JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
Le tout payable d'aVANCE.
YPRE8, Hi manche Quatrième année. 49. 9 Décembre 1869.
Paraissant le dimanche.
PK1X D'ABOISEHEXT
POUR LA BELGIQUE
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ou envois d'aryent doivent être adressés franco au bureau du journal.
Correspondence particuliere de I'OPiMIOS.
Bruxelles, 8 Décembre.
Nous sommes en pleine trève parlementaire. Cléri-
caux et doctrinaires ont mis bas les armes et écbangent
entr'eux des poignées de main a vous arracher des
larmes d'attendrissement. A la Chambre, silence com
plet. Feu M. de Mérode serait bien étonné, s'il reve-
nait au monde, de trouver a la place de sa volière, un
aquarium.
Notez que personne ne s'en plaint; au contraire. II
y a dix ans, le pays prenait encore au sérieux les
grandes discussions des Chambres. On s'échauffait,
on se passionnait, qui pour M. Dechamps, qui pour
M. Frère-Orban. On avait la foi. Mais a force de sou
lever des montagnes, la foi s'est fatiguée et nous en
sommes arrivés a ne plus nous passionner pour rien
du tout, si ce n'est, de temps a autre, pour le discours
de VI. Bouvier.
Done, le pays a accueilli la trève sans trop de dé-
plaisir. Seulement, il y a des gens sceptiques, qui se
font diflicilement a l'idée qu'elle ait pu se trouver
toule conclue, un beau matin, sans que personne y
ait mis la main. Ces gens-la se rappellent le langage
provocateur des journaux ministériels, les excitations
non moins ardentes de la presse clóricale, et concluent
de la que si I'orage dont nous étions menacés s'est
tout a coup dissipé, ce brusque changement de tem-
pérature doit s'expliquer autrement que par un pur
efFet du hasard. L'Echo du Parlement affirme qu'ils se
trompent; qu'entre la droite et la gauche il n'y a eu
aucune entente préalable et que la trève est sortie
toute seule de la force des choses. Mais, je vous I'ai
dit, les gens dont je parle sont terriblement sceptiques
VEcho du Parlement aura beau les endoctriner, il ne
parviendra pas a les convaincre aussi longtemps que
la Chambre elle-même n'aura pas jugé a propos de
dontier elle-même l'explication du phénomène.
N'allez pas croire, au moins, que je partage leurs
soupcons. Que les radicaux se coalisent avec les hom
mes du clergé, a la bonne heure, e'est ce que l'on voit
tous les jours. Demandez plulót au Progrès. Mais
supposer que les doctrinaires, les purs par excellence,
acceptent des arrangements avec le parti clerical, est
un vrai blasphème. Les doctrinaires ne transigent
jamais, e'est connu. II n'y a que des mécontents, des
brouillons et, pour tout dire, des radicaux, pour prè-
tendre le contraire,
Mais, enfin, pourquoi leur refuser des éclaircisse-
ments? pourquoi se taire, quand il serait si facile de
les confondre? Depuis un mois, les occasions n'ont
pas manqué. La discussion de l'adresse, celle du bud
get de l'intèrieur offraient aux deux partis un terrain
tout prépare pour des explications. On n'en a pas
voulu profiler. Pourquoi.? Que les doctrinaires y
prennent garde le parti liberal ne demande pas la
lutte, mais il veut une paix honorable, el si le minis
tère continue a garder le silence, il finira par croire,
avec les brouillons, que la paix dont nous jouissons
est une psfix honteuse, que 1'on n'ose pas avouer tout
haul.
La Chambre des représentants a rejeté la proposi
tion de M. Couvreur invitanl le gouvernement a dé-
poser sans délai le budget do la guerre. Nous n'aurons
done pas de budget de la guerre cette année; tout au
plus, a dit M. Rogier, pourra-t-il être présenté vers
la fin de la session. En attendant, l'armée vivra de
crédits provisoires.
Pour justifier cette illégalité, le cabinet se retranche
derrière la vacature du département de la guerre.
Nous n'avons pas de ministro de la guerre, dit-il a
I'oppositioncomment voulez-vous que nous vous
présentions un budget?
On savait depuis longtemps qu'il n'y a pas de
ministre sans budget, mais ce qu'on avait toujours
ignoré jusqu'a présent, e'est qu'il n'y a pas de budget
possible sans ministre. La thèse est neuve, coup
sftr, et pour peu qu'elle continue a avoir de succès a
la Chambre, nous verrons refleurir, plus brillants que
jamais, le beau temps des crédits provisoires.
Pas de ministre, pas de budget, dit M. Vandenpee-
reboom. Très-bien, mais quand aurons-nous un mi
nistre? On n'en sait rien et même il parait que cela
ne nous regarde pas; la prérogative royale doit pou-
voir s'exercer en toute liberté nous aurons un mi
nistre de la guerre quand Ie pouvoir exécutif jugera
bon de nous en donner un. Jusque la, soyons bien
sages, votons des crédits provisoires et ne nous préoc-
cupons pas du roste.
