Après ce discours, le Président, sur une motion
d'ordre, constate officiellement la presence de 81
membres. La proposition, mise aux voix au scrutin
secret, par boules noires et blanches, est adoptée14
votants seulement ont proteslé contre. (1)
Vainement un membre présente-t-il des obser
vations sur Ia nouvelle voie dans laquelle l'Associa-
tion vient d'entrer, vainement e rappelle-t-il que,
dans une séance précédente, un candidat provisoire
ayant été admis, il serait plus logique de le préférer
a tout autre candidat, M. Carton fils lui répond que
personne, dans cette enceinte, n'a voulu poser un
acte blamable en revenant sur une decision prise,
quand on a vu la rèpulsioo qu'une candidature ad—
mise par l'Association inspirait aux èlecteurs (2)
Ainsi, comme s'il eüt craint que la discussion n'a-
vait pas été suffisamment claire, M. Carton fils dé-
clare ouvertement que la candidature de M. Iweins-
Hynderick a été abandonnée presqu'aussitót que
présentée et, afin que nul ne puisse se méprendre
sur le véritable sens de ses paroles, il ajoule en ma-
nière de confirmation Le but de l'Association
lisez des meneurs est de diriger le courant électo-
ral, AFIN QU'IL NE DEBORDE PAS. (3)
Voila pour ce qui a précédé l'èlection. Le dépouille-
ment du scrutin et les articles du Progrès célébrant
le triomphe apporteront des preuves plus irrécusables
encore, si c'est possible.
Le dépouillement du scrutin, voici ce qu'il nous ap-
prenjd.
M Edouard Cardinael, porté officiellement sur la
liste du Parnasse et ofjicieusement sur celle de 1'Union
libéraleobtient 344 voix sur S08 votants.
Nous n'avons pas a examiner ici les parlicularités
qui firent de M. Cardinael un candidat en partie
double constatons simplement que les sympathies et
le généreux pardon de M. Carton fils lui furent pro-
pices.
Quant a M. Iweins Hynderick, il n'obtint que 152
voix sur les 508 votants, tandis que ses deux collègues
du College, MM. Vanderstichelen et Alph. Vanden-
peereboom furent élus respectivement par 487 et 476
voix. Des 20 candidats en présence, c'est M. Iweins
qui obtient le moins de voix et le Progrès de s'écrier
dans un article intjtulé, Triomphe complet du parti
liberal Tons les membres de ['administration ac-
tuelle ont été réélus, a i'exceplion d'un seul, contre
lequel VAssociation méme a fait une demonstration,
quand on a pu se convaincre que ce candidat ren-
contrait peu de sympathies. (4)
Cette phrase déja suffisamment claire par elle même,
est précèdée d'une autre plus significative encore. On
y lit L'unité et la plus grande activitè ont preside
aux démarches des membres de 1 'Union libérale. (5)
Pesons bien chaque phrase, chaque motils valent
leur pesant d'or. Vunilé el la plus grande activitè
ont preside aux démarches qui ont eu pour résultat
d'évincer M. Iweins Hynderick et de le reinplacer par
M. Edouard Cardinael. Est ce assez explicite?
Le premier moment d'enthousiasme passé et pré
voyant probablemenl qu'une sincéritó si contraire a
ses habitudes pourrait le compromettre, le Progrès
tente une reculade. II serait heureux de faire croire
que c'est malgré ses patrons qu'un éehevin a été éli-
miné et qu'eux du moins ont fait tons leurs efforts
pour empêcher ce résultat.
Tentative inutile! Le masque qu'il leur taille est
percé comme un écumoir. Les 152 voix que ce can
didat a obtenues, écrit-ii cinq jours après l'èlection,
sont des suffrages des membres de l'Association libé
rale ou d'électeurs qui votent sous soli inspiratioa. (6)
Qu'en sait-il en definitive? Cerles, il est fort pos
sible que des membres de l'Association aient voté
pour M. lweins-Hynderick, comme d'autres èlecteurs,
qui ne votent pas sous l'inspiration de cette Société,
maisamis du candidat, auront voté pour lui, nous ne
le nions pas mais si les patrons du Progrès ont sou-
tenu cette candidature ainsi que ce journal essaie de
l'insinuer et que leurs nombreux efforts réunis ne
réussissent a faire donner a leur candidat que 152
voix sur 508 volants, nous disons que tout ce bruit
qui se fait autour de leur nom n'est qu'une vaine fan
tasmagorie et que leur puissance ressemble a des
bulles de savon que le moindre souffle dissipe.
(1) lbid.
(2) Séance de 1'Union libérale du 20 aoüt 1848.— Compte-
rendu publié par le Progrès, 2me supplément extraordinaire,
en date du 21 aoüt.
(3) lbid.
