JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Dimanche
Quatrième année. 35.
2 Septembre I860.
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Ypres, z Septembre a
A chaque pretention nouvelle qu'élève le clergé
catholique, le parti libéral jette les bauts cris et se
répand en recriminations amères sur l'insatiable avi-
dité de ses adversaires. Ces indignations sont assuré-
ment très-sincères et, quant a nous, nous ne dou-
tons pas qu'elles lui soient inspirées par le plus pur
amour de l'égalité. Mais ces pretentions,ces exigences
sans cesse croissantes qu'il combat aujourd'hui avec
tant de vivacité, est-il bien convaincu de ne pas les
avoir encouragées Que s'il interroge avec impartia-
lité l'histoire de ces trente dernières années, ne trou-
vera-t-il pas dans les faiblesses, dans les complai
sances qu'il a eues si longlemps pour le parti clérical,
la véritable raison d'être des exigences nouvelles
conlre lesquelles il a tant de peine a se défendre? Le
parti libéral, on le nierait en vain, a largement con-
tribué a faire au clergé catholique une position excep-
tionnelle dans la loi. N'est-ii pas tout naturel que
celui-ci songe a en profiter pour augmenter encore la
somme de ses priviléges? Faut-il s'étonner, si l'en-
nemi que i'on a introduit dans la place cherche a en
déloger ceux qui lui en onl confié les clefs.
Le parti clérical était connu depuis longtemps. Les
libéraux ne pouvaient se faire illusion sur ses vues.
lis savaient que partout oft la loi a fail une place au
clergé, il a prélendu régner en maitre et courber la
société civile sous ses commandements. Et cependant,
loin de maintenir le clergé sous I'inflexible niveau de
la loi commune, commec'était leur devoir, que n'ont-
ils pas fait pour lui assurer une position privilégiéet
Intervention officielle dans 1'enseignemeut public,
subsides de toute nature, immunilès de toute espèce,
exemption de la milice, exemptions du jury, pénalités
spéciales contre les outrages, personnification civile
accordée a ses établissements d'instruction, traite-
ments princiers pour ses bauts dignitaires, Ie clergé a
tout obtenu de la bénignité libérale. Quoi de surpre-
nant que l'audace du succès I'excite a demander da-
vantage encore, et n'avons-nous pas mauvaise grêce,
en vérilé, après avoir pendant longtemps lémoigné
une condescendance a toute épreuve dans des ques
tions d'une gravité capitale, a nous montrer si re-
vêches a propos d'une petite affaire de proces
sion
Si le parti libéral désire en finir définitivement avec
les prétentions cléricales, s'il ne veut pas que l'on
continue a dire de lui que la guerre au clérical qu'il
poursuit depuis 1857 n'est qu'une comédie donnée a
l'opinion publique pour détourner son attention d'au-
tres intéréts auxquels il lui répugne de satisfaire, il a
autre chose a faire que de disputer a quelques prètres
de Liége le droit d'organiser des processions. Qu'il
use done porter une main ferme et décidée sur les pri
vileges arrachés a sa faiblesse et que l'Eglise, bannie
de I'Etat, cesse de s'arroger, dans la société civile, une
autorité qui n'est ni dans la Constitution ni dans les
aspirations du monde moderne. Voila un but digne du
grand parti libéral et ie jour ou il mettra la main a
l'oeuvre, notre concours ne lui inanquera pas. Mais
quant a nous émouvoir beaucoup de la question des
processions, nous nous en senlons incapables et nous
'aissons au Progrès le soin d'en faire une question
d'Etat.
RIanè, Thecell*harès.
On ne saurait nier que Ie clergé catholique possède
au plus haut dearé le talent de faire flèchede tout bois.
Toutes les circonstanees de la vie, même les plus dou-
loureuses, sont utilisées au profit de son influence,
nous dirons même de sa domination.
Nous avons eu dernièrement a Bruxelles et dans
quelques grandes villes les processions nocturnes,
organisées prétenduement dans le but de conjurer
l'épidémie et qui n'avaient d'autre résultat que de
répandre la terreur parmi les populations et de pré-
disposer aux atteintes du choléra ceux qui se livraient
a ces courses nocturnes, ouvriers, pour la plupart,
faiblement nourris et exténués déja par un travail
excessif.
II a faliu ['intervention de I'autorile pour faire ces
ser ces pèierinages.
Plus tard nous avons vu et nous voyons encore le
débit de l'eau de S. Ignace, autre spécifique unique
contre l'atteinte du choléra.
Nous ignorons si ce nouveau commerce a été lu-
cratif. Toujours est-il que les annonces les plus pom-
peuses et les plus attrayantes se sont étalées dans nos
organes cléricaux.
Mais, comme si tout cela ne suffisait pas, la chaire
de vérité eile-même a été mise a contribution.
