JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRE8, Dimancbe
Quatrièrae année. N° 36.
9 Septembre 1866.
Paraissant le dimanche.
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POUR LA BELGIQUE
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lfpres, Septeinbre
Le Progrès est en colère. Qu'avons-nous fait cepen-
dant pour mériter ses injures II nous arrive souvent,
il est vrai, de n'êlre point de l'avis de ses patrons et
de dire notre sentiment sur certaines choses, sans
nous enquérirau préalable s'il sera de leur goüt; mais
le Progrès est un journal libéral, ami, par conséquent,
de la libre discussion et, si grand que soit a ses yeux
le crime des gens qui refusent d'emboiter le pas der
rière ses chefs de file, encore devrait-il, par respect
pour la liberté qui les couvre, s'abstenir de ces em-
portements de langage dont les éclats cadrent mal,
soit dit sans l'offenser, avec les principes de tolérance
dont il aime a faire étalage.
VOpinion est indépendante. C'est un tort assuré-
ment. Que ne fait-elle comme le Progrès?
Flatter ceux du logis, ses maitres complaire
Moyennant quoi, notre salaire
Serait force reliefs de toutes les fapons,
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de maintes caresses.
Ces séduisanles perspectives ne nous sont pas in-
connues. II fut un temps, et le Progrès doit s'en sou
venir, oü ceux qui lui entretiennent le poii si luisant
et qui le paienl aujourd'hui pour nous injurier, les
fesaient chatoyer a nos regards avec un doux mur-
mure de paroles encourageantes. On nous offrail mieux
que des os a ronger nous n'avions qu'un mot a dire
notre place était marquée a la table oil les frères et
amis se gobergent depuis quinze ans, et Dieu sait
qu'ils y font franche lippee. Mais quoi le collier
dont le Progrès était attaché nous fit reculer et,
de ce jour, I'Opinion fut signalée a la colère des chiens
de la basse-cour doctrinaire comme un ramassis de
brouillons, <.Vacrobates et de faux libéraux.
Des brouillons, oui, et YOpinion s'en fait gloire
mieux que cela elle n'a pas d'autre raison d'être,car
c'est bien pour brouiller vos cartes, messieurs les
grecs du libéralisme, qu'eile a été créée el, tenez-le
pour dit une fois pour toutes, elle ne vous lêchera que
le jour, et il n'est pas éloignè, oü l'opinion publique,
éclairée enfin sur vos tripotages, vous aura chassé
du tapis vert oü, depuis 30 ans, vous et vos compères,
vous faites sauter la coupe avec une habiieté dont
Bosco serait jaloux.
Des brouillons, oui, car c'est nous qui vous avons
contraint a rompre le honteux pacte d'alliance qui
vous unissait au parti clérical, vous, les purs, et a
déployer tout large ouvert le drapeau du libéralisme
que, jusqu'alors, vous aviez tenu soigneusement serré
dans son étui. Ah, le bon temps 1 Les élections se fai-
saient en familie, sans bruit, sans discussion. Ou se
réunissait, un soir, entre amis. Moi, disait l'un, je
demande M. Vandenpeereboom moi, disait l'autre, il
me faut M. Van Renynghe. On se passait la casse et le
sené, et l'affaire était faite. Aucun danger d'échec
réussite certaine et nul embarras. Ah, oui, Ie bon
temps que celui-la et, a son souvenir, nous compre-
nons bien que les colères du Progrès s'allument contre
ces brouillons, ces trouble-fêle de I'Opinion qui, sans
égards, sans ménagements, ont forcé ses patrons a
briser cette douce entente et s'armer pour la lulte.
Encore si Tissue de cette lutte était certaine, les
frères et amis en prendraient assez facilement leur
parti; car, enfin, pourvu qu'ils gardent leurs posi
tions, ils n'en demandent pas davantage. Mais qui
peut répondre du lendemain avec des adversaires
aussi redoutables que les cléricaux? On les a battus
en 1863 et en 1863; les battra-t-on de nouveau en
1867? La chose n'est pas claire. Si jamais ils allaient
nous battre a leur tour 1 Quel désarroi, quelle débacle,
mon Dieu! Et dire que c'est cette maudite Opinion,
ce brandon de discorde, qui sera la cause première
de eet immense désastre! Raca pour 1'OpinionI
Que les frères et amis se tranquillisent cependant.
Si, ce qu'a Dieu ne plaise, le parti clérical revient un
jour au pouvoir, un peu de complaisance leur suffira
pour conserver les places, honneurs et emplois aux-
quels ils sont si tendrement attachés. Eh, que diabiel
II est, avec Ie ciel, des accommodements,
et les cléricaux ne sont pas aussi méchanls qu'ils en
ont l'air. Demandez plulót a M. le commissaire d'ar-
rondissement. II a connu les inauvais jours du gou
vernement clérical et saura vons dire a quel prix il a
payé la conservation de ses furctions. On dit qu'il ne
lui en a coüté que fort peu de diose. Ge haut fonction-
naire, la vérité, se recommaidait tout particulière-
ment a la bienveillance de Ml. Dedecker, Nothomb
et Ce, par les sentiments accotamodants dont il avait
fait preuve sous le gouvernement précédentmais
vous, les frères et amis, n'aurez-vous pas a invoquer
les mêmes titres? Au pis aller, ne pourrez-vous re-
jeter la responsabilité de la luie sur I'Opinion et ju-
rer que vous avez eu la mainforcée par les brouil
lons? Croyez-nous, on ne vous en demandera pas
davantage, car on a besoin de \ous, et moyennant un
bon acte de contriction et un 'erme propos, Monsei
gneur de Bruges vous donnera l'absolution.
