JOURNAL D'YPRES DE L'AKRONDISSEMENT
Le tout payable d'aVANCE.
Cinquième année. N° 3
Paraissant le dimanche.
PltlX UUBOUKIIIEIT
POUR LA BELGÏQUË
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TRIBEAAL CIVIL D'VPUES.
Action en dommages-intérêts intenlée par la Société
d'exploitation de Chemins de Feb conlre le journal
/'Opinion. Audience du 9 Janvier 1867.
M" FRAEYS. Parlant pour la Societè d'exploi-
tation des chemins de fer beige et revendiquant la
réparatinn du dommage qui lui a éte infiigè iojusie-
inent, j'ouvrirai le debat par l'exposé succint de la
question deft ree a voire decision. Dans eet exposé,
j'apporterai one impartiable qui ne sera riépassèe
que par ma moderation. Je parlerai sans passion et
aussi sans crainte de cette pub'icité dont on nous
menace, que je reconnais être dans les droits de mon
adversaire, mais queje suspecte de manquer de cette
veneration respectueuse que i'on doit a la jusiice.
Le journal {'Opinion de cette ville publia dans son
numero du 4 fèvrier dernier ['article, base de Faction,
dont je demande au tribunal la permission de lui
donner lecture
Voir /'Opinion du 4 Février 1866.)
Voila Particle que nous incriminons comme por
tent atteinle a la juste consideration sur laquelle nous
avons le droit de compter et couime prejudiciable a
nos intéréts.
A peine cet article avaif-il paru dans le journal
l1 Opinion, que la Soeiete actuelle, qui n'est pas I'abon-
nèe du journal, fut informée par Fun de ses agents de
la teneur de cet article. J'aime a le dire et a le procla-
mer pour en a\oir fait l'expérience, il n'est ceries pas
en Belgique, a I'heure qu'il est, de compagnie de che-
min de fer qui écoute avec plus d'assiduite, avec un
plus grand desir d'y faire dioit, les plainles du pu
blic. Aussi Li Socieie d'exploitation ne fut-elie pas
pressée d'intenter son action, bien qu'elle fut con-
vaincue qu'ii y avait la maliere a reparation. Que St
eile Elie fit proceder a une enquête administrative
sur les fails signales par le journaliste et il en résulta
la rectification dont je vais avoir Fhonneur de vous
donner lecture el qui a éte couimuniquee a la partie
adverse.
Cette rectification, Messieurs, est justifiee par les
feuiiies de route, le rapport du chef d'ordre et les rap
ports que les machinisles sont ob igés de faire en exe
cution de leurs instructions.
Ainsi éclairee sur les motifs des preteudus retards
annoncés par Ie journaliste, la Societè s'est decidee a
intenter son action el a fait assigner en conciliation
l'editeur du journal. Celui-ci coiinparut devaut ie juge
de paix et declara qu'il n'y avail |>as lieu a concilia
tion. Cette èpreuve n'ayant pas abouti, il en resulta
la nécessite d'introduire Faction.Comuie base de uotre
action, nous elisions Votre article n'est pas inspire
par la critique permise a la presse. Nous rendions
ainsi un premier h mintage a cette ptecieuse liberie
qui per met a la presse de s'occuper de tous les inté
réts du public et qui I'autorise a relever, dans des
termes moderes, les erreurs el les abus qui se pre-
senteraient. Mais nous disons Votre article excède
les bornes d une juste moderation. Votre article non-
seulement conlient des faits inexacts, faux, mais en
core vous nous imputez des torts imaginaires, des
torts qui n'oi.t jamais existé.
Considerant la publicite de la feuiile dont il s'agit,
la localité oü elle s'imprime et ou elle se lit, nous
avons crn que le dommage qui nous était fait pouvait
être évalué equitablemerit a une somme de vingt mille
francs. Mais forts de la sol vabi li té de noire adver
saire, nous nous sommes dispenses de réclamer que
la condemnation soit prononcee avec la contrainte
par corps. Nous dernandons une somme de 120,000 fr.
sauf au tribunal a en arbitrer une autre, selon la va-
leur du dommage qu'il jugera nous avoir été in-
fligé.
M'autorisant de l'exemple de l'un des plus grands
magistrats de ce temps, je devrais peut-être ces
ser ici ma plaidoierie et dire Vous connaissez
l'article; a vous de voir s'il est écrit avec cette
modération qu'on est en droit d'attendre de quelqu'un
qui sedonne la mission de surveiljer les intéréts pu
blics. Ce serait a vous de dire si cet article ne contient
pas des imputations qui sont de nature a porter at
teinle a la consideration de la Sociéte anonyme et a
lui occasionner un dommage. Nous pourrions encore,
avec l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles, dans
Faffaire des Helges-Réunis contre le Journal d'Anvers,
vous dire I! restera a apprécier si cet article con
tient des imputations d'uue gestion mauvaise et mal-
honnête. Mauvaise et malhonnète, je répète le mot,
car si I'on n'a parle d'abord que de gestion mauvaise,
on a ajoute Ie mot malhonnète dans les èorils en cours
d'instance. C'est a vous a déoider, dis-je, s'il y a des
imputations d'une gestion mauvaise et malhonnète,
imputations qui donnent toujours ouverture a une
reparation, ou s'il s'agit simplement d'une discussion
d'attributions mauvaises ou d'exploitation laissaot a
desirer.
