JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEIENT
YPRES, Dimanche
Quatrième année. N° 28.
15 Juillet 1866.
PKIX IFABOMMEMEIIT Hj H flAH H MB PRIX RES AilNOlCEK
POUR LA BELGIQUE V B W jBT g ffSï ET DES RECLAMES
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Ypres, «5 Juillet «sou.
L'histoire a peu de coups de théatre aussi impré-
vus et aussi solennels que celui qui vient de sur-
prendre l'Europe. Notre temps a déja vu bien des
guerres. Mais dans les actions militaires dont nous
avons été témoius.les chocs.désordonnés des armées,
souvent mises par le hasard seul en présence l'une de
l'autre, attestaient davantage la bravoure du soldat
que le talent des généraux. La jeune république amé-
ricaine a pu justement s'enorgueillir de la science des
Sherman et des Grant, Mais notre continent vient
d'assister, pour la première fois, depuis les épopées
militaires du commencement du siècle, au spectacle
d'un grand général sachant combiner avec précision
sur l'immense échiquier de la guerre les coups ra-
pides et décisifs, qui réduisent, en terminant une
campagne, l'adversaire a l'impuissance. Les anciens
vainqueurs de Waterloo viennent de gagner a Sa-
dowa la plus grande bataille de notre temps. Les
personnes que préoccupaient déja les ressources mi
litaires de la Prusse, peuvent se demander avec in-
quiétude si ce pays, que la guerre acluelle, si impru-
demment allumèe, va encore agrandir, n'a pas,
par-dessus le marché, le plus habile général d'un
temps peu fécond en grands capitaines.
Le résultat de cette prompte campagne ne s'est pas
fait attendre. Après la victoire qui vient de porter un
coup si énorme a l'équilibre européen, le gouverne
ment francais n'a pas hésité a accepter, avec la cession
de la Vénétie, le róle de médiateur dans cette grande
lutte. Ces nouvelles ont provoqué en Europe des ma
nifestations dont le sens ne peut être douteux. G'est
la paix. Acötéde ['expression d'une sympathie réelle
pour l'Italie, c'est l'espérance de la paix qui a provo
qué cette émotion subite.
G'est ici malheureusement que se dressent les difïi-
cultés de la situation. Comment deviner les conseils
qu'un minislre comme M. de Bismarck peut puiser
dans l'enivrement de la victoire et jusqu'oü peut
être engagée la France par la résolution d'intervenir
comme mèdiatrice dans de pareils événements'? Ah!
s'il ne s'agissait que de la Vénétie, la question serait
bien simple, Mais, dans les événements qui nous en-
tourenl, il y a autre chose. II y a les peuples allemands
qui ont en vain affirmé leur nationalité en présence
des envahissements de la Prusse, qui n'ont pas eu
d'armes, et dont les rois, incapables de conduire une
armée, n'ont pas su trouver dans cette grande crise,
je ne dis pas le sang-froid et le patriotisme héroïque
ducharpentier Lincoln, mais même l'énergie de Juarès.
11 y a le fait accompli de trois peuples, indépendanls,
conquis par la Prusse; il y a les exigences (qu'on ap-
pelle les exigences légitimes) du conquérant a salis-
faire il y a la question de l'équilibre européen
déplacé il y a la question des compensations, c'est-
a-dire, en bon francais, le partage des petits Etats
entre les grands, le partage des nations par des diplo-
mates assis aulour d'un tapis vert. Voila ce qu'il faut
bien voir, sous peine d'étre aveugle.
L'oppression des petits peuples livrés tous les
abus de la force, les remaniements de territoire,
tristes fruits de la guerre et de la conquête, qui ne
servent qu'è fonder des établissements éphémères,
ont douloureusement marqué le commencement du
dix-neuvième siècle. Depuis, la paix et la liberté ont
un moment semblé lui promettre une meilleure des-
linée. Maintenant se pose la question de savoir si le
siècle est destiné a finir comme il a commencé, et si
l'Europe doit se résigner a voir reparaitre les maux
dont elle se croyait alfranchie.
Non, ce n'est ni une ceuvre simple ni une oeuvre
facile qu'une médiation entre la Prusse enflammée de
ses succès récents et l'Autriche d'autant moins rési-
gnée subir les conséquences d'une première défaite,
que la cession de la Vénétie lui rend cent cinquante
mille hommes de troupes fraiches. Ce n'est pas une
ceuvre facile qu'une médiation vraiment libérale qui,
sans sacrifier la liberté des petits Etats, ne laisse
subsister ni déslrs de revanche dans les puissances
vaincues, ni déSirs d'agrandissement dans les puis
sances voisines ou neutres. Voilé ce que les étonne-
ments du premier moment ne doivent pas nous faire
perdre de vue, a nous surtout dont l'exislence natio
nale est liée a la solution de ce problème. 11 y a quel-
ques semaines, la Prusse, malgré les déclarations de
neutralité réitérées par le gouvernement francais,
paraissait compter, plus que l'Autriche, sur les sym
pathies de l'empereur Napoléon. Aujourd'hui, ces
sympathies semblent, au contraire, se retourner vers
Fran§ois-Joseph et déja l'on annonce, chose a laquelie
nous avons peine k croire, que l'empereur serait dé-
cidé a intervenir immédiatement contre la Prusse
dans le cas oü elle maintiendrait, sans en rien ra-
battre, les conditions auxquelles elle a subordonné
l'acceptation de l'armistice. Tout ce que l'on peut
dire, c'est que nous entrons dans l'inconnu et que
jamais, depuis deux mois, les dangers d'une confla
gration européenne n'ont été plus visibles, plus im
minents.