(4) Progrès du 24 aoüt 1848.
(5) lbid.
(6) Progrès du 27 aoüt 1848.
Mais a quoi bon démasquer le Progrès? Lui-même
se charge de la besogne.
Dans ce méme n° du 27 aoüt, quelqnes lignès au-
dessus de celles que nous venons de reproduire, nous
lisons cette phrase qui semble une réponse au Propa-
gateur C'est paree que nous voulons que le né-
goce soit représenté a l'Hótel-de-Ville que nous avons
placé quatre négociants dans le Co?iseil. Vous avez
placé quatre bégociants dans le Conseil? Avant l'èlec
tion de 1848 le Conseil en comptait trois MM. An-
noot père, Th. Vandenboogaerde et Pierre Beke; Ie
quatrième, qui y est entré en 1848, est M. Edouard
Cardinael; done, de votre propre aveu, vous avez
soutenu cette candidature au détriment de celle de
M. lweins-Hynderick. Bravo voila ce qui s'appelle
mettre les points sur les i. Après ce dernier coup de
marteau que vous donnez sur vos propres doigts,
nous pouvons tirer l'echelle.
Pour résumer, des faitsqui précédent et des docu
ments que nous avons copiés littéralement dans le
Progrès résu'tent differentes vérités
1° La candidature de M. lweins-Hynderick, après
avoir été présentée et adoptée par l'Association, a été
sacrifiée par les meneurs, eu dépit du reglement, a de
scandaleux calculs.
2° C'est dans une réunion d'ennemis politiques,
réunion dont leur organe avait dit toutes les horreurs
imaginables, que ces meneurs sont allés chercher un
candidat peu de jours avant l'èlection.
3° Par cette conduite, et, après avoir accusé la réu
nion du Parnasse d'etre la mauvaise queue du parti
elérieal, »(1)eny choisissant a differentes reprises leurs
candidats parmi ceux qui firent partie de cette réu
nion, ces mesures prouvent a l'évidence ou que dé
tout temps, comme nous l'avons dit, ils ont tripoté
avec les catholiques quand leurs intéréts l'exigeaient,
ou que leurs cris au clérical, au jésuite, au mécon-
tent, a l'ambitieux (vieux style)au radical, au brouil-
lou, au républicain, au socialiste, pour parler comme
le style du jour, ne sont le plus souvent qu'une mé-
prisable ruse de guerre dont le but, en attirant l'at-
tention sur un danger imaginaire, est de couvrir plus
aisément des intrigues qui, vues au grand jour, sou-
lèveraient de dégout la conscience publique.
4° Eu donnant dans son n°du 25 mars 1866 une
coalition des clèricaux et des brouillons pour cause
a ('elimination de M. lweins-Hynderick, le Progrès,
qui a démontré par ses articles de 1848 que ses pa
trons ont été les causes réelles de cette élimination,
tranche définitivement une question controversée jus-
qu'ici Dorenavant, quand il parlera de brouillons,
le lecteur saura de quel cölé porter ses regards il se
dira en souriant le saint prêche pour sa cha-
pelle.
En terminant nous devons, comme en commencant,
ex primer ici de nouveau noire peu de goüt pour cette
exhibition de la mort que nous n'aurions certainement
pas faile, si les mensonges du Progrès ne nous y
avaient contraint. A lui done et a lui seul toute la
responsabilité de cette polémique d'outre-tombe.
Nous tenons le loup par les oreilies; il ne peut être
inutile pour la vérité que nous I'exhibions a la curio-
sité de la foule. Approchez, ami lecteur; n'ayez
point peur il n'est méchant que pour ceux qui le
craignent. Dévisagez-le des pieds a la tête et dites si
vous vites jamais modèle plus accompli d'astuce et
I d'hypocrisie.
Les travaux de la ports de Lille continuent, sans
avancer toutefois aussi rapidement que chacun le de
sire. Piusieurs des arcades destinées a I'elargissement
du pont se sont affaissées déja et, en considérant le
peu de profondeur et l'exiguité des fondations, beau-
coup de personnes compélentes craignent que le fait
ne se répète bientöt. Espérous que ces craintes ne se
réaliserorit pas. On commence a s'occuper aussi du pont
qui doit remplacer l'ancienne porte. Oa racontaitder-
nièrement a ce sujet que l'intention primitive était de
mettre la construction dece pont en adjudication et
que l'influence de M. l'échevin des travaux publics
avait empêché cette adjudication. Nous nous refusons
a le croire et nous serions heureux de fournir, par nos
paroles, ['occasion a M. l'échevin dedemenlirces bruits
föcheux. M. Bourgois doit être convaincu comme nous
que l'adjudicalion publique est le meilleur système
qu'une administration puisse adopter pour l'exècution
de ses travaux, tant au point de vue économique que
dans l'intérêt de la rapidité et de la surveillance de
(t) Progrès, 2">c supplément extraordinaire, lundi 21 aoüt
1848.
l'oeuvre. Nous ne voyons pas ce qui pourrait le dé-
terminer cette fois a mettre ses actes en contradiction
a vee ses pensées.
