gage de cette presse, c'est qu'elle accuse le clergè
d'avoir fait tout Ie mal.
Elle va même jusqu'a dormer les noms de quatre
prêtres qui soDt en prison Vito d'Amato, Vito Ma
ria, Postiglione et Gorgoglione.
Et, pour combler la mesure, elle raconte que I'un
de ces prêtres, Postiglione, brandissait en chaire un
grand crucifix en criant Yive la foi I Mort aux pro
testants 1
Mais, pour être juste, il faut se rappeler que si ces
quatre prêtres sont arrêtés, c'est Ie fait du gouverne
ment de Victor-Emmanuel, qui est un exeommunié et
qui mériterait bien aussi d'etre brülé.
Si I'on hasardait ensuite cette observation qu'il
est prouvé dune manière certaine que les protes
tants n'ont en rien provoqué ces horreurs, que, tout
au contraire, ces scènes sanglantes étaient prémèdi-
tées et que le,^ catholiques se sont rués hors de l'eglise
en quête d'hcrétiques a massacrersi l'on hasardait
cette observation, on aurait indubitablernent tort
La prèsence d'un hérétique est elle seule une pro
vocation. Eu Belgique, par exemple, les libéraux,
sous prètexle d'exercer un droit, froissent en mainle
occasion les consciences catholiques ainsi, on les a
vus a Ypres assister a une conference la veil'e de
Paques, ce qui est impie, et ce qui était faiton
chercherait en vain a le dissimuler pour vexer les
catholiques ajoulez a ceia que la salie des confé
rences est prés de l'égiise, ce qui est un outrage a la
religion, et que M. De Coster l'illustre De Coster,
comme dit le Journal d'Ypres, qui comprend que la
politesse est le commencement de la tolerance y
parlait sur le rire dans l'art litteraire!
II est done parfaitement etabli aujourd'hui que le
Journal d'Ypres a raison, que les journaux libéraux
ont fait beaucoup de bruit pour rien, puisque, de
l'aveu de la sainte feuille, il n'y a eu que trois pro
testants de massacrés.
Trois protestants massacrés, la belle affaire 1
Les travaux de la porte de Lille.
II y a quinze jours, nous nous faisions l'écho de
bruits fêcheux, accusant M. Bourgois d'avoir empêché
la mise en adjudication publique du pont de fer des
tine a relier les deux cólés de Ia promenade par-des-
sus l'ancienne porte de Lille. En même temps, nous
exprimions l'espoir que ces bruits n'avaienl rien de
fondé el qu'on ne tarderait pas a les démentir. C'est
a regret que nous constatons aujourd'hui que cet es-
poir ne s'est pas réalisé. Aucune réponse n'a été faite,
aucune explication donnée. Les bruits qui circulent
sont done parfaitement fondés il est prouvé aujour
d'hui que la volonté de M. I'échevin ou peut être bien
eelle d'un autre dont il n'est lui-mème que ('instru
ment, a enlevé a beaucoup de nos ouvriers yprois la
faculté de faire une oeuvre qui aurait pu leur rappor
ter honneur et profit. Ce procédé peut se passer de
commentaires; ii suiïil de 1'abandonner a i'apprécia-
tion de chacun.
Puisque nous parions de M. Bourgois, nous sommes
naturellement atnenés a penser au pont de la porte
de Lille, car ils se sont tellement idenlifiés qu'on ne
peut voir I'un sans songer a l'autre.
Les travaux sont assez avancés aujourd'hui pour
pouvoir se faire une idee de I'ensemble, et c'est chose
navrante pour quiconque prend a coeur les intéréts
chises et exemptions dont elles avaient joui jusqu'a-
lors.
II était permis tout le monde de tuer les héréti-
ques el séditieux, convaincus d'avoir commis dans
les précédents tumultes les excès ci-dessus merition-
nés, loutes les fois qu'il ne serait pas possible de les
livrer vifs entre les mains de la justice; allendu que,
de fait et de droit, leur peine était la perte de la vie
et la confiscation des biens Enfin, les ordonnances
statuaient que pour former un jugement, il suffisait
que l'accusé fut convaincu par les depositions de
deux témoins.
Tout cela fut publié a son de trompe, imprimé,
affiche et distribué, afin que nul ne prétendit cause
d'ignorance. Mais, on ne s'en tint pas a ces averlisse-
ments; d'Albe était un homme expèditif, il commenca
les exècutions et donna ordre d'arrêter les coupables.
Le nombre de ces malheureux fut si grand, partoul
les prisons était tellement remplies, qu'on fut obligé
d'en construire de nouvelles.
Enfin, le dictateur traduisit devant le Conseil des
troubles, les comtes d'Egmont et de Hornes. Le pro
cureur fiscal fut chargé de mettre incessamment le
de sa ville natale de voir la conception du plan et son
execution.
