JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
Le tout payable d'avance.
YPR'ES, Bi manche
Cinquiènie année. N° 52.
20 Décembre 1867.
PKIX ÏI'ABOSSESIES'T
POUR LA BELGIQUE
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Le gouvernement personnel.
Sorames-nous un pays constitutionnel, oui ou
non? La question, toute saugrenue qu'elle puisse
paraitre a quelques-uns, vaut la peine d'être
posèe.
II y a un an a peine, la suite d'une longue e$
solennelle discussion, la Chambre des représen-
tants déclarait, dans un ordre du jourdont le re-
tentissement fut immense, que Ia question d'An-
vers devait être considérée comme définitivement
résolue et qu'il n'y avait plus üeu de s'en oc-
cuper.
Cet ordre du jour avait été adopté, une ma-
jorité énorme, sur la proposition même du minis
tère.
Le pays apprend aujourd'hui, avec une stupé-
faction profonde, qu'un revirement s'est opéré sur
cette question dans l'esprit de quelques-uns des
membres du cabinet. On assure, et personne jus-
qu'a présent n'a osé le démentir, que M. Rogier
notamment se montre disposé a solliciter de nou-
veaux crédits pour les fortifications d'Anvers et
que plusieurs membres de Ia Chambre qui avaient
voté l'ordre du jour de l'année dernière se sont
engagés a voter ces crédits, si le gouvernement
les demandait. Enfin, on donne comme certain
que la crise ministérielle que nous traversons en
ce moment n'a pas d'autre cause que la résistance
invincible de M. Frère-Orban aux projets de son
collègue des Affaires étrangères.
Ces crédits sont-ils ou ne sont-ils pas néces
saires C'est un point que, pour le moment, nous
n'avons pas h examiner. Qu'importe, après tout,
quelques millions de plus ou de moins jetés dans
Ie gouffre de nos dépenses militairesCe qui fait
la gravité de la crise, ce n'est point la question
d'argent, c'est l'interventio,n patente, visible, de
Ia Couronne dans nos discussions politiques.
On le nierait en vain la Couronne a joué un
róle considerable dans la crise actuelie. C'est l'in-r
fluence de la Couronne qui a déterminé M. Ro
gier a rompreavec son vieil ami M. Frère Orban;
c'est elle encore qui a arraché a plusieurs mem
bres de l'apcjenne majorité la promesse d'un vote
favorable aux nouveaux crédits. Ce fait est au-
jourd'hüi d'une telle notoriété que personne n'ose-
rait le contester.
Le Roi, nous en sommes convaincus, est animé
des sentiments les plus gênéreux, les plus patrio-
tiques. II voit dans l'agitation anversoise un dan
ger pour le pays et tient a coeur de la faire dispa-
raitre eu lui enlevant le dernier de ses prétextes
il veut, en assurant d'une manière plus compléte
encore la défense d'Anvers, garantir ce boulevard
de notre nationalilé contr.e les perils d'une attaque
inopinée, et nous comprenons très bien que ces
considérations lui fassent vivement désirer que son
gouvernement et les Chambres votent les crédits
nécessaires cette fin. Mais ce que nous ne pou-
vons pas admettre, c'est que ce dósir, trés-legi
time d'ailieurs, se traduise par une intervention,
directe dans nos affaires. La Belgique, pays libre
et constitutionnel, entend faire ses affaires elle—
même et ne doit, aucun prix, souffrir que le
pouvoir royal s.'en mêle, si elle veut conserver la
plénitude d,e sa souveraineté. Nous connaissons le
gouyernement personnel, c'est lui qu'en Franc,e
la monarchie de Juillet a dh sa perte; c'est lui qui
nous a valu, a nous, les fortifications d'Anvers et
l'expédition du Mexique. C'est assez de cette
double expérience pour que nous ne soyons plus
tentés de la recommencer.
La crise ministérielle.
Tous les ministres ont donné leur démission, le
fait est certain. Mais tous, a ce qu'on assure, ne
demandent pas mieux que de reprendre du service
et de garder leurs chers pqrtefeuilles. Nous allons
voir bientót quel parti prendra M. le Ministro de
l'Intérieur. M. Alph. Vandenpeereboom, depuis
qu'il est au pouvoir, n'a pas cessé de dire et de
répéter que son plus grand désir était de quitter
Je ministère et qu'il en ayait par dessus la tète des
affaires publiques. L'occasion est fort belle au
jourd'hui pour lui de prouver que cette prétendue
fatigue des honneurs n'est pas de la pure jac—
tance. Non seulement personne ne le retient,
mais beaucoup désirent qu'il s'en aille. Nous
verrons bien.
