fer de la Fiandre occidentale pourronl Ie certi- fier. On sait les faits auxquels l'honorable sénateur fai- sait allusion. Je me permettrai de les rappeler pour l'édification de mon estinié contradicteur. II y avait, a proximité d'une station, un cabaret tenu par la femme d'un employé du chemin de fer attaché au service des trains. Les trains s'arrêtaient a cette station bien plus longtemps qu'il ne le fallait, afin de fournir aux vo ageurs allèrés l'occasion de se rafraichir chez l'employé susdit. II en résultait natu- rellement des retards dont les aulres voyageurs se plaignaient, inutilemeut, bien entendu. Mais ce n'est pas tout. A coté de eet abus il en avait surgi un autre. C'est que les voyageurs qui attendaierit dans les estaminets rivaux l'heure des départs, voyaient le plus souvent partir le train sans être avertis. On ne donnait plus même le signal réglementaire. Les voya geurs qui se trouvaient dans le cabaret du garde étaient discrètement avertis. Quant aux autres, on leur hrftlait, comme on dit, la politesse, afin qu'a I'aveuir ils se souvinssent, mieux avisésd'aller prendre le petit verre d'attente dans le cabaret de l'employé. Mais laissons ces détails. Après le témoignage de M. Mazeman.en voici main- tenant d'autres dont on ne suspectera guère non plus la bonne foi. Nous entendons parler des rapports des Cham bres de Commerce. Voici ce que dit le rapport de la Chambre de com merce d'Ypres pour l'année 1862 Nous avons aussi a signaler, depuis quelque temps, plus de ponctualitó dans le départ et l'arri- vée des convois. Vous entendez. On a la trés petite satisfaction de signaler un peu plus d'exactitude ou, pour mieux dire, un peu moins d'inexactitude que de coutume. Mais on est loin de se declarer content, de faire l'éloge du service. II u'y avait pas de quoi, en effet, car e'etait encore au lemps oü fiorissait en plein le cabaret du garde dont nous venons de parler. Voila pour l'année 1862. M" FRAEYS. La Société d'exploitation ne vi- vait pas encore. Me BOSSAERT. C'était l'autre, soit. M° FRAEYS. Celle dont nous nous occupons n'est done pas en cause. M° BOSSAERT. C'était une autre, je le veux mais ce sont toujours les mêmes errements et je com mence même a croire que nous avons perdu au change. Si nous invoquons ces faits anciens, c'est pour prouver que jamais nous n'avons eu lieu d'étre satisfaits, et qu'on s'est plaint bien avant notre journal. Ces anciens abus, nous ne detnandons pas d'ailleurs a les prouver contre vous. C'est bien assez de vos propres fautes et ce sont celles-ci seules que nous voulons, au besoin, faire attester en justice. Après le rapport de 1862, voici celui de 1864. II porte que le matérie! laisse a dèsirer et qu'il serait temps de prendre des mesures pour le renou- veler, et pour remédier a l'insuffisance de celui qui fonctionne. Or, qu'a-t-on fait depuis cette époque? Quelles sont les mesures que l'on a prises Oü sont les locomotives et les voitures qu'on a fait construire Ce ne sont ap paremment pas celles qui ont donné lieu aux nom- breux accidents que nous avons eu a conslater depuis quelques mois? Ecoutons maintenant la Chambre de commerce de Roulers. Celle-ci y va avec moins de ménagement. Peut être que ses griefs étaient plus considerables Nous voudrions (dit le rapport de 1861ne plus avoir a renouveler les griefs relatifs a la désorgani- sation compléte des services du Chemiu de fer de la Fiandre occidentale, que la Chambre de com- mcrce se voit dans la nécessité de signaler périodi- quement au gouvernement. Malheureusement nos réclamations les mieux fondées restent sans résul- tat et l'administration n'y oppose qu'une réponse, invariablemeut Ia même non possumusLe privilége d'exploiter une voie de communication ne crée-t il que des droits, n'engage-t-il a aucun de- o voir et n'emporte-t-ii pas, tout au moins, l'obliga- tion d'organiser des services qui ne fassent pas journellement regretter Ie temps heureux des malles-postes? d Nous en sommes la, M. le Ministre. Voila ce qu'on disait en 1861. Le rapport de 1862 formule les mêmes griefs. Nos protestations antérieures restent malheu- reusement üebout, et la situation n'a pas change. Pour la régularité et la célérité des dépêches, les malles-postes repondaient mieux aux intéréts du commerce. La situation faite au commerce et a l'industrie est intolerable. Malgré des réclama- tions modérées, nous n'avons