse mais niera-t-on qu'aujour-
d'hui beaucoup de particuliers qui pourraient nous
attraire devant les tribunaux se contentent d'user du
droit de nous repondre 1 Or, qu'arrivera-t-il quand
ils n'auront plus ce droit G'est qu'ils se rejetteront
sur l'autre et que, par-dessus les dommages-intérêts,
nous aurons encore a subir ['insertion forcée duju-
gemenl,qui prendra dans nos colonnes infiniment plus
de place qu'une simple réponse.
Nousarrive-t-ilaujourd'huid'étre poursuivis devant
les tribunaux nous ne manquons jamais de faire
observer au juge que le particulier qui nous attaque,
au lieu de s'adresser a ia justice, aurait mieux fait,
dans son intérêt propre, d'user du droit de réponse
que le décret de 1831 lui reconnait dans une si large
mesure. Nous soutenons, et non sans raison, que le
droit de reponse constitue un mode de réparation
plus efiicace et plus complet, dans la plupart des cas,
que l'intervention des tribunaux. Geux-ci, il est vrai,
ne semblent pas toujours de nolre avis sur ce point
mais quoi qu'il en soit, n'avons-nous pas mauvaise
grêce a reclamer aujourd'hui la suppression d'une
garantie que, jusqu'ici, nous avions placée au-dessus
de toutes les autres
La crainte qu'éprouvent nos confrères de voirleurs
colonnes envahies par l'exercice immodéré du droit
de réponse nous louche assez peu. En fait, depuis
35 ans que nous sommes régis par le decrêt de 1831,
cette crainte ne s'est pas realisee on ne voit pas que
les journaux aient eu trop a se plaindre de l'abus
qu'ils signalenl et si eet abus prenail un jour des pro
portions vraiment serieuses, il n'est pas douteux que
nous en obtiendrions le redressement avec infiniment
moins de peine que dans les conditions actuelles.
Est ce a dire que le régime du décrêt de 1831 soit
a l'abri de tout reproche et qu'il doive être maintenu
sans modification nous n'avons garde de le prétendre
et nous faisons, au contraire, des voeux bieo sincères
pour que la legislature s'occupe incessamment de la
question. Mais nous sommes convaincus aussi qu'il y
aurait,a reslreindre le droit de réponse dans des limites
Iropelroites, un danger bien plus grave qu'a le main-
lenir lel qu'il existe actuellement, mêine avec les abus
qu'il engendre. Si ce droit entraine des inconvénients,
s'il peut, a un jour donné créer au journalisme une
situation impossible, n'oublions pas qu'il est aussi
notre sauvegarde et que nous pourrions avoir a nous
repentircruellemenl d'en avoir méconnu lesbienfaits.
Ee clergé et l'impöt.
M. l'évêque de Liége vient d'adresser aux curés et
confesseurs de son uiocèse une circulaire confiden-
tielle en latin pour les engager a refuser l'absolution
pascale a ceux de leurs penitents qui, malgré leurs
paternelles remontrances, persisteraient a s'empoi-
sonner de la lecture des mauvais journaux.
Ce fesant, M. Theodore de Morftpellier remplit peut-
être un devoir. Devoir ou non, il use assurément de
son droit. Discuter est dangereux. Proscrire, con-
damner, est infiniment plus commode et plus expédi-
tif. Dominique avait raison et M. de Montpellier u'a
pas lort.
Resle un point a régler qui a bien son importance.
Le culte cathoiique est salarié par l'Etat. Ghaque an
née nous inscrivons au budget une somme d'environ
cinq millions, pour I'entretien de MM. les évêques,
chanoines, doyens, curés, vicaires catholiques et a
l'ornementation de leurs temples. Ces cinq millions
sont fournis a l'Etat ou, pour mieux dire, au clergé
cathoiique, par la masse des contribuables parmi les-
quels une foule de fabricants de papier et de carac-
tères d'imprimerie, de propriétaires et d'actionnaires
de journaux, d'écrivains et d'ouvriers de toute espèce
vivant du journalisme libéral. Nous ne pensons pas
exagérer en estimant a dix mille Ie nombre des con
tribuables directement intéressés a la prospérité de
''industrie alimentèe par la presse libérale.
Le budget des cultes représentant, a peu de chose
prés, deux et demi pour cent du budget général de
l'Etat, voila done dix mille contribuables obligés de
payer, chaque année, 2 1/2 p. c. de plus pour dé-
frayer et entretenir des citoyens qui considèrent
comme un devoir de travailler a leur ruine et de leur
enlever le pain de la bouche Gela est-il juste? Quoi,
je suis propriétaire d'un journal qui est mon unique
fortune. Ge journal me donne une certaine aisance, a
raison de laqueUe Ie gouvernement me tnxe a une
contribution annuelle de 200 francs, et de cette
somme, il sera dit que le trésor public pourra affecter
un quarantième a salarier une corporation qui se
donne pour tAche de tuer I'industrie qui me fait vivre
et qui la nourrit? N'est-ce pas la le comble de I'ab-
surde et de 1'inique?
Que le clergé cathoiique nous fasse la guerre tant
qu'il voudra; qu'en attendant les feux de I'enfer aux-
quels nous n'échapperons pas, il nous cause, en ce
monde, le plus de tort qu'il pourra; e'est son droit et
nous n'entendons lui enlever rien de sa liberté de
propagande. Mais que MM. les évêques, doyens, cures
et vicaires veulenl bien nous dispenser de les payer
pour cette besogne et que le mot de Ghabot Que
qui veut la messe lapaie,» devienne enfin une réalité.
Qu'en pense Mgr de Montpellier