JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, l)i manche"
Cinquième année. N° 8.
24 Février 1867.
Paraissant le dimanche.
PRIX B'IBOSSEMEST
POUR LA BELGIQUE
francs par an; d fr. 50 par semestre.
Pour l'Etranger, le port en sus.
Un Numéro 25 Centimes.
PRIX. RES AilNOAICES
ET DES RECLAMES
10 Centimes la petite ligne.
Corps du Journal, 30 centimes.
Le tout payable d'avance.
Laissez dire, laissez-vous blémer, mais publiez votre pensée.
On s'abonne a Ypres, au bureau du Journal, chez Félix Lambin, imp -lib.,
rue de Dixmude59.
On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres
ou envois d'aryent doivent être adressés franco au bureau du journal.
Ea peste bovine et la peste cléricale.
Nous avons sous les yeux une lettre pastorale
adressée a ses diocésains par Mgr de Montpellier a
1'occasion de la peste bovine qui sévit en ce mo
ment dans le Limbourg.
Les journaux cléricaux se. sont respectueusement
empresses, comme c'était leur devoir, de communi-
quer a leur pieuse clientèle la consultation médico-
théologique de Mgr de Liége. Nous regrettons vive-
ment que ie défaut d'espace ne nous permette pas
d'imiter leur exemple etqu'il nous oblige a restreindre
a quelques courts passages la reproduction d'un docu
ment qui se recommande a un si haul degré a l'atten-
tion de tous ceux que préoccupe l'avenir intellectuel
de nos populations.
Veut-on savoir la véritable cause de l'épizootie 1
Inutile de s'adresser la science humaine; elle est
impuissante a rendre compte de ce phénomène palho-
logique. Mais Mgr de Montpellier, qui ignore proba-
blement les premiers éléments de l'art vétérinaire, va
nous la dire La peste bovine, ce n'est pas autre chose
que la justice du ciel, méconnue et provoquée, qui
avertit les hommes, en les frappant, qu'elle veille
sur leurs oeuvres et qu'elle ne remet pas toujours
au-dela de la tombe a leur en demander compte et a
en tirer vengeance.
Vengeance, mais de quoi? Quel crime abominable
peuvent avoir commis ces maiheureux distillateurs
de Hasselt, pour que la justice divine s'appesantisse
sur eux avec une pareitle rigueur?
Apprenons d'abord, par la bouche de Mgr de Liége,
que quand la justice de Dieu se manifeste en ce
monde, elle alteint en même temps les bons et les
méchants, les innocents et les coupables Mgr n'a
done pas voulu dire que les distillateurs et éleveurs
de Hasselt aient atliré le courroux du Ciel par leur
conduite, mais ils paient pour nos crimes a nous
tous, en attendant le jour de la liquidation universelle,
qui fera le compte de chacun
Notre crime a tous, e'est la transgression de la loi
du repos dominical. Cette loi est violée de plus en
plus et toujours avec scandaleelle est méconnue
au point d'etre comme tombée en désuétude pour
un grand nombre, et voila pourquoi le bras [le
Dieu s'estappesanti si rigoureusement I'année der-
nière, sur le pays et pourquoi, cette année, les
étables de Hasselt sont ravagées par la peste bovine.
On ne devait pas s'attendre, en vérité, a voir le mi
litant évêque de Liége prêter d'une fagon aussi ridicu-
lement absurde les plus gros accents de sa voix a des
préjugés de bonne femme. II s'agissait tout simple-
ment de rappeler les fidèles a la sanctificalion du di
manche. Qu'a-de commun un objet aussi simple et
aussi louableavec le choléra et la peste bovine? M. de
Montpellier s'adresse a la superstition populaire qui
voit des manifestations de la colère divine, des aver-
tissements d'en haut dans des phénomènes qui ne
sont, il le sait bien pourtant, que des effels nécessaires
des lois naturelles. Qui aurait prevuque M. I'evêque
de Liége tomberait si bien d'accord avec le Chinois
qui, pour apaiser le courroux des célestes Dragons,
frappe son poing devant l'éclipse de lune Rien de
plus respectable, sansdoute, que les exhortations de
la morale religieuse s'adressant dans l'intimité de la
conscience aux délicates responsabilités de l'ame hu
maine; mais rien aussi de plus choquant que ces dé-
clamations théurgiques qui s'efforcent d'altérer le
sens des lois physiques.
Le domaine de la foi n'appartient pas a la discus
sion politique, et de même que nous ne reconnaissons
a personne le droit d'interroger nos croyances reli-
gieuses, nous nous abstenons de toute investigation
dans les croyances d'autruimais quand nous voyons
un prince de l'Eglise, une des lumières de notre épis-
copat, abuser du prestige qui l'environné pour propa-
ger de stupides préjugés, nous considérons comme un
devoir dê la presse de prolester contre eet empoison-
nement moral de nos populations et de mettre au ban
de la civilisation le prélat qui, sciemment, de propos
prémédité, inocule aux ómes naïves qui se lournent
vors lui, le virus du crétinisme et de la superstition.
Si la loi est impuissante a punir de tels attentats, il
appartient a l'opinion publique d'en faire justice et de
les flétrir avec d'autant plus de sévérité que le coupa-
ble se croit mieux protégé contre ses arrêts.
La lettre pastorale de Mgr de Liége nous remet en
mémoire une vieille anecdote qui a bien son prix.