rien obtenul n Puis le rapport conclut Ces choses-la sont profondément déplorables, et n elles deviennent incompréhensibles lorsqu'on met en regard le produil des divers bureaux de la ligne et. que les chiffres ofïiciels établissent que le nom- bre des voyageurs et les quantités de marchandises transportées dé Roulers, surpassent de beaucoup v les résultats obtenus ailleurs Voila, certes, des plaintes aulrement amères, des critiques aulrement acerbes que celles de VOpinion. A quoi ont-elles abouti? Le rapport le dit a rien. Plus favorisées, les uótres ont abouti a ce procés. II y a au moins quelque pro^rès. Mais il n'y a pas seulemenl la voix autorisée de M. le sénateur Mazeman et le témoignage des Ghambres de commerce. II y a la grande voix de la notoriètë et l'éclatant témoignage du public. Tous les faits sont connus. Tout le monde sail, a Ypres et dans les envi rons, combien les critiques du journal ici incrimi- nées sont legitimes, jusles et fondées. El. vous- mêmrs, Messieurs, l'ignorez moins que personne. Que mon honorable contradicteur qui vient de Bruges et qui, de plus, est le conseil en titre de Ia Societe demanderesse, ignore cesfais, je le comprends. Je serais même etonné qu'il les connüt et ce qui me charme particulièrement en lui (a part le plaisirde le voir arrivé ici sans accident) c'est précisément sou imperturbable confiance dans l'infaillibilité de la So ciété qu'il représente. Pareil atlachement est beau et devient plus rare de jour en jour. Mais Me Frayes me permeltra de lui dire, sans que sa susceptibilité eu soit froissée, car je le dis a l'honneur d'un ordre au- quel nous appartenons tous deux, qu'ici a Ypres, pas un seul confrère n'eül acceptè de plaider la culpabilité ét la recevabilité de Paction intentéel M. BEKE. C'est vrai Me BOSSAERT. Je m'attendais a ce témoignage et je remercie Me Beke de l'avoir formulé au nom de tous nos confrères. Ainsi disparait, Messieurs, jusqu'a l'ombre de toute malveillance dans Partiele poursuivi! Que si, par impossible, les faits relevés pouvaient paraitre douleux, et que le Tribunal crüt devoir en ordonner la preuve, eh bien 1 cette preuve, nous of- frons de la fournir. Nous avons arliculé une tren- taine de faits en sus de ceux articulés dans le jour nal, mais c'est par centaines que nous aurions pu procéder. Nous sommes tombés dans l'embarras du choix. C'est qu'il n'est pas un seul habitant d'Ypres, de Poperinghe et des autres communes voisines; pas un seul voyageur ayant quelque peu fréquenté la ligne d'ici a Bruges, qui n'ait eu a essuyer personnel- lement ou ne sache avoir etè essuyé par d'autres, quelque retard, quelque désagrèinent, quelque sujet de plainle. Nous ne retilrerons pas ici dans l'examen de tous les faits articulés. Ce serait trop long, et d'ailleurs superfiu. Nous nous bornerons a relever quelques faits dont nous avons une connaissance toute person- nelle, pour nous être arrivés a nous-même. Ainsi, le 10 juillet 1865, venant de Menin, j'ai attendu le train jusqu'a minuit, dans la station de Comities. A cette époque, les retards étaient la régie. Le 12 avril dernier, me trouvant a Wervicq, je veux lancer une dépêche a Comines, distant, comme on sait, d'une demi-lieue. Or, ma dépêche a mis trois heures a pür- venir. Le bureau de Comines ètait abandonne, et les communications avaient été ouvertes sur Ypres oü les appels rèiterès allaient importuner les employés. Pendant trois heures, M. ie chef de station de Wer vicq, avec une grace et une obligeance dont je le re mercie encore, s'est obstiné a transmettre des signaux qui a la fin ont éte entendus. J'aurais pu, dans ce laps de temps, porter trois fois ma dépêche moi- même et en rapporter chaque fois la réponse. Voila ce qui m'est arrivé, a moi. J'en passe encore. Vous parlerai-je, après ce'ia, de faits arrivés a d'au tres? De eet habitant d'Ypres, par exemple, qui, se trouvant a Bruxelles, envoie une dépêche a sa familie pour l'informer qu'il rentrerait le lendemain et qui, le lendemain, recoit lui-même sa dépêche, trois ou quatre heures après sa rentree a Ypres Cela pourrait égayer ces débats, mais n'ajouterait rien a la valeur de notre argumentation. Tous ces autres faits, vous les trouverez d'ailleurs, Messieurs, dans les actes de la procédure. Maintenant, la preuve de ces faits, est-elle admis sible La Société demanderesse soutient que non^ tranchant ainsi en sa faveur une