Nous sommes done des brouillons, la chose est avé-
rée, mais des acrobates? Des acrobates, nous en
voyons, depuis dix ans, ailleurs qu'a la foire et ceux
que nous voulons dire laissent bien loin derrière eux
|es pitres les plus en vogue des Champs-Elysèes.
Leurs baraques sont des palais et les enluminures
qu'ils déroulent aux yeux ra vis da public promettent
un spectacle des plus atlrayants. La oü ils excellent
surtout, c'est dans la bagatelle de la porte Entrez,
messieurs et dames, s'écrient-ils, c'est nous qui
sommes les vrais et uniques libéraux, brevetés du
gouvernement. Prenez vos places, cela va commen-
cer! Le public se laisse aller aux promesses de l'af-
fiche, aux séductions du bagou dont ses oreilles sont
assourdies. II entre. O déception cruelle, le pro-
gramme si pompeusement annoncé n'était qu'un
leurre et la bagatelle de la porte, une indigne mystifi
cation. Mais voici qui est plus curieux Quand, après
dix annéesde cette comédie, le public s'apercoit enfin
du subterfuge et qu'il s'apprête a siffler les pitres qui
se sont joués si longtemps de sa credulité, vous croyez
que ceux-ci, honteux et confus, vont se héter de plier
bagage? Non pas, vous les connaissez mal. lis ré
sistent, ils s'insurgent et c'est l'injure a la bouche
qu'ils accueillent les plaintes des spectateurs rancon-
nés et désabusès. Ah, vous ne vous laissez plus
prendre a leur boniment; ah, vous refusez d'entrer
et vous haussez les épaules? Eh bien, vous ètes....
vous êtes des acrobates I
Passe encore pour des brouillons et des acrobates,
mais nous sommes pis nous sommes de faux libé
raux. C'est done alors, si nous comprenons bien,
que les patrons du Progrès sont les vrais Soit, exa-
minons. Libéral veut dire, sans doute, ami de Ia li
berté. Qui de nous deux, ami Progrès, a le plus éner-
giquement combattu pour cette belle cause
II y a deux ans, le gouvernement, vaincu par la
clameur publique, présenta aux Chambres un projet
de loi sur les fraudes électorales. L'Opinion réclama
vivement le vote par ordre alphabétique, seul moyen
vraiment sérieux d'assurer la liberté des électeurs.
Mais le gouvernement n'en voulait pas entendre par
ler, de peur, disait M. Frère-Orban, de froisser trop
vivement le parti catholique. Le vole par ordre alpha
bétique fut rejeté, grèce aux vrais libéraux selon le
coeur du Progrès.
Depuis vingtans, une jurisprudence illibérale, sou
met la presse la juridiction des tribunaux civils.
D'accord avec presque tous les journaux libéraux et
catholiques, VOpinion demande que le ministère resti-
tue a la presse les garanties constitutionnelles que
cette jurisprudence lui a enlevées. Le ministère fait
la sourde oreille et les vrais libéraux du Progrès sont
muets.
Faut-il rappeler l'attitude de ces vrais libéraux
dans la question du Mexique? Le peut-on sans que
le rouge de la honte monte au front de cette majorité
vraiment libérale qui n'a pas craint, pour sauver le
ministère, de mentir impudemment a sa conscience en
affirmant que le gouvernement était resté compléte-
ment étranger l'organisation du corps belge-mexi-
pain? Ah, c'est la une page honteuse de notre histoire
parlementaire, et si ceux qui l'y ont inscrite sont des
amis de la libprté, le Sénal de Domitien, délibérant
sur la sauce du turbot, est plus digne dè respect, a
nos yeux, que cette liberté-la.
Et la loi sur l'expulsion des étrangers, autre mi
sère, a qui la devons-nous, Progrès, si ce n'est a vos
vrais libéraux? Etranges amis de la liberté, en vérité,
que ceux qui refusent a de malheureux proscrits les
garanties de justice qu'ils accordent aux assassins 1
Mais oü èclate, dans toute sa splendeur, l'amour des
vrais libéraux du Progrès pour la liberté, c'est dans
ja question de la réforme èlectorale. L'Opinion a, dans
son temps, montré le piége caché sous le projet pré
senté par le gouvernement; elle en a signalé les la
cunes injustifiables et les tendances réactionnaires.
Nous aurons occasion d'y revenir un jour. Mais, pour
les vrais libéraux du Progrès, c'en est trop qu'une
concession quelconque, si minime qu'eile soit. A quoi
bon une reforme Ne sont-ils pas au pinacle et, dès
lors, qui aurait le droit de se plaindre? Done, point de
reforme. Tel est le dernier mot du Progrès quant a
la liberté, elle s'arrangera comme elle pourra.
La liberté, nous répondra le Progrès, elle n'est que
médiocrement engagée dans les questions que vous
venez de rappeler. Nous avons bien autre chose a faire
que de nous occuper de la réforme èlectorale, de l'ex-
pédition du Mexique et des étrangers. Notre grand
souci, a nous, vrais libéraux, c'est de nous débarras-