Que le prêtre se serve de son influence et de sa
parole pour tranquilliser les peureux, encourager les
faibles, douner a tous des conseils de tempérance et
d'hygiène, chacun l'approuvera. II n'en est pas de
même lorsqu'il ne rnonte en chaire que dans le but de
répandre l'effroi parmi les populations.
II n'y a pas longtemps que, dans une commune de
nos environs, avait lieu la reunion annuelle d'une
Société particulière. On n'y dansait même pas; il s'a-
gissait d'un concert auquel avaient été conviés les
membres de la société et leur familie. Malheureuse-
ment cette société a une teinte de libéralisme, de la
la colère de M. le curé qui, le dimanche d'après, esca-
laua bravement la chaire, annoncant avec force gestes
a son auditoire terrifié que tous ceux qui avaient
pris part a la fête seraient frappés du choléra
comme d'un chatiment cèleste. Impossible d'en dou-
ter quand M. le curé l'affirme. N'est-ce pas Dieu lui-
mème qui parle par sa bouche"? Aussi plusi^urs
femmes coupables tombèrent en syncope, quelques-
unes furent malades pendant plusieurs jours. Cepen
dant le choléra, plus sage que M. le curé, ne se rendit
pas a son invitation.
Comment qualifier les procédés de ce prêtre qui
comprend si ètrangement sa mission'/ Et n'est-ce pas
chose déplorable d'entendre tomber de Ia chaire dite
de vérité, au lieu de paroles de consolation, des pro
pos de haine et de menaces?
Des jugements politiques.
Les condamnalions rigoureuses prononcées récem-
tnent contre la presse rendront, croyons-nous, quel-
que aclualité a la citation suivanle que nous extrayons
du Dictionnaire philosophique de Voltaire. Voici ce
que pensaitdes condemnations politiques le patriarche
de Ferney
De tous ceux qu'on a fait périr ainsi par justice,
dit-il, je ne crois pas qu'il y en ait quatre dans toute
l'Europe qui eussent subi leur arrêt, si leur procés evlt
duré quelque temps de plus, ou si leur partie adverse
était morte d'apoplexie pendant l'instruction.
Que la fistule eut gangrené le rectum du cardi
nal de Richelieu quelques mois plus tót, les de Thou,
les Cinq-Mars et tant d'autres étaient en liberté. Si
Barnevelt avait eu pour juges autant d'arminiens que
de gomaristes, il serait mort dans son lit.
i) Si le connétable de Luines n'avait pas demandé
la confiscation de la maréchale d'Ancre, elle n'eüt pas
été brfilée comme sorcière. Qu'un homme réellement
criminel, un assassin, un voleur public, un empoi-
sonneur, un parricide soit arrêté, et que son crime
soit prouvé, il est certain que dans quelque temps, et
par quelques juges qu'il soit jugé, il sera un jourcon-
damne. Mais il n'en est pas de même des hommes
d'Etal donnez-leur seulement d'autres juges, ou at-
tendez que Ie temps ait changé les intéréts, refroidi
les passions, amené d'autres sentiments, leur viesera
en süreté.
Imaginez que la reine Elisabeth meurt d'une in
digestion la veille de In condamnation de MarieStuart,
alors Marie Stuart sera sur le tröne d'Ecosse, au lieu
de mourir par la main d'un bourreau dans une
chambre tendue de noir. Que Cromwel tombe seule
ment malade, on se gardera bien de couper la tête a
Charles ler.
Des jugements ordinaires prononcés par les juges
compétents contre des princes ou des hommes en
place, y en a-t-il un seul qu'on eüt ou exécuté, ou
même rendu, si on avait eu un autre temps choisir?
Y a-t-il un seul des condamnés, immolés sous le car
dinal de Richelieu, qui n'eüt été en faveur, si leur
procés avait été prolongé jusqu'a la régence d'Anne
d'Autriche? Le prince de Condé est arrêté sous Fran
cois II; il est jugé a mort par des commissaires
Francois II meurt, et le prince de Condé redevient un
homme puissant.
Ces exemples sont innombrables. II faut surtout
considérer l'esprit du temps. On a brfilé Vanini sur
une accusation vague d'atheisme. S'il y avait aujour
d'hui quelqu'un d'assez pédant et d'assez sot pour
faire les livres de Vanini, on ne les iirait pas, et c'est
tout ce qui en arriverait.
E'Échafauil et les Cultes.
L'arlicle M du nouveau Code pénal porte Au-
cune condamnation (a ritort) ne peut être exécutée
les jours de fêtes natiouales ou religieuses, ni les
dimanches.
Le Code de procédure civile contient une disposition
analogue en ce qui concerne la notification des exploits
et l'exécution des arrêls rendus en inatière civile.
Cela se comprend ce Code a éte promulgué sous
l'empire du Concordat, qui avait consacró l'existence
légale du culte catholique et reconnu formellemenl les
quatre grandes fêtes annuelles inslituées par l'Eglise
L'OPINION