JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, f)i manche
Cinquième année. N° 36
15 Septembre 1867,
Le tout payable d'ayanck.
Paraissant le dimanche.
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POUR LA BELGIQUE
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Ypres, 4 3 Septembre isa».
Le Congrès de Malines a fourni ample molière aux
plaisanteries des journnux libéraux. I! n'est pas jus-
qu'au Progrès qui n'ait cru pouvoir se permettre de
railier,dans le style qu'on lui connait, les delibéralions
de la grande assemblee des eatholiques beiges.
Nous sommes loin de préle-ndre que cette assem-
blée ne prête point a rire; mais, si ptaisanle qu'elle
nous paraisse, elle n'est point sans présenter de eer-
tains cótés sérieux qui meritent d'êlre altentivement
étudiès. C'est au Congrès de Malines, ne l'oublions
pas, qu'il faut attribuer te développenaent considé-
rable de la presse clérieale dans nos Flandres. Un
journal Qamand constatait dernierement que le nom-
bre des feuilles cléricales avait presque doublé dans
les deux Flandres dopuis deux ans, tandis que le
nombre des journaux libéraux, au contraire, avait
suivi une progression constamment decroissante.
Cette situation, dont la gravité n'échappera a per-
sonne, nous la devons incontestablement au Congres
de Malines, a la propagande dont il a élé le point de
départ et le stimulant.
Rira qui voudra, mais nous croyons, quant a nous,
que le parti libéral a plus d'un enseignemenl a tirer
des efforts que font nos adversaires pour ressaisir
l'autorilé morale qu'ils ont perdue. Pour ne parler
que de la presse, nous sommes d'avis qu'il est grand
temps que le parti liberal se mette en devoir de lulter
contre l'envahissement des journaux clericaux, de
jour en jour plus nombreux et d'autant mieux écou-
tès qu'ils parlent tout seuls, sans que personne songe
a les coutredire. Quoi qu'en pense M. le commissaire
d'arrondissement, il v a autre chose, au monde que
des influences. Les influences ne donnent que des
triompht'S ephémères il n'y a de vraiment durables
que les victoires conquises sur 1'ignorance et la su
perstition.
Le lour de France de M. Ie minis're de ('inté
rieur, comme dit pittoresquement I'Echo du Parle
ment, n'a pas étè de longue duree. Après peu de
jours, M. le ministre est rentré dans nos contrees. Si
nous sommes bien informé, le principal but de cette
excursion autour de laquelle s'est fait taut de bruit,
élait un pelerinage a Saint Acheul. En revoyant le
pieux asile oil s'est ècoulé sa première jeunesse, l'ho-
norable ministre a voulu se retremper aux bons et
saints principes qu'il a appliques silibérale-
ment aux écoles d'adulles. Loyola sera content! I
Ypres, 12 Septembre 1867.
Monsieur Ie redacteur,
Les sections de la Chambre des représentants ont
fait un mauvais accueil au projet de loi relatif a l'a-
boiition de la contrainte par corps. J'entends dire que,
sur cette question, comme naguère sur celle de la
suppression de la peine de mort, M. Ie ministre de la
Justice court au devant d'un échec.
Je ne suis pas jurisconsulle, Monsieur, et me soucie
fori peu de sa voir ce que, d'après ia loi des Xfl tables,
le créancier était en droit de faire de la personne de
son débiteur insolvable.
Je ne suis pas non plus un philosophe II se peut
que la loi naturelle permette a un homme de faire
tratic de sa liberie et de la donner en hypothèque a
autrui. Bien que cela me paraisse difficile a démon-
trer, j'aime mieux l'admettre que de discuter lè-
dessus.
Mais je suis commercant, et puisque c'est surtout
les intéréts du commerce que l'on invoque pour de-
mander le maintien de la contrainta par corps, j'ai
bien le droit, je pense, de dire inon sentiment dans
une affaire que l'on dit m'interesser si fort.
Voila bientót viogt ans, Monsieur, que je suis dans
le commerce Je ne diraï pas que j'ai toujours eu a
faire a d'honnêtes gens. Non. II m'est arrivé, comme
a tous mes confrères, de me laisser mettre dedans, et
je le confesse en toute sincérité, plus souvent que
beaucoup d'autres, plus circonspects que moi. Mais
ce que je puis vous affirmer, c'est que jamais, pen lant
ces vingt ans, je ne me suis decide a faire une affaire
avec un chaland en considération de la contrainte par
corps que je pourrais exercer contre lui, dans le cas
oü il viendrait a faïltir a ses engagements. Quand je
fais taut que de livrer de Ia marchandise a crédit,
c'est que j'ai conti mee dans la solvabilïté, dans la mo-
ralitè de mon acheteur. Si l'idee me venait que je
pourrais devoir un jour le mettre en prison pour
m'en faire payer, bien certainement que je préfere-
rais garder ma marchandise. S'il y a, dans tout Ypres,
un commercant qui pense fa-dessus autrement que
moi. qu'il se nomme! Mais il n'y en a pas.
