JOURNAL D'
DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, B)i manche
Cinquième année. N°51.
22 Décembre 1867.
PKIX D'ABOINEIIEMT
POUR LA BELGIQUE
8 francs par an; A fr. 50 par semestre.
Pour PEtranger, le port en sus.
Un Numéro 25 Centimes
PRIX. RES AUtSO^CES
ET DES RECLAMES
10 Centimes It petite ligne.
Corps du Journal, 30 centimes.
Lb tout pat able d'avancb.
Paraissant le dimanche.
Laissei dire, lalssez-vous hlSmer, rnais publlei votre [temée.
On s'abonne a Ypres, au bureau du Journal, chez Félix Lambin, imp.-lib.,
rue de Dixmude, 59.
5
On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toules lettres
ou envois d'aryent doivent etre adressés franco au bureau du journal.
La crise ministérielle.
Parlez-moi de la presse ministérielle El le en
remontrerait, pour la discipline, a un régiment
prussien. II n'est bruit, dans Ies journaux indé-
pendants, depuis huit jours, que du grave dissen
timent qui a éclatè entre deux des principaux
membres du cabinet, MM. Rogier et Frère-
Orban. Ces journaux annoncent qu'a la suite d'une
explication trés vive, ces deux ministres ont dé-
posé leurs démissions entre les mains du Roi et
que Ies efforts lentés par des amis communs pour
les réconcilier sont restés sans rêsultat. Le fait est
certain, irrécusable. Yous croyez, n'est ce pas,
que Ta presse ministérielle va s'empresser de four-
nir au pays les éclaircissements qu'il est en droit
d'attendre du gouvernement sur cet incident II
vous semble impossible que, puisque Ie gouverne
ment possède, dans presque. toutes les villes de la
Belgique, un ou plusieurs journaux chargés d'ètre
ses organes officieux auprès des populations, ces
organes restent muets quand le pays attend de
leur bouche des explications qui fixent toutes Ies
incertitudes? Ah bien, oui, la presse ministérielle
n'a garde Songez done en parlant, elle se met-
trait dans Ie cas de dépiaire a I'un ou a l'autre des
deux adversaires et, dame, elle pourrait avoir
s'en repentir, car les cartes ne sont pas tellement
brouilléés qu'avec un peu de bonne volonté de part
et d'autre, elles ne puissent se remettre, et qui
sait si ce ne serait pas le journal imprudent qui
paierait les frais de la réconciliation.
Que la presse ministérielle garde le silence,
passe encore; mais comment s'expliquer que le
parti clérical, qui ne laisse èchapper aucune occa
sion de chercher noise au ministère, ne se héte
pas de profiter de la bonne aubaine pour jeter le
désarroi dans le camp de ses adversaires? Com
ment comprendre que MM. Coomans et Jacobs,
qui font profession d'interpeller le gouvernement
tout propos et hors de tout propos, ne se soient
pas encore donné le plaisir de provoquer des ex
plications publiques sur ane situation dont le pays
se préoccupe en ce moment avec une légitime
inquiétude 11 y a, dans cette réserve inaccoutu-
mée, un mystère que nous avons voulu éclaircir et
que des^ renseignements puisés a bonne source
nous ont permis de pénétrer.
On se rappelle la longue lutte que le ministère
eut a soutenir, pendant les anuées 1860, 1861
et 1862, contre la députation libérale d'An-
vers, lutte qui se termina par le trioraphe des
meetings et l'élimination de tous les représen-
tants libéraux de la députation anversoise. Ils
avaient succombé, ces représentants, paree que,
dévoués aux intéréts de leur parti, ils avaient re-
fusé de suivre les meetings dans les voies oü ceux-
ci prétendaienf les pousser. Victimes de leur dé-
vouement au ministère, c'était bien le moins qu'ils
emportassent une consolation dans leur retraite.
Cette consolation leur fut donnée. M. Frère-Orban
promit solennellement ses amis vaincus de résis-
ter aux réclamations d'Anvers avec plus d'énergie
et de ténacité encore qu'auparavant. II ne sera pas
dit, dit alors M. Frère, que j'aurai accordé des
adversaires ce que j'oi cru de mon devoir de refuser
a des amis politiques. Soyez tranquilles le mou
vement anversois sera decourte durée. Quand vos
compatriotes se seront bien convaincus qu'ils n'ont
rien a attendre de MM. Jacobs et Delaet, ils ne
demanderont pas mieux que de vous reprendre,
ne fut ce que dans l'espérance que votre interven
tion aura plus de poids que celle de leurs députés
actuels.
