JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Hi manche
Sixième année. N° 4.
26 Janvier 1868
O'AIS©WEIIEMT
POUR LA BELGIQUE
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Un Numéro 25 Centimes
IMtlX »GS AIROXCES
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Si le Journal de Bruges, qui nous accuse de hair
M. A. Vandenpeereboom, a lu le dernier numéro
du Progrès, il doit s'être dit, avec la fable de La-
fontaine, que certains amis sont parfois plus dan-
gereux que les plus acharnés adversaires. L'article
que le journal doctrinaire consacre a exposer les
prétentions exorbitantes élevées par le clergé dans
la question des écoles d'adultes est bien, en effet,
le plus rude coup de pavé que l'ex-ministre de
rintérieur ait regu sur la tète depuis longtemps.
Le Progrès commence par établir, ce que nous
savions de reste, que M. Vandenpeereboom s'était
pleinement et entièrement soumis au régime
de la loi de 1842, en la poussant jusqu'a ses
dernières consequences. Dès les premiers
jours, il avait réclamé pour les écoles d'adultes le
concours du clergé. Et comment le clergé répond-
il ses avances En lui signifiant qu'il ne lui ae-
cordera son concours que dans les communes oü
l'organisation des écoles laïques ne pourra pas
nuire aux écoles qu'il a organisées lui mème. Le
clergé était il dans son droit en mettant une sem-
blable condition k l'octroi de son concours Le
Progrès estime que non et qualifie trés durement
les exigences de l'épiscopat. Très-bien, nous som
mes d'accord avec le journal doctrinaire. Mais
alors, comment qualifier la conduite du ministre
soi disant libéral qui, au lieu de résister des
exigences inadmissibles (le mot est du Progrès
courbe humblement la tète et refuse, malgré les
protestations de ses collègues, de modifier son
règlement Quoi, de l'aveu même du Progrès,
M. Vandenpeereboom avait poussé le respect de la
loi de 1842 jusqu'è l'extrême, il avait fait, pour
obtenir le concours du clergé dans ces nouvelles
écoles, toutes les concessions que cette loi lui
permettait d'accorder et au lieu d'entrer dans ses
vues, affiche insolemment la prétention de dicter
des conditions auSquelles il est impossible de sa-
tisfaire sans violer ouvertement la loi, ce ministre,
mis en deraeure de faire respecter le pouvoir civil
dont il est le représentant, recule devant l'accom-
plissement de son devoir et donne sa démission
plutót que de s'exposer la colère de l'épiscopat
Mais pour qui done le Progrès nous prend-il pour
n'avoir pas compris que les reproches dont il ac-
cable le clergé s'appliquent plus directement encore
son patron Car, après tout, si le clergé refuse
de donner a l'enseignement laïque un concours
qu'il juge de nature a créer une concurrence dont
ses propres établissements pourront avoir asouffrir,
cela se comprend et tout en disant avec le Progrès
que sa prétention était contraire a Ia loi, il nous
faut bien reconnaitre qu'elle est assez naturelle.
Mais Ie ministre qui considère, lui aussi, cette
prétention comme illégale, comment se justifiera-
t-il, devant l'opinion libérale, de ne l'avoir pas
condamnée en modifiant son arrêté Si le clergé,
en repoussant la proposition de M. Vandenpeere
boom a fail du chantage, quel nom le Progrès
donnera-t-il au ministre d'un cabinet libéral qui
n'a pas eu le courage de venger le pouvoir civil de
l'affront qu'il venait de subir et qui a déserté Ie
poste confié a sa garde le jour oü le libéralisme
devait pouvoir compter sur lui? Nous attendons le
Progrès la rêplique.
Un dröle.
Le Journal d'Ypres crie au scandale. C'est
ne pas croire et rien n'est pourtant plus certain
nous avons offensé sa pudeur.
La pudeur du Journal d'Ypres, la bonne
plaisanterie, et que ces dróles sont done amu
sants quand ils se prennent au sêrieux
Oui, vraiment, ce bon gros Tartufe parle de
sa pudeur sans rire, et c'est le plus gravement du
monde qu'il somme les pères de familie de nous
consigner k la porte de leur gynécée, dont nos
ordures empoisonnent la chaste atmosphère.
Que le dróle cherche nous écarter des mai-
sons honnètes oü il brüle de régner en rnaitre,
nous le comprenons sans peine. L'Opinion tient
un registre public des désagréments que la justice
libérètre suscite chaque instant a ses pareils.
