Les intéréts matériels.
Tous ceux qui out assisté a Ia réunion de l'Asso-
ciation, Ie 25 de ce mois, ont dü êire frappés comme
nous de cette particularité, que dans la longue et mo
notone énumêration de ses votes, M. Ie baron Maze-
man n'a pas dit un mot des questions politiques. non-
seulement comme engagement a prendre pour l'ave-
Bir, i| s'en garderait bien! mais mème comme
explication a donner sur sou passé. II semble, du
reste, que ce soit uri mot d'ordre dans Ie camp doc
trinaire d'exaller la matière aux dépens de l'esprit et
de placer les poteaux-indicateurs au dessus de l'in-
dépendanoe de l'enseignement laïque.
Parcourez les colonnes du Progrès et vous verrez
qu'il en est ainsi.
De ce que nous disons, il ne faudrait pas conclnre
eependant qu'a nos yeux les intéréts matériels n'ont
pas leur importance nous avons trop souvent exposé
ici même les besoins du commerce et de l'industrie
pour pouvoir êlre soupconnés de pareille hérésie;
non, en presence des immenses développemenls que
prend chaque jour la richesse publique, les ameliora
tions matèrielles occnpent a bon droit une large part
dans l'esprit des populations; mais l'homme ne vit
pas seulement de pain, les principes qui guident la
politique des gouvernements oni bien aussi quelque
■valeer pour l'être pensant et il esl au moins étrange,
lorsqu'on affecte de placer la lutte sur Ie terrain du
clerical et du libéral, de voir ces principes relégués
dans l'ombre.
Enfin, puisque lelie est la voie dans laquelle s'en-
gage Ie Moniteur de la coterie, suivons-le un instant,
et exan.inons si, a défaul d'idées ou de sentiments li-
bèraux, son protégé peut se targuer de quelque emi
nent service rendu au pays. He qui semble surtout
frapper d'admiration ce journal, c'est que M. Ie ba
ron Mazeman est bourgmestre de Proven depuis 1836
et aucune commune n'est dotee de plus belles institu
tions, ni aucune n'a ses finances en meilleur état.
Quoique nous ne connaissions pas les institutions
de Proven, nous sommes lout disposés a croire Ie
Progrès sur parole. Mais ne revient-il rien de l'hon-
neur de toutes ces belles institutions au Conseil qui
les a votées, aux échevins qui ont eu une plus largo
part dans leur realisation que M. Mazeman, qui passe
la plus grande partie de l'année ailleurs que dans sa
commune? Le Progrès voudrait-il peut-être faire en
tendre qu'aujourd'hui, comme au beau temps féodal,
leseianeur a tous les mérites et toutes lesgloires, le
roturier toutes les corvées et toutes les hontes? D'ail-
leurs, si son prolége a tant de litres a la reconnais
sance de ses concitoyens, qu'il nous explique done
pourquoi sa candidature ne rencontre nulle part plus
d'hostilitè que dans la commune dont il est le bourg
mestre?
Nommè conseiller provincial dans le courant de
Ia même année, continue le ProgrèsM. Mazeman a
rempli ces functions sans interruption jusqu'en 1859,
époque a laquelle il fut élu membre du Senat.
En voila des litres sérieux, foi de Progrès I M. Ma-
zeman est bourgmestre de Proven depuis 1836, M. Ma
zeman a èté conseiller provincial de 1836 a 1859, cela
prouve a toute évidence que sa place est marquee au
Sénat! S'il est vrai pourtant, comme on Pa souvent
dit, que le Conseil communal ou provincial est un
premier pas, une sorte d'apprentissage dans la car
rière. des affaires, n'est-on pas en droit de trouver
l'apprentissage de M. Mazeman bien long, avant que
le corps electoral ait songé a lui pour occuper une
chaise curule
Le défenseur patenté comprend lui-mêrne la pau-
vreté de ses réclames il so borne a énumérer vague-
ment les questions relatives a I'Yser, au rouissa<-e
aux chemins de fer et les poteaux-indicateurs que
M. Mazeman a reclames avec une grande perseverance
et sur lesquels Ie Progrès insisle particulièretrient. Es-
pérons pour M. Mazeman qu'il possède d'autres litres
encore a la confiance de ses électeurs et en attendant
que Ie Progrès démontre avec sa facilité habituelle que
son candidat a toujonrs defendu avec intelligence I'in-
térêtde ses commettants, analvsons, les Annates par-
lementaires a la main, quelques uns des votes émis
par l'honorable sénateur dans l'ordre matériel.
Parlons d'abord de la question de I'Yser. Notre sé
nateur en parle souvent aussi cela n'a pas empêché
les habitants de Rousbrugghe d'avoir tout recemment
encore plusieurs pieds d'eaudans leurs maisons.ni les
agriculteuts de voir leurs récoltes submergées. M. Ma
zeman a poussé Je dévouement, nous le reconn us-
sons, jusqu'a faire un voyage a Rousbrugghe pour
inspecter les inundations, et les inondations ne se
sont pas retirees.
