JOURNAL D'-YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
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¥1*11 ES, Dimanche Cinquième année. N° 6. 10 Féyrier 1867.
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Ainsi que le fesait pressentir la dernière lettre de
nolre correspondant de Bruxelles, VAssociation libé
rale a repoussé la candidature de M. Albert Picard et
adopte, a une immense majorité, celle de M. Watteeu,
échevin de Bruxelles et membre du Conseil provincial
du Brabant.
Si la préférence accordée a la candidature de M.
Watteeu lenait a des considéralions de personnes,
nous ne nous reconnaitrions le droit de discuter ni
cette préférence, ni les considérations qui l'ont dictée.
Mais les discussions qui out précédé l'ouverture du
poll et le langage des journaux qui patronent l'heu-
reux concurrent de M. Picard temoignent a toute evi
dence que VAssociation libérale de Bruxelles, en ar-
rêtant son choix sur M. Watteeu, a entendu poser un
acte essentiellement politique et, dès lors, il nous
appartient d'en dire notre avis, avec d'autant plus de
droit que les journaux officieux semblent proposer sa
conduite en cette cireonstance comme un exemplo bon
a suivre par toutes les autres associations du pays.
Personne n'ignore que Association libérale de
Bruxelles est partagée en deux nuances, ayant cha-
cune ses représentants dans le Parlement. En 1865
la nuance progressiste en comptait cinq et la nuance
dite doctrinaire, six. Lorsque, l'annèe suivante, l'a-
doption de la proposition Orts vint accroitre de deux
représentants de plus le chiffre de la deputation
bruxelloise, la nuance avancée éleva la prétention as-
sez lègilime, on l'admettra, d'obtenir pour elle un des
deux siéges nouveaux et elle proposa la candidature
de M. Albert Picard en opposition celle de M. Brous-
tin, recommandé par les doctrinaires. Lepoll de ['As
sociation donna raison a ceux-ci et M. Picard relira sa
candidature.
Par le fait de l'élection de M. Broustin, le nombre
des représentants de la nuance doctrinaire dans la
Chambre se trouvait done porté a sept, M. Anspach,
le second candidat élu avec M. Broustin, ne pouvant
être considéré comme appartenant plus spécialement
a l'unedes deux nuances qu'a l'autre.etla représen-
tation des progressistes restait fixée a cinq.
Tel était l'état de choses a la mort de l'honorable
M. Goblel. Le défunt appartenait, on le sait, a la
nuance avancée de I 'Association libérale et, dès lors,
il n'était que juste, semblait-il, de laisser a ses amis
politiques le soin de lui donner un successeur. Mais
les doctrinaires ne l'entendaient pas ainsi, et a peine
la candidature de M. Albert Picard fül-elle connue,
qu'on vit surgir celle de M. Watteeu, patronée par
les mameluks les plus dévoués du ministère. On sait
le reste Cette fois encore le scrulin préparatoire a
donné tort au parti progressiste et les heureux doc
trinaires triomphent sur toute la ligne.
Le caractère, les antécédents politiques de M. Al-
bert Picard inspiraient-ils quelque défiance au parti
doctrinaire Les journaux minislóriels affirment que
non; ils sont les premiers a rappeler que e'est a IMs-
sociation libérale que eet honorable citoyen doit son
mandat de député provincial et loin de coDtester ses
litres a un mandat plus élevé, ils les exaltent, au
contraire, au point d'eflaroucher sa modestie. Mais,
en repoussant cette candidature, disent-ils, l'^ssocict-
tion libérale a obèi a un grand devoir il importait de
donner une lecon sévère auxmeetingistes qui l'avaient
prise sous leur patronage et de montrer a ces turbu
lents que le parti de l'ordre n'est pas d'humeur a
souscrire a leurs exigences. L'échec de M. Picard n'a
point d'autre signification.
Qu'y a-t-il de vrai dans cette explication? Les faits
vont nous le dire. En 1865, M. Picard avait obtenu a
VAssociation 122 voix et, certes ce n'étaient pas des
voix appartenant au Meeting liberal, car a ce mo
ment pas un membre du Meeting ne fesait partie de
I'Association et Ie Meeting lui-même refusait de porter
M. Picard sur sa liste provisoire.
Un an se passe. Une scission se déclare dans le
Meeting. Une cinquantaine de membres quitlent cette
société pour entrer a Association libérale. Quelques
mois après, celle-ci est appelée a donner un succes
seur a M. Goblel, et paree que la majorité suppose que
les 50 nouveaux venus qu'elle a cependant accueillis
sans réserves pourraient bien avoir des sympathies
pour la candidature de M. Picard, elle s'arroge le
droit, mieux encore, elle considère comme un devoir
de ravir a la minorité le siége dont elle était en pos
session depuis 1859 pour le donner a un des siens. A
qui I 'Echo du Parlement fera-t-il croire que ce pré-
tendu devoir est autre chose qu'un prètexte imaginé
pour dissimuler le scandale d'un pareil abus de la
force
Les motifs de l'opposition injustifiable qu'a rencon-
trée la candidature de M. Picard, Vindépendance les a
signalés dans un article qui mérite d'être médité par
tousceux qui ont a cceur la sincérité, la loyauté du
régime représentatif en Belgique.
a Si la candidature de M. Albert Picard a échoué,
i) dit Vindépendance, ce n'est pas a cause du patro-
nage du Meeling, il lui eüt été d'autant plus dif—
ficile de s'y soustraire que ce patronage n'existait
u pasc'est paree que M. Alb. Picard joint a d'incon-
testables qualités un immense défaut, la naïveté.
