JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT YPRES, Ilimanche Quatrième année. N° 52. Décembre I860. Paraissant le dimanche. PRIX n'IBOSXiaiKXT POUR LA BELG [QUE 8 francs par an; 4 fr. 50 par semestre. Pour l'Etranger, le port en sus. Un Numéro 25 Centimes. E'IfiEX SEKS AAAOlCKK ET DES RECLAMES 1© Centimes la petite ligne. Corps du Journal, 30 centimes. Le tout payable d'avancr. Laissez dire, laissez-vous blèmer, mais publiez votre pensée. On s'abonne a Ypres, au bureau du Journalchez Félix Lambin, imp.-libOn traite a forfait pour les annonces souvent reproduiles. Toutes lettres rue de Dixmude55. ou envois d'argent doivent are adressés franco au bureau du journal. Le pavé du PROfiltÈS. Blamé par les hommes les plus modèrés de son parti, abandonné par ses propres eollègues, malmené par la plupart des journaux libéraux, il ne manquait plus a M. le ministre de l'Intérieur, pour épuiser la coupe des vicissitudes humaines, que de connaitre le deboire d'etre defendu par le ProgrèsOu sait l'a- dresse et l'habileté du journal doctrinaire Malheur aux gens qu'il s'avise de prendre sous sa protection Mais, cette fois, il faul dire qu'il s'est surpassè. M. Ie ministre de Ulnterieur n'etait encore que compromis .- il a suffi de deux articles du Progrès pour achever sa ruine. Quelques journaux ministériels, Ie Journal de Liége el I 'Echo du Luxembourg entr'autres, s'êtaient bornés a plaider les circonstances atlénuanles. M. Vanden- peereboom, a les en croire, n'avait pas exactement uiesuré l'etendue des concessions que son projet fe- sait au clergé; sa religion avail sans doute été surprise et l'on pouvait espérer que, dans la pratique, il s'at- tacherait a écarter les griefs qui avaient a juste litre éveillé la susceptibilité du parti liberal. Ainsi disaienl- il et leur explication, si bizarre qu'elle fut, avait toutes les chances du monde d'être accueillie par le gros du public. Mais le Progrès ne l'entend pas de cette facon l'absolution de son client ne suffil pas a son zele il pretend établir, par raison demonstrative, que l'orga- nisation des écoles d'aduliesest pure de tout reproche et que les objections formulées contre l'arrêté royal du ler septembre ne sonl que des arguties, des so- phismes inspirés par le désirde discrediter la can didature de son cliënt aux éleclions prochaines. La thèse, comme on voit, ne manque pas de har- diesse. Peut-être même aurait-elle eu quelque chance de faire son chemin dans le monde des imbeciles, si VOpinion avait été seule a combatlre la mesure si cha- leureusement défendue par le Progrès. Nous n'ignorons pas, en effet,qu'aux yeux de la clientèle habituelle de l'organe doctrinaire de notre arrondissement, notre opposition passe pour être inspirée par des rancunes et des convoilises purement personnelles. Les frères et amis ont imaginé, un beau jour, cette calomnie pour se dispenser, une fois pour toutes, de nous ré- pondre et vraimeut, nous ne saurions trop leur en vouloir de cette petite tactique, qui accuse plus d'in- digence que de méchanceté. Malheureusement, dans l'espèce, comme on dit au Palais, il est bien difficile qu'elle réussisse, car 1 'Opinion, celte fois, avait eté devancée, dans la presse, par des journaux dont le dévouement au ministère nesaurait être mis en doute el, dans le Parlement, par des représentants très- sympathiques a M. Alph. Vandenpeereboom. A qui le Progrès fera-t-il croire que MM. Defré et Bouvier, deux des plus fervents soutiens du cabinet, aient cherché, par la vive critique qu'ils ont faite de l'arrêté du 1" septembre, a èbranler la candidature de M. Vandenpeereboom? Qui admettra que des jour naux tels que l'indépendance, la ileusele Journal de Liégele Précurseurle Journal de Charleroi el tant d'aulres, qui ont attaqué cel arrêté avec une véhè- mence que nous n'avons pas surpassée, se soient laissés guider par des motifs d'animosité personnelle contre M. le ministre de l'Intérieur Si bonaces que se montrent d'habitude les clients du Progrèsnous tenons pour certain qu'ils ne consentiront point a avaler une pilule d'un pareil calibre. Le moyen est done rate et le Progrès en sera pour ses frais de réédition. Mais laissoüs la cette misérable petite tactique du journal de la doctrine yproise et venons au fond du débat. Recueilions tout d'abord de Ia bouche même de notre adversaire un aveu précieux La loi de 1842, e'est lui-même qui l'écrit en toutes lettres, viole in- contesiablement le grand principe de l'indépendance du pouvoir civil, e'est-a-dire, eu d'autres termes, qu'elle viole un des principes fondamentaux du libé ralisme beige. Eh bien, nous n'en demandons pas davantage au Progrèscar cetle affirmation, e'est la condemnation formelle, absolue de la mesure prise par M. Ie ministre de l'Intérieur et la justification de toutes les critiques qu'elle a soulevées dans l'opinion libérale. Et vraiinent, on a peine a comprendre que le jour nal doctrinaire ne sesoit pas apercuque telle etait la consequence forcée, inéluclabie de sa declaration de principe car si la loi de 1842 