JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Bi manche
Cinquième année. N° 25.
23 Juin 1867
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Paraissant le dimanche.
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Réponse, s'il vous plait?
Le Progrès qualifie de pénibles et mesquines ar-
guties les raisons qui ont déterminé notre attitude
dans la lutlequi s'est terminée le 11 juin dernier par
la vicloire des frères et amis. Libre a lui Le journal
de la coterie a de trop bons motifs de n'être pas de
notre avis pour que nous tentions de le convertir.
Mais si nous renoncons volontiers a l'espoir de lui faire
partager nos opinions, encore ne pouvons nous pas
tolérer qu'il les denature et qu'il nous prêle, au gré
desa haine, des intentions qui ne sont jamais entrées
dans notre esprit.
Chacun croyait, dit notre contradicteur, qu'eu
attaquant la candidature d'un partisan déclaré de
la politique ministérielle, VOpinon apportait son
modeste coup de pioche au renversement du cabi-
net. Au risque de nous répéter, nous ferons jus
tice, une dernière fois, de cette sotte accusation.
La politique du ministère, c'éiait et c'est encore
notre conviction profonde, doit fatalement aboutir a la
ruine du parti libéral. Au lieu de s'appliquer immé-
diatement, comme il en avait accepté la mission, a
dégager la sociétè civile des dernières eniraves qu'une
législation surannée oppose encore a son iudépen-
dance, nous voyions Ie ministère, depuis dix ans qu'il
occupe le pouvoir, presqu'exclusivement próoccupé
du soin de sa conservation personnelle. A grande
peine et seulement quand le soin de son existence
venait l'arracher a sa torpeur, se décidait-il, de loin
en loin, a donner satisfaction aux voeux de I'opinion
libérale. Cependant, mettant a profit I'indolence du
cabinet, les cléricaux, que les évenements de 1857
avaient réduit a une infime imnorité, reconstruisaient
activement l'édifice de leur puissance et bientót,
grace au découragement que la politique minislérielle
FEIJ1LLETOS.
Chapitre 111 de Paris-Guide.
LES MONUMENTS.
C'Rótel de Ville, par P. Lanfrey.
{Suite. Voir notre dernier n°.)
Sous le Consulat et l'Empire, le pouvoir municipal
subit Ie sort du pouvoir legislatif et du pouvoir juili-
ciaire, il touiba sous la dépendance absolue de l'homuie
qui ne pouvait souflrir autour de lui d'autre autorité
que la sienne. l.'tlótel-de-Ville ne fit plus parler de
lui que par la somptuosité de ses fètes, dont la ma
gnificence s'accrut a chaque pas que le pays faisait
vers l'empire du monde, c'est-a-dire vers sa propru
ruine. C'est de ce temps laqué dale ['organisation qui
a réduit la municipalile de P. ris a l'bumble condition
d'un simple Conseil administrate gouverne par un
prèfet. Qu'une telle organisation ail paru le regime a
la fois le plus commode el le plus expèditif au despo
tisme ombrageux d'un pouvoir militaire, il n'y a pas
lieu de s'en étonnermais ce qui est lout a fail inex
plicable, c'est qu'elle ait éle maintenue intacte, a peu
de chose prés, sous des gouvernements qui se di-
avait semée dans nos rangs, i!s se trouvèrent en état
de nous livrer des batailies oü nous laissames nos
plus iliustres soldats sur le carreau.
Cela durait ainsi depuis dix ans. Nous sommes-
nous trompés? Nous avons cru qu'il était temps d'en
finir et de signifier au gouvernement, par une de
monstration énergique, que le corps èlectoral, fatigué
de ses perpetuels ajournements, réclamait une poli
tique plus ferme et plus résolue que celle qu'il avait
praliquée jusqu'a présent, [-'abstention, dans notre
pensée, et nous l'avons sufïisamment expliquée dans
notre manifeste aux électeurs, n'avait pas d'autre si
gnification. Le cabinet libéral, en 1857, nous avait
souscrit une lettre de changeaprès avoir accepté des
renouvellements moyennant quelques légers a-comple,
en 1859, en 1861, an 1863, en 1864 et en 1866, nous
voulions lui faire comprendre, en 1867, que le mo
ment de s'acquitter était venu et qu'il eüt a faire les
fonds pour l'écheance de 1868. Est-ce vouloir la ruine
de son debiteur que d'exiger le remboursement de sa
créance après dix années d'atermoiements successifs?
Notre débiteur n'était, d'ailleurs, pas insolvable et
nous avions la certitude qu'en acquiltant sa dette, il
raffermirait, pour de tongues annees encore, son cré
dit ébranlé. Oui, nous en sommes plus que jamais
convaincus, les jours du ministère sont comptes, s'il
persiste a trainer en longueur la solution des ques
tions clérico-liberales et, quoi qu'en puissent dire les
plats valets qui l'exploitent, nous croyons mieux ser-
vir le ministère en lui ouvrant les yeux sur sa situa
tion vraie qu'en cherchant a lui faire accroire, comme
le Progrès, que la Belgique lui doit lout ce qu'elle
possède de libertès et de richesses.
