JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENI YPRE8, Ri manche Cinquième année. N° 19 12 Mai 1867. Le tout payable d'a VANCE. Paraissant le dimanche. AVIS A EOS ABONNÉS. IMt IV ü'ABOIIiaiEST POUR LA BELGIQUE 8 francs par an; 4 fr. SO par senaestre. Pour l'Etranger, Ie port en sus. Un Numéro 25 Centimes, PBiv hes laioiCESi ET DES RECLAES 10 Centimes la peiite Iigne. Corps du Journal, 30 centimes. Laissez dire, laissez-vous blêmer, mais publiez voire pensée. On s'abonne a Ypres, au bureau du Journalchez Félix Lambin, imp. -lik., On traite a, forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres rue de Oixmude, 59. ou envois d'argent doivent étre adressés franco au bureau du journal. Les quittances d'abonnement ft VOpinion seront raises en recouvrement partir de demain. Nous saisissons celte occasion pour annoncer a nos Abon- nés que, dans le but d'éviter les complications résultant du système d'abonnement que nous avons suivi jusqu'è ce jour, lous les abonnements ont été ramenés S des échéances tri- mestrielles communes fixées aux 1cr février, 1mai, 1" aoüt et 1«- novembre de chaque année. Bien que l'application de ce nouveau système ne doive exercer aucune influence sur le prix de ('abonnement lui-même, nous avons cru nécessaire d'en averlir nos abonnés, qui s'expliqueront ainsi fort aisé- ment la difference de Ia quittance qui va leur être présentée avec celles qu'ils out payées aritérieurement. Ypres, u Mai Dans sa séance du 7 de ce mois, la Chambre des représentanls a voté lo principe de la mise a la retraite forcèe des magistrals de l'ordre judiciaire arrivés a un êge determiné. Ce principe a été admis par 58 voix contre 49 et une abstention. L'article du projet de loi qui consacre ce principe est ainsi concu Les membres des cours et tribunaux sont mis a la retraite lorsqu'une infirmitégrave et permanente ne leur permei plus de remplir convenablernerit i> leurs fonctions el lorsqu'ils ont accompli dans les tribunaux, l'êge de 70 ans dans les cours d'appel, l'êge de 72 ans a la cour de cassation, l'êge de 7ó ans. La première partie de eet article, relative a la mise a la retraite des magistrals qu'une inlirmité graveem- pêche de remplir convenablement leurs fonctions, n'a rencontre dons la Chambre aucune opposition. II n'en a pas été de même de la disposition condam- nant au repos les magistrals arrivés a un êge variant d'après la position qu'ils occupent dans la hiërarchie judiciaire celte disposition a rencontré pour adver- saires tous les membres de la droite, cqmme élant contraire a la Constitution. L'article 100 de notre pacte fondamental porte que les juges sont nommés a vie et qu'aucun juge ne peul être privé de sa place ni suspendu que par un jugement. Si l'on s'en tient au texte de l'article 100 de la Con stitution si l'on ne considère que la signification grammaticale des mots, il est évident que le juge a le droit de remplir ses fonctions jusqu'au dernier souffle de son existence et des lors la disposition de loi qui l'ublige a descendre de son siége a un age fixé d'a- vance est inconstitutionnelle. Maisest-ce bien en s'attachant au sens littéral des mots, qu'on doit appliquer une loi etn'esl-il pas plus logique, plus conforme a la saiue raison d'interprêler les lots en recherchant quelle a éte la pensee du légis- lateur Et, en s'appuyant sur Ie sens littéral du texte, si on arrive a une conclusion absurde, ne convient il pas d'interprêler ce texte de manière a aboutir a une conclusion conforme a la raison et a la pensée qui a animé le legislateur? Cela ne fait doute pour personne^ excepté pour la droite qui, d'utie question de bon sens a fait une question de parti. L'inamovibilité du juge a été décrétée par leCongrès constituant non pas dans l'iniérêt personnel du juge, mais dans l'intérêt du justiciable. Le Congres a voulu assurer au juge une indépendance compléte, non pas dans un intérêt qui lui fut exclusivement personnel, mais dans l'intérêt public. Le Congrès a si peu songè a l'intérêt particulier du magistrat en le nommant vie, qu'il a prévu parfailement la nécessité de sa mise a la retraite au cas oü sa présence sur son siége pour- rait être nuisible a l'intérêt général. C'est la le motif de la disposition constitutionnelle décrétant que le juge peut être privé de sa place ou suspendu par un jugement. La Constitution n'en dit pas davantage sur ce point, elie proclame le principe de l'inamovibilité du juge et laisseala legislature ordinaire lesoind'établir quelles sont les exemptions au principe que, dans la pratique, réclame l'intérêt public. C'est ce qu'a fait le projet présenté par le gouver nement, amendé par la section centrale et adopté par la Chambre des représeiilants. LeCongrès national, en décrétant la nomination de juges a vie, n'a nullement entendu leur oclroyer le droit de rendre, en tous cas, la justice jusqu'au der- nier souffle de leur existence. La droite l'a si bien compris qu'elle n'a fait aucune difficullé d'admettre la mise a la retraite forcee des magistrals qu'une infir- mité grave empêehe de remphr convenablement leurs fonctions. C'est une