Depuis l'hospice du Nazareth jusqu'a l'ancienne au-
beüe de l'octroi, le pavé fait trois coudes. II était ce-
pendant facile de n'en avoir qu'un senlil suffisait
pour cela d'abattre un peu plus de ia partie gauche
de l'ancienne porte, en dormant moins d'èlévation
aux cintres que l'on a construits au-dessus de l'é-
cluse; cette élévation eüt été encore suffisante pour
le service des eaux. De cette facon, on donnait plus
de largeur a l'entrée de la ville, ce qui n'est jamais
un mal, et en v arrivant, l'ceil se portait en droite
lignesur un des p ivillons du Nazareth c'était un
joli coup-d'ceil, au lieu qu'a présent ii rencontre
l'angle d'une affreuse petite maison.
Quant a l'élargissement et a la construction du
pont, que dire? D'après Ie projet primitif, le pont
devail être appuyé sur une suite d'arches surbais-
sées qui n'avaient qu'un défaut, celui de diflèrer
toutes dans la mesure de leur ouverture. S'il n'y avait
eu que cela pourtant, personne ne se serait plaint,
car une pénible expérience nous a appris depuis long-
temps a tous que nous devons nous contenler d'un a
peu prés. C'est pour ('administration d'Ypres qu'a
été trouvé le proverbe Le mieux est l'ennemi du
bien. Mais on a beau être le meilleur des bons en-
fanls de notre ville, quand un pont est fait, on désire
qu'il puisse servir a traverser l'eau et non pas que
l'on soit exposé éventuellement a prendre un bain en
compagnie du pont. Quelque désagréable que ce soit,
un pont tournant qui ne tourne pas est mille fois
moins a craindre qu'un pont qui s'affaisse.
Pour éviter cet inconvenient, les hommes du mé
tier ont l'habitude de former tout d'abord, avec des
briquaillons et autres matériaux un pilotage ou exca
vation d'un ou de plusieurs mètres de profondeur.
C'est ce qu'ils appellent le clayonnage, destiné a
maintenir les terres. Sur ce clayonnage ils établissent
Jeurs fondations, en ayant grand soin de se servir de
chaux hydraulique et d'employer les briques neuves
dans l'eau, et non pas les vieilles briques au fond et
les neuves au-dessus.
Ces precautions élémentaires ont-elles été négli
gés? On prétend qu'oui. Toujours est-il que toutes
les arches n'étaient pas encore achevées lorsque
quelques-unes s'affaissaient déja On s'avisa alors de
les retenir au moyen d'ancres fixées au bout d'une
tringle en fer et prenant en grande partie le sommet
des nouvelles maconneries. Ces tringles grosses
comme le doigt, ces ancres grandes cornme la main
ne repondirent pas a l'espoir de M. Bourgois. Au lieu
d'être des ancres de salut, elles augmentèrent sa con
fusion, car les arcs baissèrent pour la seconde fois et
la crainte devint si serieuse qu'il fallut les étanconner
au moyen d'une mnraille.
Le promeueur peut voir des remparts tout, ce bel
ouvrage des arcs neufs qui ont baisse pour la plu
part, des arcades fermées par un mur. Ce triste rè-
sultat est d'autant plus surprenant que iVJBourgois
a surveillé en 1851comme capitaine du génie, si nous
ne nous trompons, la construction de magnifiques
cintres, prècisément a cette même porte de Lille, sous
le second pont que l'on va dèmolir maintenant.
Comment se fait-il que M. Bourgois qui, comme of
ficier de génie, s'etait fait une certaine répulaiion, ait
la main si malheureuse comme échevin des travaux
publics Peut-êlre croit-il le moment venu de se re-
procés en ètat, mais de la maniére la plus juridique.
(Sic). Quand toutes les formalités eurent été remplies,
lecture de l'acte d'accusation, audition des témoins
(parmi lesquels figurèrent les delègués du magistrat
de Furnes, dont nous avons parlé plus haul), de
fenses, etc., la sentence fut dressée et signée par Ie
due d'Albe seul. A minuit, l'évêque d'Ypres, Ritho-
vius confesseur de d'Egmont, fut envoyé pour lire
aux deux condamnes leur arrêt de mort (4juin 1568
Le comte de Hornes entendit sa sentence en bomme
de coeur et conserva dans ce terrible moment l'air de
noblesse et de dignité qui convenait a sa nature forte
et fiére.
D'Egmont moins assuré, pensait a sa femme, a ses
enfants. Après avoir proféré quelques paroles de jus
tification que nul. hélas! ne pouvait écouler, il de-
manda tout ce qu'il faut pour écrire et prépara deux
lettres; l'une était adressée a sa femme, l'autre au
roi.
