JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Dimancbe
Quatrième année. N° 22.
3 Juin i860.
Paraissant le dimanche.
P1U\ D'ABO»HGMENT
POUR LA BELGIQUE
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Pour l'Etranger, le port en sus.
Un Numéro 25 Centimes.
L'OPINION
PRIX RES AitAOICEK
ET DES RECLAMES
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On s'abonne a Ypres, au bureau du Journalchez Félix Lambin, imp.-lib.,
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ou envois d'aryent doivent ëtre adressés franco au bureau du Journal.
La situation.
Après la pluie vient le beau temps, et le calme
après les élections.
Nous n'avons souvenir d'aucune lutte électorale qui
se soit produite dans les conditions de celle terminée
lundi de"rnier.
Les journaux libéraux de Courtrai, de Dixmude,
pas plus que nous, n'ont eu a lulter contre des hom
mes inféodés au parti clerical; parlout nous nous som
mes trouvés en face d'anciens coreligionnaires qui,
voyant monter le Hot de la réaction, n'ont paseu as-
sez de courage pour lutter contre lui, ni assez d'abné-
gation pour rentrer dans la vie privée.
M. Casteleyn s'annonca aux électeurs de Dixmude
comme un liberal indépendant. Celui qui dirait
de M. Vandromme qu'il est clérical, lui ferait
injure. Cependant MM Casteleyn et Vandromme ac-
ceptèrent publiquemenl et par écrit le patronage du
clergé contre M. Gustave De Breyne, qualifie un
esclave du ministère despotique et impie.
A Courtrai, M. Vandevenne, ancien candidat liberal
a la Cbambre,et 9. Goethals.qui maintes fois sut com-
batlre les pretentions du clergé, se laissèrent porter
sous la denomination de neutres sur la liste la
plus effrontément ciéricale de la province, rompant
ainsi en visière avec leurs vraisamis politiques.
Et sous nos yeux M. Carpentier, membre du co
mité de l'Associalion libérale, fut palronné ouverte-
ment par le clergé si hostile a M. Vandenpeere-
boom en compagnie d'un chef de ['opinion ciéri
cale.
Cettedéplorableunanimité danslesiraficsélectoraux
est un des signes du temps. II imprime sur le front de
la génération actuelle un stigmate de honte, car il at-
teste l'absence de lout caractere politique, la faiblesse
dans les convictions et surtout Ie désir immodéré de
certains hommes d'occuper des places honorifiques
qui reviennenl a ceux-la seulement qui savent meitre
les considerations d'intérêt public au-dessus de tout
le reste.
En effet, la situation dont nous parlons n'est ni
dans l'esprit public, ni dans l'attitude des partis.
Jamais les attaques du clergepousse dans cette
voie funeste par les Jesuites et par les excitations des
journaux ultramontains contre l'opinion libérale
n'ont étó plus violenles, ni plus generales. Les man
dements les raoins évangéliques et parsemès de bran-
dons de discorde sont débites dans toutes les églises
aux gens crédules qui croienl enfin Dieu lui-même
menacé sur son tróne. Leseonfessionnaux, les presby-
tères et les colléges épiscopaux sont des bureaux
d'élection. Partout les hommes les plus considerables
et les plus utiles a leur pays sont combattus a ou-
trance, dès qu'ils ont le courage de se ranger ouver-
tement sous le drapeau de l'indépendance civile et de
la separation de l'Etat et de l'Eghse. A la Chambre
même, les mots de voleurs, spoliateurs reten-
tissent comme aevant une Cour d'assises et trouvent
un écho perfide dans chaque membre du clergé poli
tique. Les deux camps sont done en presence, la lutte
est partout engagée. II faut ch >isir enlre les deux bel
ligerents ou ne pas prendre part au combat; car il n'y
a pas place entre les deux armées.
Que penser du soldat qui quitte son drapeau au fort
de la lutte pour solliciter un grade dans le camp en-
nemi Comment qualifier la conduite de l'officier
qui, après avoir recu des marques d'honneur et de
confiance, accepte aussi les faveurs et les caresses
de I'ennemi Demandez-le plutót aux vieux débris
des armées impériales, aux patriotiques combattants
de 1830, au premier venu de nos braves soldats
tous vous répondront avec fierté Vaincre avec
son drapeau ou mourir pour lui; hors de la il n'y
a pas d'honneur militaire
Comme la guerre, la politique a ses rigueurs devant
lesquelles doivent s'effacer toutes les autres consi
derations.
Depuis que notre journal existe, nousavons eu pour
but de dégager la politique de notre arrondissement
de la tendance pernicieuse qui cherche a planter le
drapeau libéral dans les deux camps.Ce procédé nous
a valu bien des haines, attiré bien des reproches. 11
n'en pouvait être autrement dans une ville oü les in
trigues, les compromis et les convenances personnelles
ont si souvent usurpé la place du libéralisme et ou
l'action iégitime des sociétés politiques est etouffee
par quelques individualités absorbanles.
Bien des fois aussi les encouragements les plus flat-
teurs ont soulage le poids de notre lutte, el nonobstant
l'ostracisme dont voudraient nous frapper ceux qui
trament habituellement dans les transactions, nous
avons foi que nos accents de legitime indignation au-
ront èté entendus et qu'a l'avenir au moins l'opinion
libérale saura sans faiblesses se mesurer avec ses ad-
versaires.
