JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENI YPRES, DimaDche 24 Kovembre 1867. Cinquième année. N° 47. Paraissant le dimanche. Laissez dire, laissez-vous blêmer, mais publiez voire pensée. PRIX R'lROlXEMGXT POUR LA BELG [QUE 8 francs par an; 4 fr. 50 par seraestre. Pour I'Etranger, le port en sus. Un Numéro 25 Centimes PRIX UES AilMOICES ET DES RECLAMES 10 Centimes It petite ligne. Corps du Journal, 30 centimes. Le tout payable d'avance. On s'abonne a Ypres, au bureau du Journalchez Félix Lambin, imp.-lib., On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres rue de Dixmude, 59. ou envois d1 argent doivent étre adressés franco au bureau du journal. Ypres, as IXovembre *s«3. Le correspondent du Journal de Charleroi pré sente un tableau peu flatté de l'état de ['opinion publique a Bruxelles. Nous ne sommes pas les seuls, parait-il, a constater les déplorables effets du gouvernement doctrinaire sur nos moeurs poli tiques. Voici comment s'exprime le correspondant du Journal de Charleroi Nous vivons au jour lejour. La session législative, dont l'ouverture avait éte devancée de trois semaines pourperrnetlre a nos représentants de faire plus de be sogne, s'écoule en débats sans portée et sans profon- deur, au milieu de ['inattention générale. Signe du temps la parole est aux bavards qui n'ont rien a dire. MM. Dumortier et Coomans tiennentdepuis quinze jours, le haut du pavè, sans que personne songe a s'en plaindre. Mais qui songerait a se piain- dre? A part quelques oisifs, a qui pèse leur désceu- vrement, et les journalistes, dont c'est le métier, dites-moi qui, en Belgique, s'occupe encore des af faires publiques J'entends dire que les affaires pu- bliques se font bien toutes seules et que personne, hors les gens en place, n'a besoin de s'en mêler Au fait, ceux qui disent cela n'ont peut-étre pas tort. N'avons-nous pas un gouvernement libéral, celui que nous avons demandé pendant si longtemps et qui nous a coüté tant de peine a conquérir? Nos Cham- bres ne sont-elles pas, en majorité, composées de gens de notre choix Que nous faut-il de plus pour dormir sur les deux oreilles? Aussi dormons-nous comme des bienheureux, et c'est une justice a rendre a nos gouvernants qu'ils sont pleins d'égards pour notre sommeil et qu'ils font le moins de bruit pos sible, crainte de nous réveiller. Je ne sais comment on dort chez vous, mais nulle part, j'ose le dire, on ne dort mieux qu'a Bruxelles, Nous sommes devenus, a la lettre, le palais du si lence. Plus de meetings, plus de réunions politiques, plus de presse. C'est charmant, on se croirait au ci- metière. Quand je dis que c'est charmant, ce n'est pas qu'il n'y ait, par-ci par-la, quelques esprits malfaits qui trouvent qu'au contraire, c'est affreux. Mais quoi? Ces gens-la sont des rêveurs, des utopistes dont les hommes sérieux n'ont pas a tenir compte. A les en croire, les ciloyens seraient tenus de s'occu- perdes affaires publiques, de contróler sans cesse la geslion de leurs representants. Ils devraient se réu- nir pour discuter en commun les intéréts de l'Etat, dêbattre dans la presse les grandes questions d'oü dépendent leur prospèrité morale et matérielle. Je vous demande un peu si cela a Le sens commun. Comme si un gouvernement serait possible avec de pareilles théories Qu'est-ce qu'un gouvernement? Une hiérarchie de gens en place les ministres en tête, les gardes-champêtres en queue. On a fait le compte ils sont quarante mille, en chiffre rond,sans compter les fonctionnaires de l'armée. Supposé que nous nous mettions a contróler, a surveiller les faits et gestes de ces quarante mille mandataires, oü prendrons-nous le temps de faire nos petites affaires, dans la journée. et le soir, notre partie de dominos? Et puis, est-ceque ces quarante mille fonctionnaires se laisseraient discuter? Je ne sais ce qui arrive aux autres, mais chaque fois qu'il m'est arrivé, a moi, de m'adresser a l'un ou l'autre de ces messieurs pour l'une ou l'autre réclamation, je n'ai guère eu de chance a peine daignaient-ils me répondre. Ce sera bien pis encore quand nous vou- drons les contróler ils nous mettront a la porte. Mais a ces utopistes, a ces brouillons, il n'y a pas moyen de faire entendre raison. Heureusement, leur mauvaise humeur n'est guère redoutable. Comme ils ne sont pas électeurs, pour la plupart, on les laisse grommeler a l'aise et l'on ne dort pas moins tranquille. C'est une magnifique idéé que les auteurs de la Constitution ont eu la, Monsieur.de déclarer que qui- conque ne paie pas annuellement 42 fr. et 32 c. d'im- póts directs au receveur des contributions de sa com mune serait considéré comme un zéro dans l'Etat pour les droits, bien entendu, car il eut été vraiment absurde de l'affranchir