Qu'on ne vienne done pas me chanter que la con
trainte par corps est un moyen de crédit, que si elle
était abolie, beaucoup de petits commercants, qui
n'ontque leur liberté a donner en gage, n'inspireraient
plus de confiance a personne. Cela est absoiurnent
faux. Si ce petit commercant est honnête el intelli
gent, il trouvera toujours le crédit dont il a besoin, et
si le guignon voulait qu'il ne Ie trouvat pas, la con
trainte par corps n'y ferait ni chaud ni froid. Jamais,
je le repète, un commercant digne de ce nom ne con-
sentira a traiter avec quelqu'un en consideration du
droit qu'il pourrait eventuellement avoir de le mettre
sous les verroux. C'est comme si l'on disait qu'un
banquier peut laisser la clef sur son coffre-fort paree
qu'il y a des loisqui punissent le vol.
J'entends dire que la contrainte par corps a une
autre vertu que Celle-la. Le commercant, dit-on, qui
a une traite ou un effet a payer et qui sait que le dó-
faut de paiement entrainera contre lui la contrainte
par corps, fera bien plus d'efforts pour acquitter sa
delte que s'il n'avaita craindre qu'un simple prolêt,
et c'est précisément dans eet effort plus grand que
reside l'avantage du maintien de la contrainte par
corps.
A cela je répondrai ou bien vous avez a faire a un
c iquin oü a un honnête homme.
Si vous avez a faire a un coquin, il est certain que
la peur de la prison agira sur lui avec beaucoup plus
de puissance que celle du déshonneur et que, pour
s'acquitter envers vous, il se donnera mille peines
qu'il se serait èpargnóes s'il ne s'ótait agi que d'en-
courir un protêt. Mais la société n'a-1-elle rien a re-
douler d'un pareil coquin poussé a bout9 N'est il pas
certain que, pour échapper a l'incarcération qui le
menace, ce coquin, exploitant le peu de crédit qui lui
reste encore, fera une multitude de dupes et, comme
on dit vulgairement, ouvrira un trou pouren boucher
un autre? Gonvenez avec moi que si les bienfaits de
la contrainte par corps se réduisent a cela, il n'est
pas la peine qu'elle soit maintenue.
Prenons, au contraire, que vous avez a faire un
honnête homme. Qu'est-ee que la crainte de la prison,
pour lui, a cótè de celle du déshonneur? Volontiers,
il subirait six mois d'mcarcération clandestine plutót
que de laisser protester sa signature. Si ce malheur
doit lui arriver, it aura fait tout au. monde pour l'évi-
ter et la contrainte par corps n'aura pas pesé pour un
fetu de paille dans les efforts qu'il aura fails pour
s'acquitter.
Les partisans de la contrainte par corps ne veulent
pas que la mauvaise foi du débiteur reste impunie.
S'il ue s'agissait que de punir la mauvaise foi, tout le
monde serait d'accord pour la maintenir, car qui
pourrait vouloir l'impunité pour la mauvaise foi Mais
il s'agit bien d'autre chose, vraiment. La contrainte
par corps ne frappe pas seulement les fripons; elle
atteint indistinctement tout le monde, sans faire de
difference entre le maiheureux que des speculations
desastreusesont conduita la ruineet l'insolent coquin
qui a follement dilapidé le bien d'autrui. A cette idéé,
ma conscience se révolte et je sens se soulever en
moi des sentiments d'indignation que j'ai peine a
maitriser.
Soyons de bon compte. Autrefois, quand l'intérêt
de l'argent était légalement limitè, jecomprends qu'on
püt soutenir la legitimité de la contrainte par corps.
La loi ne permettant pas au prêteur de régter en pleine
liberté les conditions du prêt, il était assez naturel de
la faire intervenir pour assurer, par des moyens de
contrainte extraordinaires, le remboursement de l'ar
gent prêtè; maisaujourd'hui que la liberté du prêteur
est entière et que la loi nouvelle lui permet de stipu-
ler telle prime d'assurance qu'il lui plaira pour se
couvrir des chances de non-paiement, je me demande
pourquoi il continuerail a jouir d'une faveur excep-
tionnelle. Un homme se présente a vous pour vous
emprunter de l'argent. C'est a vous de savoir quel
degré de confiance il mérite. Est-il d'une solvabilité
reconnue, vous vous contenlerez d'un intérêt minime.
Au contraire, avt z-vous quelque crainte? vous refu-
serez l'opération ou, si vous l'acceptez, vous aurez
soin de stipuler un trés-gros intérêt. C'est une chance
que vous consentez a courir. Vous vous dites si je
ne rentre pas dans mes fonds, il faudra quej'en fasse
mon deuilmais il se peul aussi que je sois paye et,
dans ce cas, l'opération aura èté excellente. L'opé
ration ne réussit pas. De quoi vous plaignez-vous et
pourquoi vouiez-vous que la loi vous pccorde des
moyens de contrainte extraordinaires contre votre
débiteur? Que la loi vous aulorise a exproprier votre
debiteur, a faire vendre ses meubles et ses biens pour
vous remboui ser de ce qu'il vous doit, ce n'est que
juste; mais a quel litre réclaraeriez-vous son inter
vention pour le priver de sa liberté, qui ne peut vous