JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT YPRE8, Dimanche Quatrième année. N° 26. 1" Juillet 1866. Le tout payable d'avanck. Paraissant le aimanche. PU1X D'ABOÜXEIIIENT POUR LA BELGIQUE 8 francs par an; 4 fr. 50 par seraestre. Pour l'Etranger, Ie port en sus. Un Numéro 25 Centimes. PRIX RES AANO.lCEü ET DES RECLAMES 10 Centimes la petite ligne. Corps du Journal, 30 centimes. Laissez dire, Iaissez-vous blêmer, mais publiez voire pensée. On s'abonne a Ypres, au bureau du Journal, chez Féhx I.ambin, imp.-lib., rue de Dixmude, 55. On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres ou envois d'aryent doivent dire adressés franco au bureau du journal. Ypres, so Juin is#6. Le Constitutionnel francais, dans son n° du 26 de ce mois, a publié, sous la signature de M. Boniface, la note suivante, qui a causé un assez vif émni dans la presse beige. a Les excitations an régicide, dit Ie Constitutionnel, continuent de se produiré' en Belgique a la faveur d'une impunitè inexplicable. Dans son n° du 21 juin, le journal le Grelot publie une caricature et un article sous ce litre Ouverture de la chasse aux v animaux malfaisantsII demande qu'un décret du peuple souverain ordonne de faire la chasse aux têtes couronnées et il excite les amis de Vhumanité qui voudront èviiér de grands malheurs, prévenir bien des crimes, a délruire ceux qui se qualifient de pasteurs des peuples et sont des animaux mal- faisants. Sur cette dénonciation du journal officieux de l'Em- pire, notre gouvernement s'est empressé d'ordonner des poursuites, tant contre le malheureux Grelot que centre VEspièglecoupable, lui aussi, d'excitation au régicide pour avoir publié nous ne savons quelle ca ricature peu révérencieuse, parait-il, pour les Pas teurs des Peuples. Les journaux de Bruxelles nous apportent ce matin la nouvelle que le n° du 3 juin de I'Espiègle et celui du 21 juin du Grelot ont eté saisis et seront prochainement déférés au jury. Des publications incriminées, nous ne connaissons absolument rien. II se peut qu'elles soient violentes, injurieuses, criminelles au premier chef. Mais alors, pourquoi ne les a-l-on pas poursuivies immédiate- ment? La caricature de I'Espièglè a paru le 3 juin. Pendant trois semaines, nous apprennent les jour naux de Bruxelles, elle a figtirè a la vitrine de tous les libraires de la capitalela police, le parquet, le gouvernement ne se sont nullement émus de cette exhibition, la jugeant, sans doute, inoffensive. Mais voilé que tout a coup le Constitutionnel fait entendre sa grosse voix el, dès le surlendemain, police, par quet ét ministère se mettent en mouvement, comme si la patrie élait en danger. Les bureaux de I'Espièyle sont envahis, des saisies sont opérées parlout; inof fensive l'avant-veille, l'image en question est deve- nue, en moins de deux jours, un ohjet d'horreur qu'il faut au plus tót só'uslraire a la vue du public. Nous le disons sans detour vernement, en cette circonstance, nous parait mise rable et nous serions bien étonnés qu'elle ne füt pas jugée de même par tous les organes de la presse indó- pendante. Que Espièyle, que le Grelot aient dèpassé la limite d'extrème prudence que la situation du pays impose a la presse nationale, cela peut êlre; mais si loin qu'ils aientpoussé l'imprudence, le gouvernement l'a poussee plus loin encore en déferant, avec une ser- vilité aussi peu déguisée, aux intimations de I'Empire, bans doute, et nous sommes des premiers a le recon- nailre, la crise que traverse en ce moment ('Europe commande a la presse beige de grands managements; mais la Belgique a surtout a attendee son salut de l'amour desps institutions et de son independance,el le gouvernement qui secourbe, comme vient de le faire lecabinet, devanl les ordres d'un gouvernement élrau. La conduite du gou- ger, compromet notre existence nationale d'une ma- nière aulrement grave, a nos yeux, que les plus vio lentes attaques de la presse. Correspondance particuliere de I'OPIAIOA'. Bruxelles, 29 Juin. Les frères Davenport sont a Bruxelles. A peine installés, its nons ont donné une première preuve de leur babileté en invitant a une soirée particulière les représentants de la presse, lesquels passent, a tort ou a raison, pour avoir une expérience toute parti culière en matière de doubles fonds et de ficelles acro- batiques et autres. Done, mardi au soir, nous étions réunis, une centaine de journalistes de toute nuance, dans la grande salie de l'Orient et, la plupart, je dois le dire, assez peu disposés a prendre des vessies pour des lanternes. Or, voici ce qóe nous avons vu, ce qui s'appelle vu, de nos propres yeux vu. Mais d'abord quejevous dise que ces Messieurs ont renonce a toute prétention au supernaturel. Nous sommes a peine assis que l'Impresario s'avance sur la scène pour nous avertir que, dans tout ce que nous allons voir, il n'y a que simple jeu d'adresse et point du tout de visée a une démonstratiou philoso- pliique quelconque. Nous voila done parfaitement a I'aisenous avons a faire a des prestidigitaleurs el rien qu'a des prestidigitateurs. Plüt a Dieu que tous les faiseurs de miracles eüssent la même bonne foi I Les moines y perdraient bien quelque chose, mais le sens common ne ferailqu'y gagner. 