Déraillement a EBouthcm.
Un terrible accident est arrivé le 21 sur la ligne de
la Flandre occidentale. Le train parti de Poperinghe a
4 h. 30 m. du soir, a déraillé entre Houthem et Go-
mines. Le machiniste a été lué sur place, le chauffeur
grièvement blessé n'est pas encore hors de danger;
plusieurs voyageurs sont contusiopnés.
La locomotive déraillée la première s'est jetée sur
la droite de la voie, s'enfoncaut dans le talus qui borde
celle ci. Le tender est venu se briser sur la locomo
tive, le wagon des marchandises est monlé a demi
sur le tender. Quant a la voijture de 3° classe qui sui-
vait immèdiatement, ses attaches s'étant rompues,
elle a été jelée sur la gauche de la route. Ses roues
de devant et son essieu furent euiportés. Le reste du
train fut entrainé l'espace de dix metres en avant;
clest ce qui sauva certaiuemenl les voyageurs, en
amorlissant an, choc qui devait inévitablement tout
briser, si la locomotive était restée au milieu de la
voie.
II faisait fort noir lorsque l'accident eut lieu et,
dans le premier moment de stupeur, le désordre fut
inexprimable. Lorsqu'on se reconnut, les pompiers
de Comines arrivés avec des torches trouvèrent le
chauffeur èvanoui et le malheureux machiniste en-
gagé dans Harrière-train de la locomotive. II avait
une blessure béante a la poitrine et les deux jambes
brisées.
Un service de transbordement a été immèdiate
ment organisé et le dimanche dans l'après-midi le
passage régulier des trains était rétabli.
Matotenant quelle est la cause de ce triste acci
dent? La cause n'en est pas connue ou tout au moins
le public ne la connait pas des versions nombreuses
circulent. Pour les uns, ia route est en mauvais état
et le sous-sol serait en beaucoup d'endroits du sable
mouvant par suite de la filtration des eaux. Pour
d'autres, la locomotive était défectueuse et ceux-ci
citent, a l'appui de leur opinion, les nombreux ac-
crocs qui surviennent aux remorqueurs. D'autres en
core, quoique en petit nombre, accusent la trop
grande vitesse; mais cette vitesse, quelque insolite
qu'elle ait puétre, n'égalait pas celle des express sur
les grandes lignes. Pourquoi serait-elle done une cause
de déraillement? Enfin, il en est même qui vont jus-
qu'a préténdre que la vietime avait mainles fois si-
gnaló l'état de la locomotive, ne dissimulant pas le
danger. Cela est-il vrai Nous ne pouvons le croire,
d'autant moins que Pon assure, d'autre part, que la
locomotive qui a déraillé venait d'être réparée. A ce
propos nous demauderons s'il ne serait pas opportun
d'essayer tout d'abord les nouvelles locomotives, pen
dant quelque temps, aux trains de marchandises,
avant de les employer pour les voyageurs?
Quoiqu'il faille penser de ce déraillement, nous es-
pérons que la cause en sera connue. Une enquête a
été ouverle par le parquet qui s'est rendu deux fois
sur les lieux, une autre a éte faite par les ingénieurs
de la Société, même un délégué du gouvernement est
venu inspecter le lien de l'accident et le matériel. II
est impossible que cette triple enquête reste sans ré-
sultal. II faut que l'on connaisse la vériléil faut que,
quels qu'ils soient, grands ou petits, faibles ou puis-
pants, protégés ou non, les coupables, s'il y en a,
portent la peine de leur faute ou de leur négtigence.
L'intérêt de la Société aussi bien que celui du public
i'exigeni. Après le déraillement de Vlamertinghe pré
sent encore a tous les esprits, après celui tout' récent
de Lophem, le nouveau déraillement de Houthem a
ébranle profondément la confiance. Une inspection
minutieuse de tout le parcours ne serait pas trop.
Les voyageurs remarquent avec frayeur qu'ils sont
cahotés sur notre lignc plus que partout ailleurs. U
faut qu'il y ail une raison a cela et, si un sacrifice
d'argent é.tait nécessaire pour assurer la sécurité, si,
par exemple, des rails a éclisses, comme sur les lignes
de l'Elat, étaient jugés indispensables, nous avons
l'espoir que la Société n'hésiterait pas et la convic
tion qu'en touscas le gouvernement saurait faire son
devoir.
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