Voici cette dernière, qui peut être inlerprétée de
differentes facons
Sacrée royale Majestée,
J'ay entendu ce matin la sentence qu'il a pleu a
poser sur ses lauriers En ce cas, qu'il le dise.
Si encore nousavions des lions comme ceux qui
ont si bien servi a la porte de Lille, pour dissimuler
ce que le redressement de la route a de trop excen-
trique. Ne désespérons pas, ils ont peut-être fait des
peiits. L'idée serait heureuse pour notre ville de
nourrir des lioris, comme la ville de Berne nourrit
des ours nous nous menagerions ainsi une précieuse
ressource conlre les bévues de notre administration.
En attendant que cette idéé soit réalisée, on s'oc-
cupe beaucoup de I'irnbroglio de la porte de Lille.
Quelque conseiller fera-t-il des interpellations a ce
sujet Nous l'ignorons. Quant a nous, nous faisant
l'écho du sentiment public, nous demandons au Col
lége et en particulier a M. I'échevin charge des tra
vaux publics
1° Quelle est la cause des aflfaissements qui se sont
produils
2° Pourquoi l'on a bouché les arcades avec un mur,
au lieu de faire tout d'abord, soit des arcades ouvertes,
soit une simple muraille
3° Qui porte la responsabilité de toutes ces aggra
vations de dépenses et a qui en incombera Ie solde,
a I'entrepreneur ou au contribuable
4° N'y aura-t-il aucune demande de credit supplé-
mentaire pour les travaux de la rue de Lille et dans
la negative, par quel moyen les frais seront-ils cou
verts
5° M. Bourgois peut - i I donner I'assurance que les
travaux d'aujourd'hui ne seront pas a recommencer
dans peu de temps
Nous attendrons les explications pour nous pro-
noncer definilivement sur l'application des deniers
publics aux travaux d'utilité et d'embellissement.
He Tir a Ia cible et le Collége éeheviual.
Enfin Le Collége échevinal vient de présenter
son projet dans la séance du 21 avril. Le temps de Ie
mürir ne lui aura pas fait defaut, car de l'aveu du
rapporteur lui-même ce fut le 21 novembre que le
conseil décida la creation d'un nouveau tir et vota un
premier crédit de 2,700 francs. Ces cinq mois, le
College les aura sans doute mis a profit pour exami
ner la question sous toutes ses faces, pour l'élucider,
et il se présente les mains pleines de chiffVes et d'ar-
guments. Ainsi agiraient du moins des administra
teurs intelligents.
La chose en vaut d'ailleurs bien la peine. Quand
il s'agit de dépenses, le contribuable a le droit de
connaitre I'emploi que l'on fait de ses deniers, il lui
importe de ne pas payer double ce qu'il peut avoir
pour moitiè prix, et lorsque divers projets sont en
prèsence, le Collége ne saurait faire moins que d'ex-
poser les motifs qui ont dictè sa preference.
Helas! il faut bien le dire, rien de tout cela n'a
lieu ici. Jamais rapport plus étriqué, plus dépourvu
de renseignements, plus insignifiant a tous les points
de vue fut présenté sur un sujet plus important. II
semble que cette longue période de temps écoulee
n'ail eu pour résultat que de cacher plus myslérieu-
sement la pensée du Collége et que sa principale, sa
constante préoccupation aujourd'hui encore soit moins
de produire le meilleur projet que de ne pas accepter
celui proposé par d'autres.
Jusqu'en ce moment le même voile qui a couvert
l'origine des délibérations du Collége continue de les
Votre Majesté faire décreter contre moi; et combien
que jamais mon intention n'a esté de rien traicter ui
faire contre la personne ni le service de Votre Majesté,
ni conlre notre vraye, anchienne et calholicque reli
gion, si est-ce que je prens en patience ce qu'il plaict
a mon bon Dieu de m'envoyer. Et si j'ay durant ces
troubles conseillè ou permis de faire quelque chose
autre, ce ha esle toujours avt cque une vraye et bonne
intention au service de Dieu el de Votre Majesté, et
pour la nécessilé du temps. Parquoi je prie Votre
Majesté me le pardonner et. avoir piliè de ma paouvre
femme et enffans et servileurs, vous souvenaut de
mes services passez. Et sur eest espoir m'en vais
recommander a la miséricorde de Dieu.
i) De Bruxelles prest a morir, ce V de juing
l'an 1568.
Lamoral d'Egmont.
L'évêque se chargea de ces deux missives et con-
fessa le comte. De Hornes, de son cóté, passa le reste
de la nuil a se preparer a la mort.
E. Vanden Busscbe.
(La suite au prochain n°.)