JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Di manche
Cinquième année. N° 46.
17 Novembre 1867.
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l'pres, ie Itovembce imij.
Les correspondances adressèes de Brnxelles aux
journaux de province se livrent, depuis quelques
jours, a toute sorte de commentaires sur les di
ners de la Cour, auxquels sont invités en foule
MM. nos représentants de la Chambre et du Sé-
nat. Ces correspondances rappellent que, lors de
la discussion du projet de loi sur les fortifications
d'Anvers, projet fort impopulaire son origine,
feu Leopold 1", qui s'intéressait vivement son
adoption, donna, lui aussi, un grand nombre de
diners parlementaires, qui ne furent pas sans in
fluence, on l'a très-bien su depuis, sur Ie résultat
du vote, et el les posent netternent la question de
savoir s'il est dans l'intention du gouvernement
de recourir au même procédé pour avoir raison de
certaines résistances que rencontre, dans la Cham
bre des représentants surtout, le projet de loi sur
la réorganisation militaire.
11 faut convenir qu'il y a de singulières coinci
dences. Le projet de loi sur Ia réorganisation mili
taire est présenté la Chambre le 25 oclobre. La
veille, diner a Ia Cour. La discussion de ce projet
commence le 6 novembre dans les sections nou
veau diner la Cour, le 5. On Ie ferait exprès
qu'on ne ferait pas autrement.
Ces petits moyens sont, au surplus, si bien dans
les traditions du doctrinarisme, qu'il ne nous sur-
prend nullement que Ie ministère les exploite. Un
parti qui n'a ni doctrines ni principes ne peut
compter, pour se maintenir au pouvoir, que sur
l'avilissement des êmes et l'abaissement des carac-
tères. A défaut de convictions auxquelles il pour-
rait faire appel, il s'adresse aux appétits, c'est
infiniment plus simple et plus commode. N'est-ce
pas le chef du doctrinarisme yprois qui a poussé
un jour, la veille des élections, ce cri fameux
11 nous faut des influences
Que le doctrinarisme abuse du pouvoir, aussi
longtemps que eet abus ne compromettra que lui
même, nous ne nous en plaindrons pas trop. car
nous commen^ons croire que le libéralisme n'a
d'autre espoir de salut que dans une énergique
réaction de l'opinion publique, mais nous avons
le droit de demander que le ministère ne mêle pas
le nom du Roi a ses petits tripotages et qu'il
assume sur lui seul la responsabilité des moyens
qu'il emploie pour arracher au Parlement un vote
favorable son projet. Nous n'avons pas acclamé
la royauté pour qu'elle devint un instrument de
corruption aux mains de nos doctrinaires, et s'il
faut que nous subissions longtemps le régime
abrutissant auquel ils nous ont soumis, encore
faut-il que, le jour de leur chute, la Belgique
retrouve son Roi entouré de l'estime publique,
inviolable el inviolé, et que i'ir.dignation popu
laire, qui les aura précipités du pouvoir, n'ait pas
le droit de faire remonter jusqu'a lui la responsa
bilité de leurs ceuvres.
Dans son rapport sur le projet de loi relatif aux
caisses de prévoyance en faveur des ouvriers mi
neurs, reproduction presque textuelle d'un projet
presenté la Législature en 1854, adopté a l'unani-
iriité par les sections de la Chambre, mais anéanti par
la dissolution de cette assemblee en 1857, M. Elias,
au norri de Ta section centrale, appelle l'attention du
gouvernement sur un voen qui a été émis par la qua-
trième section Finterdiction du travail des femmes
et des titles dans l'intérieur des- mines.
Ce travail, dit l'honorable rapporteur, donne
lieu a des abus, a des dangers, qui ont été souvent
signalés par les Chambres de commerce. Des méde-
eins, qui par leur clientèle sont en position de bien
connaitre les maladies des houilleurs, prétendent que
ce travail amène presque toujours des détèrioratious
physiques très-graves.
D'un antre cêlé, la Prusse a interdit ce travail
l'Angleterre a fait de même depuis 1842, el ces inter
dictions ne paraissent pas avoir été un obstacle au
développement de l'industrie.