En attendant le plaisir du pouvoir exécutif, I'Europe
entière se prépare a une lutte gigantesque. En France,
en Allemagne, en Augleterre, en Russie, partout les
questions railitaires sont a l'ordre du jour et absor
bent l'attention des gouvernements et des peuples.
D'innombrablescommissions fonctionnent dans toutes
lescapitalesetélaborent des projets d'organisation mi
litaire de tout genre. Seule au milieu de tout eet im
mense cliquetis d'idées guerrières, la Belgique attend
paisiblement, pour s'occuper du soin de sa sécurité,
que le cabinet eüt trouvé quelque général a sa conve-
nance qui consente a assumer devant le pays la res-
ponsabilité des idéés personnelles de M. Frère-Orban
sur ia défense nationale, car la est l'unique pierre
d'achoppement. Tout le monde sait que la difiiculté
de pourvoir au remplacement de M. Chazal n'a pas
d'autre cause que la prétention de M. le ministre des
finances d'imposer a son successeur certaines condi
tions préalables assez diiïiciles a accepter, parait-il,
pour qu'elles aient été jusqu'a présent un obstacle au
succès des nombreuses négociations ouvertes avec di
vers généraux de notre armee.
Voila done la situation pas de ministre de la guerre,
a moins que ce ministre ne souscrive au programme
de M. Frère-Orban. Pas de ministre, c'est-a-dire pas
de budget de la guerre, pas d'enquête, pas d'études et
la Belgique en péril de se trouver sans défense au jour
de la lutte qui décidera peut-étre de ses destinées.
Mauvaise foi et inensonge.
Le Progrès prétend dans son numéro du 2 courant
qu'un journal de cette ville se plaint de la relocation
des barrières communales, uniquement, ajoute-t-il,
pour avoir l'occasion de jeter un peu d'odieux sur cer
tain fonctionnaire et ce fonctionnaire, comme on le
devine bien, n'est autre que M. le commissaire d'ars;
rondissement.
Ce qu'on devine moins bien peut-être, c'est l'in—
signe mauvaise foi qui a inspiré Partiele du Progrès.
Nous avons, en effet, parlé de la relocation des
barrières, non pas pour nous en plaindre, sachant
trop bien que leur abolition depend exclusivement des
communes, mais dans le but de signaler une anoma
lie sur laquelle nous avions déjè précédemment ap-
pelé l'attention et qui consiste exiger sur certains
parcours de quelques kilomètres, le paiement de deux
ou trois barrières, alors que la règle place les bar
rières la distance d'une lieue les unes des autres.
On ne méconnaissait pas alors la justesse de nos
observations, on se contentait d'y répondre que nous
arrivions trop tard. Pitoyable excuse pour un fonc
tionnaire intelligent et habile qui devrait découvrir
lui-même les abus et non pas attendre qu'on les lui
montre du doigt
Quoiqu'il en soit, nous avons voulu nous édifier
complétement sur la valeur de la réponse faile a nos
premières réclamations. Nous les avons reproduites
a' temps cette fois et nous sommes curieux de voir,
pour répéter une des expressions dont nous nous
sommes servi, si l'intérêt du commerce continuera
d'être sacrifié aux caprices d'un fonctionnaire.
Nous n'avons nommé aucun fonctionnaire en par
ticulier et nous ne comprenons pas trop pourquoi le
Progrès y mêle le nom de M. le commissaire d'arron-
dissement. Au surplus, si c'est de celui-ci que dépend
le redressement des erreurs signalées, nous ne com-
prendrions pas pourquoi nous ne pourrions lui dire la
vérité aussi bien qu'a n'importe quel fonctionnaire;
on la dit bien aux gendarmes.
Si cependant, de son cóté, le Progrès était animé
de toutes les bonnes intentions dont il fait parade dans
ses colonnes, si son prétendu devouemeut a la chose
publique n'etait pas un leurre pour attrapper les sim
ples, une odieuse hypocrisie, il sejoindrait a nous en
cette circonstance pour réclamer le redressement d'un
abus qu'il ne saurait nier.
■Au lieu de cela, que fait il
II se tail pendant quinze jours; puis quand il se
décide a parler, c'est a la dernière heure, après avoir
calculé que la location des barrières sera terminée
lorsque notre rectification verra lejour.
Alors il dèplace la question, tronque notre article,
passe sous silence I'objet de nos reclamations et nous
prête un mobile odieux.
Enfin, pour donner plus sürement le change, il se
perd dans un óloge intéressé et inopportun de M. le
commissaire d'arrondissement qui a fait des tenta-
lives, dit-il, pour parvenir a 1'abolition immediate et
simultanée des barrières.
Fort bien, et il est facheux que M. Carton n'ait pas
réussi dans ses tentatives. Soit dit en passant, cela
ne prouve pas pour son influence 1 Mais en quoi le
desir des administrations de voir réa ljuger les bar
rières pour 1867, n empêche-t-il de placer chacune
de ces barrières a la distance réglementaire La est
la question et c'est ce a quoi il fallait répoudre. Tout
le reste ne sont que des mots qui prouvent une fois
de plus ['absence de bonne foi qui préside a la polé-
mique du Progrès.
Cette absence, nous ne sommes pas seul a la rele-