première concession, la seule, qu'elle a faiteau bon sens. Nous avons dit tantót que l'inamovibilité des juges puise sa raison d'être dans l'intérêt public. Le legisla teur constituant a voulu que Ie juge fut complètement, d'une manière absolue, independant du pouvoir; il a voulu le mettre a l'abri de toute influence et ne le rendreesclave que de la loi et de sa conscience; il l'a mis a l'abri de toute preoccupation d'intérêt person nel c'etail la un excellent moyen de le soustraire a la tentation de rendre des services plu tót que des arrêts. Or, nous le demandons, en quoi l'independance du juge souffl e t elle une atteinte par sa mise a la retraite a l'êge de 70 ans'? Est-ce qu'a la veille du jour oü sonnera pour lui l'heure de la retraite il ne conservera pas vis a-vis du pouvoir Ia même independance que le jour de son entree en fonctions? En quoi dès lors, et nous insistous sur ce point, le justiciable est-il in téressé a ce que le juge reste en fonctions jusqu'a qu'il ait exhale sou dernier soupir La loi votée par la Chambre est done en tous points conforme a l'esprit de la Constitution il nous reste a examiner si elle est utile a l'intérêt public. Non seul'emenl la justice doit être rendue confor- mément aux lois, mais il est encore de l'intérêt du justiciable qu'elle soit rendue promptement. II faut done que le juge jouisse de ses facultés intellectuelles dans toute leur plenitude et que ses forces physiques ne trahissenl pas sa bonne volonle. Soutenir que l'homme arrivé a l'êge de 70 ans n'a rien perdu de la vivacilé de son intelligence et de la justesse de ses appreciations, c'est affirmer un fait contraire aux lois de la nature. Cerles, quelques organisations merveil- leusement douées echappent a la loi commune; on peut d'autant plus facilement en citer des exemples, que par leur étrangeté elles altirent l'attention de l'observateur. Si a cette décadence des facultés intel lectuelles vous ajoutez la décroissance des forces phy siques qui se manifeste ordinairement chez l'homme ayant atteint un age avancé, vous arrivez a cette conclusion que le juge êgé de 70 ans ne se trouve plus, en règle générale, dans les conditions voulues pour remplir convenablement ses fonctions. II y a des exceptions, nous le savons bien, mais est ce une raison pour ne pas appliquer le principe? Faut-il, paree que tel magistrat arrivé a la limite de l'age fixé par la loi jouit encore de toute sa verdeur physique et morale, maintenir en place tous les ma gistrals incapables? Ce serait par trop absurde et nous avons trop de déférence pour l'intelügence dont le Congrès a donnè tant de preuves pour lui prêter jamais une pareille pensée. Mais, dira-t-on, s'il se trouve parmi les juges des magistrats qui, a raison de leur grand êge, sont em- pêchés de remplir convenablement leurs fonctions, meltez-les a la retraite, mais respectez au moins Ia position de ceux qui peuvent encore rendre des ser vices. Agir de la sorte. ce serait aller a l'encontre de la pensée du Congrès. Le legislateur constituant a voulu que le magistrat, en rendant ses jugements ou ses arrêts, ne put être guidé par aucun sentiment d'intérêt personnelor, la possibilité de prolonger Ia durée de ses fonctions en rendant un jugement dans un sens plutót que dans un autre ne place-t-elle pas le juge entre son intérêt et celui de la justice? Nous n'apprendrons rien a personne en disantque la malignité publique aurait beau jeu si le principe de la mise a la retraite forcée des magistrats ayant at teint un êge déterminé n'était pas appiiqué a tous in- distinctement. Nous voulons rencontrer une dornière objection. Pourquoi, a-t-on dit, mettre a la retraite a l'êge de 70 ans les juges des tribunanx tandis qu'on n'ap- plique la même mesure aux membres de la Cour d'appel et de la Cour de'cassation qu'a l'age de 72 et de 75 ans. La raison en est fort simple et découle de la natura même des fonctions que ces differents ma gistrals sont appelés a remplir. Les juges des tribu naux sont astreinls a une activité plus grande, ont besoin de forces physiques plus considerables pour s'acquitter convenablement de leur mission que les conseillers a la Cour d'appel ou a la Cour de cassation. De la la difference dans l'époque de leur mise a la retraite. En résumé, nous maintenous que la loi est con- forme a l'esprit de la Constitution et qu'elle aura pour conséquence de remédier a de graves abus. Mais tout en lui dontiant notre approbation sans réserve nous expriinonr ici le regret que Ie gouvernement ait paru roanquer lui-même de coofiance dans son oeuvre en la placant sous la protection de l'esprit de parti. Des questions de cette nature, surtout dans les temps dif- ficiles que traverse en ce moment la Belgique, ne sont point, du teste, de celles auxquelies un gouvernement soit autorisé a attacher son existence; en provoqeant un voLe de parti sur une loi dèpourvue de lout carac- tère politique, Ie ministère sexposait a un échec dont les conséquences auraient pu no pas s'arrêter a lui

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L’Opinion (1863-1873) | 1867 | | pagina 1