Les choses ne tournèrent malheureusement pas
selon les prévisions de M. le ministre des finances.
Les électeurs d'Anvers, consultés par trois fois
dans leurs cornices, renvoyèrent invariablement
les mêmes représentants a la Chambre. Ce que
M. Frère avait pris pour l'effervescence d'un mo
ment était bien décidément un mouvement sérieux
dont on ne pouvait espérer avoir raison qu'en lui
donnant des satisfactions réelles.
Entretemps un nouveau règne avait commencé
et, dès son avénement au tróne, une des plus
grandeé préoccupations de notre jeune Roi fut de
rechercher les moyens de mettre fin a l'agitatiou
anversoise. Léopold II n'ignorait pas les répu-
gnances de M. Frère. Aussi pritil soin de ne point
communiquer ses intentions son impérieux mi
nistre. Un plan fut élaboré dans le plus grand se
cret et, quand le plan fut entièrement achevé, la
fameuse brochure de M. le colonel Brialmont
parut.
Anvers se plaignait surtout d'être exposé au
danger d'un bombardement. M. Brialmont avouait
que ce danger était réel et proposait, pour y parer,
d'élever sur la rive gauche de l'Escaut uu système
de fortifications qui devait rendre tout bombarde
ment impossible. Le coüt de ces fortifications ne
serait pas bien onéreux a l'Etat la vente des ter
rains formant la citadelle du Sud en demolition
suffirait a peu prés pour en payer le prix.
Le lloi s'était flatté que ce plan séduirait
M. Frère par son cóté financier. Le grand argu
ment de M. Ie ministre des finances avait toujours
été que l'on avait déjè dépensé trop d'argent pour
Anvers et qu'on ne pouvait pas penser a demander
de noüveaux crédits pour cet objet. Cet argument
le plan de M. Brialmont l'enlevait la résistance
du Ministre et, dès lors, on pouvait espérer qu'on
en aurait facilement raison.
L'illusion ne fut pas de longue durée. Aux pre
mières ouvertures qui lui furent faites, M. Frère-
Orban déclara nettement que Ie plan de M. Brial
mont était inexécutable et qu'il ne voyait aucune
nécessité de modifier le statu quo.
Tout espoir d'amener composition M. Frère
étant perdu par ce refus catégorique, Ia Cour ne
désespéra cependant pas du succès de son entre-
prise. M. Frère était intraitable mais ses coU
lègues et la majorité de la Chambre, en les pre-
nant bien, peut-être les trouverait-on plus acco-
modants et, une fois sftr de leur assentiment, qui
sait si l'on ne parviendrait pas a forcer la main au
récalcitrant Au pis aller, on se, passerait même
de lui. Pourquoi pas
II fallait s'assurer de M. Rogier, tout d'abord,
et ce n'était pas chose facile, car ce n'est un mys
tère pour personne que M. Frère exerce sur son
collègue des Affaires étrangères un empire absolu.
On y réussit toutefois et l'on obtint de lui, non
pas qu'il abandonnerait son ami, mais que si Ie
plan de M. Brialmont venait ètre soumis au
Conseil des ministres, il userait de toute son in
fluence pour Ie faire adopter.
Les mêmes démarches furent faites auprès de
M. Vandenpeereboom qui, n'ayant pas les mêmes
raisons que M. Rogier de faire cause commune
avec M. Frère-Orban, se laissa facilement gagaer.
Quant M. Bara, on connaissait trop bien l'mti-
mïté de ses relations avec le Ministre des finances
pour ne pas être convaincu d'avance de l'inutiiité
de toute tentative de ce genre.
On pouvait compter sur MM. Rogier et Van
denpeereboom. Mais les Chambres, quel accueil
feraient-elles au projet si M. Frère refusait de
l'appuyer Ce n'était pas une mince entreprise
que de constituer une majorité capable de tenir
tête un homme habitué voir plier devant lui
toutes les résistances. Oo s'y essaya pourtant, et,
dès ('ouverture des Chambres, de nombreux di
ners parlementaires furent donnés la Cour. On
vit alors se renouveler les petits a parte, qui assu-
rèrent, en 1859, le vote des fortifications d'An
vers. La presse ne tarda pas s'émouvoir,des allu
sions araères circulèrentdans les journaux indépen-
dauts et laCour.effrayée de tout ce bruit,suspendit
immédiatement Ie cours de ses expèriences.
---