II n'est presque pas de semaine qu'elle n'enre-
gistre la condamnation de l'un ou l'autre ministre
du culte, et toujours pour des ignominies d'une
nature particulièremeut dégoutante. Le Journal
d'Ypres trouve cela très-désagréable. II demande
qu'on nous mette dehors. C'est tout naturel et
nous aurions tort de lui en vouloir.
Seulement, ce que nous lui pardonnons plus
difficilement, c'est sa maladresse. Comment le
dróle n'a-t-il pas compris qu'en parlant tout haut
de sa pudeur, il apprêtait a rire k ses dépens?
Comment a-t-il pu croire que le public serait
dupe de ses effarouchements pudibonds et de ses
indignations de commande? Quand on a, comme
le Journal d'Ypres, empaumé des centaines d'im-
bêciles dans la souscription papale, il est permis
de supposer beaucoup de la bêtise humaine. Mais
il y a des limites, même a la bêtise de ses abon-
nés, et il aura infiniment plus de peine, nous l'en
prévenons, k les persuader de sa chasteté qu'a
leur carotter des pièces de cent sous pour la dé-
fense de la religion ou le sauvetage des Petits
Chinois.
On lit dans le Précurseur
Des renseignements que nous recevons de diffé
rents cötés, il résulte que l'instituteur de Nimy-Me-
zières ne serait pas le seul a avoir a se plaiudre de la
trop grande déférence de certains inspecteurs laïques
pour les exigences de MM. les curés. On nous cite
plusieurs de ces fonctionnaires, qui, lorsqu'ils arri-
vent dans une Commune, s'empressent de se rendre
d'abord au presbytère. Ce n'est qu'après y avoir en-
tendu formuler des plaintes, parfois y avoir regu des
ordres, qu'ils songent a consulter l'administration
communale sur la marche de l'écöle et sur la manière
dont l'instituteur s'acquitte de sa tóche. Inutile d'ajou-
ter que les inspecteurs, dont il s'agit, tiennent bien
plus de compte des assertions de M. le curè que de
celles d'un bourgmestre ou d'un échevin, dont la plu
part du temps ils ne prennent I'aviS que pour la
forme.
Ce sont la des faits profondémenl regrettables.
Que devient, en presence de cette conduite des agents
du gouvernement, l'indépendauce des instituteurs II
sait d'avance, que s'il ne s'attache pas avant tout a
plaire a l'autorité ecclesiastique, la protection de ('ad
ministration communale ne lui servira de rien auprès
d'un supérieur, provenu par des rapports souvent
meusongers et inspires par l'esprit de parti. Le voila
done oblige a capituler avec sa conscience et a se met-
tre en quelque sorte a la merci du curé, dont le mé-
contentement injuste pourrait lui attirer une foute de
désagréments de la part de ceux qui ontpour mission
de lui épargner une immixtion trop directe du clergé
dans les branches de l'enseignement élrangères a la
religion et a la morale.
Autre sujet de plainte il parait que certains
inspecteurs, loin d'avoir pour les instituteurs de leur
ressort les égards qu'on se doit entre gens bien éle-
vés, se croient dispensés des plus simples formules
de politesse, du moment qu'ils visitent une école.
Aussi il n'est pas rare de voir entrer ces Messieurs
dans les classes le ehapeou sqr la tète et avec des
allures d'autocrate peu compatibles avec la nature de
leurs fonctions. lis s'adressent a l'instituteur d'un ton
rogue, en l'appelant Pierre ou Paul tout court, sans
se donner la peine de dire Monsieur, litre dont ils
jugent probablement indignes ceux que dans les rap
ports officiels on nomme les pionniers de la civilisa
tion. D'autres vont plus loin et ne craignep.t pas de
faire leurs observations, quelquefois fort saugrenues,
a haute voix en presence des élóves, de facon a forcer
l'instituteur a rougir devant ceux ci, et au risque de
lui faire perdre le respect et l'autorité dont il a si
grand besoin.
Nous appelons sur ces points l'atlention de M. le
ministre de ['intérieur. En adinettant que la loi de
1842 ne soit pas si rnauvai.se qu'on 1e dit, encore lau-
drail-il qu'elle fót exueutée de toute autre manière
qu'elle ne Pest dans certaines localilès, pour mériter
la qualification de bonne.
Lb tout payable d'avance.
Vpres, 85 Janvier «««ft.