JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Dimanche
Quatrième année. N° 47
25 NoTembre 1866,
Paraissant le dimanche.
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ou envois d'aryent doivent être adressés franco au bureau du journal.
Ka vlctoire «le Pyrrhus.
Escomptnnt i'avenir au gré de ses intéréts, le
Progrès prédisait le lendemain de l'èlection commu
nale que nous allions nous livrei' a des efforts su-
prémes d'imagination et a des tours de force de calcul
pour prouver que cette élection a été un triomphe
pour nous. Ce journal posséde Ie don de prophétie
comme celui des langues; ses prévisions valent son
style.
Nol effort ne nous est nécessaireil ne nous faut
traveslir aucun fait pour donner a la journee du
30 octobre sa véritable signification qui saute a tous
les yeux et que ne pourronl dissimuler ni I'ivresse du
Progrèsni son enthousiasme poussif. Aussi, au mi
lieu de son lyrisme, est-il visiblement contrarie. Dé-
placer la question etait sa tactique elle était adroite
mais, au lieu de Ie suivre dans les méandres tor-
tueuses ou il essayait de nous entrainer, nous sommes
restés calmes devant ses diatribes les plus violentes,
impassible devant ses plus grossières injures.
II nous semble utile de revenir aujourd'hui sur
notre dernière élection et de rechercher ce que le ré-
sultat nous enseigne, quelles seront ses conséquences
ultèrieures. Inutile de transposer des chiffres et de
nous livrer a des calculs plus ou tnoins habiles. La
question n'esl pas la et, pour qui sait voir au fond
des choses, il importe peu que cette fois le plus fa-
vorisé des opposants n'ait oblenu que 472 voix et
que les candidats de l'Association aient été élus au
premier tour de scrutin; il n'en est pas moins clair
que l'opposition, qui n'avait plusdonné signe de vie
depuis quinze ans dans nos èlections communales,
s'est réveillée el que l'Association libérale, quoiqu'on
en dise, a perdu tout prestige et toute influence.
L'opposition s'est réveillée, non pas encore pour
u.ne lutteen régie, mais pour une simple manifesta
tion, pour une protestation. Tout le monde sait, en
effet, qu'elle n'était pas organisée; aucun journal
n'avait patroné la moindre candidature. Ni unite, ni
direction, chacun votait d'aprèsses inspirations. Les
vingt noms sur lesquels se sontrepartis les suffrages
opposants le prouvent bien. Encore une fois, qu'im-
porte que 172 voix soit le maximum des suffrages
obtenus par l'un des membres de l'opposition, reste-
t-il moins évident qu'il s'en est fallu de 14 voix qu'il
y eüt balloltage? 283 suffrages ontelé donnés a l'un
des candidats de l'Association sur 540 volants; il est
done patent que, d'une facon ou d'autre, 257 électeurs
ont protesté contre le droit que s'arrogent quelques-
uns (i'imposer des candidats et c'est Ié l'essentielcar
ce chiffre démonlre que, quand l'opposition voudra
s'organiser, elle pourra eulrer en lice avec les plus
grandes chances de succès.
Quand, après quinze ans d'abstention, on approche
d'aussi prés le ballottage, il n'y a pas lieu de se dé-
courager, bien au contraire.
Mais il y a plus. Et ceci est une autre conséquence
a un point de vue different. 72 voix ont été données
a l'un de nos redacteurs c'est le chiffre ofliciel im-
primé par le Progrèschiffre que sa bonne foi rédui-
sait le lendemain a 45or, en supposant qu'on
veuille absolument trouver des voix catholiques dans
que'ques rèsultats, celui-ci est certainement exempt
de tout mélange, puisque le Journal d' Ypres la répu-
die au nom de son parti. Ces 72 électeurs partagent
done entièrement nos idéés. Eh bien, qu'adviendrail-
il de la candidature de M. Alph. Vandenpeereboom,
qui n'a été élu en 1864 qu'avec une majorité de 40
voix, s'ils jugeaient a propos de s'abstenir dans les
prochaines èlections législatives
Cette observation, nous la faisons en passant et
pour montrer combien le dédain du Progrès pour une
fraction du parti libéral, quelque minime qu'il la sup
pose, est impolitique dans les circonstances pré-
sentes.
On a produit les chiffres des èlections de 1848 et
de 1851, et l'on en a conclu que l'opposition a perdu
du terrain. Voyons les chiffres. II nous serait facile
d'en citer un grand nombre nous nous en tenons a
ceux choisis par le Progrès.
En 1848, le nowbre des votants étant de 508; le
moins favorisé des élus obtenait 286 voix, soit 31 au-
dessus de la majorité absolue. En 1851, on trouve
588 volantset M Becuwe, le dernier des élus, a 380
voix, 110 au-dessus de la majorité absolue. En 1866,
M. Beaucourt échappe avec 14 voix au ballottage!
Mais le Progrès récuse peutêtre M. Beaucourt
comme point de comparaison a cause de son impopu-
larité notoire il prèfère M Gustave de Stuers qui
était, dit-il, le point de mire de tous les dissidents.