Au surplus, quoiqu'il arrive, nous sommes con
vaincu que l'administration prendra ses précautions
pour nous doter d'un pont solide et durable, construit
de fer battu, forgé et non en fonte, un pont qui ne
risque pas de descendre un jour dans la rue.
Chronique des Conférences.
On peut dire que l'humanité s'est toujours divisée
en deux groupesles gens qui disent a l'homme La
nature est mauvaise et impuissante pour te sauver,
d'une part, et, d'autre part, ceux qui lui disent La
nature est bonne, travaille, ton salut est en toi.
Cherchez et vous ne trouverez point une religion
point une politique qui ne se puisse rattacher l'un
de ces deux principes l'un conduit a se faire la
guerre a soi-même, a sedèfier de ses instincts; l'autre
pousse, au contraire, au développement de toutes les
facultes, a l'épanouissement complet de l'être hu-
main.
Du premier de ces principes découle cette consé-
quence que la vie est une vallée de larmes et que ce
monde est un tombeau du second dérive cette autre
conséquence que l'homme a le droit d'être heureux,
qu'il peut l'être, et que sa condition peut être indéfi-
niment améliorée.
Le premier principe repousse le progrès, l'autre le
consacre; l'un est hostile non-seulement a la pensée,
sous quelque forme qu'elle se produise, mais il est
hostile au travail lui-même; son idéal, c'est l'anéan-
tissement en Dieu du brahmane l'autre fait de la
pensée et du travail les pionniers de l'avenir et la clef
de voüte de toute civilisation.
L'un ne permet point le rire l'autre installe le rire
dans la vie.
Faire l'histoire du rire dans l'art, c'est done faire
l'histoire de l'humanité c'est done suivre pas pas
la tradition du bon sens et la lutte incessante de la
raison contre le préjugé.
Puisque le rire est évidemment libéral, il était na
turel que M. De Coster vint nous donner une confe
rence sur le rire dans l'art.
Le rire est le compagnon de la tolérance les grands
risurs sont les champions naturels de celle-ci, ils se
passent l'un a l'autre le flambeau du bon sens El
quasi currentes vilce lampada tradunl. Parmi eux les
plus illustres sont les plus humains, ceux qui sont
nourris du lait de la tendresse humaine; ceux-la ont
pour noms Rabelais, Cerventès, Shakespeare, Mo
lière et Voltaire. D'eux tous, on peut dire le mot de
Vasari sur Giotto ils ont mis la bonté dans l'art; ils
ontconfiance en l'homme et l'aiment véritablement
ce sont de pures gloires.
Dans l'antiquité, parmi tous ces rires divers, les
uns mordants et sévères, les autres enjoués et char
mants, Aristophane et Lucien donnent la main a Ho
race, Plaute et Juvénalau raoyen-age, la tradition se
perd la nuit s'est faite; l'homme ne rit plus, il est
anéanti dans l'effroi et ne vit plus que pour mourir;
mais une légère teinte d'aurore apparaitle rire se
montre, radiant l'oppression, dans les gargouilles et
les culs-de-lampe des cathédrales, se glisse dans les
fabliaux, éclate daus le roman du Renard et retentit
enfin comme une fanfare héroïque dans Gargantua et
Pantagruel.
Renfermer dans une conférence toute l'histoire du
rire dans l'art, c'eüt été tenter l'impossible M. De
Coster ne i'a pas essayé il s'est arrêtè a la Renais
sance, non sans se permettre cependant quelques
excursions rapides dans les siècles postérieurs il a
esquissé a larges traits les plus grandes figures, de
facon a mettre en relief lesqualités qui dislinguent son
talent; nous lui reprocherons bien un peu cependant
de ne point sauver suffisamment ses transitions et de
ne point raltacher assez oslensiblement ses portraits
a un même principe ces réserves faites, nous nous
plaisons a rendre hommage a l'esprit droit, honnête
et éminemment flamand de M. De Coster, a l'ener-
gie de son bon sens, a la forme pitloresque el naïve
qu'il donne a sa penséeon sait que ses Legendes
Flamandes et ses Conles Brabancons lui ont valu de
lègitimes succès.
Son allure franche et décidée lui a attiré la colère
de certains organes uitramontains on l'accuse, et
avec lui les amis des conférences, de cynisme et d'im-
piétérien que cela
On sait bien que, si ces conferences ètaient données
par les Petits-Frères, l'honnêteté ne courrait aucun