Mais quelle idéea-t-il, quels moyens propose-t-il
de mettre en oeuvre pour arriver a un prompt achè-
vement des travaux destinés a écarter les menaces de
l'avenir et a faire rendrc enfin justice aux justes
plainles de la partie la plus négligée de noire arron
dissement? Voila ce qu'il ne nous dit pas et que nous
avoris peine a deviner.
Cette question de I'Yser n'est pasneuve; les recla
mations se proluisaient et la Société littéraire de
Rousbrugghe petiti mnait louglemps avant que M. Ma
zeman siégeêt au Senat. Or, si après tant de dé
marches, après tant de délibéralions, et lorsque la
question était complétement élucidée, M. le sénateur
n'a pas pu obtenir, pendant un long mandat de huit
ans, rachèvement des travaux, cela dénole-t-il une
grande influence? Et nous ne voyons même pas que
sa presence au Senat ait fait augmenter le chiffre af-
fectèaux travaux de I'Yser. A l'arrivée au Senat de
M Mazeman, les fonds alloués pour Ie bassin de I'Yser
par le budget des travaux publics etaient de 9 900 fr.,
ils sont descendus en 1867 a 6,000 fr. Qu'a d'eton-
nant après tout ce résultat négatif, quand on voit
('honorable M. Mazeman, a chaque fois qu'il prend la
parole, exprimer des regrets superflus ou un espoir
sterile?
Dans la séance du 80 juin 1865, lorsque le gouver
nement demandait un credit de plusieurs millions
pour execution de travaux publics, crédit dans lequel
I'Yser ne fi^urail pas pour un sou. M. Ie sénateur qui
disait lui-mêrne cette rivière est aujourd'hui
complétement abandonnee, continuait a recomman-
der cet objet a la bienveillance de M. le minislre des
travaux publics et a exprimer son espoir pour le pro-
chain budget, mais quant a prendre une mesure efli-
cace, quant a proposer un amendement, il n'en fit
rien et vota le projeten vrai salisfail. D'ailleurs, toute
cette question de I'Yser,il I'examinait si superficielle-
ment, avec tant de légérete, qu'il lui arrivait d'ignn-
rer si. oui ou non, des credits étaient inscrits au bud
get. Et qu'on ne aise pas que nous plaisantons.
Ouvrons les Annates parlementair es- (Séance du 16
mars 1866.) Nous lisons a la page 417 «Je re-
marque que le projet de budget de 1866 ne contient
aucune allocation pour Ie bassin do I'YserJe
désirerais done que M. le minislre des travaux publics
voulCit bien nous dire pour quel motif il n'a demandé
au budget de 1866 aucune allocation pour l'entre-
tien de I'Yser.
A la page 429 se trouve la réponse du ministro, la
voici
Enfin, Messieurs, I'honorable baron Mazeman
m'a demands pourquoi je n'ai pas fait figurer de cré
dit cette année au budget des travaux publics pour
l'eritretien de I'Yser, contrairement a la pratique in
variable suivie jusqu'ici. Messieurs, l'honorable mem
bre s'est trompé; Ie crédit pour I'entretien de I'Yser
figure au budget cette année comme il y figurait les
années précédentesseulement I'honorable baron Ma
zeman s'est borné a verifier le tableau sommaire du
budget que le Sénat fait dislribuer a ses membres,
tandis que le crédit pour i'entretien de IYser figure
aux développements du budget, art. 13.
Ce qui a surtout preoccupè M. Ie sénateur pendant
sa carrière legislative, c'est le canal de Lys-Yperlée.
II en parle sans cesse et a tout propos. Ce fut dans la
séance du 8 aoüt 1862 que le Sénat vota le projet de
loi par lequel Ie gouvernement s'engageait dans cette
enlreprise pour une somme de fr. 2,800,000. Mais,
contradiction singulière, l'honorable baron no parut
pas a cetie séance et le canal, objet de ses predilec
tions, fut voté SANS SON CONCOUUS.
Avait-il peut-être des scrupules au dernier mo
ment et trouvait-il que fr. 2,800,000 pour une en-
treprise privée, d une utilitè très-contestèe, c'est
beaucoup Ne pensait-il plus alors, comme dans la
seance du 22 ivril 1865, lorsqu'il constatail avec sa
tisfaction que le Beige consent a payer les impóts
sans murmurcr
Quelqu'alt eté le mobile de sou abstention, son in
fluence reussfra-t-elle maintenant a faire achever
promptement le canal et a le metlre dans un bref dé-
lai a la disposition du public
Depuis que M. Mazeman siege au Senat, differents
projets de chemins de fer, intéressant particulière-
ment notre arrondissement, ont eté discutes. En fa
veur de la ligne d'Ypres a Rooiers qui doit nous rap-
procber du onef-lieu de la province et de l'Angloterre,
de celle dePoperinghe versllaezebrouck qui nous met
en communication directe avec la grande ligne du
Nord, de celle de Courtrai a Denderleeuw qui abrège
considérablement pour nous le voyage de la capitale,
il netrouva pas un mot; mais il défcndil ehaleureu-
semenl les travaux du port de Nieuport.