Des villageois s'en vinrent un jonr demander a leur
curé de vouloir bien ordonner des prières publiques
a l'effet d'obtenir de la pluie pour leurs campagnes
torréfiées par le soleil. Je le veux bien, mes enfants,
répondit le bonhommemais je crains bien que ie
bon Dieu n'exauce pas nos prières aussi longtemps
que Ie vent soufflera du midi. Ce curé n'était qu'un
homme d'esprit. Mgr de Montpellier est un habile
homme.
Re Ia publicité des séances du Conseil
communal.
La publicité n'est pas d'ordre
constitutionnel pour que les drö-
les vexent les honnêtes sens.
Progrèsn» du 14 février).
Nous voila bien avertis! II parait done que Ie Con-
grès, lorsqu'il iuscrivit dans Partiele 108 de notre
glorieuse charte le principe tutélaire de la publicité
des séances des Conseils communaux, avait en vue
deux catégories de ciloyens entre lesquels il sous-en-
tendait établir une judicieuse et profonde difference,
savoir les honnêtes yens et les dröles.
Les premiers, on les connaitce sont les bien pen-
sanls et les satisfaits sous tous les régimes. On sait
aussi quels Sont les autres. Ce sont les curieux; c'est-
a-dire les commettants atteints, comme feu Labiénus,
de monomanie raisonneuse; e'est-a-dire ceux qui
veulent savoir de quelle fagon on administre leurs
affaires, et de quelle manière s'acquittent de leur tache
les concitoyens qu'ils ont nommés leurs mandataires.
Gens defiants et importuns, sous tous les régimes
aussi, prenaut tout bonnement les magistrats pour
des hommes, ne croyant qu'a demi a I'infaillibilité
des autorités, jaloux de leurs droits et toujours prêts
a les défendre.
Pour ceux-ci, pas de publicité d'ordre constitution
nel I Le huis-clos en permanence, et l'huissier en sen-
linelle du cöté extérieur, pour qu'on n'ecoule pas aux
portes. La publicité réservée aux seules honnêtes gens,
e'est-a-dire a 'ceux qui, pleins d'une naïve confiance
dans les lumières et le zèle des magistrats commu
naux, s'abstiennent respectueusement d'aller entendre
leurs délibérations, et s'endorment tous les soirs sur
les deux oreilles avec la douce certitude que tout est
pour le mieux dans Ia meilleure des communes pos
sible.
Voilé, du moins, quelle est la théorie que Ie Pro
grès a esquissée l'autre jour, en très-mauvais fran
cais, il est juste de l'ajouter. Et cela, a propos de cer-
taines observations que nous nous étions permises au
sujet de la facon dont, depuis I'an dernier, nos édiles
discutent le budget communal
Eh bienn'en déplaise a notre aimable contradic-
teur, nous maintenons que la publicité des séances
communales est d'ordre constitutionnel pour tout le
mondepour les dröles de 1'Opinion, ainsi qu'on nous
qualifie gracieusement, comme pour les dröles du
Progrès, ce qui n'est certes pas peu dire. Même, toute
réflexion faite, nous dirons qu'il nous est avis que
c'est surtout en vue des dröles de cette dernière
trempe que le principe a été inscrit dans la Constitu
tion et rappelé dans la loi du 30 mars 1836Prouvons-
le plume tenante.
Qu'a voulu le législateur? Le but est clair et les
discussions sont d'ailleurs la qui l'indiquent. Le lé
gislateur a voulu que les administrés eussent la fa-
culté de surveiller de prés et de contróler la gestion
des fonds communs 11 a voulu que lout ce qui se rat-
tache au chapitre des dépenses fül traité sous les yeux
de ceux qui paient. Et il a eu ses raisons pour cela,
raisons non moins claires que le but. Connaissant les
hommes et sachant les entralnements du pouvoir, il a
craint que les communes ne devinssent la proie de
certaines families ou de certaines coteries, oligarchies
au petit pied, ombrageuses, jalouses et exclusives, et
qui, grace a la complicité du huis-clos, arrangeraient
les affaires de la communaute en trop bons pères de
families, au mieux de leurs intéréts personnels Et
voila ce qu'il n'a pas vouluDe la le principe que nous
invoquons; de Ia cette publicité obligatoire qui n'est
autre chose qu'un moyen pour les administrés de
contróler la gestion de leurs affaires, de vérifier l'em-
ploi de leur argent, de peser l'aptitude et le zèle de
leurs mandataires et, pour lout dire, de sauter a deux
pieds dans les plats qui leur paraitraient un peu trop
chargés au profit de quelques-uns.
Or, nous ne voulons pas autre chose que l'applica-
tion loyale de ce principe, et c'est cette application
que nous avons eue en vue, lorsque nous nous som
mes plaint de la facon dont on a discuté l'an deruier
et cette année encore le budget communal.
Nous savous bien que l'art. 71 de la loi permet au
Conseil, même dans les cas ou la publicité est obliga
toire, de décider le huis-clos. Mais il y a pour cela des
formes et des conditions. II faut les deux tiers des
voix, et la publicité ne peut être suspendue que par
des considerations d'ordre public et a raison d'incon -
vénients graves. Ces considerations et ces inconvé-
nienls, nous ne les apercevons d'aucun cóté, moins
qu'ds ne viennent du nötre, et que l'ordre public a
Ypres ne soit intéressé a ce que la presse ne s'occupe