JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT YPRE8, Dimancbe Quatrièrae année. N° 36. 9 Septembre 1866. Paraissant le dimanche. PRIX D'ABOWSEMEIVT POUR LA BELGIQUE francs par an; 4L fr. 50 par semestre. Pour l'Etranger, le port en sus. Un Numéro 25 Centimes. PRIX IIKS AilNOICEK ET DES RECLAMES 10 Centimes la petite ligne. Corps du Journal, 30 centimes. Le tout payable d'avance. laissez dire, laissez-vous blèmer, mais publiez voire pensée. On s'abonne a Ypres, au bureau du Journal, chez Félix Lambin, imp.-lib., rue de Dixmude55. On traite a, forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres ou envois dargent doivent étre adressés franco au bureau du journal. lfpres, Septeinbre Le Progrès est en colère. Qu'avons-nous fait cepen- dant pour mériter ses injures II nous arrive souvent, il est vrai, de n'êlre point de l'avis de ses patrons et de dire notre sentiment sur certaines choses, sans nous enquérirau préalable s'il sera de leur goüt; mais le Progrès est un journal libéral, ami, par conséquent, de la libre discussion et, si grand que soit a ses yeux le crime des gens qui refusent d'emboiter le pas der rière ses chefs de file, encore devrait-il, par respect pour la liberté qui les couvre, s'abstenir de ces em- portements de langage dont les éclats cadrent mal, soit dit sans l'offenser, avec les principes de tolérance dont il aime a faire étalage. VOpinion est indépendante. C'est un tort assuré- ment. Que ne fait-elle comme le Progrès? Flatter ceux du logis, ses maitres complaire Moyennant quoi, notre salaire Serait force reliefs de toutes les fapons, Os de poulets, os de pigeons, Sans parler de maintes caresses. Ces séduisanles perspectives ne nous sont pas in- connues. II fut un temps, et le Progrès doit s'en sou venir, oü ceux qui lui entretiennent le poii si luisant et qui le paienl aujourd'hui pour nous injurier, les fesaient chatoyer a nos regards avec un doux mur- mure de paroles encourageantes. On nous offrail mieux que des os a ronger nous n'avions qu'un mot a dire notre place était marquée a la table oil les frères et amis se gobergent depuis quinze ans, et Dieu sait qu'ils y font franche lippee. Mais quoi le collier dont le Progrès était attaché nous fit reculer et, de ce jour, I'Opinion fut signalée a la colère des chiens de la basse-cour doctrinaire comme un ramassis de brouillons, <.Vacrobates et de faux libéraux. Des brouillons, oui, et YOpinion s'en fait gloire mieux que cela elle n'a pas d'autre raison d'être,car c'est bien pour brouiller vos cartes, messieurs les grecs du libéralisme, qu'eile a été créée el, tenez-le pour dit une fois pour toutes, elle ne vous lêchera que le jour, et il n'est pas éloignè, oü l'opinion publique, éclairée enfin sur vos tripotages, vous aura chassé du tapis vert oü, depuis 30 ans, vous et vos compères, vous faites sauter la coupe avec une habiieté dont Bosco serait jaloux. Des brouillons, oui, car c'est nous qui vous avons contraint a rompre le honteux pacte d'alliance qui vous unissait au parti clérical, vous, les purs, et a déployer tout large ouvert le drapeau du libéralisme que, jusqu'alors, vous aviez tenu soigneusement serré dans son étui. Ah, le bon temps 1 Les élections se fai- saient en familie, sans bruit, sans discussion. Ou se réunissait, un soir, entre amis. Moi, disait l'un, je demande M. Vandenpeereboom moi, disait l'autre, il me faut M. Van Renynghe. On se passait la casse et le sené, et l'affaire était faite. Aucun danger d'échec réussite certaine et nul embarras. Ah, oui, Ie bon temps que celui-la et, a son souvenir, nous compre- nons bien que les colères du Progrès s'allument contre ces brouillons, ces trouble-fêle de I'Opinion qui, sans égards, sans ménagements, ont forcé ses patrons a briser cette douce entente et s'armer pour la lulte. Encore si Tissue de cette lutte était certaine, les frères et amis en prendraient assez facilement leur parti; car, enfin, pourvu qu'ils gardent leurs posi tions, ils n'en demandent pas davantage. Mais qui peut répondre du lendemain avec des adversaires aussi redoutables que les cléricaux? On les a battus en 1863 et en 1863; les battra-t-on de nouveau en 1867? La chose n'est pas claire. Si jamais ils allaient nous battre a leur tour 1 Quel désarroi, quelle débacle, mon Dieu! Et dire que c'est cette maudite Opinion, ce brandon de discorde, qui sera la cause première de eet immense désastre! Raca pour 1'OpinionI Que les frères et amis se tranquillisent cependant. Si, ce qu'a Dieu ne plaise, le parti clérical revient un jour au pouvoir, un peu de complaisance leur suffira pour conserver les places, honneurs et emplois aux- quels ils sont si tendrement attachés. Eh, que diabiel II est, avec Ie ciel, des accommodements, et les cléricaux ne sont pas aussi méchanls qu'ils en ont l'air. Demandez plulót a M. le commissaire d'ar- rondissement. II a connu les inauvais jours du gou vernement clérical et saura vons dire a quel prix il a payé la conservation de ses furctions. On dit qu'il ne lui en a coüté que fort peu de diose. Ge haut fonction- naire, la vérité, se recommaidait tout particulière- ment a la bienveillance de Ml. Dedecker, Nothomb et Ce, par les