JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPR.ES, Rimanche
Quatrième année. N° 15.
Paraissant le dimanche.
LES GUEUX DANS LA WEST-FLANDRE
PKIV D'iBOXXEIIIEXT
POUR LA BELGIQUE
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Cures et lat rones.
Le jour commence a se faire sur les motifs réels de
la resistance dósespérée que le clergé oppose a la loi
sur les bourses. D'abord on n'avait vu dans cette re
sistance qu'une sorte de mise en scène électorale
destinée a remuer violemment les consciences catho-
liques, un épouvantail dressé point pour terroriser
les ames simples et facilement accessibles aux terreurs
religieuses. Cbacun comprenait qu'a la veille de Ia
lutte, le clergé avait voulu frapper un grand coup et
surexciter vivement l'opinion publique par une de ces
démonstralions imposantes, solennelles, dont l'Eglise
rornaine possède a un si haut degré le secret. Les
honnêles getis s'indignaient d'une pareille comédie,
les poliliques trouvaient le tour bien imagine, mais nj
les uns ni les autres ne soupconnaient qu'il püty avoir
dans ('attitude mélodramatique de notre èpiscopat
autre chose qu'une manoeuvre électorale.
11 parait que nous nous étions trompés. S'il faut en
croire I 'Echo du Luxembourg et d'autres journaux qui
semblent tous parfaitement informés, la résistance du
clergé a l'exècution de la loi des bourses devrait s'ex-
pliquer par des motifs d'une nature toute différente.
Si l'épiscopat accumule tant de saintes fureurs contre
cette loi, s'il fulmine des excommunications si épou-
vantables contre tous ceux qui concourraient a son
exécution, c'est tout simplement, d'après ces jour
naux, paree que beaucoup parmi messieurs lesadmi-
ministrateurs ecclésiastiques des bourses out mangé
la grenouille et se trouvent dans l'imipossibilité de
rendre leurs comptes aux commissions provinciales
instituées par la nouvelle loi. L'Echo du Luxembourg
cite des faits accablants Dans la province du Luxem
bourg, une foule de bourses ont disparu, dont on ne
retrouve aucune trace. Pour d'autres, on n'en possède
plus que les titres, les biens qui en dépendent ayant
été aliénés. D'autres encore sont restées sans emploi
depuis des temps immeinoriaux et MM. les adminis
trateurs en ont empoché les revenus sans rien dire.
ÉTUDES HISTORIQUES
Sur les troubles qui ensanglantèrent au XVI" siècle,
les chalellenies d' Ypres et de Furnes.
L'histoire n'est pas un tribunal
S huis-clos fille de la vérité, elle
aime et cherche la lumière.
(Achin.—ffist de Henri Fill.)
(Suite.)
Chapitre III.
Inquiétudes de la gouvernante sa lettre au roi. Opinion
des minislres de Philippe II sur les affaires des Pays-Bas.
Nomination du due d'Albe. Arrivée de ce général en
Belgique. Effroi du peuple émigration. Premiers
actes de d'Albe enquêtes, supplices et proscriptions.
Les délégués du magistrat de Furnes h Bruxelles. Réap-
parition des Gueux sauvages. Le baron de Rassenghien
et Valentin de Pardieu. Institution du Conseil des trou
bles. Alarmesdes Flamands. Dispositions tyranniques
prises l'égard des rebelles. Jugement et condamnation
«les corates d'Egmont et de Hornes. Leur mort.
Nouvcaux exploits des sauvages. Episodes divers.
La gouvernante sérieusement dans l'embarras, agi-
C) Reproduction inlerdite.
Enfin, le même journal afiirme qu'une bourse, créée
en 1592, au capital de dix-neuf cent mille francs se
trouve aujourd'hui réduite, on ne sait trop comment,
a un revenu de fr. 8,5001 L'Organe de Nivelles rè-
vèle des faits du même genre dans le Brabant et en
annonce de plus scandaleux encore, qu'il fera con-
naltre prochainement avec des détails qui mettront,
dit-il, en pleine lumière l'incurie et l'infidélité des an
ciens administrateurs.
Nous voudrions pouvoir révoquer en doute l'au-
thenticité des faits dénoncés par ces journauxmais
|e silence de la presse cléricale, en présence des asser
tions précises et tous les jours répétées de nos con
frères libéraux, ne permet .plus aucun doute raison-
nable. Dès aujourd'hui, il est acquis qu'un grand
nombre de bourses, confiées aux mains du clergé, ont
été livrées au pillage et que ces hommes pieux, dé-
sintéressés ont scandaleusement dilapidé, leur pro-
fit personnel, le patrimoine que la confiance des fa
milies avait remis a leur garde.
Comprend-on maintenant pourquoi le clergé a jeté
de si hauts cris quand le ministère est venu proposer
de lui enlever la gestion des bourses d'études La loi
votée, il allait être obligé de reudre des comptes et de
dévoiler aux regards du public les abus, les scandales
sans nombre que la sacristie avait jusqu'ici protégés
de son ombre sacrée. La confiance des families trahie,
les titres de fondation égarés par l'incurie ou lacérés
par la malversation, le favorilisme partout substitué
aux droits des boursiers, le patrimoine des études au-
dacieusement détourné de sa destination, toutes ces
hontes, toutes ces turpitudes allaient apparaitre au
grand jour et jeter sur le clergé un ineffacable mé
pris
G'est alors que fut organisée cette immense croisade
du haut et du bas clergé contre la loi des bourses.
