JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENI YPIVES. Dimanche Sixième année. N° *7. 16 Février 1868. K'ISSX »'liB®SSEMEST POUR LA BELGIQUE S francs par an; fr. 50 par semestre. Pour PEtranger, le port en sus. Un Numéro 25 Centimes. PRIX RES AiIMOICEK ET DES RECLAMES lO Centimes Is petite ligne. Corps du Journal, 30 centimes. Paraissant le dimanche. Laissez dire, laissez-vous blAmer, mais publiez votre pensêe. On s'abonne a Ypres, au bureau du Journal, ches Félix Lambin, imp.-lib., rue de Dixmude, 59. On traite d forfait pour les annonces souvent reproduites. Toules lettres ou envois cFargent doivent étre adressés franco au bureau du journal. Les doctrinaires sont de grands amis de la li- berté, c'est entendu. Ecoutez cependant cette histoire elle date d'hier et vaut la peine d'être méditée. M. Couvreur est député de l'arrondissement de Bruxelles depuis quatre ou cinq ans. Dans toutes les circonstancés oü il a eu émettre un vote de confiance, ce vote a été favorable au ministère libéral. On chercherait en vain une question poli tique, utie seule, sur laquelle il se soit séparé de la majorité. Vient la discussion du projet de loi sur Ia réor- ganisation militaire, Dès le début, le ministère, qui sent le besoin de rallier son projet une partie de la droite, s'empresse de déclarer que la ques tion n'est pas une question de parti et qu'elle doit ètre examinée en dehors de toute préoccupation politique. ProGtant de la liberté qui lui est laissée par cette déclarationM. Couvreur combat le projet et saisitcette occasion pour exprimer le regret que le ministère tarde si longtemps remplir les en gagements de son programme. Ces regrets, les exprime-t-il en termes acerbes, violents, agressifs Nul'ement. Voici, d'après les Annales Parlemen- taires, le passage de son discours traitant de Ia politique ministérielle Je demanderai tout d'abord a la Chambre la per mission de lui faire l'histoire de notre organisation militaire dans ses rapports avec le parti liberal. Lorsque, il y a vingt ans, ce parti montait au pou- voir, porté par la force de ses principes et la faveur populaire, il y arrivait plein de foi dans l'avenir, plein de confiance dans ses forces, dans les ceuvres qu'il allait réaliser. Séparation de l'Eglise et de l'Etat, transformation des impóts, émancipation des classes laborieuses, ré- duction du budget de la guerre a 25 millions, tels étaient ses rêves I Si l'on avait dit alors A ce grand parti qu'un jour viendrait oü ses mains porteraient ce même budget a 87 millions, sans compter les inté réts des sommes absorbées autour d'Anvers, sans compter trois millions de pensions militaires, sans compter tous les accroissements de dépenses qui se produiront encore de ce chef, il eüt protesté de toutes ses forces. II n'y eüt eu qu'un cri d'élonnement sur ces mêmes bancs oü je siége aujourd'hui. Des bouches éloquentes eussent repoussé a l'envi ces fatales pré- dictions. Comment ceux-la qui, a l'heure oü l'Europe ètait déja ébranlée jusque dans ses assises, ceux-la qui alors, vis-é-vis de leurs propres amis devenus ministres, tenaient ce langage Ni impöts nou- veaux, ni emprunls si vous ne nous donnez pas la garantie que les dépenses militaires seront réduites 25 millions, comment ceux-la auraient-ils jamais pu prévoir un budget s'élevant au doublet Et quelle n'eüt pas été leur indignation si l'on avait ajoulé ces predictions que le parti libéral, qui se plaisait a se considérer comme le défenseur des causes démocratiques, comme l'avocat des intéréts popu lates non représentés dans le corps éleetoral, se lais- serait débusquer de cette forte position, qu'il aban- donnerait a d'autres le droit de reclaraer une plus juste proportionnalité dans les impóts, plus d'écono- mie dans les dépenses, une extension prudente mais soutenue de la participation des citoyens dans la ges- tion des affaires publiques 1 Tel est cependant notre lot aujourd'hui. Nous som mes loujours le parti libéral, mais notre programme devient une lettre morte et nous n'avons plus ni ar- deur, ni forces pour en poursuivre la realisation. Nous nous sommes si bien endormis dans la posses sion du pouvoir que nous troubler dans notre jouis- sance est un acte de haute indiscipline. Proposer un abaissement du eens éleetoral, cela s'appelle sortir de la Constitution et preparer notre ruine l'honorable M. Guillery en a fait l'epreuve. Réclamer, avec toutes les Chambres de commerce, le complément de nos réformes douanières et la sup pression de taxes sur les objets de consommation, est un acte de révolte je l'ai appris a mes dépens vou- loir supprimer les lois barbares