Plusieurs exploitations beiges n'ont jamais voulu
admettre les femmes dans les travaux souterrains, ou
ont renoncé a leur emploi, et ces exploitations ne
sont ni les moins eonsidérables, ni les moins bien
administrees, ni les moins productives du pays.
Nous ne pouvons que nous associer ces obser
vations, et nous espérons que le gouvernement et
les Chambres donneront satisfaction, dans un délai
prochain, au voeu qui y est exprimé.
Dans sa dernière brochure Souveraineté na
tionale et suffrage universel, M. Adelson Castiau,
ancien député de Tournai, trace du doctrinarisme
le portrait suivant. C'est la nature prise sur le fait
et reproduite de main de maïtre
a Timon appelait les doctrinaires francais la secte
de i'orgueil. Avait-il tort? Quel orgueil plus grand
pour des parvenus politiques que de se croire les
seuls et legitimes héritiers de loutes les aristoeraties
du passé, de n'admettre d'autre souveraineté que
la leur, de professer le mépris le plus profond des
multitudes, et de considérer la majorité des ci-
toyens comme un troupeau de serfs, taillables et cor-
véables d merci.
II faut bien le dire, s'écrie M. Castiau, si les en-
thousiastes font les révolutions, ce sont les habiles
qui les exploitent.
II continue
Pour ceux qui, a la suite d'un doux sommeil,
s'óveillent chaque inatiu avec l'espoir de recueillir
l'abondante rosée des faveurs du pouvoir, notre gou
vernement est, sans contredit, l'idéal des gouver-
nemenlsnos ministres sont de grands hommes
et lout est pour le mieux dans le meilleur des
mondes.
Mais, au risque de troubler cette béatitude et de*
soulever de nouveau les colères de I'optimisme, il
faut avoir le courage de le dire et de le répéter de
puis trente-cinq ans, nous vivons, en Belgique,
d'équivoques et de malentendus, de contradictions et
de sophismes, de fictions parlementaires et de men-
songes politiques.
Specimen poëtique.
C'est avec grand plaisir que nous constatons
ici la célébrité que se fait le Progrès dans le
monde littéraire. Nous engageons vivement notre
confrère persévérer dans sa voie et a nous réga-
ier souvent de vers comme ceux que nous repro-
duisonsci-dessous, bien convaincu que l'originalité
de cette poësie le fera passer la postérité, si pas
précisément cólé des Victor Hugo, des Lamar-
tine et des autres grands poëtes de notre siècle,
bien certainement sur la même ligne que les
créateurs des billets de caramels.
Voici ce que nous lisons a ce sujet dans un
journal de Bruxelles
t II exisle a Ypres un journal qui s'appelle le Pro
grès; par lui-même il u'a rien d'extraordinairemais,
en revanche, je trouve dans son numéro du 3 novem
bre, quelques vers qui valent la reproduction. II pa-
ralt que Rousbrugghe, une petite localité des environs
de la ville qui fut le berceau de notre Ministro de l'in
térieur, possède une Société littéraire, laquelle compte
parmi ses membres un Monsieur qui est receveur
et qui s'appelle Leclerc. Afin tïhonorer son depart
comme le dit Ie correspondant du Progrès qui est, je
pense, en même temps l'auteur de cette poésie, quel
ques vers ont été lusvoici les meilleurs
Conslamment sur la brêche el combattant l'erreur
Partout oü se dressait ce fantöme trompeur,
En toute circonstance il se montra lui-méme,
Disant la vérité, sans pousser a l'extréme.
Que ne dirais je encore de toi, Monsieur Leclerc?
Si je ne redoulais de te blesser, mon cher?
Mais il ne convient pas, ce n'est pas nolre róle,
D'employer en ce lieu la figure hyperbole.
Tu pars en emportant et nos voeux et nos coeurs,
O toi qui, si souvent, slimula nos ardeurs. (lil)
Puisse-tu, cher ami, prés la Lys, a Comines,
Oü tu comptes sans doule, autant d'amiliés fines,
Garder un souvenir pour tes frères d'ici I
d Voila de la vraie poésie ou je ne m'y connais
pas I... Je parie qu'un de ces jours l'auteur de ces
regrets poétiques, de eet adieu sentimental, deman-
dera la croix a la Chambre des représentants.... On
Ia lui donnera en même temps qu'a l'auteur de la
Maximilienne