question qui a etè un peu légèrement soulevée par quelques journaux. Un journal a dit, en effet, et d'autres ont répété après lui, que ce procés soulèverait, au point de vue de l'ad- missibililé de la preuve des faits, l'intéressante ques tion de sa voir si l'on peutassimiler une Société indus- trielle, concessionnaire d'un service public, a un func- tionnaire public Le fait est que ce procés ne pouvait, par lui-même, soulever rien de pareil. Mais devant notre écrasante articulation, l'extrême peur de la demanderesse, qui affecte de regretter la publics té pour vous, Messieurs, mais qui ne la redoute que pour elle-même, son extréme peur, dis-je, a rendu les susdits journaux bons prophèles. La question est done soulevée et l'on invoque l'ar- ticle 5 du décret de 1831Or, loin de pouvoir être in- voqué par la demanderesse, ce texte lui est positive- ment contraire L'article est ainsi concu Le pr tvenu d'un délitde caloinnie pour imputa- n tions dirigées a raison de faits relatifs a leurs fonc- tions, contre les dépositaires ou agents de l'auto- rité, ou contre toute personne ayant ayi dans un caractère publicsera admis a faire par toutes les voies ordinaires, la preuve des faits imputés, sauf Ia preuve contraire par les mêmes voies. II va sans dire, Messieurs, qu'une Société conces sionnaire d'un service public, agissant comme délé- guée du gouvernement et investie même de certaines attributions de l'autorité, que cette Société n'agit et ne peut agir que dans un caractère public. Nier cela, c'est nier le soleil en plein jour, et pareille négation ne mérite pas qu'on s'y arrête Mais l'admissibilité de la preuve est irrécusable pour une seconde raison, encore plus péremptoire. Cet ar ticle 5 du décret ne vise en définitive que le cas de dé- lit de calomnie commis au prejudice d'un fonction- naire, et de poursuites intentées devant la juridiction répressive. Mais nous ne nous trouvons pas dans une situation pareille. II ne s'agit pas ici de délit de calom nie ou d'injure, mais d'allégations reprochèes comme simplement inexactes et dommageables. Nous ne nous trouvons pas devant la juridiction répressive, mais devant la juridiction civile. Nous sommes done, non pas dans l'exception, toute favorable d'ailleurs, de l'article dont s'agit, mais dans un cas de droit com- munf»t,d'oü que la preuve eslesseutiellement admis sible 1 Et c'est ce que la doctrine admet sans contro verse aucune. Voici ce que dit M. Schuermans, page 290 S'il s'agit d'un fait relatif aux fonctions d'un mandataire de la nation, la preuve de l'allégation poursuivie comme mensongère, peut toujours être rapportée. II doit en être de même lorsqu'il s'agit d'actes pu- blies poses par un particulier; la preuve en est ad- n tnissible, parcelaseulqu'elle est prohibéealorsseu- lement qu'il s'agit de calomnie ou d'injure. Et puis a la page 309 Mais, par hypothèse, il s'agit sèulement dans le présent chapitre d'allégations dommageables, de quasi-délits que le iuge déclarerait ne point con- stiluer descalomnies II est naturel, dés lors, d'éta- blir comme principe, que les régies spéciales a la a calomnie ne peuvent être étendues a Faction civile non-fondée sur ce délit. C'est ce qu'a décidé la jurisprudence, en admet- tant la preuve des allégalions quasi-délictueuses, et en ne reslreignant pas la prescription de Faction civile aux délais établis par l'article 12 du décret pour la prescription des délits de calomnie ou d'injure. (Cass., 4 mars 1847, Eclaireur c. le curé de Floreffe. Tournav, 19 fév. 1844. Dumon c. Echode Tournai. C. Brux., 8 juillet 1839, de Ruysscher c. Mépistophélès) Ainsi la vérité d'une action dommageable, mais non dólictueuse, pourra en termes de défense, sur- tout si l'allégation est poursuivie comme menson- gère, être établie par la partie poursuivie a l'aide de tous les moyens ordinaires de preuve admis par la loi, et non plus seulement a l'aide de la preuve résultant d'un jugement ou d'un acte authentique et cela sans distinguer s'il s'agit de fonctionnaires ou de particuliers. La preuve étant admissible, les faits sont-ils perti nents? Féconde en expédients, et ayant plus de res sources dans son sac de procédure que dans ses gares et sur ses lignes, la dem inderesse s'est réservé une autre porte de derrière. Et cela ne nous surprend

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L’Opinion (1863-1873) | 1867 | | pagina 3