JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT YPRES, Dimanche Cinquième aonée. N° IR. 31 Mars 1867. Paraissant le dimanche. n PRIX MES A:W«ACES ET DES RECLAMES 10 Centimes It petite ligne. Corps du Journal, 30 centimes. Le tout payable d'avance. Pit IV O'AltOllElIEXT POUR LA BELGIQUE francs par an; 4 fr. 50 par semestre. Pour I'Etranger, le port en sus. Un Numéro 25 Centimes. Laissez dire, laissez-vous blèmer, mais publiez votre pensée. On s'abonne a Ypres, au bureau du Journal, chez Lélix Lambin, imp.-lib., rue de Dixmude, 59. On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres ou envois d'aryent doivent élre adressés franco au bureau du journal. Ypres, so liars «86». Nous nous sommes prononcés contre le suffrage universel etnousavms dit nos raisons. Tout en re- connaissant que la théorie du suffrage universel re pose sur un principe de justice incontestable, nous avons revendiqué pour la société le droit, non moins incontestable a nos yeux, de stipuler certaines condi tions de capacité et d'exclure du droit électoral ceux qui ne les rempliraient pas. Eli re, ce n'est point seu- lement porter un jugement sur ses propres affaires, c'est intervenir dans les affaires d'autrui, dans les affaires de la communauté sociale, et, dès lors, il nous parait impossible de contraindre celle ci a ac cepter pour juges des hommes que leur ignorance rend inaptes a emettre un avis vraiment Iibre et consciencieux. Mais si nous sommes les adversaires du suffrage universel, si nous persistons a penser que, dans l'état actuel de l'instruction générale en Belgique, Tappli- cation de cette théorie au gouvernement du pays ou- vrirait une ère de réaction terrible contre nos insti tutions libérales, nous affirmons aujourd'hui, avec plus de conviction que jamais, la nécessité d'une ré- forme large et démocratique de notre régime électo ral. Quand M. Frère-Orban adjure la majorité de voter son projet de loi pour mettre un terme a Vayitation, il se trompe deux fois. II se trompe en affirmant qu'il existe en ce moment une agitation sérieuse en faveur du suffrage universel; il se trompe encore en pro- mettant que l'agitalion cessera avec le vole du projet du gouvernement La vérité ést que l'adoption de ce projet, en poussant lous les mécontents dans los voies extrémes, uréerait précisement le peril que l'on veut conjurer. M. le Ministre des finances, qui a si longtemps nié la nécessité d'une reforms, en serait-il encore a croire que l'opinion publique est disposes a se payer de la fausse monnaie qu'il lui présente? Qu'il jelte les yeux autour de lui et a moins que l'orgueil du pouvoir l'ait aveuglé, il reconnaitra son erreur. Oü sont, qu'on nous les monlre, les partisans de la réforme qu'il pré- conise? Dans la presse, elleest condamnée par tous lesjournaux independants du pays, sans en excepter un seul. Dans les meetings, elle est universellement bafouèe. Pas une association liberale ne s'est pronon- cée en sa faveur. A la Chambre, elle n'a trouvè pour défenseurs, depuis onze jours que la discussion est ouverte, que deux orateurs, MM. Hymans et De- maere. N'est-il pas étrange, après cela, de prétendre que l'adoption de cette reforme, dont personae ne veut, satisferail lout le monde Maisquoi? II ne s'agit pius mêrne, a l'heure pré sente, du projet anodin du ministère. Ge projet, tout inoffensif qu'il paraisse, mettrait notre nationallté en peril. La prudence, le patriotisme nous coromandent de repousser toute reforme et de maintenir, sans y introduire le moindre changement, le régime électoral actuelc'est M. Schollaert qui l'affirme et, chose ad mirable, cette même majorité qui s'apprêtait, une lieure auparavant, a voter, les yeux. fermés, la re forme proposée pat' le gouvernement, applaudit a tout rompre au non possumus formulé par le repré sentant de l'Université catholique de Louvain. Le gou vernement lui-même est tellement ravi de la bonne fortune qui lui tombe du ciel, qu'il en perd le souvenir de ses propres propositions et qu'il ne trouve a ré- pondre a ce discours qui le condamne, que par de chaleureuses felicitations. Jamais, non jamais spec tacle pius affligeani, nous ailions dire p us scanda- leux, n'a été offert au pays. Car il n'y a pas tergiverser ou bien M. Schol laert a raison quand il signale l'idée d'une réforme, quelle qu'elle soit, comme un danger pour notre na- tionalité et, dans ce cas, le ministère est gravement coupable pour avoir, par la présentatiou de son pro jet de loi, compromis les destinées du pays, ou bien les terreurs exprimées par l'honorable représentant de Louvain ne sont, aux yeux du ministère, que de pures terreurs d avocat et alors, comment expliquer autrement que par une indigne comèdie, l'approba- tion éclatante que son discours a recu sur les bancs du gouvernement? lmprévoyance coupable ou dupli- cité honteuse, le gouvernement ne saurait "échapper l'une de ces accusations sans mériler l'autre Que si nous dépouillons ce discours si mt rveilleux de la forme dramatique dont l'orateur l'a revêtu, nous n'y voyons qu'une assertion audacieuse contre la- quelle protestent a la fois la conscience publique et