Correspondance particuliere de I'OPISIOS. Bruxelles, 2i Novembre. Nous n'en sommes pas encore revenus ici dé la stupéfaction oü nous a jeté Ie vote précipité de l'Adresse. [I était vaguement question, depuis quelques jours déja, d'une entente négociée entre Ie gouvernement et les chefs de la droite en vue d'étrangler la discus sion ou, pour parler Ie langage parlementaire de M. de Theux, d'éviter des débats prolongés et irritants. Des gens qui se prétendaient bien informés, el l'événe- ment leur a donné raison, allaient jusqu'a préciser les conditions de celle entente la droite, assuraient- ils, s'était engagée a voter Ie budget de la guerre, et Ie gouvernement avait promis, en retour, de faire Ie sacrifice du projet de loi sur Ie temporel du culte. La remarquable insignifiance du Discours du Tröne. les inexplicables réticences du projet d'Adresse prê- taient bien, il faut en convenir, quelque vraisem- blance a ces rumeurs. Le gros du public, cependant, n'y ajoutait aucune foi. II lui semblait impossible qu'après six mois de vacances marqués par une lutte electorale aussi vive, aussi ardente que celle du mois de juin dernier, les deux partis, mis enfin en pré- sence, pussent s'être entendus sur les conditions d'un armistice. Et quelles conditions 1 Que le parti clérical consen- tft a ne pas faire d'opposilion au budget de la guerre, e'est ce qu'il n'était pas difficile d'admettre; mais comment imaginer que le ministère renoncêt a la discussion du projet de loi sur le temporel du culte? Pareille supposition, disait-on, ferait injure au gou vernement et ne pouvait avoir germé que dans l'es- prit de quelques malveillants intéressés a le discré- diter dans l'opinion. Le Discours du Tröne et le pro jet d'Adresse manquaient de fermeté, il est vraimais en revanche quelle ardeur de polémique, quelle im patience de combaltre, parmi les j rnrnaux officieux! Evidemment, cette prétendue entente des deux partis n'était qu'une bourdè.' Ainsi raisonnait-on ici, et ce raisonnement en va- lait bien un autre. Jugez de la surprise quand on a appris que l'Adresse avait été discutée et votée en une seule séanceEt quand je dis discutéej'exagère ridiculement. La véritè est que, sauf un ininteliigibie bredouillement d'un nouveau venu, M. Hagemans, et la solennelle déclaration de M. de Theux, personne n'a levé la langue. La belle chose que la discipline et combien le ministère a raison de la préférer aux dis cussions prolongées et irritantes que son compère M. de Theux a si justement dóplorées 1 Qu'on eut été heureux de voir s'ouvrir, a propos de l'Adresse, un de ces interminables débats tels que ceux qui ont signalè la session précedente. Non, certes, sur des débats de ce genre, l'opinion publique 'est de l'avis de M. de Theux, elle en a son scül pour longtêmpsmais autre chose est parler quand il fau- drait se taire et se taire quand il laudrait parler. Per sonne, je le repète, ne désirait un long debat, mais on attendait et l'on se croyait en droit d'attendre des explications sur une foule de questions intéressantes pour le pays. Le gouvernement a feint de prendre le change et, pour nous eviter l'ennui d'une discussion fastidieuse, il a tout supprimé, discussion et explica tions. On connait aujourd'hui, a peu de chose prés, les conditions de l'arrangement conclu entre le ministère et la droite. Le ministère consent a ajourner indéfini- ment la discussion du projet de loi sur le temporel du culte de son cóté, la droite s'engage a voter le bud get de la guerre et a ne pas soulever la question de la réforme électorale. Donnez a eet arrangement le nom que vous voudrez mais, gardez-vous bien de l'appe- ler une coalition, vous vous feriez jeter !a pierre. A la bonne heure, si les libéraux avancés s'entendaient avec la droite pour faire rejeter le budget de la guerre et réclamer la discussion du projel de loi sur la ré forme électorale. La coalition, dans ce cas, serait évi dente et le devoir de tous les bons citoyens serait de la signaler a l'indignation publique mais appliquer cette dénominalion a un arrangement quelconque entre la droite et les doctrinaires, allons done Cela n'aurait pas le sens commun. Dcmandez plutót au Progrès. t M. Defrè fait un procés a ï'Escaut d'Anvers pour avoir insinuè, en termes plusou moins ambigus, que Joseph Boniface, autreuient dit Volteface, èmarge a la liste civile. l.'Escauta eu tort assurément. 