Nous avons deja dèmontré dans notre précédent
numéro, par divers exlraits des Annates parlemen-
taires, qu'en revendiquant l'honneur d'avoir contri-
bué a l'abclition du droit de barrière et aux mesures
prises contra la pesle bovine, VI. le sénateur set rompe.
IL N'A POINT PRIS PART AUX VOTES EM1S PAR
LE SENAT SUR CES QUESTIONS. (Séances du 7
mars et du 3 j ui liet 1866).
Enfin, un autre point que nous cboisissons ici parmi
beaucoup d'autres parce qu'il a un intérêt majeur
pour la ville d'Ypres, c'est la question de l'école de
cavalerie. On a essayé de faire grand bruit des ré-
cenles interpellations de M. Mazeman et de la réponse
du minislre de la guerre. Pour quiconque veut aller
au fond dos choses, il est facile de se convaincre
qu'ici encore, comme a propos de I'Yser, des amis
imprudents ont fait enfoncer au sénateur une porte
ouverte. Nous nllons le démontrer encore, les Anna
tes par lementaires a la main.
C'etait dans la séance du 23 mars de cette année.
M. Mazeman s'informe des intentions de M. le minislre
de la Guerre au sujet d'un prétendu projet de sup
pression de l'Ëcole de cavalerie. J'tspère, dit-il,
que M. le minislre de la Guerre voudra bien me don
ner one réponse satisfaisante et de nature a rassurer
de nnntbreux intéréts justement alarmés. t
M. le minislre donne-t-il cette reponse salisfai-
sanle, rassure-t-il les intéréts alarmés dont parle
M. Mazeman? Nullement. Je puis repondre a l'ho
norable baron Mazeman, dil-il, qu'il n'est pas ques
tion POUR LE MOMENT de suppriiner l'école de
cavalerie. Aucun changement ne sera apportéa notre
etat militaire, avant que la reorganisation de l'armée
soit décrEtée.
Cela est clair. POUR LE MOMENT, point de sup
pression, mais M. Ie minislre de la guerre ne prend
aucun engagement pour l'avenir. Ses resolutions se-
ront calquees sur les decisions de la grande commis
sion militaire; l'école de cavalerie sera supprimée ou
maintenue selon les exigences et les intéréts bien
entendus d'une bonne reorganisation militaire. Nous
ne voyons pas d'ailleurs comment il serait possible a
l'honorable minislre d'agir diffèremmeut. L'intérêt de
la dèfense naiionale le guidera et ni les interpella
tions, ni i'influence de M. Mazeman n'y changeront
rienen effet, de deux choses l'une ou l'ecole de
cavalerie est utile ou e'.le ne l'est pas. Dans le pre
mier cas, le département de la guerre n'a pas besoin
apparemment pour le savoir d'êlre óclairé par notre
sénateur; dans le second, il serait ridicule de croire
que des sollicitations, une intervention quelconque
pourrait faire maintenir un établissement nècessitant
de grosses dépensesque rien ne justifierait. Cela est si
vrai qu'il y a a peine quelques jours, et malgré les
interpellations de M. Mazeman, le département de la
guerre a retire de l'école la plupart des officiers et
qu'il a pris la resolution de ne plus y envoyer ('artil
lerie. Ainsi se tronve réduit a un tiers pour eommen-
cer le noinbre des officiers composant l'école.
Voila, au moins dans ses principaux chapitres, le
bilan politique de M. Mazeman.
Nous alliens oublier que notre honorable sénateur
avait propose une augmentation considerable du prix
des ports d'armes (Séance du 16 fevrier 1866 et que
lorsqu'il fut question d'appliquer la loi a ['etablisse
ment Lamotte refusanl depuis longtemps de payer
patente, son intervention inopportune et irréflechie
vint infliger en quelque sortè un blame aux mesures
decretées par le département des finances et amoin-
drir encore aux yeux du peuple le prestige du parti
auquel M. Mazeman prétend aujourd'hui apparte-
nir.
En lerminant comme en commencant cet article,
nous devons exprimer nos vifs regrets qu'aucune ex
plication u'ait éte donnée au corps électoral, aucun
engagement politique pris pour l'avenir. Poi,nt de
discussion de principes, ni de la part du candidat, ni
dans los colonnes du journal qui le patrone; chezce
dernier quelques réclames non foudées, un cynique
appel aux appétits matériels, des personnalités el des
injures, voila tout.
Jamais, même a Ypres, nous n'avons vu a la veille
d'une éleclion le diapason de la polémique si peu
élevé. II semble que le doclrinarisme rougisse de se'
actes. La loi des bourses d'études, le seul vote po'
tique qui se puisse inscrire a l'actif de M. Mazer