11 n'est pas de vos lecteurs qui ne possède quelque vieille armoire en chêne, souvenir des grands parents et que, dans le pays wallon, on désigne sous le nom de garde-robe. La fameuse armoire des frères Daven port n'est pas autre chose. Prenez qu'elle mesure environ deux mètres de haut, sur deux metres de large el 70 centimètres de profondour. Placée au mi lieu de la scène sur un socle qui I'isole du parquet, l'accès en est absolument impossible autrement que par les portes faisant face au public. Ces portes sont au nornbre de trois, dont I'une, celle du milieu, est percèe, a mi-hauteur, d'une ouverture en forme d'oeil de boeuf. Si vous y êtes, je continue Dans I'interieur de 1'armoire, dont nous avons été tous admis a visi ter les moindres dét-ils, il n'y a absolument rien qu'un siége de bois, ou, pour mieux dire, une plancbe fixée aux panneaux de telle fncon qu'il faut écarter toute idèe qu'elle puisse bouger d'une ligne. Dans ce siége, qui parcourt tout 1'intérieur de I'armmre, des trous sont forés pour recevoir les cordes. Et voila lout Notez que I'armoire n'est pas adossée au mur et que, pendant les exercices, il est permis de circu- ler tout a 1'entour. Ceci compris, j'arrive a ce que vous ne compren- drez pas. Les deux frères entrent en scène Le sort désigne pour les lier et pour surveiller tous leurs mouvemenls M. Berend, de la Gazette de Cologne, un sceptique qui, en fait d'esprit, ne croit qu'a celui qu'il a, et un autre spectateur non moins suspect d'iucredulité. Les deux patients (j'entends les deux Davenport) se placent fice a face dans I'armoire el sont fixés sur le siége a 1'aide de cordes grosses de trois pouces qui leur retiennent les mains et les jam bes de telle facon que tout mouvement leur est abso lument impossible. Les mains sont attachées par derrière et les jam'bes ramenées tout contre le siége. Ces preliminaires terminés, on place entre les deux opérateurs ainsi immobilisés et êéparés l'un de I'au- tre d'environ un metre, une guitare, un cornet a bou- quiu, un violon el un tambour de basque. A peine les portes sont-elles fermées que voila tous ces in struments qui s'agitenl; la guitare grince, le tambour ébranle ses sonnettes, le cornet beugle, le violon racle sous l'archet, e'esl un concert vraiment infernaldes mains, des mains libres, esl-ce croyable? s'agitent devant I'oeil de boeuf. Puis, brusquement, le bruit cesseen moins de temps qu'il ne m'en faut pour l'écrire, les portes sont rouvertes et nous revoyons, ficelés sur leurs siéges, les deux..., ma foi, je lache le mot, les deux sorciers. Les cordes, les nceuds sont minutieusement exatninés rien, mais rien n'a bougél L'expérience est renouvelée trois, quatre fois de suite, loujours même résultat. Mais voici qui vous confond on veut savoir cequi se passe dans cette mystérieuse armoire. Qu'a cela ne tienne M. Berend y sera admis et afin que ni l'un ni l'autre des deux sorciers ne puisse faire le moindre mouvement sans qu'il s'en apertjoive, on lui lie la main droite sur l'épaule de l'un et la gauche sur les genoux de i'autre. Les portes sont refermées et aus- sitót le vacarme de la guitare, du cornet, du violon et du tambour recommence de plus belle. L'armoire se rouvre et M Berend, tout ahuri, declare que ni son voisin de droite ni son voisin de gauche n'a frémi d'un muscle, mais que néanmoins, il a recu plusieurs soufflets dans l'obscurité. Nouvel examen les liens, les noeuds sont trouvés parfaitement intacts. Je passé toute une serie d'expériences du même genre, plus ahurissantes les unes que les autres et j'arrive aux mystères de la chambre noire. Nous avons quitté la salie pour uous rendre a l'étage, dans une pièce dont les fenêtres hermetique- ment bouchèes ne laissent pénétrer aucune lueur du dehors. La pièce est éclairée par deux bougies. Au centre, une petite table de bois, sans tapis. De chaque cöté de la table, une chaise. Sur la table, deux gui- tares et tout autour, irois rangs de chaises pour les spectateurs. Voila toute la miseen scène. Les bougies sont éteintes, nous sommes piongés dans une obscurité compléte. Un bruit de cordes se fail entendre. On rallume aussitötet nous apercevons devant nous les deux freres garottes sur leurs chaises, mais garottes de telle facon que les cordes leurentroul presque dans les chairs. Nous visilons les nceuds un a un, nous visilons les chaises, rien a voir Les deux sorciers ainsi floelès, rivés sur leurs chaises, on place sous leurs pieds une feuille de pa pier el pour mieux constater leurs moindres mouve menls, on trace au crayon la forme de leurs chaus- sures. Après quoi, sur chaque pied, on met une piece de monnaie. On souffle de nouveau les bougies. Mais a peine sont-elles soufflcesque voila les deux guilares qui s'envolenl de la table et qui se metlent a batlre les murs de tous les cötés, heurtant, bousculant tout

HISTORISCHE KRANTEN

L’Opinion (1863-1873) | 1866 | | pagina 1