11 ya,dans la vie politique de M. Defrè, des dèfoillances, des pa- linodies inexpliquées et inexplicables mais le désin- téressement de l'homme privé ne peut être mis en doute. M. Defrè est pauvre, et ce n'est pas une mince vertu dans un temps oü l'on voil tant d'hommes poli- tiques se ruer vers la fortune a travers les opérations les plus scabreuses. Mais le tort de VEscaut ne sau- rait excuser celui de M, Defré, a qui l'on peut juste ment reprocher d'avoir donné a cette affaire des pro portions qu'elle ne comportait pas. VEscaut lui avait accordé la plus belle de toules les réparationssommé de préciser le sens de son insinuation, ce journal s'é tait baté de protester contre i'interprétalion que lui donnait M. Defré. Que fallait-il de plus a celui-ci, et pourquoi ce procés qui n'a plus d'autre raison d'ètre qu'une mesquine rancune? Qqe M. Defre y prenne garde .- il est sur Ie point de manquer une belle occa sion de se venger noblement de son accusateur. Le projet de loi sur l'abolition de la contrainte par corps a paru dans les journaux. 11 est aussi radical qu'on pouvait le désirer la contrainte par corps est abolie d'une manière absolue pour Ie passé et pour l'avenir. Dans les 24 heures qui suivronl ia promui- gation de la loi, les débiteurs incarcérés devront être retnis en libertè. Mais il est probable que les créan- ciers n altendront pas ce dernier moment pour relê- cher leurs debiteurs etqu'ils vont s'empresser d'arrê- ter les frais, mnintenant qu'ils ont perdu tout espoir de renti er dans leurs debours. MM. les usuriers, vous prèterez votre argent a 5, 10, 20 ou 50 p. c., comme vous l'entendrez, mais ne comptez plus sur la prison pour dettes M. Bara vient d'en faire murer la porté, Les journaux ont annoncé, il y a quelque temps déja, la collocation de M. le comle Goblet, représen tant de Bruxelles, dans une maison de santé. La fa- miile est en instance pour obtenir l'interdictioa de Tinfortuné, dont la si tuation est tellement grave qu'on ne peutconserver aucun espoir de guérison. L'inter- diction prononcée, y aura-t-il lieu de pour voir, par de nouvelles élections,au remplacement du représentant interdit? La question est controversée. Poursoutenir l'affirmalivè, on fait valoir combien il serait inique qu'un arrondissement fut privé de son mandalaire a la Chambre par un cas de force majeure de cette na ture; on fait remarquer, d'autre part, que la jouis- sance des droits politiques est liee a celle des droits civils et l'on en déduit que la perte des droits civils entraine necessairemeut celle de la qualilé de repré sentant. Ges raisons, si bonues qu'elles paissent être, ne ré- solvent pas la difficulté, qui est de savoir si la Consti tution a investi un pouvoir quelconque du droit de révoquer Ie mandat d'un représentant du pays. Or, j'ai beau chercher ce pouvoir, je ne le trouve pas, Se rail-Ce la Chambre? Mais, la vérification des pouvoirs est terminée, la Chambre n'a plus sur ses membres aucun contróle, aucune action a exercer. Serail-ce le pouvoir exécutif? Personne ne le soutiendra. Se rail ce le pouvoir judiciaire? Mais dans quel tèxte de loi trouverait-il le droit d'exercer une pareille attribution? La question n'est pas facile a résoudre, comme vous voyez; aussi espère-t-on l'ecarter en obtenant que M. Goblet donne volontairement sa demission. Une curieuse polémique a surgi entre Ie Journal d'Ypres el le Progrès. Le premier de ces journaux avait accuse l'administratiou des Hospices d'avoir envoye a ses locataires une cinquantaine de lettres comminatoires, avec injonction de voter pour le can didal prèferé de l'administration. Le Progrès ne nie pas le fait et il croit en trouver la justification dans i'exemple donné par ses contra- dicteurs. Paree que nos amis, dit-il, ont essayéde cont 'ebalancerces influences en recourant aux mêmes moyens, on les accuse d'avoir exercè une pression illegitime. Qu'est-ee que lout cela prouve au fond, si ce n'est que cléricaux et doctrinaires ont plus d'un point de similitude et que bien souvent leurs querelles ne sout que des rnises en scene pour l'amusement des ba- dauds Au surplus, le