Etranger a toute intrigue, sincère dans ses convic-
tions, franc dans ses allures, il lui répugnerait de
se soumettre aux influences qui, depuis quelque
temps, font la pluie et le beau ternps a I'Association
libérale, et règlent le thermomètre du libéralisme,
ayant bien soin le plus souvent de le fixer au-des-
sous de zéro. 11 croit que, pour avoir le droit d'as-
pirer a l'honneur de siéger a la Chambre parmi les
membres du parti libéral, il suflit deprofesser les
d grands principes du libéralisme, d'avoir prouvé
o qu'on est de force a les défendre et qu'on n'est pas
homme a les trahir. Mais malheureusement il se
trompe. Pour avoir quelque chance de succes, uu
candidat libéral, füt-il cent fois digne du mandat
parlementaire, doit avant tout oblenir l'agrément
des influences dont nous venons de parler. Le ea-
ractère indépendant de M. Albert Picard, voila ce
qui l'a compromis, ce qui l'a fait échouer a deux
reprises, en dépit de ses intentions conciliantes, de
sa loyauté, de la sympathie qu'il inspire et de la
haute estime que chacun lui accorde.
VEcho du Parlement le nie. Cela va sans dire.
l.a candidature agréable, cette variété de la candi
dature officielle, n'existe, a l'en croire, que dans
notre imagination.
Qui done VEcho du Parlement espère-l-i\ abuser?
S'imagine-t-il qu'on ignore oü, comment, par qui
a été inventée l'année dernière la candidature de
M. Broustin, cette année la candidature de M. Wat
teeu Groit-il qu'on ne s'explique pas très-claire-
m°nt par quelles influences M. Watteeu, qui en
1859 une date assez maladroitement évoquée
par notre coutradicteur figurait sur la lisle de
VAssociation libérale, sur la lisle des jeunes libéraux
conlre lesquels VEcho du Parlement fulminait l'a-
nathème, qu'il représentait comme les adversaires
du libéralisme constitutionnel, comme les plus dan-
gereux ennemis de nos institutions, croit-il
qu'on ne sache pas quel changement de front fait
aujourd'hui de M. Watteeu le candidat d'une .4sso-
ciation libérale nouvelle, ou tout au moins renou-
velée, et le candidat de I'Echo du Parlement?
Pour notre part, nous l'avons déja dit, nous ne
comprenons pas l'intervention, même déguisèe, du
ministère, dans les discussions qui s'engagent en-
tre libéraux sur des candidatures libérales. Mais ce
que nous comprenons moins encore, c'est l'appui
donné par un ministère liberal réformateur, a des
candidats que ses réformes sont bien loin d'enlhou-
siasmer.
C'est pourtant la que nous en sommes. Le mi
nistère, par exemple, ne demanderait pas mieux,
nousa-t-on dit souvent, que de réviser la loi du
23 septembre 4 842. La crainte d'indisposer Ia ma
jorité libérale est la seule considération qui l'em-
pêche de prendre l'initiative de cette réforme. Mais
que, dans une lutte électorale, deux candidats libé
raux soient en présence, l'un adversaire, l'autre
partisan de la loi de 1842, il est certain que l'in-
fluence ministérielle s'exercera au profit de celui
qui ne veut pas toucher a la loi dont le ministère
désire ardemment la réforme.
Situation bizarre et bien faite pour nous faire
réflechir sur les aspirations réformatrices du gou
vernement. Ce qui vient de se passer a Bruxelles
prouve que nos craintes ne sont pas chimeriques.
Le gouvernement a proposé a la legislature la sup
pression pure et simple de la contrainte par corps,
Ia suppression pure et simple de l'article 1781 du
Code civil. A qui neanmoins VEcho du Parlement,
organe avoué du ministère et de ses amis les plus
intimes, a-t-il accordé son appui Au candidat qui
se prononcait nettement pour ces deux réformes
radicales? En aucune facou, mais, au contraire, au
candidat qui n'acceptait qu'en partie la première
et repoussait la seconde.
B C'est en faveur de l'adversaire des réformes mi-
nistérielles que jouent les batteries ministérielles.
Et puis l'on nous dira que si le ministère ne s'a-
vance qu'a pas comptés, timidement, dans la voie
des réformes, cela tient a la résistance de la majo
rité libérale, moins hardie, moins avancée que lui-
même, et toujours disposée a le reteuir, dès qu'il
s'efforce de marcher. Si cela est vrai, pourquoi
done les hommes qui n'entrent a la Chambre que
pour renforcer ces timidites et ces résistances sjnl-