l'evidence des faits les mieux établis. M. Schollaert affirme, et son argumentation n'a pas d'autre base, que toute réforme électorale, dequelque nature qu'elle puisse être, entrainerait fatalement la nécessité de reviser, dans un avenir prochain, notre pacte consti tutioneel. C'est sur cette affirmation, nous le répé- tons, que repose tout son edifice oratoire; qu'elle soit reconnue fausse eu mal établie, et l'edifice croule comme un coSteau de cartes. Eh bien, nous dernandons a tous les hommes sin- cères, a quelque parti qu'ils appartiennent, de s'in- terroger avec impartialité sur la question ainsi posee par M, Schollaert et nous osons alfirmer a noire lour que le sentiment gènéral se prorioncera contre la solu tion que lui donne Ie représentant de l.ouvain. Com ment, parce que, cédant au mouvement qui réclame une réforme de notre regime électoral en rapport avec les besoins nouveaux, nés du progrès des lutnières et du développement gènéral des idéés libérales, les Chambres auraient abaissé le eens et proclamé les droits de intelligence, la Belgique devrail s'apprêter a courir, dans un avenir prochain, les redoutables hasards du suffrage universel? Que M. Schollaert nous permelte de lui dire cela n'est pas sérieux. Puur que. le suffrage universel fut un danger, il fau- drait que les classes ouvrières le réclamassent avec insistance, car il voudra bien nous accorder que les Chambres ne prendront jamais initiative d'une pa- reille réforme. Or, si elles ne le réclament pas aujour d'hui, quelle raison a-t-il de croire qu'elies se mon- treraient plus exigeantes sous l'empire d'un régime qui, en èlargissant les bases du droit électoral, dimi- nuerait le nombré des désherilés N'est-il pas plus ratiounel de supposer, au contraire, que la barrière sera d'autant mieux respectée que l'arène de la li- berté et du droit sera plus large? Mais il y a uneux que des raisonnemeuts a opposer a la rhétorique de M. Schollaert Des faits nombreux donnenl aux craintes qu'il a exprimées un éclatant démenti. Nous n'en citerons qu'un seul el il est pé- remptoire. En 1848, au lendemain de cette Révolution qui fit éclater, comme dans un délire, les aspirations du proletariat francais, le gouvernement beige, plus sagement prévoyant que le ministère actuel, prit l'ini- tiative d'une réforme électorale qui. quoique très- large et très-libérale, n'accordait absolument rien a nos classes ouvrières. Certes, si les-craintes qui ob- sèdent Uesprit de M.Schollaert ne sont. point de vaines chimères, c'était bien le moment pour noire population ouvrière de protester contre l'exclusion dont elle était frappée et de réclamer le suffrage universel. Elle n'en a rien fait cependant pas une protestation ne s'est élevée de son sein et en ce moment encore, après vingt annéesdece régime, elle reste inaccessible, M. Schol laert lui-même en a convenu, aux excitations des meetings. Des faits comme ceux-la dispensent de tout commentaire et démonirent par eux inêraes la pué- rilité des craintes exprimées par l'honorable représen tant de Louvain. Nous ignorons, quant a nous, si l'avénement du suffrage universel en Belgique doit être prochainement attendu, roais, le jour ou son heure aura sonné, nous sommes convaincus qu'il ne dépendra d'aucune loi électorale, quelle qu'elle soit, de l'arrêter dans sa route, et quand nous entendons des hommes d'Etat parler de barrières infranchissables, nous nous rap pelons involontairemenl ces enfants qui, sur la plage d'Ostende, s'amusent a construire de petites digues de sable, avec Ia persuasion que les vagues les respecte- ront. Entre ces hommes d'Etat et ces-enfants, il n'y a qu'une difference la naïvetè. Les enfants croient a la solidité de leurs barrières. Les hommes d'Etat sa- vent ce qu'elies valent et ne les elèvent que pour dotf- ner le change aux badauds. A propos d'un jugement. Le jugement rendu par le Tribunal civil d'Ypresen cause de la Sociél.é d'exploitation de Chemins de fer contre le journal VOpinion, dont nons avons reproduit le texte dans notre précódeut numero, suscite bien des reflexions que le lecleur aura faites avanl nous. Inutile d'y revenir done. Et, quoique nous ayons ob- tenu gain de cause sur tous les points, nous serous modeste dans notre triomphe. Ce triomphe d'ailleurs est moins Ie nótre que celui du sentiment public et de la presse qui lui sert d'organe. En effet, le jugement declare que I 'Opinion n'a fail que reproduire les plaintes que le public formu iait depuis plusieurs années, que a notre article n'a point dépasse les limites d'une critique legitime. En ajoutant que les faits énoncés dans le journal sont loin d'être conlrouves et que la preuve en est surabondante, le Tribunal recouuait la justice de nos plaintes, il ren I hommage au sentiment general dont nous sommes l'echo. I! n'est pas jusqu'a ces mots que rien ne pi ouve que l'ariiole de Opinion aurait eu l'intention de nuire a la Société d exploitation, qui ue soient en quelque sorte une réponse, non-seu- lement aux accusations de calomnie de la part de la

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L’Opinion (1863-1873) | 1867 | | pagina 1