Je pourrais, m'autorisant de ce double exernple,
m'arrêter ici. Malheureusemènt, mon adversairea fait
prendre a la cause une tournure telle que force m'est
de continuer mon exposé en réponse a l'article. Le
dèfendeur a fait signifier une demande eri reconven
tion. II a dit qu'en annoncant les faits relates dans
son article, il n'a été que Fecho des plainles nom-
breuses du public; qu'il est notoire que le service
dont i! s'occupe est loin de marcher avec la régula-
ritè qu'on est en droit d'en altendre; qu'il n'a fait
qu'user d'un droit de critique qui est esseutiel a la
liberie de la presse qu'il a rempli un devoir d'autant
pius impérieux qu'il s'agit d'actesauxquels le public
est grandemenl intéressé, d'actes poses par une So
eiete dont Fincurie et le mauvais vouloir ne peovent
trouver de retnède que par une protestation par la
voie de la presse. On dit enfin que l'article ne depasse
pas les bornes d'une critique loyale et modèree, qu'au-
cun prejudice n'a pu en resulter pour la Societè.
Sur ce terrain, je n'ai rien a ajouter. Si l'article
est fail dans 'es bornes d'une juste critique, si, eu
definitive, l'editeur n'a fait que rendre service au
public sans porter la moindre atteinle a la considéra-
tion de la Soeiete exploitante de chemins de fer, sans
nuire a ses intéréts, je suis le premier a reconnaitre
que le defendeur doit echapper a mon action et qu'il
y a lieu de condamner Ia Société demanderesse aux
frais de I'insiance.
Viennent ensnite les conclusions reconvention-
nelles. Voici sur quoi elles sont fondres.
Elles tendent a obtenir, a titre de dommages-inté
réts, une somme de trois mille francs. Je ne sais ce
qo'on vent chiffrer par cette somme de trois mille
francs. II est probable que tout a I'heure nous serons
mieux éclairés a cet égard. Mais voyons quelles sont
les bases de cette demande reconventionnelle.
II est évident que Faction est dénuée de tout
fondement sórieux.
II est probable, Messieurs, que le tribunal rend
autant de jugements qui déboutenl les deinandeurs
de leurs actions paree qo'elles n'ont aucun fondement
sérieux, que de jugements accueillant des actions,
parce qu'elies sont serieusemenl fondées. Mais je suis
sür que si je consultais tous les regislres du gieffe,
je ne trouverais aucune condamnation prorioncèe a
charge du dernairdetir, parce que son action serait
dénuée de fondement.
L'action est intentee pour occasionner des tra-
casseries, des désagrémenis tout gratuits au defen
deur.
Ceci est précieux. Quoi, voos me mettez en pieces,
vous medèchirez, vous m'accusez d'exposer la vie de
mes concitoyens par I'incurie et la negligence de mon
exploitation at quand vous me iraitez de cette rna-
nière, contre tout droit et toule justice, moi qui me
trouve en droit de me défendre contre votre accusa
tion, vous viendrez m'opposer queje vous tracasse,
que je vous fais perdre un temps précieux, et de ce
chef je vous devrais trois mille francs
Depuis 35 ans que je plaide, je n'ai rencontré ni
dèfendeur ni deman leur qui ne se trouvat très-tra-
cassé d'avoir un procés, mais je n'ai jamais conelu du
chef de tracasserie a l'obtention de dommages-inté
réts.
On a, dit-on encore, dénaturé le sens el le but
de l'article.
Si nous avons dénaturé le sens de votre article, il
peut en résulter que notre action n'est pas fondée,
mais il nVn résultera certainement pas que vous
soyez en droit de nous inlenter une action en repa
ration civile.
II importe au pubUc que la presse ne soit pas
enlravée dans sa mission par des poursuites de cette
nature; il importe également que les éditeurs, les
imprimeurs, les distributeurs ne soient pas tracassés,
ne snient pas distraits de leurs occupations.
Je suis fort etonné de ne pas voir figurer le rédac
teur dans cette riche nomenclature Le rédacteur,
vous pouvez done le tracasser, lui faire perdre son
temps. Mais gardez-vous de toucher aux éditeurs,
aux imprimeurs, aox distributeurs. A ceux la vous
occasionnez une perte de temps et vous leur devez
reparation.
Enfin, dit-on, Faction est intentee au mépris des
principes conslitutionnels; elle est m dveillanle au
fond, iojurieuse dans la forme et parlant preju !i-
ciable. Concluons a fr. 3,000 do dommages-inté
réts.
Si je demandais a mon honorable contradicteur