Progrès promet d'apprendre au Journal d'Ypres ce qu'il entend par pression el ma noeuvre frauduieuse. Ce sera certainement curieux, car le Progrès est passé maitre en la matière. Allons, allons, Messieurs, ne vous chamaillez done pas, comme dirait M. le bourgmestre, vous si bien fails pour vous entendre Le style, e'est l'homme. Le Progrès dit quelque part que M. le ministro de l'intérieur a DA1GNÉ (sic) accorder a l'un des élèves de nolre collége la dispense d'êge nécessaire pour passer ses examens- d'admission a l'école de medecine vétérinaire de I'Etat. DA1GNE aussi M. le ministre de l'intérieur accor der un sourire aux abjectes flagorneries du valet de plume qui n'a pas eu honte de tracer ces lignes. Adjudication des barrières. Au moment oü se prépare une nouvelle adjudica tion des barrières sur les routes communales, nous signalons de rechef l'anomalie qui consiste a perce- voir deux ou trois taxes de barrières sur un espace de quelques metres. Lorsque cette observation fut présentée précédem- ment, on n'en contesla pas la justesse; l'éluder sous un vain pretexte était plus commode. Nous la reproduisons aujourd'hui, curieux de voir s'il y sera fait droit lorsqu'il en est temps encore, ou bien si l'on conlirmera de sacrifier l'intèrêt du com merce aux caprices d'un fonclionnaire. Les écoles d'adultes et Ic libéralisme du ministère doctrinaire. M. le ministre de l'intérieur vient d'adresser une circulaire aux gouverneurs de province, pour inviter les conseils communaux a délibcrer sur la proposition d'elablir des écoles d'adultes dans les conditions prescrites par le reglement du 1" septembre 1866, ou a placer sous le régime de ce règlement les insti tutions de l'espèce deja établies. Le règlement rend applicables aux écoles d'adultes les dispositions de la loi du 23 septembre 1842 qui introduit le prêtre dans l'école a litre d'autorité. Pour obteoir des subsides du gouvernement les administrations communales devront done a l'avenir admettre dans ces sortes d'é- coles l'enseignement de la morale et de la religion par les prêlres et la surveillance ecclésiastique. C'est la consolidation de l'influence du clergé sur le peuple et l'abdicalion du pouvoir civil. M. Vandenpeereboom donne la main a M. de Theux. C'est qu'au fond doc trinaires et catholiques sont d'accord sur ce point. Quand ils se batlenl entre eux c'est comme les comé- diens sur la scène. II ne s'agit pas pour les doctri naires d'emanciper le peuple, mais de faire échsc au clergé saus detruire sa puissance. Les pi éten tions des catholiques sont leur raison d'existence; loin de les rendre impnissanies ils les alimentenl avec soin. Maigré Ia Constitution qui proclame la séparation de l'Egïise et de I'Etat, ils rendent le prêtre maitre des écoles, ils mainliennent l'obligation des communes de subvenir aux frais du culte et ils augmentent le trai- tement desévêques! Quand done les vrais libéraux ouvrirout-ils les yeux? La ligne de la Flandre Occidentale. Un malheur ne vient jamais seul, un retard dans l'arrivée des trains non plus; la ligne de la Flandre Occidentale vient d'en fournir une preuve nouvelle. Nous avons déja signalé le déraillement d'un train de marchandises arrive le 15 de ce mois a proximité de Poperinghe et qui a eu pour conséquence, en era- pêchant le depart du train de 11 heures, de faire manquer aux voyageurs la correspondance pour l'in térieur du pays. Le lendemain vendredi, autre irrègularité. Le train de Courtrai qui doit enlrer en gare d'Ypres a 3 h. 30 m. ou 3 h. 45. m. de relevée, est arrivé a 4 h. 45 m., avec une heure de retard. Le dimanche suivant, le dernier train pour Cour trai a quitté la station d'Ypres a 6 h. 15 rn. au lieu de 5 h. 05 m. qui est l'heure réglementaire. Les voya geurs ont grelotte pendant cinq quarts d'heure dans la station, par un temps abominable. Quelle était la cause de ce point d'arrêt forcé? Apparemment un dérangernent survenu a la locomotive ou a l'une des voitures du train de marchandises qui doit croiser vers 5 heures a Ypres celui des voyageurs. Cette conlrariétè nous n'osons pas dire eet accident, crainle d'un nouveau procés est survenue, selon toute probabililé, entre Comines et Ypres, sinon le

HISTORISCHE KRANTEN

L’Opinion (1863-1873) | 1866 | | pagina 2