Ce monsieur était également le centre sur lequel se
concentraient tous les efforts de la coterie. E i bien,
M. de Stuers n'a dépassé que de 67 voix la majorité
absolue
Lorsque nous savons, comme nous l'avons déja dit,
que l'opposition a été assoupie pendant quinze an-
nées, qu'elle s'est réveillee comme en sursaut, sans
organisation, sans preparation, sans entente, sans
candidats, lorsque nous nous souvenons que ceux
que les sympathies publiques désignaient aux suf
frages de leurs concitoyens refusaieul lout mandat et
qu'en regard de toules ces circonstances défavorables,
nous voyons le candidal de l'Association, Ie protégé
de toutes les administrations, Ie représentant d'une
puissante et nombreuse familie n'obtenir, dans sa
ville natale, au milieu de toutes les influences, que
67 voix au-dessus de la majorité absolue, ah! oui,
nous souhaitons que l'opposition perde a chaque élec
tion du terrain comme cette fois; un résultat ne se
ferait pas longtemps attendre?
Mais s'il est vrai, comme le prètend le Progrèsque
la ville d'Ypres, appréciant les ineffables bienfaits de
ses administrateurs, a voulu leur donner une preuve
non équivoque de sa sympathique reconnaissance,
pourquoi toutes ces courses essoufïlées a travers les
rues de la ville? Commentl a vous entendre, vos
services sonl innombrables, a plusieurs reprises vous
avez sauvé la cité comme les oies le Capitole, et vous
croyez si peu a la gratitude de vos administrés, qu'a
chaque nouvelle élection vous suez la peur
Une ombre d'opposition pointe a l'horizon et déja
vous ne vous possédez plus Vite, vite, toutes les in
fluences des administrations sont mises en mouve
ment, les enfants de nos ècoles écrivent des bulletins
de vote en guise d'exercice calligraphique, les em
ployés des administrations les colportent, le ban et
l'arrière-ban des affi lés sont convoqués, les person-
nages les plus huppés, ceux-lh mêmes qui toisent
d'ordinaire le bourgeois du haul de leur arrogante
suffisance, entrent en campagne, DAIGNANT, comme
dit le Progrès pour la circonstance distribuer.... des
poignées de mains, et tout ce monde, troupeau effaré,
court, court de porte en porte bêler ses angoisses!
Est-ceainsi qu'on se conduit quand on a mérite les
sympathies de ses concitoyens?
Ah le Progrès le sait bien, malgré tout le bruit
qu'il fait pour le dissimuler, si ses patrons n'avaient
pas accaparé la direction de toutes les administrations,
sils ne pesaienl pas sur l'électeur au nom de l'inté-
rêt matériel satisfait, par les faveurs, les promesses
et les menaces, leur règne ne serait pas long.
Et c'est ce journal qui ose nous accuser d'avoir eu
recours a ces detestables moyens d'influencel G'est
lui qui ose écrire que les radicaux, en vrais des-
potes, ont fait force promesses et menaces, imposé
inême des billets marques I
Des promessesdes menaces 1 Avions-nous doncè
notre disposition les faveurs et les priviléges des ad
ministrations? Pouvons-nous distribuer ou enleverè
notre gré les fournitures des établissements publics 1
Le maniemenl de ces capitaux immenses, le budget
de la ville, ceux des administrations charitables, nous
est-il abandorine? Or, on sail que d'adhérents don-
nent pareilies ressources, tout en circonscrivanl leur
emploi dans la plus stride légalité
Et les billets marqués done I l.'accusation est au-
dacieuse dans les colonnes d un journal qui avoue que
tout récemment encore ses patrons ont imposé un
vote leurs locataireselle est de plus une insulte
aux presidents des bureaux électoraux, car, s'il y
avail des billets marqués, leur devoir était de les
annuler; or, aucun bulletin marqué n'a été annulé.
Libre après cela au Progrès de soutenir que l'As
sociation a triomphé par sa seule force, qu'elle a con-
servé toute son influence et tout son prestige. Oil
serait la force d'une societé prétenduement électorale
p ur laquelle les opérations électorales sont lettre
close, dont toute l'oecupalion consiste se réunir huit
jours avant le scrutin, dans le but de prendre acte
des volontésde quelques meneurs9 Ou serait son in
fluence qu'un petit nombre absorbe et exploite au
profit de son ambition
Ou serail son prestige, quand on voit son président
allant mendier un désislement chez des candidats
étrangers a la société
Non, l'Association ne jouit, comme réunion élec
torale, d'aucune force, d'aucune influence, d'aucun
prestige. C'est si vrai que ses membres combattent
ouverlement ses decisions et que personne ne se croit
plus lié par un reglement que les chefs violent chaque
jour, ouappliquenl arbitrairement, selon leurs inté
réts ou leurs caprices.
Ceci nous fait songer la lellre de M. Auguste
Beaucourt el au fameux article 12 desstatuts, base,
selon lui, de toute moralilè.
Nous y reviendrons.