Pourconjurer le danger qui menacait d'élouffer l'Eglise
dans la boue, on vit toute la sainte milice, l'épiscopat
tée de craintes fort légitimes, mais ne se rendant pas
biencompte desa situation, crut devoir apprendreau
roiquela paix était rétablie. Elle lui annoncaque
tout était pour le mieux que les difficultés étaientapla-
nies et qu'elle se crot/ai'Jassez forte pour maintenir l'or-
dredans ces provinces. Les réformésétaienlfugitifsetle
culte catholique rétabli dans son ancienne splendeur
les rebelles avaient subi la peine due a leurs crimes
ou l'altendaient en prison elle s'étaitassurée de la
fidelite des vil les en y mettant suflisantes garnisons.eic.
Par cooséquenl, disait la princesse, il n'est pas né
cessaire d'envoyer dans les Pays-Bas des troupes es-
pagnoles d'ailleurs rien ne justifierait cette mesure
la joresence de soldats étrangers ne pourrait que trou-
bler l'ordre et la paix établis avec tant de peine, en-
traver le rétablissement du commerce et de I'indus-
trie dont le pays avait tant besoin, occasionner aux
habitants de nouveaux frais, pendant qu'elle leuróte-
rait les moyens de les supporter. Le seul bruit de l'ap-
proche d'une armée espagnole, ajoutait-elle,ayantdèja
privé le pays de plusieurs milliers de citoyens utiles,
son apparition en fera infailiblement un désert.
Puisqu'il n'y avait plus d'ennemi a combattre, ni de
rebellion a réprimer, on ne pouvait supposer a cette
en tete, descendre dans Parêne politique, armée
comme pour un combat mortel. La |0i fut solennelle-
ment condamnee et défense faite a tous les catholi-
ques de concourir son exécution, sous peine d'ex-
communication.
II fallait un prétexte a ce déploiement inusité de
rigueur le gén.e qui inspire parfois les situations
desesperees imag.na d'accuser de vol et de brigan
dage légal la loi qui devait arracher aux voleure et
aux brigands leur manteau d'im,)osture> Fures e(
latrones disa.t M. Pirmez, au Sénat, ne se doutant
pas que le jour v.endrait bientót oü Indignation po
pulate appl.querait cette dénomination a ceux-Iè
mêmes qui se posaient comme les défenseurs de la
propriete et les gardiens de la foi publique.
On avait espéré que le ministère reculerait devant
la menace d'une.nsurrection générale des consciences
catholiques. Cet espoir décu, il n'er, restait plus d'au-
trequun appel suprème la Couronne. Au risque
de compromettre notre jeune Roi par une interven
tion directe et personnelle, dans un débat constitu-
tionnellement épu.sé, les évêques n'bésitèrent pas a
lu. demander d'arrêter l'exècution d'une loi qui di-
saient-ils, portait dans ses flancs |es germes d'une
desaffection generale. Tentative inutile le Roi resta
sourd aux doléances comminatoires de l'épiscopat et
les arrêtés organisant les commissions pr0vinciales
parurent au Moniteur.
Que tenter encore le texte clair et positif de ,a ,oj
ne permettait aucun espoir dans le reC0urs aux tri-
bunaux. Ou résolut cependant d'y recourir, non pas
qu'on se fit la mo.ndre illusion sur l'issue du débat
engagé devant la justice, mais parce qu'i| failait
tout prix, ne paraitre céder qu'a la force. Pourquoi
La chose aujourd'hui s'explique sans peine il y avait
a rendre des comptes et l'on voolait se ménager la
ressource de faire croire que s'ils n'étaient pas requ
irement rendus, c'est que les administrateurs,
armée d'autre motif que celui de punir avec cette
présupposition, elle ne devait pas s'attendre a un ac-
cueil fort bienveillant. Enfin, n'étant p|us excusé par
la necessité, ce moyen violent aurait l'apparence
odieuse de l'oppression, aigrirait les esprits, pousse-
rait a bout les hérétiques et armerait pour leur dé
fense leurs coréligionnaires étrangers, eic.
Le langage de Marguerite était eertainement fort
juste et temoignait de son affection p0Ur le peuple
qu'elle gouvernait, mais il avait le tort de dissimuler
fort mal les appréhensions de la princesse
Cette longue missive se terminait par'['assurance
que les Beiges recevraient le roi avec toutes les dé-
monstrations d'attachement et de respect, s'il daignait
deployer envers eux la clémence d'un père et non la
sévérité d'un monarque implacable s'il voulait venir
pour se rejourn de la paix et non pour ies replonger
dans toutes les horreurs de la guerre
C'était trop dire. En terminaut sa 'lettre par cette
espèced'ultimatum peu fait pour sourirea un prince
tel que Philippe II, la gouvernante eréait précisément
les obstacles qu'elle aurait voulu ecarter. D'ailleurs
son apparente quiétude ne pouvait tromper les fana-
tiques ministres du roi. Spinosa, d'Albe et surtout