La presse et Ie régicide.
II y a en Belgique des journaux qui prêchent im-
punément le régicide. G'est le journal de l'Empire qui
l'affirme et il faut l'en croire sur parole. M. Boniface
voudra bien reconnaitre cependant que la prédication
qu'il signale, avec tant de véhémence, a l'indignation
de l'Europe, a été jusqu'a présent fort inoffensive.
Depuis trente ans que la Belgique s'appartient elle—
même, aucune tentative d'assassinat n'a étécommise,
que nous sachions, sur la personne de feu Léopold Ier,
ni sur celle de son successeur. Et ce n'est pas l'occa-
sion qui manque aux assassins Si M. Boniface veut
prendre la peine de vérifier le fait par lui-même, il
verra Ie roi des Beiges se promenant, chaque jour et
très-souvent seul, aux environs de son pare de Lae-
ken, comme un simple bourgeois, sans plus s'inquié-
ter de sa sécurité que le premier citoyen venu.
En France, au contraire, oü I'administration s'ap-
plique a réprimer, avec une sévérité rigoureuse, les
moindres écarts de la presse, il n'y a pas a craindre
qu'un journal, si audacieux qu'il soit, se hasarde,
même sous forme de paradoxe, a faire l'apologie de
1'assassinat politique. On n'y prêche point, comme
M. Boniface assure qu'on le fait chez nous, que les
rois sont des animaux malfaisants auxquels il faut
courir sus, comme pour des loups. Non. Mais si les
théoriciens font défaut, il y a, et c'est pis, des prati-
ciens qui essaient d'agir. M. Boniface, qui doit être
dans le secret des Dieux, pourrait nous donner la liste
des tentatives d'assassinat dont l'empereur Napo
léon III a été 1'objet depuis quatorze années, et nous
croyons qu'elle est passablement bien fournie.
Voici done un fait incontestable. En Belgique oü Ie
droit de la presse, au dire de M. Boniface, va jusqu'a
lui permettre de prêcher ouvertement le régicide, on
ne signale, depuis 36 ans, aucun attentat sur la per
sonne du Roi, tandis qu'en France, sous un régime
qui maintient la presse dans des limites extrêmement
restreintes, l'Empereur a failli périr plusieurs fois
sous le fer ou le plomb des régicides.
M. Boniface pourra expliquer ces nombreuses ten
tatives par toute sorte de considérations auxquelles
nous n'entendons rien contredire. Toujours est-il
certain, et c'est le seul point que nous ayons cceur
d'établir, qu'elles ne peuvent être imputées a la li
berté de la presse et que celle-ci n'a a en répondre ni
devant la justice ni devant l'opinion. On a souvent
comparé la presse a la lance d'Achiile. Elle guérit,
dit-on, les blessures qu'elle fait; nous la comparerions
plus volontiers ces réactifs violents, que l'estomac
rejette, administrés a trop haute dose, mais qui, don
nés avec mesure et intelligence, constituent la plus
puissante ressource de la thérapeutique moderne.
Souveraine dans la défense du droit et de la vérité,
la presse ne peut rien pour le triomphe du mensonge
et du crime. L'opinion publique, dans ce cas, sufïït
pour en faire justice et la condamner i'impuissance
de nuire.
Nous nous sommes élevé maintes fois contre les
procédés de discussion, les allégations calomnieuses,
les sorties impertinentes et grossières dont quelques-
uns de nos hommes politiques se sont fait une trisle
spécialité. A nos observations, on répondait invaria-
blement par le reproche de servir des rancunes per-
sonnelles.
Nous transcrivons ici le jusement porté par un
organe étranger dont l'impartialité doit être d'autant
moins suspecte que, dans une circonstance toute ré
cente, il est venu plusieurs fois prêter son appui aux
prétentions de notre coterie.
Le Progrès, qui s'assimile si souvent les articles du
Journal de Bruges soit qu'il cite la source oü il
puise, soit qu'il ne la cite pas au point que le pre
mier n'est qu'une édition résumée du second, le Pro
grès, disons-nous, ne inanquera pas sans doute de
communiquer a ses lecteurs l'article suivant du con
frère brugeois
Nous comprenons qu'une assemblée comme le
Conseil provincial, tienne a avoir un compte-rendu
ofïiciel de ses séances, et nous nous empressons de
dèclarer que la personne chargée de la rédaction du
Bulletin du Conseil provincial, présente loutes les
garauties d'intelligence et de capacité désirables pour
ce travail. Aussi nous ne trouvons nullement mau-
vais que le Conseil provincial ail voté la continuation
du Bulletin et le subside qui lui est allouè.