est en opposition ou- verte, comme il le reconnait, avec un des dogmes fon damentaux de noire foi politique, u'est-il pas évident que plutöt que de chercher dans cette loi condamnee les movens d'organiser des écoles d'adultes, c'etait le devoir d'un ministre représentant l'opinion libérale au pouvoir de solliciter de la legislature une loi nou velle, basée sur le grand principe de l'indépendance du pouvoir civil? N'est-il pas évident aussi qu'en manquant a ce devoir, en organisant les écoles d'a dultes sur le pied des écoles primaires, M. le ministre de l'Intérieur a donné une consecration nouvelle a la suprèmatie du clergé catholique dans l'enseignemenl? La presse libérale n'a pas dit autre chose. Pourquoi done le Progrès l'accuse-t-il d'avoir recours a des arguties et des sopbismes a Une loi nouvelle pour les écoles d'adultes 1 s'écrie s le défenseur officieux de l'arrêté du l°r septembre- mais on risquait d'entourer ces institutions de diffi- cullés qui les auraient élouffees a leur naissauce. Quelles difficultés? Le Progrès ne les indique pas et nous croyons qu'il serait fort empêché de les indiquer. Veut-il dire que, dansun grand nombre de communes, le clergé se serait montré hostile a des écoles dont i'l aurait été légalement exclus? G'est possible. Maisau- jourd'hui nous voyons une foule de communes refuser les subsides dont elles auraient besoin pour organiser convenablement leurs écoles d'adultes, et cela paree que M. le ministre de l'Intérieur a fait de l'interven- tion du clergé dans ces écoles la condition de l'oblen- tion de ces subsides. Le Progrès trouve-t-il que cela soit preferable? D,fficultés pour difficultés, ne valait- il pas uiieux respecter les principes que de les violer II y avait, d'ailleurs, un moyen bien simple d'évi- ter les difficultés prévues par Ie Progrès. C'etait de laisser aux communes la plus entière liberté d'appré- ciation quant a laconvenance d'appeler le clergé dans leurs écoles ou de l'en exclure. S'il est certaines lo- calités, a fait très-judicieusement observer M. Van- humbeek, oü il peut être nécessaire d'avoir un en- seignement religieux dans les écoles d'adultes, il en est d'autres oü i'enseignement religieux écartera de l'ecole d'adultes un grand nombre d'élèves, non paree qu'ils sont moins religieux que d'autres, mais paree qu'il y a un certain amour-propre au cceur de l'homme; il est telles localitésoü les adultes ne voudront pas aller a l'ècole qui leur est destinée, s'ils doivent s'y placer sous la direction du prêtre des citovens qui, déja arrivés a un certain óge, comprenant qu'il leur manque une instruction suf- fisante, consentiront bien aller la puiser dans une école indépendante de touteuseignement religieux, n'iront jamais cependant seremettre au catéchisme o comme de petits enfants. lis se croiraient humiliés ils renonceraienl plutót a l'école. o Messieurs, le parti le plus sage a prendre, c'était de laisser la liberté aux communes. Je regrette que l'honorable ministre de l'intórieur ne l'ait pas com- pris. La solution proposée par l'honorable représentant de Bruxelles n est pas la nótre; elle ne peut pas être non plus celledu Progrès, qui considère comme nous l'intervention du prêtre dans l'euseignement comme une violation du grand principe de l'indépendance du pouvoir civil. Mais elleétait parfaitement ac ceptable dans les idees de M. Vandenpeereboom, qui ne professe point du tout, sur l'inconstilutionnaiité de la loi de 1812, les sentiments que lui prête fort malencontreusemenl notre journal doctrinaire. M. le ministre a rejeté cette solution transaclionnelle. Se- rait-ce par dégout subit des transactions II nous reste a déplorer alors que cette conversion se fasseau dé triment de l'opinion libérale. Que le Progrès nous permelte de le lui dire il s'est affreusement fourvové en prenant pour point de dé- part de sa thèse l'inconstitutionnalité du principe qui consacre l'intervention légale du clergé dans les écoles primaires. Etanl donné que ce principe viole la Con stitution, rien ne pouvait autoriser M. le ministre de l'lnterieur a l'étendre jusqu'aux écoles d'adultes. Cela est clair comme lejour. Aussi, M. Vandenpeereboom n'a-t-il eu garde de placer son arrêté sous l'égide d'une pareille doctrine. Nousavons lu et relu son dis cours il n'y est pas dit un mot qui donne a croire que, dans sa pensee, la loi de 1842 viole le grand principe de l'indépendance du pouvoir civil. Par la même raison, M. Frère-Orban, dont les sentiments sur cette loi sont de lous points opposes a ceux de son collegue, a-t-il dü s'abstenir de defendre l'arrêté pris par celui-ci. lous deux sont restés conséquents avec eux-memes. Mais le Progrès en emprunlant a M. le ministre des Finances ses principes en malière d enseignement pour justifier la mesure prise par M. le ministre de l'lnterieur, a comuiis uue de ces bévues colossales sous lesquelles avocat el cliënt resteut écra- sés a jamais. (La suite au prochain n«.)

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L’Opinion (1863-1873) | 1866 | | pagina 1