qui maintiennent la contrainte par corps et l'inégalité des citoyens devant la justice, c'est agir en révolutionnaires, même lors que ces mesures sont proposées par le gouvernement. Et dans eet affaissement de nos principes, dans cette apathie, dans eet engourdissement de nos forces, nous devons nous estimer trop heureux de nous in- cliner devant le décret de messidor an xn comme devant un article de la foi fondamentale et de conser- ver le statu quo pour la loi sur l'enseignement pri maire. Dans ces conditions j'avoue, messieurs, que je me sens pris d'un profond découragement. Je vois un avenir menagant pour les destinées du parti libéral. Aussi, si je n'écoutais que mes convenances, jereste- rais fidéle a la résolution que j'avais prise de ne pas intervenir dans ce débat. II est des circonstancés en politique oü il faut savoir se taire, oü il faut laisser s'achever les fautes, oü le bien doit naltre de l'excès du mal. Si done je prends la parole, c'est uniquement pour que mon silence ne soit pas interprété, par ceux qui partagent mes convictions, comme une abdica tion et un abandon de mes principes, comme un acte de lacheté. Je sais, messieurs, ce qu'on répondra ces re- proches. On fera un tableau briilant des ceuvres réa- lisées et dontje ne méconnais pas i'importance. Pour celles qui sont entravées, on plaidera les circonstancés atténuantes. L'état général de l'Europe, le triomphe de la reac tion pendant 20 ans dans la plupart des Etatsconti- neulaux, tel sera le thème a l'aide duquel on justifiera l'immobilité a laquelle nous nous condamnons. 11 est vrai, la reaction a pesé sur nous pendant ces vingt dernières anuées et elle nous a fait une situa tion difficile. Mais cette situation se modifie autour de nous, la réaction recu'e; l'Autriche se donne des institutions dignes de iigurer a cóté des nótres; en Prusse, le gouvernement s'incline devant les tradi tions constitutionnellesen Angleterre, l'oligarchie appelle la démocratie au partage du pouvoir, enfio, en France même les flots des générations nouvelles battent en brèche les digues élevées contre leur éman cipation partout les principes de liberté se réveil- lent, luttent, reprennent leurs droits. S'il est prudent de carguer les voiles pendant la tempête, il faut les déplier au premier vent favorable, sous peine d'être balayé au souffle des idéés nouvelles. Que le ministère eut le droit de répondre M. Couvreur et de démontrer l'inanité de ses griefs, c'est ce que nous n'avons garde de con- tester. Mais est-ce ainsi qu'il agit Non pas. A peine le discours de M. Couvreur est-il terminé, que XÉcho du Parlement déclare que ce discours est le testament politique de l'auteur et signiGe a VAssociation libérale d'avoir combattre, aux élections du mois de juin prochain, la candidature de l'audacieux qui a osé dire, la face du gou vernement, que tout n'était pas précisément par fait dans sa politique. Voilé le fait a méditer. II donne la juste mesure de l'esprit de tolérance qui anime le ministère. II ne suffit pasè ces prétendus libéraux qu'un repré sentant leur donne son concours pour les mainte- nir au pouvoir, il faut mieux que du dévouement il faut l'obéissance passive, muette, la discipline. Sinon, il n'y a plus de place pour lui dans le Par lement et les électeurs sont mis en demeure de l'en expulser. Nous ne savons pas quel sort l'Association libé rale de Bruxelles réserve M. Couvreur mais ce dont nous sommes assurés, c'est que s'il était ar rivé a M. deFlorisonne de prononcer ce discours- lè, les frères et amis n'hésiteraient pas un instant le sacriGer l'impérieuse volonté de M. Frère. On lit dans le Peuple beige M. Couvreur a fait acte de courage et de véritable patriotisme en venant la Chambre dire netlement" au cabinet doctrinaire ce qu'il pense de sa politique. Ce qu'a dit l'honorable député de Bruxelles, nous le répétons sans cesse et avec nous la partie Ia plus virile, la plus indépendante du iibéralisme beige. Si le parti libéral est profondément divisé, qui la faute, si ce n'est ceux qui, depuis vingt ans qu'ils occupent le pouvoir, sacrifient tous les principes leur ambition, a leurs convenances personnelles? Aux clameurs poussées du banc ministériel pen dant le discours de M. Couvreur, a celles qui depuis se répercutent avec violence parmi tous les organes officieux, on voit combien il a touché juste, combien est frappante de vérité, l'image qu'il a tracée de la politique énervante dont nous subissons les effets. T Le tout payable d'avance. Vpres, is Février «s®8.

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L’Opinion (1863-1873) | 1868 | | pagina 1