sentiments accotamodants dont il avait fait preuve sous le gouvernement précédentmais vous, les frères et amis, n'aurez-vous pas a invoquer les mêmes titres? Au pis aller, ne pourrez-vous re- jeter la responsabilité de la luie sur I'Opinion et ju- rer que vous avez eu la mainforcée par les brouil lons? Croyez-nous, on ne vous en demandera pas davantage, car on a besoin de \ous, et moyennant un bon acte de contriction et un 'erme propos, Monsei gneur de Bruges vous donnera l'absolution. Nous sommes done des brouillons, la chose est avé- rée, mais des acrobates? Des acrobates, nous en voyons, depuis dix ans, ailleurs qu'a la foire et ceux que nous voulons dire laissent bien loin derrière eux |es pitres les plus en vogue des Champs-Elysèes. Leurs baraques sont des palais et les enluminures qu'ils déroulent aux yeux ra vis da public promettent un spectacle des plus atlrayants. La oü ils excellent surtout, c'est dans la bagatelle de la porte Entrez, messieurs et dames, s'écrient-ils, c'est nous qui sommes les vrais et uniques libéraux, brevetés du gouvernement. Prenez vos places, cela va commen- cer! Le public se laisse aller aux promesses de l'af- fiche, aux séductions du bagou dont ses oreilles sont assourdies. II entre. O déception cruelle, le pro- gramme si pompeusement annoncé n'était qu'un leurre et la bagatelle de la porte, une indigne mystifi cation. Mais voici qui est plus curieux Quand, après dix annéesde cette comédie, le public s'apercoit enfin du subterfuge et qu'il s'apprête a siffler les pitres qui se sont joués si longtemps de sa credulité, vous croyez que ceux-ci, honteux et confus, vont se héter de plier bagage? Non pas, vous les connaissez mal. lis ré sistent, ils s'insurgent et c'est l'injure a la bouche qu'ils accueillent les plaintes des spectateurs rancon- nés et désabusès. Ah, vous ne vous laissez plus prendre a leur boniment; ah, vous refusez d'entrer et vous haussez les épaules? Eh bien, vous ètes.... vous êtes des acrobates I Passe encore pour des brouillons et des acrobates, mais nous sommes pis nous sommes de faux libé raux. C'est done alors, si nous comprenons bien, que les patrons du Progrès sont les vrais Soit, exa- minons. Libéral veut dire, sans doute, ami de Ia li berté. Qui de nous deux, ami Progrès, a le plus éner- giquement combattu pour cette belle cause II y a deux ans, le gouvernement, vaincu par la clameur publique, présenta aux Chambres un projet de loi sur les fraudes électorales. L'Opinion réclama vivement le vote par ordre alphabétique, seul moyen vraiment sérieux d'assurer la liberté des électeurs. Mais le gouvernement n'en voulait pas entendre par ler, de peur, disait M. Frère-Orban, de froisser trop vivement le parti catholique. Le vole par ordre alpha bétique fut rejeté, grèce aux vrais libéraux selon le coeur du Progrès. Depuis vingtans, une jurisprudence illibérale, sou met la presse la juridiction des tribunaux civils. D'accord avec presque tous les journaux libéraux et catholiques, VOpinion demande que le ministère resti- tue a la presse les garanties constitutionnelles que cette jurisprudence lui a enlevées. Le ministère fait la sourde oreille et les vrais libéraux du Progrès sont muets. Faut-il rappeler l'attitude de ces vrais libéraux dans la question du Mexique? Le peut-on sans que le rouge de la honte monte au front de cette majorité vraiment libérale qui n'a pas craint, pour sauver le ministère, de mentir impudemment a sa conscience en affirmant que le gouvernement était resté compléte- ment étranger l'organisation du corps belge-mexi- pain? Ah, c'est la une page honteuse de notre histoire parlementaire, et si ceux qui l'y ont inscrite sont des amis de la libprté, le Sénal de Domitien, délibérant sur la sauce du turbot, est plus digne dè respect, a nos yeux, que cette liberté-la. Et la loi sur l'expulsion des étrangers, autre mi sère, a qui la devons-nous, Progrès, si ce n'est a vos vrais libéraux? Etranges amis de la liberté, en vérité, que ceux qui refusent a de malheureux proscrits les garanties de justice qu'ils accordent aux assassins 1 Mais oü èclate, dans toute sa splendeur, l'amour des vrais libéraux du Progrès pour la liberté, c'est dans ja question de la réforme èlectorale. L'Opinion a, dans son temps, montré le piége caché sous le projet pré senté par le gouvernement; elle en a signalé les la cunes injustifiables et les tendances réactionnaires. Nous aurons occasion d'y revenir un jour. Mais, pour les vrais libéraux du Progrès, c'en est trop qu'une concession quelconque, si minime qu'eile soit. A quoi bon une reforme Ne sont-ils pas au pinacle et, dès lors, qui aurait le droit de se plaindre? Done, point de reforme. Tel est le dernier mot du Progrès quant a la liberté, elle s'arrangera comme elle pourra. La liberté, nous répondra le Progrès, elle n'est que médiocrement engagée dans les questions que vous venez de rappeler. Nous avons bien autre chose a faire que de nous occuper de la réforme èlectorale, de l'ex- pédition du Mexique et des étrangers. Notre grand souci, a nous, vrais libéraux, c'est de nous débarras-

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L’Opinion (1863-1873) | 1866 | | pagina 1