Non, la probitè et l'honneur politiques ne sont pas
de vains mots. Le Progrès lui-même leur consacre ses
élans, lorsqu'il n'est pas aveuglé par la passion ou par
les calculs d'une politique etroite. Aussi, dans son
plus vif dèsirde nous confondre, n'a-t-il point trouvé
de reproche plus accablant que celui d'être traitre
a notrë partipour cela seul il nous a o voué a
l'execration publique. On ne saurait mieux dire.
Puisse le Progrès se souvenir toujours de la morale
de sa fable.
Traitre a noire parti I Toutes les fois que les élec
tions furent enlachées de transaction, nous nous som
mes séparés du Progrès. Telle Cut aussi notre conduite
dans les dernières elections provinciales au nom du
liberalisme nous avons attaqué queiques actes poli
tiques de M. Carpentier et, les quahfiant avec une
juste sévérité et une rigueur mérilèe, nous avons
denoncé le pacte conclu avec le clergé par quelques
chefs non autor.iés de ['Association libérale en faveur
d'un soi-disant libéral modéré et d'un clérical. Car
nous sommes de ceux qui pensent que le liberalisme
se perd au contact des tripotages et qu'il ne peuetrera
dans nos populations que lorsqu'il se montrera au
grand jour, avec toute la verité de ses doctrines et la
loyaute de ses a lures. Mais aussi toutes les fois que
l'Association fut appelee sérieusement a composer une
liste de candidats, nous avons lutte avec une ardeur
que personne ne contestera.
Jamais nous n'avons desérté notre drapeau mais
nous avons combattu et nous combattrons toujours
ceux qui cherchent a le soullier.
Nous avions conseillé aux rédacteurs du Progrès
de ne pas nous servir certaiues individualités a toutes
sauces, bien convaincu que la monotonie engendre
l'ennui. L'un des plus intéressés dans ces conseils
désintéresses était M. Eugène Iweins qui vient de
saisir le prétexte de nos observations pour occuper
le public, deux grandes colonnes du Progrès durant,
de sa personne et de ses pensees, du passé, du pré
sent et de l'avenir, de son enfance, de sa jeunesse, de
son adolescence et de sa vieillesse, enfin de tout ce
qui pour lui tient a quelque chose.
L'auteur de la lettre continue le système inauguré
jadis par lui a ('Association libérale, on sait ayec quel
succès brillantil prend directement a partie tantót
VOpinion et son rédacteur, tantót M. le rédacteur et
son journal.
Nous ne suivrons pas notre contradicteur dans
toutes les digressions oü se lance son imagination
fantaisiste. Mieux vaut s'en tenir aux quelques points
sérieux de l'épitre.
Constatons d'abord que M. Iweins, subjugé par la
vérité, ne reproduit pas pour son compte l'ignoble
accusation du Progrès de l'avoir fait échouer a
Passchendaele au profil de M. De Meulenaere. II
sait bien que nous n'avons pas éleve une seule objec
tion contre sa candidaturemieux que personne il
connait l'auteur de i'article du 22 rnail864 il n'ignore
pas non plus que dans le n° suivaut, celui du 29 mai,
nous avons fle.tri l'odieux pamphlet priucipalement
dirigé contre sa personne. Volontiers nous faisons
appel ici a sa bonne foi, a sa loyauté et s'il peut nous
citer, dans cette circonstance, une seule phrase, un
seul mot hostile.nous passons condamuation. M. Iweins
qui, dans sa lettre, accumule toutes sortes d'accusa-
tions contre nous, garde le silence sur ce point et ce
silence seul est un stigmate infligé a la mauvaise foi
de ses amis du Progrès. La polemique déloyale de ce
journal était appreciee depuis longtemps; il lui man-
quait un dernier désaveu, celui de son tout dévoué
M. Iweins.
Passons maintenant au contenu de la lettre.
Trois actes, s'il faut en croire son auteur, appellent
tout particulièrement sur lui ['attention du public
il a toujours ete un libéral ouvertement déclaré.
II aurait bien dü completer cette assertion et,
joignant l'explication des actes aux simples paroles,
nous apprendre si, aux eteclións legislatives de 186S
et 1864 entr'autres, il aurait prête son concours a
toute la liste libérale ou s'il s'était simplement con
tente d'appuyer ses amis, leur adjoignant, par esprit
de conciliation, le nom de M. Renynghe ou laissant
tout au moins la troisième place en blanc? Cette par-
ticularile trés-interessante, pourquoi M. Iweins la
laisse-t-il dans l'ombre?
La probitè politique est chose trop préeieuse,
ecrit-il, pour que je laisse a mon detracleur la satis
faction de mettre la mionne en suspicion. Parfait.
Mais que dironl de cette sortie MM. Carpentier et
Cartou? Ah! decidement notre contradicteur est un
enfant terrible dans son ardeur belliqueuse il ne
s'apercoil pas que les coups d'epmgle qu'il nousdes-
line sont des coups de massue pour ses amis.