Le journal de la coterie, ne trouve rien de mieux,
pour nous réporidre, que d'imaginer une petite his-
toire parlementaire digne du Pere Loriquet. A l'en
saient liberaux et dont le premier soin eüt dü être,
ce semble, d'émanciper les institutions municipales.
Ce reproche s'adresse particulièrement au régime issu
des journées de Juiliel et a la Republique de 1848.
Le gouvernement de Juillet est né a l'Hótel-de-Viile.
Le gouvernement provisoire, qui y fut tout d'abord
installé par le people redevenu maltre de sa citadelle,
n'était pas autre chose qu'une commission munici
pale. Mais on sut se préserver celte fois des traditions
autocratiques de l'ancienne Commune de Paris, et la
commission municipale, inspiree par La Fayette, se
montra plus jalouse de servir la nouvelle revolution
que de la dominer. En conservaut la monarchie con-
stitutionnelle malgré leurs secrètes préferences pour
la forme republicaine, les chefs populaires ne firent
alors que se conformer aux vceux de la nation entière,
mais ils n'abdiquèrenl pas sans faire leurs conditions.
Lorsque, la 81 juillet 1830, le due d'Orléans vint
chereber sa couronne a l'Hótel-de-Ville, lorsque La
fayette le présenta au people du haul du grand bal-
con en s'ecriant Voila la meilleure des républi-
ques! lorsqu'il livra a la foule sa définition tant
applaudie du nouveau régime Uil tróne entouré
d'institutions républicaines ce n'étaient pas la de
vaines formules, c'ótail l'expression sincère des be-
soitis d'un pays qui voulait enfin se gouverner lui-
croire, I'opinion publique ne serait pas suffisammeut
préparée a la solution des questions clerico-libérales;
le peuple, pour nous servir de ses propres termes,
ne serait pas encore sufïisamment débarrassé du
joug clérical pour suivre le ministère sur ce terrain
brülant et c'est pour avoir trop présumé de ses
forces que la majorité a vu ses rangs dócimés par
mainte élection malheureuse.
Nous affirmons, au contraire, que les élections n'ont
jamais étè malheureuses pour le parti libéral que dans
les temps oü la politique dite de modèration et de
transaction prévalait plus particulièrement, et que le
corps électorel nous a donné une majorité conside
rable chaque fois que l'éleclion a porté sur une ques
tion clérico-libérale. Si le Progrès le nie, voici .des
chiffres qui vont le confondre.
En 1857, la majorité cléricale succombe sur la
question éminemmenl clérico-libérale de la charilé.
Le pouvoir passe aux mains des libéraux. 70 voix li-
bérales a la Chambre contre 38 voix cléricales, tel est
le résultat de cette magnifique journée du 10 décem-
bre 1857 qui restera, dans nos annales, comme une
des pages les plus glorieuses de l'histoire du libéra
lisme beige.
De 1837 a 1859, le ministère, après avoir fait ré-
gler l'interprétation de l'article 84 de la loi commu
nale, s'abstient de toute initiative de nature a éveiller
les susceplibilités de la droite. C'est la politique d'é-
nervemenl qui débute. Résultat net aux élections
de 1859, la majorité libérale, de 32 voix qu'elle était
en 1857, se trouve réduite a 24 voix 70 contre 46.
De 1859 h 1851, continuation de la politique d'é-
nervement, autrement dit de molération. Des élec
tions ont lieu au inois de juin 1861 la majorité libé
rale perd 6 voix et de 24 tombe a 18 67 contre 49.
De 1861 h 1868, même politique, même résultat
même. Tel était le sens profond de ce fameux pro
gramme de l'Hótel-de-Ville, objet depuis de tant d'im-
prévoyantes railleries, et dont on a etó jusqu'a
contester ('existence, comme si cette couronne don-
née par Ie peuple avee de tels commentaires n'était
pas a tile seule tout un programme qui signifiail fin
du gouvernement personnel et pratique sincère des
institutions libresl La monarchie de Juillet ne songea
pas même a rendre la vie a l'institution municipale
qui lui avait servi de berceau. En développant ses
attributions, en l'élevant a la hauteur d'une grande
magistrature populaire, ce qui est son róle naturel,
on eüt créé un puissant élément de force el de conser
vation. A eet organe libre et vivant on préfera l'ap-
pareil caduc de la centralisation administrative. A la
verité, la nomination du Conseil municipal fulresti-
tuée a l'eleclion, mais a l'election d'une minorité cen-
sitaire et privilégièe et son influence resta celle d'un
corps consultatif placé a cóté du préfet, mais sans
initiative et sans autorité réelle. Les fautes de ('esprit
conservateur rendirent bientöt sa puissance a l'esprit
rèvolutionnaire, et l'Hótel-de-Ville redevint le point
de mire des mouvemenls insurrectionnels.
Au 24 fevrier 1848, le flot, longtemps contenu,em-
porta en une journée la monarchie élue. En quelques
heures le gouvernement passa des Tui lories a la Cham-