de ses obligations. Pourquoi un citoyen qui ne paie pas fr. 42, 32 cent. d'impót direct serait-il dispensé du service militaire, par exemple, plutöt qu'un autre qui paie l'impót? Ce serait d'une révoltante injustice. Mais quant a leur donner a tous deux les mêmes droits, c'est une autre affaire et M. Frère-Orban a dit la-dessus des choses fort éloquentes qui ont convaincu les gens raisonna- bles. Aussi, voila longtemps qu'on ne parle plus de réforme electorale et il faut espérer qu'on en pariera jamais plus, car a force de remettre cette question sur le tapis, on finirait peut-être par la résoudre pour s'en débarrasser, et de ce jour-la, adieu notre bonne quiétude, adieu notre bon sommeil I II faudrait se metlre au travail, piocher tous les problèmes qui lou- chent a l'éducation et a la moralisation des classes ouvrières, réformer le système des impóts, organiser le crédit populaire, fonder toutes sortes d'établisse- ments d'utilité sociale, tels que crèches, lavoirs, écoles d'apprenlissage et trente-six autres dont je ne me souviens plus. C'est-a-dire, Monsieur, que le monde serait sens dessus dessous et que les gens honnétes et amis du repos en perdraient Ia tête. M. Frère est la, heureusement, pour veiller sur notre sommeil. Bonne nuit. is Nous engageons le Journal de Charleroi vi siter Ypres. II pourra constater qu'on y dort au moins aussi a l'aise qu'a Bruxelles. Et dire qu'en 1859, nous avons failli mettre le pays en insur rection pour installer ces gens-lè au pouvoir Erudiminidirait Bossuet. Tu l'as voulu, Georges Dandin, dirait Molière. On lit dans la correspondance de Bruxelles de la Meuse, au sujet des travaux préliminaires de la Chambre sur la loi d'organisation militaire De nombreuses observations de détail ont été présentées dans les sections oü les anciens membres de la commission mixte ont été loin de se trouver d'accord. Les distinctions de parti semblent complé- tement oubliées dans eet examen préparatoire» On peut douter qu'il en soit de mème dans la discussion publique. II en fut ainsi fors de la présentation de la loi d'organisation de 1853, qui fut volés par la Cham bre a une forte majorité, sous le ministère de M.H. de Brouckere. II serait difficile de formuler aujourd'hui des prévisions quelconques au sujet des destinées des qualre projets de loi soumis la législature. La ma jorité des opinions parait favorable a un système de défense solide et logique. II exisle, en outre, un cou rant très-prononcé en faveur de ('augmentation de la solde des troupes et de la réduction de la durée du temps de service des miliciens. En revanche, le main- tien de la cavalerie el la création d'une section de disponibilité rencontrent de nombreux adversaires. Toute opinion réservée, il n'est pas douteux que le ministère n'ait une rude têche a remplir. II aura a lutter contre des oppositions de nature trés diverse. Ainsi, les députés de Gand, ou du moins la plus grande partie d'entre eux, se sont abstenus dans les sections, sans doute a cause de la question de la cita- delle de Gand, a ['occasion de laquelle M. Delhoungne s'est retiré de la commission militaire. II faut s'at- lendre aussi a un débat sur l'ordre dans lequel les divers projets seront discutés. La fixation du contin gent ramènera fatalement l'examen de la question de recrutement. En résumé, comptons sur de longues ét vives délibérations, surtout dans une session qui aura pour couronnement des elections générales. De longues et vives délibérations, c'est pos sible mais si M. Hymans, qui transmet ces ren- seignements a la Meuseveut nous donner croire que le sort du projet de loi est sérieusement me- nacé, il prend la une peine inutile. Ne Savons- nous pas, depuis longtemps, a quoi nous en tenir sur l'indépendance de nos représentants? Oui,on disputera longuement et vivemenl sur quelques points secondaires, sur des niaiseries, afin de se donner, vis-a-vis de ses commettants, des airs incorruptibles. L'heure des élections approche. Nos mandataires commencent a sentir le besoin de se relever un peu, aux yeux de leurs manda taires, de la triste opinion qu'ils leur ont donnée de leur fermeté et de leur indépendance. Ils chi* caneront le gouvernement sur des vétilles ils comptéront minutieusement les boutons de guètre et feront des discours bien sentis pour démontrer que de notables économies peuvent étre réalisées sur eet article important. Quant combattre l'augmentation du contingent de milice, qui ré sumé tout le projet, c'est une autre affaire et M. Hymans, qui fait l'inquiet, sait mieux que nous que le gouvernement n'a rien redouter de l'opposition au bain-marie de sa majorité.

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L’Opinion (1863-1873) | 1867 | | pagina 1